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MISE AU POINT
Neuro-imagerie des AVC
Neuroimaging of stroke
E. de Roquefeuil*, S. Molinier*, V. Dousset*
L’
imagerie est une étape indispensable
dans la prise en charge des patients qui
font un accident vasculaire cérébral (AVC)
puisqu’elle a un rôle de confirmation du diagnostic,
d’orientation étiologique et d’indication thérapeutique. Cette importance croissante est liée aux
progrès techniques, qui offrent une rapidité de
réalisation et une caractérisation lésionnelle de
plus en plus fine.
Infarctus cérébral
et thrombolyse
L’imagerie a plusieurs objectifs dans ce cadre. Le
principal est d’éliminer un hématome, contreindiquant la thrombolyse. Les autres sont la confirmation de l’infarctus et l’exclusion de diagnostics
différentiels, l’évaluation de la zone de pénombre
et de la perméabilité des vaisseaux.
Scanner
Depuis 2009, la Haute Autorité de santé (HAS)
recommande l’accès à l’imagerie cérébrale 24 h/24
et 7 j/7 pour tous les patients suspects d’AVC aigu, en
privilégiant dès que possible l’IRM. Or, cette modalité
d’imagerie est encore peu accessible en urgence et
le scanner est donc la technique privilégiée dans
de nombreux centres. Le scanner est également
choisi en cas de contre-indication à l’IRM ou lorsque
l’état d’agitation du patient rend la réalisation de
l’IRM impossible, ce qui est fréquent pour les sujets
souffrant d’un AVC sévère.
En tomodensitométrie (TDM), plusieurs acquisitions sont réalisées (figure 1, p. 122). Le premier
temps est une hélice sans injection de produit de
contraste, à la recherche des composantes sanguines
d’un hématome ou d’une ischémie hémorragique,
hyperdenses spontanément. Cette acquisition peut
également montrer des signes précoces d’ischémie :
des signes parenchymateux tels qu’une atténuation
du contraste entre substance blanche et substance
grise, un effet de masse et/ou une hyperdensité
intra-artérielle en rapport avec un thrombus intraluminal. Un score pronostique − l’ASPECTS − a été
développé à partir de ces signes, mais sa reproductibilité interobservateur est moyenne et il n’intéresse
que le territoire sylvien (1). De plus, le scanner est
souvent normal très précocement (figure 1A, p. 122).
Ce premier temps peut être considéré comme
suffisant pour la mise en place d’une thrombolyse
intraveineuse (i.v.) dans les 4 h 30 après le début
authentifié des symptômes (2).
L’étude de la perfusion cérébrale correspond au
deuxième temps de l’examen. Elle était auparavant
limitée puisque la boîte d’acquisition ne couvrait
que 4 cm d’épaisseur de parenchyme encéphalique
en moyenne. Avec les nouvelles générations de
scanner, un volume suffisant de 8 cm est exploré.
La perfusion s’évalue en répétant la même boîte
d’acquisition de manière très rapprochée dans le
temps, lors de l’injection d’un bolus de produit de
contraste iodé (technique de suivi de bolus). Les
images sont alors traitées par logiciel afin d’obtenir
plusieurs cartes de perfusion. La zone hypoperfusée
est estimée sur la carte de temps de transit moyen
(TTM). On considère une hypoperfusion lorsque
le TTM est supérieur à 140 % par rapport au côté
controlatéral (figures 1C et 1E, p. 122). La carte de
volume sanguin cérébral (VSC) va aider à évaluer
la zone de nécrose. La nécrose correspondrait à
une chute de 60 % du volume par rapport au côté
controlatéral ou à une valeur absolue inférieure
à 2 ml/100 g (figure 1F, p. 122). Le débit sanguin
cérébral (DSC) peut également évaluer la zone de
nécrose, en prenant comme seuil un DSC inférieur
à 40 % (3). La zone de pénombre, qui peut encore
être sauvée, correspond théoriquement à la zone
* Service de neuro-imagerie diagnostique et thérapeutique, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux.
La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 |
121
Points forts
Mots-clés
IRM
AVC
Thrombolyse
Infarctus cérébraux
Hémorragie
Highlights
» MRI is the best modality for
suspicion of stroke, because of
its sensitivity and the lack of
radiation exposure. MRI must
be the first diagnostic test for
patients with a stroke whose
time of symptoms onset is
unknown.
