janv/fév maq ok 27/02/02 16:33 Page 21 La prise en charge d’une fibrillation auriculaire est-elle différente chez un hypertendu traité ? Jean-Yves Le Heuzey* Dans les récentes enquêtes faites en France sur le profil des patients présentant une fibrillation auriculaire, il a été trouvé que l’hypertension artérielle était le premier facteur de comorbidité : 43 % dans l’étude COCAF (1) et 39,4 % dans l’étude ALFA (2). Les relations liant hypertension artérielle et fibrillation auriculaire passent très probablement par la dysfonction diastolique ventriculaire gauche, ainsi que la taille et la fonction auriculaire gauche. S’il est toujours délicat de parler d’étiologie lorsque les mécanismes ne sont pas totalement établis, il n’en demeure pas moins que l’association est très souvent rencontrée et qu’il s’agit d’une comorbidité. Nous envisagerons ici l’incidence des troubles du rythme supraventriculaire dans l’hypertension artérielle, puis le traitement lui-même de la fibrillation auriculaire chez l’hypertendu connu et traité. Hypertension artérielle et arythmies supraventriculaires Les extrasystoles auriculaires sont habituelles chez les hypertendus. Le risque de la fibrillation auriculaire augmente d’un facteur 1,5 chez l’homme et 1,4 chez la femme en présence d’hypertension artérielle (3). Le mécanisme de la fibrillation auriculaire chez l’hypertendu reste mal connu. Cependant, plu- * Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. sieurs études suggèrent que c’est par l’altération des propriétés diastoliques du ventricule gauche et la perturbation des fonctions contractiles et électriques de l’oreillette que l’hypertension artérielle pourrait intervenir. Une pression systolique diurne et nocturne élevée sur un enregistrement ambulatoire pourrait être un facteur prédictif intéressant (4). Il existe un certain nombre de discussions dans la littérature concernant la valeur prédictive, en termes de survenue de troubles du rythme auriculaire, du profil jour/nuit de pression artérielle (5). Bien entendu, il convient d’individualiser une forme particulière d’hypertension artérielle pouvant conduire à la fibrillation auriculaire par le biais de l’hypokaliémie génératrice d’hyperexcitabilité auriculaire, c’est l’hyperaldostéronisme primaire qui, dans quelques cas, peut être révélé par l’arythmie auriculaire. Même si le cas de figure reste rare, il convient de rechercher le diagnostic chez les patients hypertendus et fibrillants qui n’auraient pas une kaliémie normale et présenteraient des rechutes de fibrillation en rapport avec l’anomalie ionique. Certains examens électrophysiologiques non invasifs permettent d’avoir une idée précise sur le risque rythmique ventriculaire de l’hypertendu, comme la dynamique de l’intervalle QT, les potentiels tardifs ou encore la variabilité de la fréquence cardiaque. Pour ce qui concerne les troubles du rythme auriculaire la situation est moins claire. La durée et peut-être la dispersion de l’onde P pourraient être des éléments intéressants (6). Act. Méd. Int. - Hypertension (14), n° 1, janvier 2002 L es rapports entre hypertension artérielle et fibrillation auriculaire sont de plus en plus souvent évoqués. La raison principale en est la suivante : si autrefois fibrillation auriculaire était synonyme, dans de nombreux cas, de valvulopathie rhumatismale, actuellement il apparaît que le premier facteur de comorbidité qui est retrouvé dans toutes les études est l’hypertension artérielle. Cette donnée majeure suscite de nombreuses interrogations concernant le lien entre ces deux affections, les mécanismes en cause et surtout la prise en charge thérapeutique. Traitement de la fibrillation auriculaire chez l’hypertendu L’objectif, lorsque l’on traite un patient qui a une hypertension essentielle et qui a déjà été victime de crises de fibrillation auriculaire, doit être de contrôler la pression artérielle tout en contrôlant la fibrillation auriculaire. Un traitement antihypertenseur