LES OBSTACLES À LA TRANSITION
VENANT DE L’ADOLESCENT
OU DU JEUNE ADULTE
Les mêmes craintes peuvent être parta-
gées par l’adolescent et sa famille : peur
de l’inconnu, peur de perdre une rela-
tion privilégiée. Au pire, l’adolescent
peut avoir l’impression d’être “lâché” à
un moment critique, et il risque
d’éprouver alors un véritable sentiment
d’abandon, qu’il perçoive une aggrava-
tion de sa maladie ou qu’il la redoute
dans un avenir proche.
Cette peur de l’inconnu est souvent
exprimée, et les adolescents confient
leur inquiétude à quitter une structure
familière, un endroit confortable, un
centre fréquenté depuis la naissance.
D’une façon générale, les consultations
et les hospitalisations pédiatriques se
sont toujours passées dans une ambiance
maternante, et le changement d’envi-
ronnement peut être un facteur de désta-
bilisation pour un jeune adulte habitué à
être protégé.
Beaucoup d’adolescents appréhendent
aussi que le médecin d’adultes ne fasse
pas une place assez large aux considéra-
tions personnelles comme au respect de
la qualité de vie. Un exemple en est
fourni par une enquête conduite en Ile-
de-France auprès de jeunes adultes dia-
bétiques venant de passer en médecine
d’adultes. Les résultats montraient que
les jeunes attachaient beaucoup plus
d’importance à la relation humaine qu’à
la prise en charge technique de leur
maladie, pour laquelle ils faisaient
confiance à la compétence des diabéto-
logues (5).
Une autre difficulté fréquemment rap-
portée est le fait d’avoir à côtoyer en
consultation ou en hospitalisation des
adultes atteints de la même affection, et
parfois dans un état de santé très dégra-
dé, préfigurant ce qui risque de leur arri-
ver, ou encore des vieillards malades,
comme en témoignent beaucoup de
jeunes patients lors de leur passage en
milieu adulte (3).
LES OBSTACLES VENANT DES PARENTS
Les parents partagent les craintes et les
réticences de leurs enfants adolescents
malades ; ils ne les estiment pas en me-
sure d’être totalement autonomes, de se
débrouiller seuls dans les structures de
soins pour adultes, de respecter des ren-
dez-vous… Beaucoup de parents consi-
dèrent qu’ils continuent dans bien des cas
à jouer un rôle protecteur. Ils craignent
que le nouveau médecin les ignore totale-
ment ou ne voie en eux que des freins
potentiels de l’autonomisation de l’ado-
lescent ou du jeune adulte malade (4).
Ainsi, l’ensemble de ces réticences se
renforçant les unes les autres, on imagine
aisément une situation dans laquelle le
statu quo pourrait paraître la meilleure
situation, le pédiatre restant le respon-
sable médical “ encore un temps ”... La
phrase, souvent entendue : “Pourquoi
changer s’il n’y a pas de problèmes ?”
justifierait le maintien d’un suivi pédia-
trique des jeunes adultes, avec l’aval des
familles et la caution des jeunes eux-
mêmes dans un monde figé... En réalité,
une telle situation peut s’avérer plus fra-
gile que prévu, et sa stabilité peut à tout
moment être mise à mal par des événe-
ments familiaux ou personnels impré-
vus survenant plus ou moins brutale-
ment, qui peuvent imposer un transfert
vers une équipe adulte à la hâte, dans
des conditions difficiles.
LES ENJEUX RÉELS
ET LA DYNAMIQUE DE LA PHASE
DE TRANSITION
La transition est donc une phase dans
laquelle les réticences au changement
sont nombreuses. Le pédiatre, l’adoles-
cent et sa famille ont à faire un travail
personnel visant à la mise en perspec-
tive des enjeux réels à plus long terme
(4). L’instauration auprès de l’enfant,
dès le début de l’adolescence, d’un style
relationnel qui favorise son autonomie
(le recevoir seul, au moins une partie de
la consultation, respecter la confidentia-
lité, etc.) imprime sa tonalité au proces-
sus de transition. Ce travail – fait en
priorité avec l’adolescent – modifie
également la place des parents, toujours
interlocuteurs à part entière mais pro-
gressivement “en second”. Il leur per-
met de mieux accepter le principe du
relais et un certain changement de rôle
de leur part.
Dans ce travail relationnel, la nature des
changements mérite d’être abordée
longtemps à l’avance (des mois, des
années) avec l’adolescent et sa famille :
le projet aura ainsi tout le temps de
mûrir…
Valoriser la démarche, la présenter
comme une expérience positive, c’est
aussi permettre une meilleure projection
dans un avenir d’adulte. Être convaincu
que le milieu pédiatrique n’est pas
nécessairement le meilleur pour un
jeune adulte est déjà en soi facteur de
maturation.
Il ne s’agit pas pour le pédiatre de
laisser croire que la prise en charge
sera identique à celle qui était propo-
sée jusque-là ; il faut clairement
annoncer que ce sera “autrement”,
mais aussi et surtout expliquer pour-
quoi “c’est normal que ce soit autre-
ment ”. En effet, si la culture des
pédiatres les porte plus naturellement
à prendre en compte la croissance, le
développement et les soucis de la
famille, la culture des médecins
d’adultes les porte davantage à consi-
dérer l’autonomie du patient, l’inser-
tion dans la vie professionnelle ou les
problèmes de procréation (3). Les
Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
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