CONGRÈS RÉUNION ESC 2010 28 août-1er septembre Stockholm Étude SHIFT M. Komajda (institut du Cœur, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) Contexte Les études épidémiologiques suggèrent que l’élévation de la fréquence cardiaque est un facteur de mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque. L’étude SHIFT a testé l’hypo­thèse selon laquelle l’addition d’un agent purement bradycardisant, l’ivabradine, à un traitement médical optimisé améliorerait la morbi-mortalité chez des patients atteints d’une insuffisance cardiaque avec réduction de la fraction d’éjection (≤ 35 %), ayant un rythme sinusal, une fréquence cardiaque supérieure ou égale à 70 battements par minute et en classe II à IV de la NYHA. Essai clinique Dans cet essai, 6 500 patients ont pu être étudiés sur une durée médiane de suivi de 23 mois. Le critère principal était un critère composite constitué de mortalité cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Quatre-vingt-dix pour cent des patients recevaient un inhibiteur de l’enzyme de conversion et/ou un antagoniste de récepteur de l’angiotensine et 90 % d’entre eux étaient sous bêtabloquant. Cinquante-six pour cent des patients sous bêtabloquant recevaient au moins 50 % de la dose maximale recommandée et 26 %, une dose cible. Les patients ont reçu 5 mg 2 fois par jour d’ivabradine, puis ce traitement a été augmenté à 7,5 mg 2 fois par jour ou diminué à 2,5 mg 2 fois par jour, en fonction de la tolérance et de la fréquence cardiaque. Environ 70 % des patients étaient traités à la dose maximale recommandée. L’ivabradine a entraîné une réduction très significative de 18 % du critère composite. Cette réduction a été principalement liée à une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (– 26 %), tandis que la mortalité cardiovasculaire était réduite non significativement de 9 %. Les décès liés à l’insuffisance cardiaque ont également été réduits de façon très importante (– 26 %). Les hospitalisations pour toutes causes confondues ont été réduites de 11 % et celles pour motif cardiovasculaire, de 15 %, cette réduction étant significative. L’analyse en sous-groupe a montré que l’effet bénéfique de l’ivabradine a été observé dans tous les sousgroupes et notamment dans le sous-groupe prenant ou ne prenant pas de bêtabloquant. La seule différence significative dans l’amplitude de l’effet bénéfique a été observée dans le sous-groupe en fonction de la fréquence 8 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 438 - octobre 2010 cardiaque selon la médiane (77 battements par minute), l’effet de l’ivabradine étant significativement plus prononcé chez les patients à haute fréquence cardiaque. Dans le sous-groupe prenant au moins 50 % de la dose maximale de bêtabloquant recommandé, l’effet de l’ivabradine a été similaire à celui observé dans la population générale, mais d’amplitude moindre. La réduction du critère composite a été de 10 % (NS). Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont été, dans ce sous-groupe, réduites significativement de 19 %. Il y a eu une amélioration du confort de vie évalué par l’amélioration de la classe fonctionnelle NYHA à la dernière visite, l’évaluation de l’état global du patient faite par le patient lui-même ou par l’investigateur. Globalement, l’addition d’ivabradine a bien été tolérée et il y a eu significativement moins d’effets secondaires importants dans le groupe ivabradine que dans le groupe placebo. Il y a eu néanmoins davantage d’épisodes bradycardiques, symptomatiques ou non symptomatiques, et de troubles visuels dans le groupe ivabradine. Toutefois, les effets secondaires obligeant à une interruption permanente de l’essai ont été peu nombreux et le nombre d’interruptions pour bradycardie symptomatique ou asymptomatique a été modéré (1 % pour chacun de ces effets secondaires). Interprétation Cette étude de morbi-mortalité de grande ampleur démontre que l’ajout d’un agent purement bradycardisant chez des insuffisants cardiaques à fraction d’éjection réduite et fréquence cardiaque supérieure ou égale à 70 battements par minute a un effet bénéfique, notamment sur les événements liés directement à l’insuffisance cardiaque. La réduction absolue de risque est de 4,2 %. La réduction des décès liés à l’insuffisance cardiaque ou des hospitalisations pour insuffisance cardiaque est de 26 %. Le nombre de patients nécessaires à traiter pendant un an pour prévenir la survenue d’un événement primaire est de 26 et pour prévenir une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, de 27. La conséquence logique de l’étude SHIFT devrait être de proposer d’utiliser l’ivabradine en ajout au traitement recommandé dans le sous-groupe d’insuffisants cardiaques à fraction d’éjection abaissée et ayant une fréquence cardiaque élevée en dépit d’un traitement bêtabloquant pour améliorer la morbi-mortalité. ■