Opérations de carve-out dans un contexte

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Opérations de carve-out dans un contexte
international : quelques éléments clés pour une
bonne préparation
Par Alain Sauty de Chalon, Associé, et Anne-Laure
Laroussinie, Collaboratrice, au cabinet
Baker & McKenzie à Paris
Publié le 21 septembre 2015 dans Option Finance
Alain Sauty de Chalon
Associé
Baker & McKenzie SCP
Anne-Laure Laroussinie
Collaboratrice
Baker & McKenzie SCP
De nombreuses raisons peuvent conduire une entreprise à envisager
une opération de carve-out, notamment le besoin de se recentrer sur ses
activités essentielles (qui se traduit alors par une cession d'activités
périphériques), une réponse aux pressions exercées par des
actionnaires activistes cherchant un rendement plus élevé sur leur
investissement, ou la volonté de coter séparément une activité au profil
financier spécifique (auquel cas une scission par cotation ou
distribution de branches d'activités peut être envisagée).
Les carve-out, quelle que soit leur forme deviennent de plus en plus courants
dans les opérations de fusion-acquisition. Des études récentes suggèrent que
les carve-out devraient se multiplier au cours des années à venir à mesure
que les groupes de sociétés continuent de s'adapter aux suites de la crise
financière, à la baisse des prix du pétrole, à la faiblesse de la croissance et à
une augmentation du coût du capital. Cela est d'autant plus probable que les
chiffres suggèrent que les performances financières des entreprises ayant fait
l'objet d'un carve-out sont nettement meilleures que celles de leurs
concurrents (voir par exemple le Bloomberg Spin-Off Index).
Une préparation d'un carve-out en amont de l'opération permet à un vendeur
de maximiser la valeur de sa cession en évitant des pertes de valeur,
d'adapter les tactiques de négociation en fonction des informations réunies,
d'anticiper les risques de mise en œuvre de l'opération, d'améliorer la
certitude de réalisation de l'opération, y compris en ce qui concerne le prix, et
enfin de développer la confiance des acheteurs potentiels et donc d'écourter
le calendrier de l'opération.
Cet article examinera certains aspects juridiques à étudier en amont de ces
opérations lorsqu'elles sont réalisées dans un contexte international, pour
réussir leur mise en œuvre et éviter toute surprise susceptible d'impacter les
conditions ou les délais de leur réalisation.
Un premier travail à effectuer est d'identifier l'activité à détourer dans chacun
des pays concernés. Elle peut en effet être opérée de façon autonome ou au
sein d'une entité exploitant d'autres activités. A cet égard, l'acheteur exigera
probablement des comptes et un business plan «pro forma» de l'activité, dont
la préparation peut nécessiter du temps et des ressources importantes. Il faut
ensuite déterminer les modalités juridiques et les impacts fiscaux et sociaux
du carve-out à réaliser. De nombreuses juridictions exigent la préparation de
contrats locaux pour une cession d'actif ou d'actions, indiquant d'une manière
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plus ou moins détaillée les éléments d'actif et de passif devant être transférés.
Il peut également y avoir des obligations de ventiler le prix d'achat entre les
éléments d'actif et de passif locaux.
Une fois le périmètre de l'activité bien identifié, il convient de déterminer si
des éléments d'actif ou de passif pertinents sont partagés avec d'autres
branches du vendeur et, dans ce cas, comment ils seront divisés ainsi que le
mode de communication utilisé avec les contractants (clients ou fournisseurs).
La revue préalable pourra également faire apparaître que la majorité des
activités d'une entité donnée concernent l'activité à détourer. En pareil cas, le
vendeur pourra souhaiter réaliser un détourage inversé, en extrayant les
actifs, passifs et salariés compris dans l'activité qu'il souhaite conserver.
