e fluor est mort
1
... Vive les anaboliques osseux !
Ces médicaments ont pour mécanisme d’action
principal une stimulation de la prolifération ou
de l’activité des ostéoblastes, avec pour résultat
une augmentation de l’ostéoformation et de la
masse osseuse.
Le fluor, médicament-vedette du trai-
tement de l’ostéoporose en
France dans les années 80, rem-
plit ce cahier des charges, mais...
le problème est venu de l’absence de
démonstration irréfutable du risque de récidive de tassement
vertébral et d’un doute insistant sur les fractures périphé-
riques, notamment du col fémoral, peut-être favorisées par
ce médicament. On pourra toujours penser que le dévelop-
pement du fluor a été “raté”, pour plusieurs raisons. Les
études visant à démontrer l’efficacité antifracturaire ont été
conçues sur les modèles méthodologiques de l’époque, loin
des canons actuels de FIT, MORE et autres STRATOS... De
plus, les données récentes du groupe de Ringe laissent pen-
ser que des doses plus faibles et une administration inter-
mittente auraient une efficacité équivalente, voire supérieure,
sans risque toxique. Las... il ne viendrait à aucun directeur
“recherche et développement” sérieux de proposer au PDG
de son laboratoire une grande étude fluor, avec plusieurs
milliers de patients, pour quelques millions de dollars d’in-
vestissement et un retour plus qu’hasardeux. Le fluor a donc
son avenir derrière lui, et il nous faut nous tourner résolu-
ment vers de nouveaux agents anaboliques.
Pourquoi cette nécessité de sti-
muler l’ostéoformation, alors
même que des agents antiostéo-
clastiques de différentes classes
pharmacologiques ont maintenant démontré une efficacité
satisfaisante avec un profil de tolérance plus qu’honnête ?
L’accumulation des données provenant d’études épidémio-
logiques, d’études d’intervention randomisées et de méta-
analyses suggère fortement que l’efficacité antifracturaire
que l’on peut espérer avec ces agents “plafonne” autour de
50 %, avec quelques disparités concernant les sites de frac-
ture. Ce chiffre est incontestablement un progrès, mais reste
insuffisant. Compte tenu du mécanisme d’action des anti-
ostéoclastiques, il est peu probable que l’utilisation de médi-
caments plus puissants permette de “crever ce plafond”.
Il est par contre tentant d’imaginer que cet objectif pour-
rait être réalisé avec des agents anaboliques ou des associa-
tions ou combinaisons séquentielles de médicaments ostéo-
formateurs et antirésorbants.
Des études sont déjà assez
avancées avec le frag-
ment 1-34 de la para-
thormone humaine et avec le
ranélate de strontium. Des données récentes laissent entre-
voir un avenir aussi inattendu que prometteur pour les sta-
tines ! Des hormones ou facteurs de croissance stimulant
les ostéoblastes sont également candidats pour une place au
soleil dans le traitement de l’ostéoporose, probablement à
un horizon plus lointain : hormones de croissance, insulin-
like growth factor, leptine...
Les données avec la PTH1-34 sont préliminaires, non encore
publiées, mais intéressantes. Administrée sous forme d’in-
jections quotidiennes à faible dose, elle augmente la densité
minérale osseuse lombaire et fémorale, l’épaisseur des dia-
physes et le taux des marqueurs de l’ostéoformation. Une
étude de prévention des récidives fracturaires vient d’être
rapportée au congrès de la Société américaine d’endocrino-
logie : une diminution de plus de 50 % des récidives de tas-
sement vertébral est constatée chez les patientes ostéoporo-
tiques traitées par PTH par rapport au groupe placebo. Il
La Lettre du Rhumatologue - n° 265 - octobre 2000
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ÉDITORIAL
Quel avenir pour les agents
anaboliques osseux ?
!
P. Orcel*
*Fédération de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Paris.
L
(1) Note : plus exactement “moribond”, du fait de sa présence sur la liste des quelques
centaines de médicaments visés par un “déremboursement” prochain.
Le fluor,
médicament du passé...
Anaboliques :
pourquoi ?
Quelles sont ces molécules
tant attendues ?
La Lettre du Rhumatologue - n° 265 - octobre 2000
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reste à préciser le profil d’efficacité complet de la PTH, sa
tolérance et la compliance à long terme d’un traitement
injectable, faute de pouvoir pour l’instant utiliser d’autres
voies d’administration. D’autres analogues de la parathor-
mone et de son peptide apparenté (PTH-rP) sont en déve-
loppement.
Le ranélate de strontium est un ion qui, comme le fluor, s’in-
corpore au cristal osseux au sein de la matrice protéique.
Son action osseuse est très originale et séduisante : stimu-
lation de l’ostéoformation, mais aussi inhibition de la résorp-
tion ostéoclastique. Le résultat de ce “découplage” est un
bénéfice net de masse osseuse, observé aussi bien dans
les études expérimentales animales que dans les études
cliniques de phases 2 et 3. Les résultats de la grande étude
clinique multicentrique évaluant l’efficacité antifracturaire,
STRATOS, sont attendus avec impatience pour 2001.
Très inattendue fut l’émer-
gence des statines comme
candidats potentiels au traite-
ment de l’ostéoporose. Issu direc-
tement de la recherche fondamentale, ce concept commence
à trouver un prolongement clinique. Trois études de cohortes
publiées fin juin dans le JAMA et le Lancet suggèrent que
l’utilisation de statines comme traitement hypocholestérolé-
miant serait associée à une diminution du risque de fracture
ostéoporotique d’environ 50 % chez les sujets de plus de 50
à 60 ans et de 60 % du risque de fracture du col fémoral chez
ceux de plus de 65 ans. Ces études rétrospectives de cohorte
comportent des biais méthodologiques qui doivent faire inter-
préter ces résultats prometteurs avec prudence, mais invitent
à évaluer de plus près le potentiel thérapeutique de cette
classe d’hypolipémiants. Bien sûr, le chemin est encore long
avant que l’idée de traiter en même temps hypercholestéro-
lémie et ostéoporose devienne une réalité !
L’avenir des hormones et facteurs de croissance stimulant
les ostéoblastes paraît plus lointain et, par certains aspects,
plus hasardeux. Ces substances ont généralement des actions
ubiquitaires, et l’on peut craindre de ce manque de spécifi-
cité l’émergence d’effets secondaires limitant, voire empê-
chant leur utilisation, à moins de trouver un moyen de cibler
leur action sur les ostéoblastes uniquement. Depuis quelques
mois, on a beaucoup parlé de la leptine, cette hormone adi-
pocytaire qui assure la régulation hypothalamique de la sen-
sation d’appétit. Bien que les données sur ses actions
osseuses soient controversées (voire contradictoires), elle
stimule la différenciation ostéoblastique de cellules souches
stromales et pourrait, de ce fait, avoir une action bénéfique
sur la régulation de la masse osseuse. Là encore, une pers-
pective fascinante d’agir à la fois sur le tissu adipeux et le
tissu osseux.
La recherche de nouvelles
voies thérapeutiques pour
l’ostéoporose emprunte main-
tenant largement les chemins
ouverts par de nouvelles molécules stimulant l’ostéoformation
par des mécanismes cellulaires et moléculaires divers. C’est de
cette diversité que l’on peut espérer à terme une meilleure effi-
cacité des traitements antiostéoporotiques. "
ÉDITORIAL
Dyslipidémie
et ostéoporose :
même combat ?
Conclusion
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