» If MRI is not available or
contraindicated, perfusion CT
with CT angiography improve
patient selection for thrombolytic therapy.
» Vasculature evaluation has
to be performed in the same
time that parenchyma study.
» Perfusion CT and perfusion
MRI allow to assess the ischemic penumbra.
» In case of intracerebral
haemorrhage, CT or MRI angiography has to be performed
for patients younger than 50
years old and for all patients
with lobar haemorrhage.
» L’IRM est la modalité d’imagerie à privilégier pour toute suspicion d’AVC, en raison de sa sensibilité et de
l’absence d’irradiation. Elle est indispensable si l’on envisage une thrombolyse pour les AVC d’horaire inconnu.
» Si l’IRM est inaccessible ou contre-indiquée, le scanner de perfusion couplé à un angioscanner des troncs
supra-aortiques est une aide importante à la décision de thrombolyse.
» L’étude de la vascularisation doit systématiquement être associée à l’exploration parenchymateuse.
» L’étude de la perfusion (en IRM ou TDM) permet d’estimer la pénombre parenchymateuse à risque
d’ischémie.
» L’exploration vasculaire à visée étiologique dans le cadre des hématomes est indispensable pour tous
les patients de moins de 50 ans, quelle qu’en soit la topographie et pour tous les hématomes lobaires
quel que soit l’âge du patient.
apparaissant hypoperfusée sur le TTM et dont le
volume sanguin n’est pas encore abaissé sur la carte
VSC (figure 1D). Le troisième temps est l’exploration vasculaire (figure 1B). Un nouveau bolus de
produit de contraste iodé est injecté pour opacifier
les troncs supra-aortiques et le polygone de Willis,
à la recherche d’une occlusion et de son site.
Figure 1. Protocole scanner avant thrombolyse.
Keywords
A : le scanner sans injection élimine un saignement intracrânien.
MRI
Stroke
Thrombolysis
Ischemia
Haemorrhage
B : l’angioscanner des troncs supra-aortiques
et du polygone de Willis précise le niveau de
l’occlusion artérielle. Ici en M1 droit (flèche).
C : la carte de TTM montre un allongement de
ce paramètre dans le territoire sylvien droit,
traduisant une hypoperfusion.
D : il n’y a pas d’abaissement du VSC dans cette
zone. Les mécanismes de compensation fonctionnent. La zone hypoperfusée correspond
intégralement à de la pénombre.
E: zone hypoperfusée sur la carte TTM en
région temporale.
F : les mécanismes de compensation sont
dépassés. Il existe une chute du VSC. La zone
hypoperfusée correspond à de la nécrose.
G : l’IRM de diffusion 24 heures après la
thrombolyse montre une bonne réponse au
traitement : pas d’ischémie constituée dans
la zone de pénombre.
H : la zone qui était déjà nécrosée sur le
scanner est visible sous forme d’un hypersignal
en diffusion témoignant d’une restriction.
122 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014
Une occlusion proximale est en général associée à
une mauvaise réponse à la thrombolyse i.v.
Pour mémoire, l’irradiation délivrée au cours de ce
type d’examen TDM est importante et l’IRM devrait
être privilégiée dès que possible, même si l’évaluation
des sténoses en angioscanner est plus précise.
MISE AU POINT
IRM
Lorsqu’elle est accessible, l’IRM reste l’examen de
référence (4). Le protocole pour thrombolyse doit
être court pour ne pas retarder la prise en charge
thérapeutique. Idéalement, l’examen ne doit pas
durer plus de 10 minutes. Quatre séquences sont
indispensables.
➤ La séquence T2* est utilisée pour éliminer
une hémorragie. Elle est sensible aux artefacts de
susceptibilité magnétique, et donc aux produits de
dégradation de l’hémoglobine et montre un hyposignal lorsqu’il existe un hématome. À la phase
hyperaiguë avant 3 heures, l’hématome présente
2 composantes : l’une en hypersignal, centrale, en
rapport avec l’oxyhémoglobine, et l’autre en franc
hyposignal, périphérique, en rapport avec de la
déoxyhémoglobine. Cette séquence du protocole
thrombolyse permet d’identifier un hématome intraparenchymateux de manière formelle à ce stade aigu
avant 3 heures. La séquence T2* objective également
parfois le thrombus intra-artériel sous la forme d’un
hyposignal linéaire.
