La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 1999 87
ans les années 60, les cliniciens, confrontés au pro-
blème de la prise en charge thérapeutique après
résection étendue de l’intestin grêle, entreprirent les
premières transplantations intestinales et en perçurent les limites.
Sept adultes jeunes ont été transplantés sous une immuno-
suppression associant corticoïdes, sérum antilymphocytaire et
azathioprine (1). Les suites ont été dominées par des complica-
tions liées au rejet et à l’infection. La survie la plus longue a été
de 76 jours chez une femme qui avait reçu un greffon HLA iden-
tique (1). Au cours de la décennie suivante, l’intérêt porté à cette
transplantation a transitoirement diminué, faisant place au déve-
loppement de la nutrition parentérale (NP).
L’introduction de la ciclosporine A (CsA), au début des années
80, a constitué un progrès décisif pour les transplantations hépa-
tique et cardiaque. L’allotransplantation intestinale expérimen-
tale a permis de démontrer l’efficacité de la CsA dans la préven-
tion du rejet et/ou dans le contrôle de la réaction du greffon contre
l’hôte (GVH) (1). Depuis, de très nombreux travaux expérimen-
taux ont été consacrés au développement de stratégies d’immu-
nosuppression ainsi qu’à l’analyse des mécanismes du rejet et de
la fonction de l’intestin transplanté (2).
Les résultats expérimentaux et la perception des limites de la NP
prolongée ont conduit à aborder une nouvelle phase clinique. Les
premiers résultats en transplantation isolée de l’intestin grêle sous
CsA ont été décevants, ne permettant qu’à un seul adulte et à un
seul enfant d’être durablement autonomes grâce à leur greffon intes-
tinal (3, 4).
Deux événements ont fait progresser la transplantation intesti-
nale depuis 1990. Le premier a été la première transplantation en
“monobloc” du foie et du grêle sous corticoïdes et CsA, avec une
survie de plusieurs années (5).Le deuxième événement a été l’in-
troduction d’un nouvel immunosuppresseur, le tacrolimus ou
FK 506 (6). L’utilisation du FK506 dès 1990 en transplantation
intestinale ou hépato-intestinale a permis d’obtenir des survies
prolongées et l’autonomie digestive (7). Depuis 1985, plus de
300 transplantations de l’intestin grêle isolé ou combiné au foie
ainsi qu’à d’autres organes ont été réalisées à travers le monde,
essentiellement aux États-Unis, en France et au Canada.
RÉSULTATS ACTUELS
DE LA TRANSPLANTATION INTESTINALE
Les premiers résultats du registre international ont été publiés
en 1996 (8). Environ les deux tiers des receveurs avaient moins
de 20 ans, et près de 50 % avaient moins de cinq ans. Il s’agis-
sait de transplantations isolées du grêle (TIG) avec ou sans le
côlon (38 %), de transplantations combinées foie + grêle (TFG)
(46 %), ou de transplantations multiviscérales (TMV) (16 %)
incluant l’estomac, le pancréas, le foie et l’intestin grêle. Les
principales indications étaient un syndrome de grêle court
(64 %), une diarrhée grave rebelle (13 %), une tumeur abdo-
minale (13 %) ou un syndrome de pseudo-obstruction intesti-
nale chronique (8 %). Globalement, 51 % des patients survi-
vent à 2 ans de la transplantation. Les décès sont liés à des
infections (42 %), des défaillances multiviscérales (30 %) ou
des lymphomes (11 %). Parmi les survivants, 80 % des patients
ont un greffon intestinal fonctionnel et sont sevrés de toute
nutrition parentérale. Pour les transplantations isolées de l’in-
testin grêle, la survie de 68 greffons, dont 48 sous FK506 et
La transplantation intestinale
O. Goulet*
Le FK506 (tacrolimus) a rendu possible le développement
de programmes de transplantation intestinale.
La plupart des transplantations intestinales sont réalisées
chez l’enfant.
Après transplantation intestinale, les résultats les plus
récents des équipes entraînées démontrent une survie à deux
ans supérieure à 70 %.
Actuellement, la transplantation intestinale n’est envisagée
que si les limites de la nutrition parentérale sont atteintes,
notamment en raison de complications qui rendraient sa
poursuite hasardeuse.
