L Nouveaux hypolipidémiants MISE AU POINT New lipid lowering drugs

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MISE AU POINT
Nouveaux hypolipidémiants
New lipid lowering drugs
B. Hansel1, 3, P. Giral2, 3
L
a réduction du taux de LDL-cholestérol (LDL-c)
diminue le risque de maladies cardiovasculaires (CV) d’environ 25 à 30 %. Les statines
sont les médicaments hypocholestérolémiants les
plus puissants et, parmi les molécules qui agissent
sur le métabolisme des lipoprotéines, elles sont
les seules dont l’efficacité pour réduire les événements cliniques CV est formellement démontrée.
Malgré l’utilisation généralisée des statines, 40 %
des patients à haut risque CV ont un LDL-c au-delà
de l’objectif, souvent en raison d’une réponse
individuelle insuffisante et/ou d’une intolérance
médicamenteuse. Plusieurs molécules alternatives
ou complémentaires aux statines sont en développement pour faire face à ce problème. Il s’agit des
inhibiteurs de PCSK9, des olinucléotides antisens
de l’apoprotéine B (apoB), des inhibiteurs de la
MTP (Microsomal Triglyceride Transfer Protein) et
des thyromimétiques dont les essais viennent d’être
interrompus. D’autres médicaments, en plus de leur
effet hypocholestérolémiant, agissent favorablement sur les taux de HDL-cholestérol (HDL-c), ce
qui pourrait, par un mécanisme complémentaire
de la baisse du LDL-c, réduire le risque CV résiduel.
Nous passerons en revue chacune de ces classes
médicamenteuses dont la mise sur le marché, si les
résultats des études en cours confirment leur intérêt,
pourrait survenir au cours des prochaines années.
dites “perte de fonction”, sont associées à une hypocholestérolémie et à une protection CV. Différentes
méthodes ont donc été testées pour inhiber l’action
de PCSK9. Les stratégies encore en évaluation sont
fondées soit sur l’injection d’anticorps anti-PCSK9
qui bloquent l’interaction de cette protéine avec le
LDL-R, soit sur l’injection d’ARN interférant (ARNi)
qui réduit l’expression de PCSK9 en favorisant la
dégradation de son ARN messager.
Plusieurs molécules sont actuellement à l’essai,
avec des résultats concordants d’études de phase I
(1, 2) et de phase II (3-9). La baisse du LDL-c est
dose-dépendante, de l’ordre de 50 %, significative
après une seule injection, et encore plus marquée
quand plusieurs injections (au rythme d’une par
semaine) sont réalisées. Les essais de phase II
récemment publiés montrent aussi que ces effets
sont présents chez des sujets ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote, traités (7) ou
1 Service d’endocrinologie-métabolisme, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris.
2 Service d’endocrinologie-métabolisme, hôpital La Pitié-Salpêtrière,
Paris.
3 Institut de cardiométabolisme et
nutrition, Paris.
ARN antisens
Apo-B
Expression
protéique
Apo-B
non exprimée
ARNm
Inhibiteurs de PCSK9
PCSK9 est une protéase sécrétée au niveau hépatique qui favorise la dégradation du récepteur au
LDL (LDL-R). Des mutations “gain de fonction” ont
été mises en évidence dans des familles atteintes
d’hypercholestérolémie familiale, alors que d’autres,
ADN
Figure 1. Principe de l’action d’un ARN antisens.
La Lettre du Cardiologue • n° 464-465 - avril-mai 2013 | 19 Points forts
Mots-clés
Inhibiteurs de PCSK9
Inhibiteurs de la CETP
Mipomersen
Hypolipidémiants
Highlights
»» Statins are the only class
of lipid-lowering drugs which
have shown their ability to
reduce cardiovascular events in
secondary as well as in primary
cardiovascular prevention.
»» For hypercholesterolemic
patients resistant and/or
intolerant to statin therapy,
the development of PCSK9
inhibitors and Mipomersen
(antisense RNA) offer new
hopes. However the benefitrisk balance of these new treatments is still largely unknown.
»» In the family of CETP inhibitors, the first results obtained
with the two molecules under
development still have a
reasonable chance of success.
Data of morbi-mortality studies
should be available in 2016.
»» The benefit-risk ratio of
thiromimetics and MTP inhibitors clearly appears to be unfavorable. However lomitapide
(the only MTP inhibitor under
development) might be helpful
to treat the most difficult cases
of hypercholesterolemia.
Keywords
PCSK9 inhibitors
CETP inhibitors
Mipomersen
Lipids lowering drugs
»» Les statines sont la seule classe médicamenteuse hypolipémiante dont l’efficacité pour prévenir les
maladies cardiovasculaires est démontrée aussi bien en prévention primaire que secondaire.
»» Pour les patients hypercholestérolémiques résistants et/ou intolérants aux statines, les espoirs se
tournent désormais vers les inhibiteurs de PCSK9 et le mipomersen (ARN antisens). Toutefois, le rapport
bénéfice/risque de ces nouveaux traitements n’est pas connu.