➤ La séquence de diffusion montre très précocement − dès l’installation des symptômes − un
hypersignal au niveau de la zone de nécrose. Elle
apparaît en hyposignal sur la cartographie du coefficient apparent de diffusion (ADC) parfois de manière
un peu retardée, ce qui ne doit pas faire exclure le
diagnostic d’ischémie. La diffusion reflète les mouvements browniens de l’eau libre extracellulaire. Dans
l’infarctus cérébral, l’ischémie entraîne un œdème
cytotoxique, qui correspond à un gonflement des
cellules, réduisant l’espace extracellulaire et générant une restriction de diffusion. Cette séquence est
la première à se positiver et permet de confirmer
l’infarctus. Elle est sensible et identifie les lésions
lacunaires. Cependant, la sensibilité n’est pas de
100 %, notamment pour les petites lésions de la fosse
postérieure. Pour améliorer leur détection, lorsque
les symptômes présentés évoquent une atteinte du
territoire vertébrobasilaire, des coupes plus fines sont
réalisées (3 mm versus 5 mm) avec, lorsque c’est
possible, des valeurs de b plus élevées (≥ 2 000). La
diffusion est également utile pour évaluer l’ancienneté d’un infarctus cérébral. Le signal de l’AVC en
diffusion va évoluer au cours du temps. L’hypersignal
en diffusion va persister 2 mois en moyenne, par
l’effet de rémanence T2 (T2 shine through). L’ADC va
s’inverser pour se normaliser puis augmenter entre le
troisième et le dixième jour en moyenne, en rapport
avec la destruction neuronale et la diminution de
l’œdème cytotoxique et de l’œdème vasogénique.
➤ La troisième séquence est le T2 FLAIR, séquence
T2 avec suppression du signal de l’eau libre (par
exemple, le liquide cérébrospinal [LCS]). Elle
évalue l’état du parenchyme cérébral sous-jacent.
Elle identifie des stigmates d’AVC ancien (atteinte
corticale avec atrophie), montre des signes de
micro-angiopathie (hypersignaux de la substance
blanche sus-tentorielle, pontiques associés parfois
à des lacunes des noyaux gris centraux). Concernant
la lésion aiguë, elle se positive plus tardivement
que la séquence de diffusion, en moyenne aux alentours de 4 heures. Ce délai va dépendre de plusieurs
paramètres, notamment la taille de l’infarctus. En
cas d’occlusion vasculaire, le FLAIR peut également
montrer des hypersignaux sous-arachnoïdiens
d’aspect tubulé qui traduisent un ralentissement
circulatoire dans les artères corticales.
➤ La quatrième séquence permet l’exploration
des vaisseaux intracrâniens. Il peut s’agir soit d’une
séquence en temps de vol (Time of flight [TOF]) qui
permet la visualisation du polygone de Willis sans
injection, soit d’une séquence d’angioMR avec
injection de chélates de gadolinium, qui étudie le
polygone et les troncs supra-aortiques.
La séquence de perfusion est parfois réalisée et
dépend du contexte. Elle est utile lorsque le délai
de 4 h 30 est dépassé, que la clinique est atypique ou
que la diffusion est négative avec une forte suspicion
clinique d’infarctus cérébral. Elle permet d’obtenir,
comme au scanner, les cartes de TTM et de VSC
relatifs notamment. De nouvelles techniques sont
en développement pour obtenir des informations de
perfusion sans injection de produit de contraste. Il
s’agit de la séquence ASL (Arterial Spin Labeling), qui
donne de bonnes informations sur le débit sanguin
cérébral et montre en pathologie sténo-occlusive
un retard du bolus de sang marqué dans la zone
de mesure (5).
Lorsque l’heure de début des symptômes ne peut
être authentifiée (c’est le cas des AVC constatés
au réveil), l’IRM va alors dater l’infarctus. On
utilise le différentiel entre l’apparition retardée
de l’hypersignal en FLAIR et l’apparition immédiate
des anomalies en diffusion (figure 2, p. 124).