Le rejet aigu est la complication la plus fréquente de la
transplantation intestinale.
Les transplantations combinées foie + grêle semblent
donner de meilleurs résultats. Cela pourrait être lié à une
immunotolérance induite par le foie.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
D
* Service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques,
hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 199988
DOSSIER THÉMATIQUE
20 sous CsA, est à un an respectivement de 65 % et 18 %
(p < 0,0007) et démontre les propriétés immunosuppressives
du tacrolimus.
Ces résultats concernent les dix premières années de la trans-
plantation intestinale à travers l’expérience d’un grand nombre
de centres et sous différents protocoles d’immunosuppression.
Ceux obtenus par les centres les plus expérimentés reflètent mieux
la situation actuelle. Dans la série rapportée par Pittsburgh, la sur-
vie actuarielle des patients à 18 mois était de 62 % pour les TFG,
64 % pour les TIG et 86 % pour les TMV (7). Des résultats plus
récents concernant 55 enfants transplantés, dont 17 du grêle seul
et 33 associant foie et grêle, font état respectivement de 42 % et
60 % de patients en vie à 4 ans (9). Vingt-six transplantations,
17 associant foie et grêle et 9 du grêle seul, ont été réalisées chez
l’enfant par l’équipe d’Omaha avec des survies respectives des
patients à un an de 73 % et 100 % (10). Les résultats les plus
récents de cette équipe font état de 70 % de survie à 2 ans après
transplantation isolée du grêle. À l’hôpital Necker-Enfants-
Malades, 21 transplantations (dont 11 combinées au foie) ont été
réalisées à ce jour sous FK506. Cinq enfants sont décédés dans
les 2 mois suivant la greffe, et 3 après transplantation isolée du
grêle. Avec 8 à 50 mois de recul, pour les transplantations com-
binées foie + grêle, 80 % des enfants survivent et sont totalement
sevrés de la nutrition parentérale 1 à 6 mois après la greffe. Le
recul est actuellement insuffisant pour apprécier l’évolution des
transplantations isolées du grêle, mais la tendance indique une
survie des greffons inférieure.
INDICATIONS DE LA TRANSPLANTATION INTESTINALE
Chez l’enfant
Les résections étendues de l’intestin grêle responsables d’un syn-
drome de “grêle court” ont, tout à fait logiquement, représenté la
première indication de la transplantation intestinale. Chez le nou-
veau-né, les syndromes de grêle court sont la conséquence d’une
atrésie étendue du grêle parfois associée à un laparoschisis, d’un
volvulus du grêle postnatal, ou d’une entérocolite ulcéro-nécrosante.
Après résection étendue de l’intestin grêle, la plupart des nouveaux-
nés peuvent acquérir une autonomie digestive après un délai dépen-
dant de la longueur et de la nature (jéjunum ou iléon) du grêle restant
ainsi que de la présence de la valvule iléo-cæcale et/ou du côlon.
Cependant, un petit nombre d’enfants (environ 10 %) n’ont pas d’au-
tonomie digestive même après plusieurs années de NP (11). Cette
évolution est liée, soit à la brièveté du grêle restant (moins de 10 à
20 cm) avec absence de valvule, soit à sa mauvaise fonction motrice
lorsqu’il se situe en amont d’une atrésie ou qu’il est inclus dans une
péritonite plastique secondaire à un laparoschisis ou à des inter-
ventions chirurgicales multiples.
Une résection étendue de l’intestin grêle est parfois effectuée chez
l’enfant ou l’adolescent, pour une nécrose ischémique secondaire à
un volvulus sur bride, sur mésentère commun ou sur une tumeur
mésentérique. Chez ces enfants, l’adaptation intestinale ne peut être
obtenue que si la longueur du grêle restant est supérieure à 40 cm
au-delà de l’angle de Treitz (11). Un certain nombre d’enfants, qui
sont dans cette situation anatomique, n’acquièrent pas d’autonomie
même après 6 à 12 ans de NP à domicile ; ils sont, par conséquent,
candidats à une transplantation intestinale. Dans toutes ces situa-
tions de grêle court, la transplantation ne peut être envisagée que
lorsque toutes les possibilités médicales et chirurgicales visant à
permettre au grêle de s’adapter ont échoué. En dehors des indica-
tions purement anatomiques, la transplantation intestinale peut être
indiquée, chez l’enfant, dans deux types de pathologie : les troubles
primitifs de la motricité intestinale (pseudo-obstruction intestinale
chronique ou maladie de Hirschsprung étendue à l’intestin grêle),
et les pathologies constitutionnelles de la muqueuse intestinale, telles
que la dysplasie épithéliale et l’atrophie microvillositaire.
