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De ce point de vue, je tiens à vous dire que si vous voulez connaître les sources et les motifs
du discrédit qui frappent le politique et la politique dans notre pays, ne perdez pas votre
temps à aller chercher très loin ces sources et ces motifs, car ils se trouvent dans notre
système politique lui-même. Ce système a érigé le pouvoir en raison d'être et le maintien au
pouvoir en fin en soi. Ce système politique n'a ni projet ni ambition pour le pays et seule
compte pour lui sa pérennité à tout prix. Ce système politique se soucie de son propre sort
plus qu'il ne se préoccupe des défis politiques, économiques et sociaux qui se multiplient
devant la Nation. Ce système politique est plus occupé à régler ses propres problèmes qu'à
apporter des solutions à ceux qui se posent à la Nation toute entière. Ce système politique
est plus attentif à ce que lui dictent ses intérêts étriqués qu'à ce qu'exige de lui la prise en
compte des intérêts de la Nation. Ce système politique se soucie peu de ce que l'Algérie
stagne ou recule pourvu que lui-même survive et que se réalisent ses objectifs étroits. Ce
système politique comme tous les systèmes totalitaires se soucie peu de sa légitimité, de sa
représentativité ou de sa crédibilité, car il est convaincu que l'intimidation, la menace, le
chantage et la peur sont des instruments qui suffisent et qu'il maitrise. Ce système politique
croit que l'obsession du Pouvoir peut faire office de projet politique pourvu qu’il dispose de
réseaux, de relais et de clientèles puissantes, déterminés à l’aider à cette fin.
Ce système porte en lui le discrédit de la politique comme un code génétique.
Sa foi n’est que dans le pouvoir pour le pouvoir. Pour lui, la démocratie n’est pas une cause
mais un fardeau ; la citoyenneté et la souveraineté populaire ne sont pas la source du
pouvoir mais sa devanture ; le pluralisme politique n’est pas une exigence de la vie
démocratique mais une irritation incommodante dont il faut apprendre à se passer ;
l’opposition politique n’est pas intrinsèque à la pratique démocratique, elle n’est que
l’ennemi intérieur à réduire ; l’exercice des responsabilités n’est pas couplée à l’impératif de
contrôle et de reddition des comptes mais un attribut souverain de son titulaire.
Une conception aussi faussée et aussi malsaine de la politique que celle-ci n’est pas sans
conséquences désastreuses. C’est à elle que l’on doit principalement le rejet du politique et
de la politique par nos concitoyennes et par nos concitoyens. C’est à elle que l’on doit
l’absence d’un pacte social porté par des institutions légitimes sans lesquels ne peut se
construire un Etat national fort et respecté. C’est à elle que l’on doit la rupture du contrat de
confiance entre les gouvernants et les gouvernés. Et, par-dessus tout, c’est à elle que l’on
doit l’inexistence de l’Etat de droit en lequel la société reconnait le protecteur et le garant
de ses équilibres les plus essentiels.