G. Thomalla et al. (6) ont étudié les IRM de patients
réalisées moins de 12 heures après le début des
symptômes et dont la diffusion était positive. Ils
ont montré que seuls 17 % des patients avec un
FLAIR négatif avaient un infarctus datant de plus
de 4 h 30. Cette étude multicentrique a prouvé
que la très grande majorité des patients avec FLAIR
négatif était dans la fenêtre thérapeutique pour la
thrombolyse i.v.
La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 |
123
MISE AU POINT
Neuro-imagerie des AVC
Figure 2. IRM et AVC du réveil.
A : homme de 54 ans ; paralysie faciale droite
et aphasie constatées au réveil à 7 h 15 ; IRM
à 9 heures.
Il existe une lésion ischémique constituée frontale gauche et une lésion punctiforme pariétale droite, en hypersignal sur la séquence de
diffusion.
B : ces infarctus ne sont pas visibles sur la
séquence FLAIR. Ils datent probablement de
moins de 4 h 30. La thrombolyse peut être
envisagée.
C : homme de 82 ans ; hémiplégie gauche
constatée au réveil ; hypersignal en diffusion
du bras postérieur de la capsule interne droite.
D : l’infarctus est déjà visible sur la séquence
FLAIR. Il date possiblement de plus de 4 h 30.
La thrombolyse est récusée.
Lorsque l’AVC date de plus de 4 h 30, un traitement
endovasculaire peut cependant être envisagé selon
la HAS : jusqu’à 6 heures pour un infarctus sylvien
et même au-delà pour un infarctus dans le territoire vertébrobasilaire, après concertation entre
neurologues et neuroradiologues. Plusieurs types
de techniques intra-artérielles existent : des
techniques chimiques à type de thrombolyse intraartérielle et des techniques mécaniques dont les
plus récentes correspondent à une thrombectomie
par retrait du caillot.
L’étude multicentrique DEFUSE 2 a montré le rôle de
l’IRM de diffusion et de perfusion chez les patients
présentant un infarctus de moins de 12 heures,
bénéficiant d’un traitement endovasculaire pour des
occlusions carotidienne ou sylvienne (7). En effet,
une zone de pénombre significative − c’est-à-dire un
rapport de volume du tissu hypoperfusé/tissu nécrosé
supérieur ou égal à 1,8 et au moins supérieur à 15 ml
avant procédure − est prédictive d’un meilleur résultat
fonctionnel. L’IRM peut donc permettre une meilleure
sélection des patients. Des lésions du tronc cérébral
très étendues en diffusion dans les thromboses du
tronc basilaire sont de mauvais pronostic et récusent
en général un traitement endovasculaire.
Trois récentes études randomisées remettent en
question l’efficacité de ces techniques endovas-
124 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014
culaires (8-10). La présence d’une pénombre chez
des patients éligibles à un traitement endovasculaire ne serait pas prédictive d’une meilleure
évolution comme en témoignent les résultats
de l’étude MR RESCUE (8), contrairement à ceux
de l’étude DEFUSE 2. Dans l’étude IMS III (9), les
patients ayant un infarctus sévère cliniquement
et avec une occlusion artérielle proximale avaient
un pronostic inchangé lorsqu’on associait un
traitement endovasculaire dans les 7 premières
heures au traitement i.v. administré dans les
3 premières heures, même si le taux de reperfusion
était supérieur. Cependant, ces études n’ont pas été
réalisées avec la nouvelle génération de matériel
d’embolectomie (stent retriever) dont l’efficacité
doit être évaluée (2).
Autres apports de l’imagerie
dans les infarctus cérébraux
Accident ischémique transitoire
ou infarctus cérébral constitué ?
Selon le TIA Working group, l’accident ischémique
transitoire (AIT) est un épisode bref de dysfonction
neurologique dû à une ischémie focale cérébrale
MISE AU POINT
ou rétinienne, dont les symptômes cliniques
durent typiquement moins de 1 heure, sans preuve
d’infarctus aigu.
L’étude de C. Lamy et al. (11) a montré que plus d’un
tiers des patients avec un déficit clinique transitoire d’une durée moyenne de 1,9 heure présentaient des infarctus constitués, de petite taille le
plus souvent. Ce taux passait à plus de 50 % si seuls
les déficits ayant duré plus de 60 minutes étaient
pris en compte. L’IRM permet donc de faire la part
des choses entre infarctus cérébral régressif et AIT
où la séquence de diffusion apparaît normale. Cela
a un intérêt pronostique puisque lorsqu’il existe un
infarctus constitué en imagerie, le risque de faire
un déficit clinique constitué par la suite est plus
important (12). L’exploration vasculaire, qui est une
urgence dans ce cadre, peut être réalisée dans le
même temps par une angioMR des troncs supraaortiques.
