La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 2 - vol. II - mars-avril 199988
DOSSIER THÉMATIQUE
20 sous CsA, est à un an respectivement de 65 % et 18 %
(p < 0,0007) et démontre les propriétés immunosuppressives
du tacrolimus.
Ces résultats concernent les dix premières années de la trans-
plantation intestinale à travers l’expérience d’un grand nombre
de centres et sous différents protocoles d’immunosuppression.
Ceux obtenus par les centres les plus expérimentés reflètent mieux
la situation actuelle. Dans la série rapportée par Pittsburgh, la sur-
vie actuarielle des patients à 18 mois était de 62 % pour les TFG,
64 % pour les TIG et 86 % pour les TMV (7). Des résultats plus
récents concernant 55 enfants transplantés, dont 17 du grêle seul
et 33 associant foie et grêle, font état respectivement de 42 % et
60 % de patients en vie à 4 ans (9). Vingt-six transplantations,
17 associant foie et grêle et 9 du grêle seul, ont été réalisées chez
l’enfant par l’équipe d’Omaha avec des survies respectives des
patients à un an de 73 % et 100 % (10). Les résultats les plus
récents de cette équipe font état de 70 % de survie à 2 ans après
transplantation isolée du grêle. À l’hôpital Necker-Enfants-
Malades, 21 transplantations (dont 11 combinées au foie) ont été
réalisées à ce jour sous FK506. Cinq enfants sont décédés dans
les 2 mois suivant la greffe, et 3 après transplantation isolée du
grêle. Avec 8 à 50 mois de recul, pour les transplantations com-
binées foie + grêle, 80 % des enfants survivent et sont totalement
sevrés de la nutrition parentérale 1 à 6 mois après la greffe. Le
recul est actuellement insuffisant pour apprécier l’évolution des
transplantations isolées du grêle, mais la tendance indique une
survie des greffons inférieure.
INDICATIONS DE LA TRANSPLANTATION INTESTINALE
Chez l’enfant
Les résections étendues de l’intestin grêle responsables d’un syn-
drome de “grêle court” ont, tout à fait logiquement, représenté la
première indication de la transplantation intestinale. Chez le nou-
veau-né, les syndromes de grêle court sont la conséquence d’une
atrésie étendue du grêle parfois associée à un laparoschisis, d’un
volvulus du grêle postnatal, ou d’une entérocolite ulcéro-nécrosante.
Après résection étendue de l’intestin grêle, la plupart des nouveaux-
nés peuvent acquérir une autonomie digestive après un délai dépen-
dant de la longueur et de la nature (jéjunum ou iléon) du grêle restant
ainsi que de la présence de la valvule iléo-cæcale et/ou du côlon.
Cependant, un petit nombre d’enfants (environ 10 %) n’ont pas d’au-
tonomie digestive même après plusieurs années de NP (11). Cette
évolution est liée, soit à la brièveté du grêle restant (moins de 10 à
20 cm) avec absence de valvule, soit à sa mauvaise fonction motrice
lorsqu’il se situe en amont d’une atrésie ou qu’il est inclus dans une
péritonite plastique secondaire à un laparoschisis ou à des inter-
ventions chirurgicales multiples.
Une résection étendue de l’intestin grêle est parfois effectuée chez
l’enfant ou l’adolescent, pour une nécrose ischémique secondaire à
un volvulus sur bride, sur mésentère commun ou sur une tumeur
mésentérique. Chez ces enfants, l’adaptation intestinale ne peut être
obtenue que si la longueur du grêle restant est supérieure à 40 cm
au-delà de l’angle de Treitz (11). Un certain nombre d’enfants, qui
sont dans cette situation anatomique, n’acquièrent pas d’autonomie
même après 6 à 12 ans de NP à domicile ; ils sont, par conséquent,
candidats à une transplantation intestinale. Dans toutes ces situa-
tions de grêle court, la transplantation ne peut être envisagée que
lorsque toutes les possibilités médicales et chirurgicales visant à
permettre au grêle de s’adapter ont échoué. En dehors des indica-
tions purement anatomiques, la transplantation intestinale peut être
indiquée, chez l’enfant, dans deux types de pathologie : les troubles
primitifs de la motricité intestinale (pseudo-obstruction intestinale
chronique ou maladie de Hirschsprung étendue à l’intestin grêle),
et les pathologies constitutionnelles de la muqueuse intestinale, telles
que la dysplasie épithéliale et l’atrophie microvillositaire.
Chez l’adulte
Les indications à la transplantation intestinale sont les grêles très
courts non adaptables après résection subtotale ou totale. Ils sont
secondaires à des accidents vasculaires, d’origine mécanique, trau-
matique ou athéromateuse, ayant conduit à une nécrose de tout ou
partie du grêle. Les tumeurs ou infiltrations du mésentère, comme
les syndromes de Gardner, les séquelles de grêle radique et les
syndromes de pseudo-obstruction intestinale chronique, sont éga-
lement des indications à la transplantation intestinale chez l’adulte.
La maladie de Crohn étendue au grêle doit être considérée à part,
bien que des transplantations aient été effectuées dans ce contexte,
car elle pose le problème de sa récidive sur le greffon.
Candidats potentiels
Le nombre de candidats “potentiels” à une transplantation intes-
tinale a été évalué dans une étude britannique à 2 par an et par mil-
lion d’habitants, soit environ 100 par an en France, qu’il s’agisse
d’adultes ou d’enfants (12). En réalité, ces chiffres doivent être
interprétés avec prudence car la prise en charge des patients pré-
sentant une insuffisance intestinale anatomique ou fonctionnelle
a bénéficié depuis une vingtaine d’années des progrès et du déve-
loppement de la nutrition parentérale à domicile (NPD). La trans-
plantation intestinale est possible et peut représenter, dans cer-
taines situations, l’alternative thérapeutique logique. Elle permet,
grâce à un greffon fonctionnel, une autonomie digestive (sevrage
de la NP) tout en maintenant un état nutritionnel satisfaisant et,
chez l’enfant, une croissance normale (7-9). Elle est théorique-
ment indiquée dans toutes les situations de dépendance définitive
d’une NP. Actuellement, elle n’est indiquée que lorsque la NP
devient limitée par la survenue de complications vasculaires, infec-
tieuses, métaboliques ou hépatiques. Cependant, la bonne tolé-
rance actuelle de la NP, même très prolongée, justifie de peser
chaque indication à la transplantation en termes de risque iatro-
gène et de qualité de vie. La NP est, actuellement, une thérapeu-
tique efficace permettant d’attendre, avec une morbidité réduite,
que la transplantation intestinale soit en mesure d’assurer une sur-
vie durable et de qualité (13). À l’inverse, lorsque les limites de
la NP sont atteintes, notamment en raison de complications vas-
culaires, infectieuses, hépatiques ou métaboliques, et psycholo-
giques, la transplantation intestinale doit être envisagée.