ment la réalisation, souvent injustifiée, d’une tomodensitomé-
trie cérébrale (scanner). Cet examen n’est nécessaire que devant
des troubles de la conscience avec signes neurologiques focaux.
Si le scanner est le premier examen réalisé, et s’il est suscep-
tible de retarder la ponction lombaire, il faut injecter la
première dose d’antibiotiques après avoir prélevé une hémo-
culture. En l’absence de lésion intracrânienne avec effet de
masse, la ponction lombaire sera effectuée immédiatement
après le scanner. L’autre cause de retard, conduisant d’ailleurs
souvent à demander le scanner, est le caractère atypique de la
présentation : absence de fièvre ou de syndrome méningé, situa-
tion plus fréquente chez les sujets âgés. Une étude récente a
montré que, tous âges confondus, la raideur méningée n’est
présente que chez 70 % des malades (8).
RATIONNEL DES SCHÉMAS ANTIBIOTIQUES
DE PREMIÈRE INTENTION ACTUELLEMENT RECOMMANDÉS
Les recommandations (9-12) reposent sur des données épidé-
miologiques, microbiologiques, pharmacodynamiques et
cliniques.
S. pneumoniae
"Épidémiologie de la résistance et résultats microbiolo-
giques. En France, le Centre national de référence des pneu-
mocoques faisait état, pour 1997, d’une prévalence de 31 % de
souches de sensibilité anormale (concentration minimale inhi-
bitrice [CMI] > 0,125 mg/l) à la pénicilline G parmi les souches
isolées du LCR chez l’adulte, avec une stabilité, voire une légère
diminution par rapport à 1996. Pour l’amoxicilline et les cépha-
losporines de troisième génération, les souches sont considé-
rées comme sensibles jusqu’à une CMI de 0,5 mg/l, “intermé-
diaires” entre 1 et 2 mg/l, résistantes quand les CMI sont égales
ou supérieures à 4 mg/l. Sur l’ensemble des pneumocoques de
sensibilité anormale à la pénicilline G isolés chez l’enfant et
l’adulte en 1997, un quart nécessitait une CMI de céfotaxime
<0,25 mg/l, un quart une CMI de 0,5 mg/l et la moitié une CMI
de 1 mg/l. Pour une seule souche, la CMI était de 2 mg/l, et
aucune n’était pleinement résistante. Dans le service de réani-
mation des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat-Claude
Bernard (Paris), le nombre de souches de sensibilité anormale
isolées du LCR est passé de 0/30 entre 1988 et 1991 à 17/43
(39 %) entre 1992 et 1999, mais, là encore, aucune souche
n’était résistante aux céphalosporines de troisième génération
(céfotaxime ou ceftriaxone) (3). Au contraire, dans une série
récemment publiée aux États-Unis et concernant 109 cas de
méningites à S. pneumoniae, le pourcentage de souches résis-
tantes au céfotaxime (CMI 2 mg/l) atteint 9 % (13). Les vingt
et un observatoires régionaux du pneumocoque en France ont
identifié 38 % de souches intermédiaires ou résistantes à la péni-
cilline G sur 2 695 souches isolées en 1999 d’hémocultures
chez l’adulte, avec cependant des variations importantes selon
les régions. Parmi les 199 souches isolées du LCR chez l’adulte,
le pourcentage de sensibilité anormale à la pénicilline G était
de 36,5 %. Il était de 18 % et 12,5 % pour l’amoxicilline et le
céfotaxime respectivement, aucune souche n’étant résistante
(14). La vancomycine est constamment active sur S. pneumo-
niae quel que soit le niveau de sensibilité aux bêtalactamines,
avec des CMI de 0,5 mg/l. L’isolement récent de souches tolé-
rantes à la vancomycine (15) est cependant inquiétante. Bien
que la pertinence clinique de cette découverte reste à démon-
trer, il n’est pas impossible que ces souches puissent contribuer
à l’avenir à des échecs thérapeutiques au cours des méningites.
Les autres antibiotiques actifs in vitro sur les souches de
sensibilité réduite à la pénicilline G et ayant une diffusion
méningée suffisante sont l’imipénème, la rifampicine, les fluo-
roquinolones les plus récentes et le linézolide.
"Associations céphalosporines de troisième génération et
vancomycine : résultats in vitro et ex vivo. Sur la base
d’études in vitro utilisant la méthode des courbes de bactérici-
die, il est reconnu que ces associations sont synergiques (16).
Une autre manière de rechercher une éventuelle synergie
consiste à mesurer l’activité bactéricide du LCR de malades
traités pour une méningite à pneumocoque. Ainsi les titres bac-
téricides du LCR vis-à-vis de souches résistantes aux céphalo-
sporines de troisième génération sont-ils significativement aug-
mentés par l’association avec la vancomycine (17-18).
Cependant, il faut remarquer que la synergie est d’autant mieux
mise en évidence que les souches requièrent une CMI de céfo-
taxime ou de ceftriaxone élevée. Or, ces souches sont à l’heure
actuelle très peu fréquentes en France.
"Données pharmacodynamiques et apport des modèles
animaux. Il existe une assez grande variabilité des concentra-
tions méningées d’antibiotiques hydrosolubles, en particulier
des bêtalactamines dont la diffusion dans le LCR dépend prin-
cipalement de l’inflammation méningée. Les demi-vies d’éli-
mination dans le LCR (9 h pour le céfotaxime, 16 h pour la cef-
triaxone) sont très nettement supérieures à celles observées dans
le sérum. Globalement, la pénétration méningée des bêtalacta-
mines est relativement faible, avec des rapports de concentra-
tion sérum/LCR généralement voisins de 10 (19), ce qui per-
met d’obtenir des concentrations largement supérieures aux
CMI/CMB pour les souches de sensibilité normale à la péni-
cilline G. Les données obtenues dans les modèles animaux de
méningite à S. pneumoniae de niveaux différents de sensibilité
à la pénicilline G montrent que l’obtention de concentrations
de bêtalactamines (amoxicilline ou céphalosporine de troisième
génération) seulement supérieures à 2-3 CMI ou CMB n’est
pas suffisante pour observer un effet bactéricide maximal, alors
même que les souches sont considérées comme sensibles. Par
extrapolation avec les résultats obtenus dans un modèle de
méningite à E. coli, il est admis que les concentrations ménin-
gées optimales au pic sont voisines de 10 CMB (21). L’obten-
tion d’un tel quotient inhibiteur ou bactéricide est nécessaire
pour que les concentrations dans le LCR restent en permanence
au-dessus des CMI/CMB, compte tenu de l’activité bactéricide
temps-dépendante des bêtalactamines. Eu égard aux CMI/CMB
vis-à-vis des souches de sensibilité anormale à la pénicilline G
et aux variabilités interindividuelles de la diffusion méningée
des bêtalactamines, l’obtention de concentrations dans le LCR
égales à 10 CMB peut être difficile pour les souches vis-à-vis
desquelles la CMI de bêtalactamines atteint ou dépasse
0,5 mg/l. Cela est vrai même avec des posologies de
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - n° 4 - avril 2002
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