»» Dans la famille des inhibiteurs de la CETP, les premiers résultats obtenus avec les 2 molécules encore
en développement, l’anacétrapib et l’évacétrapib, sont encourageants. Les données de morbimortalité
devraient être disponibles à partir de 2016.
»» Les thyromimétiques et les inhibiteurs de la MTP présentent un rapport bénéfice/risque défavorable. Le
lomitapide (dernier inhibiteur de la MTP en développement) pourrait avoir une place dans les situations
les plus difficiles d’hypercholestérolémie.
non par une statine (7, 9), éventuellement associée
à l’ézétimibe (8). Ces molécules sont efficaces et
bien supportées à court terme chez des sujets intolérants aux statines (5). Il n’y a pas d’effet indésirable majeur décrit mais cela reste à confirmer
par des études à plus grande échelle. Un essai pour
confirmer l’intérêt clinique de cette classe moléculaire (et particulièrement de l’AMG145) pour réduire
les événements CV et évaluer son rapport bénéfice/
risque est en cours (10).
Inhibiteurs de la MTP
La MTP (Microsomal Transfer Protein) participe, au
niveau du foie, à l’assemblage des VLDL et, au niveau
de l’intestin, à celui des chylomicrons. Son inhibition
réduit donc la production de ces 2 lipoprotéines
(figure 1, p. 19). Les LDL étant le résultat de l’hydrolyse des VLDL, leur taux est également diminué,
ce qui se traduit par une réduction mesurable du
LDL-c. L’hypocholestérolémie sévère (abêtalipoprotéinémie) est parfois secondaire à un déficit en MTP
et se traduit par un risque CV faible, mais également
par une malabsorption (par un manque de synthèse
des chylomicrons) et par une stéatose hépatique
(accumulation de triglycérides qui ne peuvent pas
être intégrés aux VLDL). Ces observations laissent
donc entrevoir le bénéfice hypocholestérolémiant
de molécules inhibitrices de la MTP, mais également
les effets indésirables potentiels de ces molécules.
Plusieurs inhibiteurs de la MTP ont été testés mais
c’est essentiellement le lomitapide, évalué récemment dans un essai de phase III, qui semble le plus
intéressant (11). Dans cette étude incluant des
patients atteints d’hypercholestérolémie familiale
homozygote, en association au traitement hypolipémiant maximal toléré, le lomitapide a réduit le
LDL-c d’environ 40 % à long terme (78 semaines de
traitement). Des effets indésirables digestifs (80 %
des sujets) et une élévation marquée des transaminases (30 % des sujets) sont relativement fréquents,
mais ces effets sont résolutifs avec la réduction de
la dose du médicament. Bien qu’efficaces, les inhibiteurs de la MTP, s’ils sont commercialisés, seront
donc probablement réservés aux formes les plus
sévères d’hypercholestérolémie, en particulier chez
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les patients homozygotes pour une mutation du
LDL-R chez lesquels les inhibiteurs de PCSK9 ont
une efficacité moindre et variable.
ARN antisens de
l’apoprotéine B : le mipomersen
Les oligonucléotides antisens sont de courts fragments d’ARN qui se fixent à un ARN messager cible,
inhibant ainsi l’expression du gène correspondant
(figure 2). Pour être efficace sans être dangereux,
un ARN antisens doit être hautement spécifique, afin
qu’il dégrade uniquement l’ARN messager d’intérêt. Le
mipomersen est un ARN antisens spécifique de l’ARN
de l’apoprotéine B (apoB) dont il favorise la dégradation avant son expression. Il en découle une réduction
de l’expression protéique de l’apoB48 nécessaire à la
formation des chylomicrons au niveau intestinal et de
l’apoB100, indispensable à la fabrication des VLDL,
synthétisées dans le foie, et dont le métabolisme
aboutit aux IDL puis aux LDL. Le résultat de l’inhibition de l’ARNm de l’apoB est donc une réduction des
taux plasmatiques de LDL-c. Une étude de phase III
réalisée chez des patients hypercholestérolémiques
sévères (12) a montré, à la dose de 200 mg/semaine
pendant 26 semaines (injection en sous-cutané), une
réduction du LDL-c de l’ordre de 28 % par rapport au
placebo. Cet effet est alors obtenu chez des sujets déjà
traités par la dose maximale tolérée de médicaments
hypolipémiants. La molécule a montré une efficacité
encore supérieure (baisse de 46 % du LDL-c) après
2 injections, chez des patients hypercholestérolémiques déjà traités (13). Chez des patients intolérants
aux statines à haut risque CV, une baisse de 46 % du
LDL-c a aussi été obtenue (14). Un effet semblable
a été mis en évidence en monothérapie chez des
volontaires ayant une hypercholestérolémie légère
à modérée (15). En parallèle de la baisse du LDL-c,
le mipomersen réduit l’apoB, la Lp(a) et augmente
le HDL-c (12). Les effets indésirables à court terme
sont dominés par des réactions au niveau du point
d’injection qui surviennent dans la quasi-totalité des
cas. Au cours des essais cliniques, 40 % des sujets
sous mipomersen ont dû interrompre le traitement ;
la réaction au point d’injection en était l’origine dans
2/3 des cas. Les autres effets indésirables sont un
MISE AU POINT
syndrome pseudogrippal (de 30 à 50 % des sujets)
et une élévation des transaminases qui reflète une
stéatose. La fonction hépatique n’a toutefois pas été
perturbée au cours des essais cliniques. Cet effet stéatogène pourrait limiter l’utilisation du mipomersen
chez des patients hypertriglycéridémiques et/ou insulinorésistants. Concernant son effet sur l’athérosclérose, seules des données animales, encourageantes,
sont disponibles pour le moment (16). S’il est mis sur
le marché, l’indication du mipomersen devrait donc
rester limitée à des situations difficiles, compte tenu
de ses effets hépatiques.