Indication de craniectomie
dans les infarctus sylviens malins
L’IRM permet le calcul du volume lésionnel par
contourage de la zone en restriction sur la diffusion.
Un volume supérieur à 145 cc est un des critères
de réalisation d’une craniectomie avec un bénéfice
clinique démontré (figure 3) [13].
Diagnostic étiologique
Lorsqu’une sténose significative, de plus de 50 %
selon la classification de NASCET (14), est identifiée
en amont du territoire artériel ischémié, il faut
s’attacher à préciser si l’image est évocatrice
d’une plaque athéromateuse ou d’une dissection
artérielle. Dans ce dernier cas, les techniques
d’imagerie montrent une sténose effilée, avec
un aspect excentré de la lumière vasculaire et un
élargissement du calibre artériel. En IRM, si une
dissection est suspectée cliniquement ou sur un
examen d’imagerie préalable, il faut réaliser avant
l’angioMR une séquence cervicale haute, de la base
du crâne à C4, en pondération T1 sans injection
et avec suppression du signal de la graisse, pour
repérer l’hématome de paroi qui apparaît en hypersignal. Cet hypersignal se présente de manière un
peu retardée par rapport à la dissection et son
absence au stade précoce n’élimine pas l’hématome
(faux-négatifs).
L’angioMR des troncs supra-aortiques ne permet pas
l’analyse de la paroi. La caractérisation d’une plaque
Figure 3. Indication de craniectomie ?
A : homme de 53 ans ; déficit hémicorporel
droit et aphasie à 10 h 30 ; scanner à
12 heures. La carte TTM montre une hypoperfusion du territoire sylvien gauche.
B : le VSC est abaissé. L’ensemble de la zone
hypoperfusée correspond à de la nécrose.
Devant ce volumineux infarctus, la thrombolyse est récusée mais se pose une éventuelle
indication de craniectomie.
C : le patient bénéficie d’une IRM avec
séquence de diffusion. L’infarctus est
contouré sur chaque coupe. Le logiciel fournit
ensuite le volume qui est mesuré ici à 211 cc,
ce qui est supérieur à 145 cc. La craniectomie
est retenue.
La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 |
125
MISE AU POINT
Neuro-imagerie des AVC
Figure 4. Patient de 36 ans atteint de CADASIL. Symptomatologie de céphalées, déficit moteur du membre supérieur droit régressif et troubles du
langage persistants.
A : infarctus punctiforme occipital droit, en hypersignal sur la diffusion.
B et C : hypersignaux FLAIR des capsules externes évocateurs du diagnostic.
D : hypersignaux FLAIR de la substance blanche des régions temporopolaires, également évocateurs.
d’athérome se fait actuellement en échographie
doppler, son caractère anéchogène étant en faveur
d’une plaque lipidique, plus instable. Des études
se sont intéressées à de nouvelles séquences IRM
pour analyser cette plaque, mais ces séquences sont
encore peu utilisées en pratique (15).
Lorsque des lésions ischémiques intéressent des
territoires vasculaires différents, il s’agit probablement d’étiologies cardio-emboliques.
Certaines causes, plus rares, peuvent être évoquées
sur les données IRM. Des lésions ischémiques d’âges
différents associant des lésions corticales à des
hypersignaux de la substance blanche profonde, du
corps calleux et des capsules, avec parfois des microhémorragies, font suspecter le diagnostic de vascularite cérébrale. Dans ce cas, des coupes fines T1, en
spin écho avec suppression du signal du sang circulant,
centrées sur les vaisseaux du polygone de Willis,
peuvent montrer un épaississement et une prise de
contraste pariétale artérielle en faveur du diagnostic.
L’angioMR du polygone de Willis peut alors mettre en
évidence des sténoses, mais sa normalité n’élimine
pas le diagnostic et il faut alors envisager une angioTDM, voire une angiographie conventionnelle.
Des épisodes ischémiques récurrents chez des
patients de 40 ans, migraineux, doivent faire
rechercher une artériopathie de type CADASIL
(Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with
Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy). Des
hypersignaux de la substance blanche temporopolaire et des capsules externes sont évocateurs de
ce diagnostic en IRM (figure 4).