Chez l’adulte
Les indications à la transplantation intestinale sont les grêles très
courts non adaptables après résection subtotale ou totale. Ils sont
secondaires à des accidents vasculaires, d’origine mécanique, trau-
matique ou athéromateuse, ayant conduit à une nécrose de tout ou
partie du grêle. Les tumeurs ou infiltrations du mésentère, comme
les syndromes de Gardner, les séquelles de grêle radique et les
syndromes de pseudo-obstruction intestinale chronique, sont éga-
lement des indications à la transplantation intestinale chez l’adulte.
La maladie de Crohn étendue au grêle doit être considérée à part,
bien que des transplantations aient été effectuées dans ce contexte,
car elle pose le problème de sa récidive sur le greffon.
Candidats potentiels
Le nombre de candidats “potentiels” à une transplantation intes-
tinale a été évalué dans une étude britannique à 2 par an et par mil-
lion d’habitants, soit environ 100 par an en France, qu’il s’agisse
d’adultes ou d’enfants (12). En réalité, ces chiffres doivent être
interprétés avec prudence car la prise en charge des patients pré-
sentant une insuffisance intestinale anatomique ou fonctionnelle
a bénéficié depuis une vingtaine d’années des progrès et du déve-
loppement de la nutrition parentérale à domicile (NPD). La trans-
plantation intestinale est possible et peut représenter, dans cer-
taines situations, l’alternative thérapeutique logique. Elle permet,
grâce à un greffon fonctionnel, une autonomie digestive (sevrage
de la NP) tout en maintenant un état nutritionnel satisfaisant et,
chez l’enfant, une croissance normale (7-9). Elle est théorique-
ment indiquée dans toutes les situations de dépendance définitive
d’une NP. Actuellement, elle n’est indiquée que lorsque la NP
devient limitée par la survenue de complications vasculaires, infec-
tieuses, métaboliques ou hépatiques. Cependant, la bonne tolé-
rance actuelle de la NP, même très prolongée, justifie de peser
chaque indication à la transplantation en termes de risque iatro-
gène et de qualité de vie. La NP est, actuellement, une thérapeu-
tique efficace permettant d’attendre, avec une morbidité réduite,
que la transplantation intestinale soit en mesure d’assurer une sur-
vie durable et de qualité (13). À l’inverse, lorsque les limites de
la NP sont atteintes, notamment en raison de complications vas-
culaires, infectieuses, hépatiques ou métaboliques, et psycholo-
giques, la transplantation intestinale doit être envisagée.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 1999 89
Transplantation combinée hépatique et intestinale
Chez l’animal, dans certaines combinaisons de souches de don-
neurs et de receveurs, il existe une tolérance spontanée du foie
sans immunosuppression (14).Il a été, par ailleurs, démontré que
le foie était capable d’induire une tolérance d’autres tissus ou
d’autres organes issus du même donneur, comme la peau, le rein
ou le cœur (15). Chez l’Homme, la transplantation combinée foie-
rein semble entraîner moins d’épisodes de rejet du rein (16). Les
premières survies prolongées après transplantation de l’intestin
grêle sous CsA ont été observées chez des patients ayant eu une
transplantation combinée foie-grêle (5). En réalité, les travaux
chez le rat, en transplantation combinée foie-grêle ou en trans-
plantation multi-organes, ont donné des résultats controversés
(17, 18). Le foie pourrait libérer des facteurs solubles, ou provo-
quer une délétion voire une anergie de clones de lymphocytes
alloréactifs. Aucun de ces mécanismes n’est actuellement démon-
tré. Des données récentes chez l’Homme après transplantation du
grêle ou combinée foie-grêle montrent que des molécules d’ad-
hésion (ICAM-1, E-sélectine) circulantes sont à des taux plus éle-
vés chez les patients ayant reçu un greffon intestinal isolé (19).