Inhibiteurs de la CETP
Les inhibiteurs de la Cholesteryl Ester Transfer Protein
(CETP) sont des molécules qui inhibent le transfert
de lipides entre les HDL et les particules riches en
apoB (VLDL et LDL notamment). Il en découle une
augmentation du HDL-c mais également une réduction du LDL-c. À ce jour, 4 médicaments de cette
classe ont été testés chez l’homme. Le torcétrapib,
malgré son puissant effet sur le HDL-c (+ 70 %) et
la réduction de 25 % du LDL-c, augmente le risque
CV, probablement par son effet sur la sécrétion de
l’aldostérone et sur la pression artérielle. Le développement du dalcétrapib a été récemment arrêté en
raison de son inefficacité lors d’un essai en phase III
chez des patients venant de faire un syndrome coronarien aigu, malgré une augmentation d’environ 30 %
du HDL-c et un effet neutre sur le LDL-c (étude dialOUTCOMES) [17]. Les espoirs se tournent désormais
vers l’anacétrapib et l’évacétrapib (18). Le premier est
la molécule la plus efficace pour augmenter le HDL-c
(environ + 100 %) mais également pour réduire le
LDL-c (de l’ordre de 40 %). L’étude randomisée
DEFINE (18) a été réalisée chez 1 623 sujets à haut
risque CV qui avaient, sous statine, un LDL-c < 1 g/l
et un HDL-c < 0,60 g/l. Chez ces volontaires, l’administration de 100 mg/j d’anacétrapib a augmenté le
HDL-c de 138 % et réduit le LDL-c de 40 %. Cet effet
était soutenu à 76 semaines. L’évacétrapib, selon les
MTP
X
MTP
X
apoB48
apo100
Inibiteur
MTP
Inibiteur
MTP
VLDL
Figure 2. Principe de l’action d’un inhibiteur de la MTP.
résultats d’essais de phase II, est également prometteur en ce qui concerne son effet sur les lipides plasmatiques, montrant à la fois une hausse du HDL-c et
une baisse du LDL-c. Des études de phase III portant
sur les événements cliniques viennent de débuter
avec l’anacétrapib (étude REVEAL) et l’évacétrapib
(étude ACCELERATE). Les résultats sont attendus
respectivement en 2017 et 2016.
Thyromimétiques
L’association entre l’hyperthyroïdie et la baisse du
LDL-c est connue depuis les années 1930. Plusieurs
études ont par la suite examiné l’effet des hormones
thyroïdiennes sur le métabolisme des lipoprotéines.
L’utilisation de ces hormones est limitée par l’hyperthyroïdie qu’elles entraînent. La découverte de récepteurs aux hormones thyroïdiennes différents au niveau
des différents organes (les TRβ1 étant essentiellement
exprimés au niveau du foie) a entraîné un regain d’intérêt pour les thyromimétiques, et plusieurs molécules
spécifiques des récepteurs TRβ1 ont été récemment
testées. Chez l’humain, les quelques études réalisées montrent une réduction de l’ordre de 30 % du
LDL-c. L’éprotirome, qui semblait être la molécule la
mieux tolérée, a fait l’objet d’un programme d’étude
de phase III, interrompu en 2012 en raison d’effets
indésirables sur le cartilage. ■
Références bibliographiques
1. Dias CS, Shaywitz AJ, Wasserman SM et al. Effects of AMG
145 on low-density lipoprotein cholesterol levels: results
from 2 randomized, double-blind, placebo-controlled,
ascending-dose phase 1 studies in healthy volunteers and
hypercholesterolemic subjects on statins. J Am Coll Cardiol
2012;60(19):1888-98.
2. Stein EA, Mellis S, Yancopoulos GD et al. Effect of a
monoclonal antibody to PCSK9 on LDL cholesterol. N Engl
J Med 2012;366(12):1108-18.
3. Giugliano RP, Desai NR, Kohli P et al. Efficacy, safety,
and tolerability of a monoclonal antibody to proprotein
convertase subtilisin/kexin type 9 in combination with a
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phase 2 study. Lancet 2012;380(9858):2007-17.
4. Koren MJ, Scott R, Kim JB et al. Efficacy, safety, and
tolerability of a monoclonal antibody to proprotein convertase subtilisin/kexin type 9 as monotherapy in patients
with hypercholesterolaemia (MENDEL): a randomised,
double-blind, placebo-controlled, phase 2 study. Lancet
2012;380(9858):1995-2006.
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