Le but des travaux préalables au détourage est pour le vendeur d'identifier les
options pour extraire la cible des actifs qu'il conserve et la présenter d'une
manière claire pour les acheteurs potentiels. La structure du détourage dans
chaque pays variera selon les renseignements obtenus et pourra comprendre
des cessions d'activité, des cessions d'actifs isolés, des ventes d'actions ou
des transferts de salariés. Le choix d'une solution doit prendre en compte les
contraintes juridiques, fiscales et sociales de chaque option.
1. Considérations fiscales
Le vendeur doit examiner l'impact fiscal du détourage dans chaque pays afin
d'arrêter la structure optimale fiscalement et alignée sur ses motivations
commerciales et juridiques essentielles.
Le vendeur doit notamment prendre soin de structurer un détourage de façon
à minimiser les impôts dus à l'occasion de la transaction (par exemple TVA et
droit de timbre) et, selon le profil fiscal de la cible, à protéger autant que
possible tout actif ou avantage fiscal qu'elle détiendrait.
Le vendeur devra également envisager si des considérations fiscales sont
susceptibles d'affecter le calendrier de l'opération, notamment s'il est
nécessaire d'obtenir des rescrits.
2. Création de nouvelles entités
S'il est nécessaire de créer de nouvelles entités, le vendeur doit anticiper les
difficultés et les délais de constitution. Ces délais sont en effet extrêmement
variables selon les pays et peuvent atteindre plus d'un mois, voire plusieurs
mois, si des agréments spécifiques sont nécessaires. Le vendeur peut
également demander à son acquéreur de créer les entités requises. Un
vendeur pourra enfin être plus disposé à accepter la proposition d'un acheteur
capable de justifier de sa capacité à intégrer la cible dans ses structures
préexistantes.
3. Informatique
Les questions d' IT sont souvent structurantes dans le cadre des opérations
de carve-out et sont souvent la cause de retards. Au plan juridique, les
licences de logiciels sont accordées à une entité ou un groupe en particulier
et ne peuvent être partagées avec des tiers sans le consentement du
concédant, lequel peut souvent être obtenu mais à des conditions financières
qui peuvent avoir un impact sur la transaction.
Il peut également y avoir des questions IT complexes à résoudre. Par
exemple, si certains salariés de la cible ne peuvent pas être transférés à
l'acheteur lors du closing, le vendeur devra envisager dans quelle mesure ils
pourront conserver un accès au réseau informatique du vendeur et dans
quelles conditions.
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4. Questions sociales
4.1. Transfert de salariés
Dans un carve-out, il sera souvent nécessaire de transférer des salariés. Il y a
généralement deux manières principales de transférer des salariés :
- un transfert de plein droit. Dans I' UE, si la cible est une activité autonome
qui conserve son identité après le transfert, les salariés seront probablement
transférés en vertu de la réglementation locale mettant en œuvre la directive
sur les droits acquis (2001/23/CE) qui aura vocation a s'appliquer. Hors UE,
un certain nombre de pays dispose d'une réglementation permettant aux
employeurs de reprendre les contrats de travail de plein droit, par exemple
par voie de succession ou de substitution d'employeur. Au Brésil par exemple,
la substitution d'employeur permet de transférer des salariés en cas de
transfert d'une entité autonome ;
- un transfert conventionnel qui se fait par voie de démission ou de
licenciement par l'employeur suivi d'une nouvelle offre d' emploi, ou par voie
d'un accord tripartite entre le salarié, l'ancien et le nouvel employeurs.
L'identification des salariés devant être transférés peut être aisée. Toutefois,
si la cible est fortement intégrée au sein du vendeur, elle peut soulever des
difficultés. Il pourra également être nécessaire de revoir leurs tâches. Le
vendeur devra également vérifier si certains des salariés relevant du
détourage ont besoin de visas ou de permis de travail.