Bien que les résultats actuels du registre international (8) ne per-
mettent pas de démontrer cliniquement une immunotolérance
induite par le foie, les derniers résultats de Pittsburgh et ceux de
notre groupe la suggèrent (9). La démonstration d’un effet pro-
tecteur du foie ne pourra être apportée qu’après un grand nombre
de transplantations intestinales isolées et combinées, pratiquées
par la même équipe et avec le même traitement immunosuppres-
seur. La transplantation combinée foie-grêle n’est justifée que lors-
qu’il existe une hépatopathie cirrhogène évoluée. L’analyse de la
situation hépatique, qui conditionne la décision de transplantation
combinée foie-grêle, est parfois très difficile et nécessite des éva-
luations hépatiques répétées, biologiques et histologiques.
Transplantations mutiviscérales
La transplantation “en grappe” des organes de la région cœliaque
(foie, estomac, duodéno-pancréas, intestin grêle) ne représente
que 16 % de l’ensemble des transplantations intestinales actuel-
lement rapportées (9). Elle pose des problèmes techniques spé-
cifiques. Le traitement immunosuppresseur n’est pas différent.
Les transplantations multiviscérales ne sont envisagées, en prin-
cipe, que chez l’adulte et lorsque la situation anatomique l’im-
pose, notamment en présence d’une tumeur qui envahit la région
cœliaque.
COMPLICATIONS IMMUNOLOGIQUES
DE LA TRANSPLANTATION INTESTINALE
Réaction du greffon contre l’hôte
La réaction du greffon contre l’hôte (GVH) était considérée
comme un risque majeur en raison de l’importance quantitative
et qualitative du tissu lymphoïde présent dans l’intestin grêle. En
transplantation intestinale humaine, il a été mis en évidence, chez
des receveurs, au cours des premières semaines après la trans-
plantation et en l’absence de toute manifestation clinique de GVH,
5 à 40 % de lymphocytes circulants provenant du donneur (20).
En outre, plus récemment, il a été montré expérimentalement chez
l’Homme que la tolérance de la greffe s’accompagnait du repeu-
plement du greffon par des cellules provenant du receveur (20).
Des manifestations cliniques de GVH d’évolution toujours favo-
rable n’ont été qu’exceptionnellement rapportées au décours de
transplantations combinées du foie et du grêle (5). La GVH ne
doit donc pas être considérée comme une complication signifi-
cative au cours de la transplantation intestinale.
Rejet de greffe intestinale
Rejet aigu
Le rejet est la complication la plus fréquente avec un risque majeur
dans les 2 à 3 premières semaines après la transplantation. Sa rapi-
dité d’installation et sa gravité peuvent compromettre le pronostic
vital et/ou conduire à une “détransplantation”. Les signes cliniques
de rejet sont d’apparition tardive. Le plus précoce est l’augmenta-
tion du débit d’iléostomie – alors que fièvre, douleurs abdominales
et modifications de l’aspect de l’entérostomie (fragile, hémorragique,
enduits blanchâtres) sont retardées et inconstantes –, témoignant déjà
d’un rejet évolué et de lésions histologiques importantes. Il n’existe
aucun signe biologique spécifique de rejet. L’anémie et l’hypoalbu-
minémie témoignent d’une entéropathie exsudative correspondant à
des lésions importantes de la muqueuse du greffon. Le rejet doit donc
être systématiquement recherché par des biopsies itératives, d’au-
tant plus simples à réaliser que l’extrémité distale du greffon est faci-
lement accessible par l’entérostomie. Lorsqu’il existe des lésions
macroscopiques, elles correspondent à un rejet déjà évolué. L’en-
doscopie nécessitant une insufflation n’est pas dénuée de risque d’ac-
cidents, en particulier infectieux par translocation bactérienne. En
histologie, la présence de nécroses entérocytaires visibles dans les
glandes, plus de 2 cellules nécrosées pour 10 cryptes, correspond à
un rejet débutant (21).En immunohistochimie, les lésions sont stric-
tement localisées à la muqueuse et se caractérisent par la majoration
de l’infiltrat lymphocytaire du chorion, dont le siège péricryptique
est particulièrement évocateur de rejet (22). L’identification des cel-
lules composant cet infiltrat (CD4+,CD8+) est associée à la recherche
de cellules T activées (CD25+); l’expression des molécules HLA-
DR sur les entérocytes des cryptes témoigne de la sécrétion accrue
d’interféron αpar les cellules T activées. L’infiltration par des macro-
phages (CD68+,CD25+), la diminution du renouvellement des cel-
lules entérocytaires et les altérations des activités enzymatiques de
la bordure en brosse entérocytaire (saccharase, phosphatases alca-
lines) constituent également des signes précoces de rejet, mais moins
spécifiques.