efficace a toutes chances de réduire la taille de l’oreillette gauche, ce qui a été démontré pour de nombreux médicaments antiarythmiques (7) : aténolol, captopril, clonidine, diltiazem, hydrochlorothiazide, prazosine. Il est évident, par ailleurs, que la réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche, par les médicaments antihypertenseurs, va permettre de mieux contrôler le risque rythmique, essentiellement ventriculaire cette fois. Il convient d’envisager les différentes classes thérapeutiques utilisées dans l’hypertension artérielle pour statuer sur leur intérêt chez le patient fibrillant, que ce soit une fibrillation auriculaire paroxystique ou une fibrillation auriculaire persistante ayant nécessité une réduction et la prescription d’un traitement préventif des rechutes. Bêtabloquants L’utilisation des bêtabloquants chez ce type de patients est possible. Leur effet peut être différent selon le mécanisme de déclenchement en cause dans la fibrillation auriculaire : en cas de fibrillation auriculaire de type catécholergique (survenant plus volontiers chez le corona- 21 Mise au point Mise au point janv/fév maq ok 27/02/02 16:33 Page 22 rien et lors de l’effort ou du stress), les bêtabloquants sont indiqués. À l’inverse, s’il s’agit d’une fibrillation auriculaire plutôt de type vagal (chez un patient sans cardiopathie évoluée, survenant principalement en période nocturne ou après les repas), les bêtabloquants risquent d’avoir un effet délétère. Par ailleurs, il faut tenir compte de la difficulté d’association entre médicaments bradycardisants, bêtabloquants pour l’hypertension artérielle et amiodarone, par exemple, qui serait prescrite pour la prévention des rechutes de fibrillation auriculaire. Chez certains patients, notamment âgés, l’association risque d’être mal tolérée sur le plan de la fréquence cardiaque. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion C’est probablement la thérapeutique de choix pour l’hypertendu fibrillant. Il n’a pas été démontré d’interférences nocives entre les antiarythmiques qui peuvent être prescrits pour le contrôle de la fibrillation auriculaire et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Au contraire, il existe un certain nombre d’arguments aussi bien cliniques qu’expérimentaux pour penser que l’effet des inhibiteurs de l’enzyme de conversion pourrait être favorable. Les arguments cliniques proviennent de l’étude TRACE (8) dans laquelle le trandolapril a pu avoir un effet favorable sur la survenue des fibrillations auriculaires. Il y a aussi un certain nombre d’arguments expérimentaux montrant que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion peuvent avoir un effet favorable pour éviter le remodelage auriculaire consécutif aux passages en fibrillation auriculaire (9). Diurétiques L’effet des diurétiques dépend de leur mécanisme d’action. Les diurétiques hypokaliémiants, thiazidiques ou diurétiques de l’anse, entraînant une kypokaliémie potentielle, peuvent très probablement être responsables d’une hyperexcitabilité auriculaire qui pourrait favoriser les rechutes de fibrillation auriculaire. Il en va différemment de la spironolactone pour laquelle on peut penser que son effet dans la fibrillation auriculaire pourrait être tout à fait favorable, mais on manque actuellement d’études contrôlées pour en avoir la certitude. Inhibiteurs par antagonistes de l’angiotensine II On peut considérer, actuellement, que cette classe thérapeutique est neutre en matière de traitement de la fibrillation auriculaire, mais il n’y a pas d’étude contrôlée permettant d’en avoir la certitude. Ils pourraient également, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, avoir un effet plutôt favorable, mais les preuves manquent actuellement pour le démontrer. Antihypertenseurs centraux Il en va de même pour cette classe thérapeutique. Il est possible que certains antihypertenseurs centraux (rilménidine, par exemple) puissent avoir un effet antiarythmique, peut-être