4.2. Consultation
Le vendeur devra identifier les syndicats, comités d'entreprise (locaux ou
européen) ou autres organes représentatifs du personnel qu'il est nécessaire
de consulter. Le temps nécessaire aux consultations variera largement selon
les pays et pourra dépendre en partie de l'impact sur les salariés et des
relations existantes avec ces organes. Certains pays, tels que la France et les
Pays-Bas, exigent des renseignements particulièrement détaillés. Les
représentants des salaries souhaiteront connaître les projets de l'acheteur et
l'information à communiquer sur ce plan devra avoir été recueillie auprès de
l'acheteur en amont.
4.3. Avantages et rémunérations
Le vendeur peut parfois imposer à l'acheteur, pour ce qui concerne les
salariés hors UE, d'accorder aux salariés transférés au moins les mêmes
avantages (par exemple en matière de retraite) que ceux accordés par le
vendeur et, dans ce cas, pendant une durée déterminée.
En pratique, de telles garanties de l'acheteur quant aux conditions de travail
pourront être essentielles pour (i) faciliter la consultation des institutions
représentant le personnel, (ii) obtenir l'accord des salariés au transfert dans
les cas où leur transfert est conventionnel et, dans certains cas, (iii) éviter le
versement d'indemnités de licenciement.
Il est enfin recommandé d'identifier rapidement si, selon le droit local, les
charges et passifs attachés aux salariés transférés seront repris par l'acheteur
et s'ils pourront venir en déduction du prix d'achat.
5. Licences et permis
II convient d'identifier les licences et permis utilisés par la cible dans chacun
des pays. Ils peuvent comprendre des licences d'exploitation ou d'utilisation,
des permis environnementaux ou encore des autorisations sectorielles. Il est
nécessaire de déterminer si ces licences pourront être transférées à la cible
ou si la cible aura besoin d'une nouvelle licence.
Dans des pays tels que les Philippines, les Emirats arabes unis, le Brésil et la
Chine, le droit local impose aux entités nationales de disposer de licences
d'exploitation et d'immatriculer des succursales pour fonctionner dans divers
Etats, municipalités ou zones économiques. Dans ces pays, les processus
d'obtention de licences sont souvent lourds et longs, ce qui peut allonger le
délai de mise en œuvre du détourage.
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6. Immobilier
II convient en amont d'identifier tous les lieux ou l'activité cible est exploitée.
Du point de vue opérationnel, la question à trancher est celle de savoir si
celle-ci peut poursuivre son exploitation dans les mêmes locaux après la
réalisation. Au plan juridique, la situation varie si le cédant est propriétaire ou
locataire, ou s'il en a la jouissance exclusive ou partagée avec d'autres
branches d'activité.
Le transfert d'un site loué peut nécessiter l'accord préalable du bailleur, ce qui
devra être pris en compte dans le calendrier de l'opération et discuté avec
l'acheteur qui pourra devoir fournir des garanties.
Le vendeur pourrait enfin ne pas souhaiter partager des locaux avec la cible
post-closing, notamment s'ils sont concurrents. Si le vendeur et la cible, ou la
cible et un tiers, sont amenés à cohabiter sur un site, le droit local peut
imposer un certain degré de séparation matérielle ou d'autres contraintes. En
France par exemple, si le vendeur et la cible ont le statut d'établissement
pharmaceutique, l'ANSM s'assurera qu'ils disposent de locaux complètement
séparés.
7. Modalités de paiement
Dans le cadre de la préparation du détourage, il faut également envisager
l'existence d'éventuelles questions de trésorerie au niveau local. Dans
certains pays, il existe une obligation de verser le prix entre les entités
locales, parfois en monnaie locale, voire sur des comptes bancaires
spécifiques. Dans d'autres pays comme l'Espagne, les formalités locales de
transfert d'actions nécessitent un justificatif du versement du prix d'achat
auprès d'un notaire local. Dans ce cas, il est nécessaire de définir le taux de
change applicable et l'organisation pratique des closing locaux.
