hospitalisations, consommation de gref-
fons, etc.] (2). Les publications relatives
à la non-observance après transplanta-
tion rénale chez l’enfant évaluent sa fré-
quence entre 8 et 70 %, avec une
moyenne de l’ordre de 40 % (3).
✓La non-observance est un phéno-
mène compréhensible et relativement
naturel. En effet, le degré d’observance
est en relation directe avec les enjeux
qu’elle représente, et c’est bien à ce
niveau que l’adolescent aura un com-
portement différent de celui de l’enfant
obéissant ou de l’adulte autonome. La
soumission et la dépendance inhérentes
aux soins vont à l’encontre du travail
psychique de l’adolescent, qui cherche
activement à conquérir et à faire valoir
son statut. Ainsi, les arguments en
faveur de la non-observance sont poten-
tiellement nombreux : contraintes de la
prise médicamenteuse en elle-même,
nombre de médicaments, nombre de
prises médicamenteuses, rigueur des
horaires, effets indésirables, visibles
(mis en avant dans 25 à 50 % des cas :
obésité, acné et vergetures avec les cor-
ticoïdes, pilosité et hypertrophie gingi-
vale avec la ciclosporine, verrues et
mollusca liées à l’immunosuppression
dans son ensemble) ou non (troubles
digestifs avec le mycophénolate mofé-
til, hypertension artérielle justifiant un
traitement supplémentaire), sapidité de
certains produits, mauvaise acceptation
des formes galéniques, contrainte des
contrôles cliniques et biologiques, limi-
tations diététiques, parfois restriction de
certaines activités physiques, limitation
de l’exposition solaire, lassitude, sensa-
tion d’isolement social, désir d’opposi-
tion parentale, besoin de liberté totale,
questionnements tacites sur l’origine du
greffon en cas de donneur décédé (sexe,
âge, cause du décès), acceptation
contrariée d’une greffe à partir d’un des
deux parents, etc. (4). À cela s’ajoutent
les autres effets visibles et incontour-
nables (retard statural lorsque l’insuffi-
sance rénale est ancienne, cicatrice de la
greffe elle-même, cicatrices abdomi-
nales liées à la malformation causale ou
au cathéter de dialyse péritonéale, cica-
trice de fistule artérioveineuse en cas
d’hémodialyse, anomalies vésicosphinc-
tériennes séquellaires, syndrome mal-
formatif associé au problème rénal,
etc.). Bref, il s’agit de la contrainte
d’être greffé alors que “les autres” ne le
sont pas.
✓L’appréciation de la non-observance
est délicate et les interventions dispo-
nibles pour l’améliorer sont hasar-
deuses. Cependant, l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) met à dis-
position des recommandations géné-
rales dont plusieurs peuvent s’appliquer
à la transplantation rénale (5).
✓L’évaluation de l’observance repose
sur deux types de méthodes, directe
(présence/absence à un rendez-vous,
prise du médicament devant un observa-
teur, dosage d’un médicament ou de son
effet biologique) ou indirecte (question-
naire rempli par le patient, comptage
des comprimés, évaluation du réappro-
visionnement, évaluation d’une réponse
clinique attendue, piluliers avec puce
incorporée au couvercle) ; s’y ajoutent
s’ajoutent des éléments subjectifs d’ap-
préciation [entretiens individuels entre
le patient et son référent, évaluation des
effets indésirables, informations four-
nies par les parents] (2). Mais le vécu de
cette évaluation chez l’adolescent peut
aller à l’encontre de l’objectif recher-
ché, et elle se doit d’être adaptée et
expliquée au patient.
✓Il existe des solutions, au moins
partielles, à la non-observance. La
principale consiste à pouvoir établir
avec l’adolescent une relation suffisam-
ment authentique pour que les raisons
de cette non-observance soient identi-
fiées et prises en compte. Il est alors
essentiel de proposer d’aménager cer-
tains horaires pour les prises médica-
menteuses ou les contrôles cliniques et
biologiques, de modifier de manière
transitoire ou définitive des schémas
d’immunosuppression à la demande et,
lorsque la fonction du greffon le permet
(priorité aux schémas d’épargne ou de
suppression des corticoïdes, remplace-
ment de la ciclosporine par le tacroli-
mus du fait de son innocuité cosmé-
tique, remplacement du mycophénolate
mofétil par l’azathioprine, qui est admi-
nistrée en une prise quotidienne et n’en-
traîne pas de trouble digestif, place du
sirolimus à préciser), de traiter efficace-
ment les problèmes dermatologiques.
De même, la reprise de la scolarité après
greffe doit être très rapide, afin que
l’image corporelle ne soit pas trop
modifiée aux yeux de l’adolescent ni au
regard des autres. Toutes ces options
font parfois peur aux cliniciens si elle
ne sont fondées “que” sur la prise en
compte de la non-observance ; en réali-
té, elles permettent souvent d’améliorer
significativement la survie actuarielle
des greffons et la qualité de vie de
l’adolescent ! Il ne faut cependant ja-
mais négliger le contexte de cette non-
observance ; elle peut accompagner un
état dépressif (secondaire aux modifica-
tions physiques, à la désillusion qui
accompagne l’idéalisation incontour-
nable de la greffe, angoisse de mort,
hypertrophie de certains risques post-
transplantation), qui s’exprime souvent
à travers des troubles des conduites ali-
mentaires ou du sommeil, justifiant une
évaluation et une prise en charge spéci-
fiques. On peut en effet observer un pas-
sage à l’acte sous forme de troubles des
conduites alimentaires, de conduites
dangereuses, de troubles du sommeil,
d’automutilation, de comportements
suicidaires. À côté de la dépression
post-transplantation, on peut observer
un état d’appauvrissement psychique,
caractérisé par une inhibition de la
spontanéité et des capacités d’expres-
sion (4). La plupart des adolescents
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
o
4 - oct.-nov.-déc. 2005
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