Traitement thrombolytique d’une thrombose de prothèse aortique de type Saint Jude C

La Lettre du Cardiologue - n° 334/335 - septembre 2000
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OBSERVATION
Madame F., âgée de 78 ans et porteuse d’une valve aortique Saint
Jude n° 21 depuis dix ans, est adressée pour une altération de
l’état général avec oligurie depuis 12 heures.
À l’examen clinique, les bruits du cœur sont réguliers, avec un
souffle systolique éjectionnel important de 4/6 et un souffle dias-
tolique de 3/6 audible sur le manubrium sternal. La présence d’un
souffle diastolique qui n’existait pas lors de la dernière hospitali-
sation (trois mois auparavant) fait évoquer une désinsertion de la
prothèse. On note aussi des signes d’insuffisance cardiaque globale.
L’électrocardiogramme montre un rythme sinusal avec un bloc
de branche droit complet et un hémibloc antérieur gauche, ces
anomalies étant déjà connues. La radiographie thoracique de
face montre un épanchement interscissural droit, une stase vei-
neuse et un rapport cardiothoracique à 0,60. Le taux de pro-
thrombine est à 44 % avec un INR à 2,19, un taux d’hémoglo-
bine à 11,7 g/100 ml, une vitesse de sédimentation à 12 mm/h,
une créatininémie à 77 µmol/l et des LDH à 807. On constate
une hyponatrémie à 124 mmol/l.
Une échographie doppler cardiaque transthoracique retrouve
un ventricule gauche non dilaté avec une fonction systolique satis-
faisante. En mode bidimensionnel, une seule ailette semble
mobile. Le gradient de pression moyen ventricule gauche-aorte
est de 104 mmHg, avec un maximum de 161 mmHg et une vitesse
d’éjection maximale à 6,35 m/s (figure 1).
Il existe une insuffisance aortique importante avec un temps de
demi-pression de 138 m/s et une hypertension artérielle pulmo-
naire systolique à 53 mmHg. Devant ces images, on retient le dia-
gnostic de thrombose de prothèse aortique. Un traitement throm-
bolytique est alors réalisé avec 10 mg d’Actilyse®en bolus puis
75 mg sur deux heures (poids 50 kg). Le résultat est immédiate-
ment favorable, sans complications. Le contrôle échographique
transthoracique réalisé le lendemain montre un bon fonctionne-
ment de la prothèse avec un gradient maximal transprothétique
de 69 mmHg et un gradient moyen de 35 mmHg (figure 2), une
surface aortique estimée à 1,09 cm2et un indice de perméabilité
de 0,32.
Le contrôle échographique réalisé trois jours plus tard montre une
augmentation des gradients avec un gradient maximal de 77 mmHg
et un gradient moyen de 45 mmHg, une surface aortique estimée
à 1,01 cm2et un indice de perméabilité à 0,20. Le jeu valvulaire
est normal, sans thrombus ni anomalie visible sur la prothèse.
Cliniquement, la patiente ne présente plus de signes d’insuffi-
sance cardiaque. À l’auscultation, le souffle diastolique a disparu,
et un souffle systolique éjectionnel de la prothèse 3/6 persiste.
CAS CLINIQUE
Traitement thrombolytique d’une thrombose
de prothèse aortique de type Saint Jude
T. Moussu-Kus*, Y. Étienne**, J. Dewilde*, A. Cariou*
*Service de cardiologie, CHI de Cornouailles, hôpital Laennec, Quimper.
** Service de cardiologie, CHU de Brest.
Figure 1. Gradient transprothétique avant la thrombolyse (gradient
maximal 161 mmHg et gradient moyen 104 mmHg).
Figure 2. Gradient transprothétique le lendemain de la thrombolyse
(gradient maximal 69 mmHg et gradient moyen 35 mmHg).
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L’ECG n’a pas été modifié et la radiographie de thorax montre
une cardiomégalie modérée (RCT = 0,59). Un contrôle trois mois
après la thrombolyse confirme l’efficacité du traitement fibrino-
lytique à distance. On note l’absence de signes d’insuffisance car-
diaque.
En échographie, on note un gradient maximal transprothétique
à 54 mmHg et un gradient moyen n’excédant jamais 29 mmHg
(figure 3) après plusieurs mesures et dans diverses incidences.
CONCLUSION
Cette observation permet de redéfinir les places respectives du
traitement thrombolytique et de la chirurgie devant une throm-
bose de prothèse mécanique. Il est admis que la chirurgie s’adresse
aux thromboses obstructives, notamment en cas d’insuffisance
cardiaque, d’instabilité hémodynamique et de thrombus volumi-
neux à l’échographie transœsophagienne. En effet, dans ce type
de situation, il existe fréquemment un pannus fibreux associé à
la thrombose fraîche, peu accessible aux traitements fibrinoly-
tiques (Roudaut). Inversement, les thromboses peu ou pas obs-
tructives avec des thrombus de petite taille autorisent un traite-
ment fibrinolytique, surtout si le risque d’une réintervention paraît
important en raison de l’état général du patient : ces thromboses
surviennent souvent dans un contexte d’anticoagulation impar-
faite avec des fluctuations de l’INR.
Notre observation est intéressante, car la fibrinolyse par RTPA a
été, au moins en partie, efficace (malgré la persistance d’un gra-
dient transprothétique), et il semble que ce traitement puisse être
proposé en première intention sur ce type de prothèse à double
ailette, où un thrombus de petite taille suffit à bloquer un élément
mobile (Silber et Alex). L’état général et l’âge de notre patiente
justifiaient au moins une tentative de fibrinolyse, en raison du
risque de réintervention. Toutefois, dans une telle situation, ce
type de traitement doit être envisagé à proximité d’un service de
chirurgie cardiaque, afin de pouvoir réintervenir en cas d’échec,
malgré les risques hémorragiques accrus (liés à la fibrinolyse
récente).
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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bose de prothèse aortique par activateur tissulaire du plasminogène durant la
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Vitale N, Renzulli A, Cerasuolo F. et al. Prosthetic valve obstruction :
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tructive mitral mechanical valve thrombosis. J Heart Valve Dis 1999 ; 8 : 167-73.
CAS CLINIQUE
Figure 3. Gradient transprothétique trois mois après la thrombolyse
(gradient maximal 54 mmHg et gradient moyen 29 mmHg).
BRISTOL-MYERS SQUIBB SANOFI-SYNTHELABO
(Coaprovel,), p. 6-7 ;
CHIESI S.A. (Justor), p. 28 ;
FÉDÉRATION FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE, p. 17 ;
NOVARTIS PHARMA S.A. (Tareg), p. 11 ;
PARKE DAVIS (Tahor), p. 37 ;
SANOFI SYNTHELABO FRANCE (Mono-Tildiem et
Plavix), p. 47, p. 2 et p. 27 ;
SERVIER (Hyperium et Preterax), p. 23 et p. 48.
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