à des doses supérieures aux doses actuellement utilisées dans l’hypertension artérielle, mais là aussi on manque de preuves. Inhibiteurs calciques Il faut bien sûr séparer les dihydropyridines et les autres anticalciques. Concernant les dihydropyridines, il n’y a jamais eu de démonstration d’effet favorable. Certaines observations de déclenchements de crises de fibrillation auriculaire survenant par le biais d’une accélération de fréquence induite par certaines dihydropyridines ont été rapportées. Il ne s’agit cependant que de cas isolés et il n’y a pas de démonstration claire dans la littérature d’un possible effet délétère en matière de déclenchement de fibrillation auriculaire. Concernant les anticalciques entraînant un ralentissement de la fréquence cardiaque, comme le vérapamil ou le diltiazem, il n’y a pas de preuve directe de leur effet préventif sur les rechutes de fibrillation auriculaire. Il est possible que le vérapamil ait un effet favorable sur le remodelage auriculaire (10). Ces anticalciques peuvent être utilisés chez le patient fibrillant en sachant que, comme pour les bêtabloquants, il peut y Act. Méd. Int. - Hypertension (14), n° 1, janvier 2002 avoir des effets de sommation sur le ralentissement de la fréquence cardiaque avec des médicaments antiarythmiques comme l’amlodarone. Concernant maintenant l’effet des médicaments antiarythmiques sur les chiffres de pression artérielle, on manque aussi de données. Il avait été évoqué la possibilité d’un effet défavorable sur les chiffres de pression artérielle de certains antiarythmiques. Cela n’a jamais été prouvé. Le plus probable est qu’en fait, une fois la fibrillation auriculaire dépistée (ce qui paradoxalement est parfois plus facile à faire, du fait des symptômes, que le dépistage de l’hypertension artérielle I), on observe lors du suivi sous traitement la révélation d’un certain nombre de cas d’hypertension artérielle qui n’étaient pas connus auparavant. Nous avons eu la surprise de constater que cet état de fait était survenu très fréquemment dans le suivi d’un an de l’étude COCAF (1). Mais il est plus probable qu’il s’agisse de patients hypertendus qui s’ignoraient auparavant et pour lesquels l’hypertension artérielle a été confirmée peu de temps après la découverte de la fibrillation auriculaire. Conclusion L’association fibrillation auriculaire et hypertension artérielle est de plus en plus souvent retrouvée dans les séries de fibrillations auriculaires actuellement publiées. Le mécanisme de la filiation de l’une à l’autre reste peu clair mais passe certainement par la physiopathologie de la diastole et l’hémodynamique auriculaire gauche. Spironolactone et inhibiteurs de l’enzyme de conversion paraissent actuellement, sur des arguments souvent indirects mais consistants, les meilleurs choix thérapeutiques pour traiter l’hypertension artérielle d’un patient ayant eu de la fibrillation auriculaire. Les antiarythmiques usuels peuvent être utilisés chez l’hypertendu, en prenant garde de bien surveiller la fréquence cardiaque en cas d’associations de médicaments bradycardisants. 22 Mise au point Mise au point janv/fév maq ok 27/02/02 16:33 Page 23 Références bibliographiques 1. Le Heuzey JY, Piot O, Paziaud O et al. Cost of care in atrial fibrillation. Eur Heart J 2000 ; 21 : 473. 2. Levy S, Maarek M, Coumel P et al. Caracterization of different subsets of atrial fibrillation in general practice in France. The ALFA study. Circulation 1999 ; 99 : 3028-35. 3. Kannel WB, Wolf PA, Benjamin EY, Levy D. Prevalence, incidence, prognosis and predisposing conditions for atrial fibrillation : population-based estimates. Am J Cardiol 1998 ; 82 : 2N-9N. 4. Claroni S, Cuenoud L, Bloch A. Clinical study to investigate the predictive parameters for the onset of atrial fibrillation in patients with essential hypertension. Am Heart J 2000 ; 139 : 814-9. 5. Rizzo V, Maio FD, Campbell SG et al. 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