L’extension des nécroses entérocytaires, un œdème villositaire et
la raréfaction des glandes confirment le rejet aigu. Celui-ci est
traité par l’augmentation des doses et des taux sanguins de FK506,
et, si nécessaire, par des bolus de méthylprednisolone. La per-
sistance ou l’aggravation du rejet nécessite l’administration de
sérum antilymphocytaire ou d’anticorps anti CD3+. Le contrôle
thérapeutique du rejet peut être obtenu en quelques jours. Le débit
de l’effluent diminue, l’aspect de la stomie se normalise s’il s’était
modifié et les signes histologiques s’effacent progressivement en
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DOSSIER THÉMATIQUE
quelques jours. Dans les cas les plus sévères, l’atrophie villosi-
taire est totale et les structures épithéliales de la muqueuse sont
détruites et remplacées par un infiltrat constitué de lymphocytes,
de macrophages activés et de polynucléaires. Malgré la sévérité
de ces lésions une restitution ad integrum de la muqueuse peut
être observée en quelques semaines.
La distribution irrégulière des lésions histologiques de rejet a
conduit à proposer de nombreuses méthodes diagnostiques (2) :
tests d’absorption intestinale, quantification du taux d’acide hya-
luronique ou cytologie de l’effluent du greffon, mesure de l’ac-
tivité électrique de l’intestin transplanté, ou divers dosages bio-
logiques, tels que l’activité procoagulante du sérum ou les taux
sériques de N-acétyl hexoaminidase. En dehors des études de per-
méabilité intestinale, dont la fiabilité n’est pas optimale, et, plus
récemment, des scintigraphies avec des leucocytes marqués au
99technetium, il n’existe pas de test facilement réalisable rensei-
gnant sur l’état et/ou la fonction de l’ensemble du greffon (2).
Rejet chronique
Le rejet subaigu prolongé ou chronique d’allogreffe intestinale se
manifeste cliniquement par des douleurs abdominales, des vomis-
sements et des troubles de la motricité intestinale. Histologiquement,
il s’accompagne d’une atrophie villositaire totale, associée à des ano-
malies de l’épithélium de surface, d’une fibrose de la sous-muqueuse
et des couches musculaires, ainsi qu’à une fibrose intimale des vais-
seaux sous-muqueux (21, 22). Il existe une infiltration de l’épithé-
lium, du chorion, de la sous-muqueuse et des couches musculaires
par des cellules lymphoïdes – surtout CD8+– et des macrophages.
La présence de quelques cellules mononucléées CD25+et l’expres-
sion intense des antigènes HLA-DR sur l’épithélium reflètent l’ac-
tivation persistante des cellules T infiltrant le greffon.
COMPLICATIONS INFECTIEUSES
DE LA TRANSPLANTATION INTESTINALE
L’importance de l’immunosuppression majore le risque infectieux.
Il est d’abord lié au cathéter veineux intracave, nécessaire au cours
de la période d’adaptation du greffon. La recolonisation bactérienne
du tube digestif après l’arrêt de la décontamination digestive et/ou
les épisodes de rejet exposent au risque de translocation bactérienne.