8. Rapatriement de trésorerie
Les prix des opérations de carve-out sont couramment négociés sur une base
cash-free et debt-free. Il convient donc de rapatrier la trésorerie de la cible en
la distribuant à titre de dividendes le long de la chaîne des entités cibles du
groupe jusqu'à une entité conservée. Cela implique notamment d'examiner s'il
est possible, dans chaque pays concerné, de distribuer les bénéfices de
l'année en cours à titre d'acompte sur dividendes ou si un dividende ne peut
être mis en distribution que dans le cadre du processus d'approbation des
comptes annuels, ou encore d'examiner s'il existe des mécanismes juridiques
permettant d'accroître le solde de réserves distribuables d'une entité
(réduction de capital, rachat d'actions, etc.). La trésorerie peut également être
prêtée au sein du groupe afin d'en faciliter l'extraction mais, au moment de la
conclusion de l'opération, il sera généralement nécessaire d'éliminer ces prêts
intragroupes.
Enfin, certaines entités peuvent détenir de la trésorerie ne pouvant être
distribuée à une entité conservée pour le vendeur (cash trap).
Au contraire, l'acheteur exigera parfois de conserver un certain niveau de
trésorerie dans la cible afin de pouvoir faire face aux dépenses d' exploitation.
Ces situations doivent être anticipées le plus tôt possible.
9. Conventions de services de transition (ISA)
Le vendeur est rarement capable de rendre la cible autonome dès la
réalisation. Le vendeur fournit donc souvent des prestations de transition sous
la forme d'un TSA, qui nécessite une préparation significative pour le vendeur.
Un TSA revêt normalement la forme d'un contrat-cadre signé au niveau
mondial entre les parties engageant leurs filiales locales à fournir et à payer
les prestations requises. Il faut vérifier la conformité de la structure du TSA au
droit local applicable. Par exemple, le droit local peut interdire aux filiales
locales de fournir ou de facturer les services demandes à une entité non
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affiliée. Le processus de préparation d'un TSA commence par l'identification
des services fournis par la cible aux autres branches d'activité du vendeur et
inversement. La portée de ces prestations devra être discutée avec l'acheteur
en amont de l'opération afin d'identifier dans quelle mesure l'acheteur pourra
dupliquer les services à partir du closing.
La détermination du coût des services est souvent un aspect difficile de la
préparation du TSA car ils ne sont pas toujours facturés individuellement ou
facilement identifiables.
10. Closing différés
Si le détourage exige des délais particulièrement longs dans un ou plusieurs
pays, les parties pourront envisager des closing différés, notamment si
l'activité concernée représente une petite partie ou une faible valeur dans
l'opération d'ensemble. Un closing différé implique que le vendeur continue
d'exploiter l'activité à détourer pour le compte de l'acheteur après la
réalisation de l'opération mondiale. Une identification en amont des pays
présentant des difficultés spécifiques permet au vendeur de protéger la
réalisation de l’opération mondiale contre les risques locaux de mise en
œuvre. Elle permet également à l'acheteur de débuter l'exploitation de la cible
à l'échelle mondiale sans retard.
Les problématiques et actions à entreprendre évoquées ci-dessus n'ont pas
vocation à répondre de manière exhaustive aux questions spécifiques liées à
la mise en place des opérations internationales de carve-out. En effet, afin
d'organiser de bout en bout le bon déroulement d'une telle opération, il sera
nécessaire de planifier les tâches, de mobiliser les ressources et de limiter les
imprévus en mettant en place une véritable gestion de projet.
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Baker & McKenzie SCP est membre de Baker & McKenzie International. Les membres de Baker
& McKenzie International sont des cabinets d'avocats présents dans différents pays à travers le
monde. Conformément à la terminologie usuelle utilisée par les sociétés de services
professionnels, la référence à un "associé" désigne un associé de l'un de ces cabinets d'avocats
et la référence à un "bureau" désigne un bureau de l'un de ces cabinets d'avocats.
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