126 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014
Diagnostics différentiels
Ils représentent 10 à 20 % des suspicions cliniques
d’AIT ou d’AVC. Les troubles neurologiques brefs
régressifs peuvent évoquer un AIT mais parfois
révèlent d’autres étiologies notamment épileptogènes. À l’IRM, une restriction de la diffusion n’est
pas synonyme d’ischémie artérielle. Elle peut
être trompeuse dans les hématomes, montrant
un hypersignal associé à une chute du signal en
ADC, comme les lésions ischémiques, même
si le caractère périphérique de l’hypersignal en
diffusion fait suspecter un hématome. La sclérose
en plaques, dans sa forme pseudovasculaire, montre
une diminution de l’ADC. Cependant, l’aspect de
la lésion, ovalaire sans systématisation vasculaire,
centrée sur une veinule, et l’association à d’autres
lésions de type inflammatoire peuvent orienter vers
le diagnostic (figure 5). Le MELAS (Mitochondrial
myopathy, Encephalopathy, Lactic Acidosis, and
Stroke-like episodes) se traduit en imagerie lors d’un
épisode aigu par un hypersignal cortical T2 avec un
ADC parfois discrètement diminué, mais souvent
sur plusieurs territoires vasculaires. La séquence
de spectroscopie peut aider au diagnostic avec un
doublet de lactates dans les zones lésionnelles et
le LCS. L’aura d’une migraine, avec déficit transitoire, peut aussi montrer une discrète diminution
de diffusion du cortex et une diminution souvent
modérée des paramètres perfusionnels, étendus sur
plusieurs territoires, en particulier dans les migraines
hémiplégiantes génétiques.
MISE AU POINT
Figure 5. Patiente de 21 ans présentant une forme
pseudovasculaire de sclérose en plaques. Symptomatologie d’hémiparésie droite de survenue brutale. IRM
avant thrombolyse.
A : lésion arrondie de la substance blanche au sein du
centre semi-ovale gauche en hypersignal en diffusion,
respectant le ruban cortical.
B : la cartographie ADC confirme la restriction de diffusion en anneau incomplet.
C : d’autres hypersignaux FLAIR périventriculaires s’associent à la lésion principale.
D : cette lésion est centrée par une veinule sur la
séquence T1 avec injection de chélates de gadolinium.
Le FLAIR et le T1 après injection sont très évocateurs
d’une pathologie inflammatoire. La diffusion confirme le
caractère pseudovasculaire de cette sclérose en plaques
probable.
Neuro-imagerie dans le bilan
des hématomes
Bilan étiologique
La cause la plus fréquente de ces hématomes intracérébraux est l’hypertension artérielle (HTA), responsable d’hématomes de topographie profonde (noyaux
gris centraux, capsules, tronc cérébral). Dans l’HTA,
l’hématome est souvent une des complications de la
micro-angiopathie préalable qui va se traduire en IRM
par des hypersignaux de la substance blanche, des
lacunes des noyaux gris centraux et parfois des microhémorragies appelées microbleeds, de topographie
profonde, visibles en T2* (16). En scanner, la microangiopathie se traduit par des lacunes des noyaux
gris et des hypodensités de la substance blanche,
périventriculaires, sous-corticales et des centres
semi-ovales, punctiformes et/ou confluentes, initialement appelées leucoaraïose.
Quand faut-il rechercher d’autres étiologies que
l’HTA et réaliser un bilan d’imagerie plus complet
avec exploration vasculaire ? L’âge, la topographie
de l’hématome et l’hypertension sont les facteurs à
prendre en compte. Un patient de moins de 50 ans
doit toujours bénéficier d’une exploration vasculaire, quelle que soit la localisation de l’hématome
pour rechercher une malformation ou une fistule
artério-veineuse. Après 50 ans, ce bilan sera réservé
aux hémorragies lobaires (17). Cette exploration est
préférentiellement faite par IRM, avec, en plus des
séquences parenchymateuses classiques T1, FLAIR,
diffusion et T2*, des séquences d’angioMR. Le signal
de l’hématome va varier au cours du temps. Si le
plateau technique le permet, ce bilan est réalisé
avant l’apparition de l’hypersignal T1 de l’hématome,
c’est-à-dire avant J4. Une séquence TOF centrée sur
l’hématome permet de rechercher des structures
vasculaires à fl ux rapide au sein du saignement.