Les infections virales sont fréquentes, en particulier à cytomé-
galovirus (CMV), qu’il s’agisse de primoinfections ou de réacti-
vations que l’acyclovir ou le ganciclovir ne préviennent pas tou-
jours. Le diagnostic entre rejet et infection à CMV est parfois
difficile et repose sur la connaissance précise des statuts CMV
du donneur et du receveur, sur la sérologie (IgM), mais surtout
sur l’antigénémie CMV recherchée en immunofluorescence. Des
inclusions à CMV peuvent être mises en évidence au niveau du
greffon en histologie standard. Des techniques de PCR permet-
tent également le diagnostic à partir de biopsies (23). L’infection
à CMV est toujours grave sous immunosuppression et peut favo-
riser la survenue d’un rejet. Compte tenu de ces risques, la sélec-
tion des donneurs devrait permettre d’écarter les CMV positifs,
lorsque le receveur est CMV négatif.
Des syndromes lymphoprolifératifs induits par l’EBV ont été rap-
portés avec une incidence particulièrement élevée après trans-
plantation intestinale (9).Ils sont d’autant plus fréquents que l’im-
munosuppression est plus profonde. Au début de l’utilisation du
FK506, les doses élevées administrées par voie veineuse, avec
une surveillance limitée des taux plasmatiques, ont conduit au
développement de syndromes lymphoprolifératifs. La prophy-
laxie des infections à EBV reste un problème non résolu. D’autres
infections virales sont possibles, notamment à adénovirus (24).
FONCTIONS DU GREFFON
Plusieurs facteurs, tels que la dénervation, l’interruption du drai-
nage lymphatique, les lésions liées à l’ischémie et le traitement
immunosuppresseur, peuvent rendre compte des perturbations de
l’absorption des hydrates de carbone, des lipides, de l’eau et des
électrolytes (2). L’utilisation de l’axe digestif doit débuter préco-
cement soit par voie orale, soit en nutrition entérale pour assurer
une trophicité optimale de la muqueuse et réduire les phénomènes
de stase digestive, source de pullulation bactérienne intraluminale.
Des anomalies de l’absorption du D-xylose et des graisses ont été
observées en transplantation humaine, justifiant de limiter l’ap-
port lipidique. L’étude radiologique du transit intestinal met en
évidence un péristaltisme normal, voire hyperactif (5,8). Les enre-
gistrements manométriques révèlent, en revanche, une désorga-
nisation des complexes myomigrateurs interprandiaux en rapport
avec l’interruption de l’innervation extrinsèque de l’intestin grêle
(25). La transplantation colique associée présente des avantages
physiologiques en termes de réabsorption d’eau et d’électrolytes,
de ralentissement du transit intestinal et de facteurs trophiques
grâce à la synthèse colique d’acides gras à courte chaîne.
La transplantation intestinale permet la restitution d’un axe enté-
ral capable d’assurer les fonctions de digestion et d’absorption
permettant l’arrêt de toute nutrition parentérale. Cependant, les
pertes hydroélectrolytiques par le greffon peuvent retarder, voire
parfois empêcher, le sevrage définitif de la nutrition parentérale.
La transplantation associée du côlon droit permet de résoudre
cette difficulté et peut être recommandée dans toutes les situa-
tions où le côlon est absent ou incompétent.
CONCLUSION
La transplantation intestinale est devenue une réalité clinique,
notamment depuis l’utilisation du FK506. L’avenir de la trans-
plantation intestinale repose sur trois aspects essentiels :
– des critères rigoureux d’insuffisance intestinale “définitive” doi-
vent permettre la sélection des patients justifiant une transplan-
tation intestinale. Des complications vasculaires, infectieuses ou
hépatiques, survenues au cours de la nutrition parentérale, devront
conduire à la transplantation ;
– l’évaluation très précise de la situation hépatique et de son évo-
lutivité doit permettre de décider du type de transplantation intes-
tinale : isolée ou associée au foie ;
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– le développement de nouveaux traitements immunosuppres-
seurs reposant sur des drogues (rapamycine, 15-déoxyspergua-
line), ou des anticorps monoclonaux, la greffe de moelle osseuse
associée n’ayant actuellement pas démontré son efficacité.
Mots clés : Insuffisance intestinale – Transplantation intestinale
– Tacrolimus.
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