L’angioMR dynamique 4D avec injection de chélates
de gadolinium permet de suivre la progression
vasculaire du produit de contraste et recherche une
opacification veineuse précoce, témoin d’une fistule
ou d’une malformation artérioveineuse.
Pour évaluer la perméabilité veineuse ou la présence
de structures vasculaires anormales, on recommande
une séquence 3D T1 avec injection de gadolinium.
C’est la séquence de référence pour la recherche
des thromboses veineuses cérébrales mettant en
évidence un thrombus en hyposignal au sein d’un
sinus veineux rehaussé. Le T2* peut aussi être
utile et montrer des thromboses veineuses corticales apparaissant sous la forme d’un hyposignal
tubulaire, ainsi que le T2 qui montre l’absence de
vide de signal intravasculaire lié au flux. Pour une
pathologie tumorale, une séquence T1 spin écho,
réalisée dans le même plan que le T1 sans injection
recherche une prise de contraste sous-jacente, qui
peut être sensibilisée par une soustraction entre les
2 séquences sans puis avec injection si l’hématome
La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 |
127
MISE AU POINT
Les auteurs n’ont pas précisé
leurs éventuels liens d’intérêts.
Neuro-imagerie des AVC
est déjà en hypersignal T1. Lorsque l’exploration en
IRM est négative, elle est parfois complétée par
une angiographie conventionnelle dans les fortes
suspicions de malformations artérioveineuses ou
de vascularites. Cependant, certaines malformations vasculaires sont occultes en angiographie : les
cavernomes. Ces malformations, parfois multiples
dans les formes familiales, sont facilement reconnaissables par leur aspect en forme de pop-corn en
hyposignal T2*. Lorsque le cavernome est sporadique
et se complique d’un hématome, il est difficile de le
mettre en évidence à la phase aiguë, en particulier
la première semaine, à cause de la compression des
veines de drainage anormales. T.J. Yun et al. (18)
ont décrit un hypersignal T1 de l’œdème autour de
l’hématome sur cavernome à la phase précoce, ce
signe étant très spécifique (95 %) mais peu sensible
(62 %). Seul le suivi permet de faire le diagnostic
avec certitude, avec le retour à un aspect classique
de cavernome, à distance.
Chez le sujet âgé avec un hématome lobaire, une
malformation vasculaire doit être éliminée de
principe. L’angiopathie amyloïde est évoquée devant
la présence en T2* de microbleeds de topographie
périphérique contrairement au sujet hypertendu,
et/ou de séquelles d’hématomes anciens, intraparenchymateux et/ou sous-arachnoïdiens, le caractère
récidivant des hémorragies cérébrales étant en faveur
du diagnostic. Ces hémorragies sont fréquemment
associées à des hypersignaux T2 de la substance
blanche périventriculaire et des centres semiovales, épargnant le corps calleux et les capsules
internes (19).
Lorsqu’il existe une hémorragie sous-arachnoïdienne
associée à l’hématome intraparenchymateux, il faut
également explorer les vaisseaux, idéalement par
angioscanner, pour rechercher une malformation
anévrysmale du polygone de Willis. Plus rarement,
ces hémorragies cérébroméningées sont dues à des
dissections intracrâniennes, qui sont également
identifiées par l’angioscanner. Si ce dernier est négatif,
il est complété par une angiographie conventionnelle.
Intérêt pronostique ?
S’il est établi que le volume de l’hématome
participe à l’évaluation pronostique, peu de données
concernent la dynamique de l’hématome. L’étude
PREDICT (20) a montré que la présence d’une fuite
active de produit de contraste au sein de l’hématome
dans les 6 premières heures (signe du spot) serait
prédictive d’une extension de cet hématome. Ce type
de patient pourrait peut-être bénéficier préférentiellement à l’avenir d’un traitement hémostatique.
Conclusion
L’imagerie a une place centrale dans la prise en
charge des AVC et doit être réalisée précocement.
L’IRM sera privilégiée. Elle permet d’aider à la
décision thérapeutique de thrombolyse pour les
infarctus précoces mais également de craniectomie, et oriente sur l’étiologie des ischémies et
des hématomes cérébraux.
■
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