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La prise en charge
d’une fibrillation auriculaire
est-elle différente
chez un hypertendu traité ?
Jean-Yves Le Heuzey*
Dans les récentes enquêtes faites en
France sur le profil des patients présentant une fibrillation auriculaire, il a été
trouvé que l’hypertension artérielle était
le premier facteur de comorbidité : 43 %
dans l’étude COCAF (1) et 39,4 % dans
l’étude ALFA (2). Les relations liant
hypertension artérielle et fibrillation
auriculaire passent très probablement
par la dysfonction diastolique ventriculaire gauche, ainsi que la taille et la
fonction auriculaire gauche. S’il est toujours délicat de parler d’étiologie
lorsque les mécanismes ne sont pas totalement établis, il n’en demeure pas
moins que l’association est très souvent
rencontrée et qu’il s’agit d’une comorbidité. Nous envisagerons ici l’incidence
des troubles du rythme supraventriculaire dans l’hypertension artérielle, puis le
traitement lui-même de la fibrillation
auriculaire chez l’hypertendu connu et
traité.
Hypertension artérielle et
arythmies supraventriculaires
Les extrasystoles auriculaires sont habituelles chez les hypertendus. Le risque
de la fibrillation auriculaire augmente
d’un facteur 1,5 chez l’homme et 1,4
chez la femme en présence d’hypertension artérielle (3). Le mécanisme de la
fibrillation auriculaire chez l’hypertendu reste mal connu. Cependant, plu-
* Hôpital européen Georges-Pompidou,
Paris.
sieurs études suggèrent que c’est par
l’altération des propriétés diastoliques
du ventricule gauche et la perturbation
des fonctions contractiles et électriques
de l’oreillette que l’hypertension artérielle pourrait intervenir. Une pression
systolique diurne et nocturne élevée sur
un enregistrement ambulatoire pourrait
être un facteur prédictif intéressant (4).
Il existe un certain nombre de discussions dans la littérature concernant la
valeur prédictive, en termes de survenue
de troubles du rythme auriculaire, du
profil jour/nuit de pression artérielle (5).
Bien entendu, il convient d’individualiser une forme particulière d’hypertension artérielle pouvant conduire à la
fibrillation auriculaire par le biais de
l’hypokaliémie génératrice d’hyperexcitabilité auriculaire, c’est l’hyperaldostéronisme primaire qui, dans quelques cas,
peut être révélé par l’arythmie auriculaire.
Même si le cas de figure reste rare, il
convient de rechercher le diagnostic
chez les patients hypertendus et fibrillants qui n’auraient pas une kaliémie
normale et présenteraient des rechutes
de fibrillation en rapport avec l’anomalie ionique.
Certains examens électrophysiologiques
non invasifs permettent d’avoir une idée
précise sur le risque rythmique ventriculaire de l’hypertendu, comme la dynamique de l’intervalle QT, les potentiels
tardifs ou encore la variabilité de la fréquence cardiaque. Pour ce qui concerne
les troubles du rythme auriculaire la
situation est moins claire. La durée et
peut-être la dispersion de l’onde P pourraient être des éléments intéressants (6).
Act. Méd. Int. - Hypertension (14), n° 1, janvier 2002
L
es rapports entre hypertension
artérielle et fibrillation auriculaire
sont de plus en plus souvent évoqués. La raison principale en est la suivante : si autrefois fibrillation auriculaire
était synonyme, dans de nombreux cas,
de valvulopathie rhumatismale, actuellement il apparaît que le premier facteur
de comorbidité qui est retrouvé dans
toutes les études est l’hypertension
artérielle. Cette donnée majeure suscite
de nombreuses interrogations concernant le lien entre ces deux affections, les
mécanismes en cause et surtout la prise
en charge thérapeutique.
Traitement de la fibrillation
auriculaire chez l’hypertendu
L’objectif, lorsque l’on traite un patient
qui a une hypertension essentielle et qui a
déjà été victime de crises de fibrillation
auriculaire, doit être de contrôler la pression artérielle tout en contrôlant la fibrillation auriculaire. Un traitement antihypertenseur efficace a toutes chances de
réduire la taille de l’oreillette gauche, ce
qui a été démontré pour de nombreux
médicaments antiarythmiques (7) : aténolol, captopril, clonidine, diltiazem, hydrochlorothiazide, prazosine. Il est évident,
par ailleurs, que la réduction de l’hypertrophie ventriculaire gauche, par les médicaments antihypertenseurs, va permettre
de mieux contrôler le risque rythmique,
essentiellement ventriculaire cette fois.
Il convient d’envisager les différentes
classes thérapeutiques utilisées dans
l’hypertension artérielle pour statuer sur
leur intérêt chez le patient fibrillant, que
ce soit une fibrillation auriculaire
paroxystique ou une fibrillation auriculaire persistante ayant nécessité une
réduction et la prescription d’un traitement préventif des rechutes.
Bêtabloquants
L’utilisation des bêtabloquants chez ce
type de patients est possible. Leur effet
peut être différent selon le mécanisme
de déclenchement en cause dans la fibrillation auriculaire : en cas de fibrillation
auriculaire de type catécholergique (survenant plus volontiers chez le corona-
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rien et lors de l’effort ou du stress), les
bêtabloquants sont indiqués. À l’inverse,
s’il s’agit d’une fibrillation auriculaire
plutôt de type vagal (chez un patient
sans cardiopathie évoluée, survenant
principalement en période nocturne ou
après les repas), les bêtabloquants risquent d’avoir un effet délétère. Par
ailleurs, il faut tenir compte de la difficulté d’association entre médicaments
bradycardisants, bêtabloquants pour
l’hypertension artérielle et amiodarone,
par exemple, qui serait prescrite pour la
prévention des rechutes de fibrillation
auriculaire. Chez certains patients,
notamment âgés, l’association risque
d’être mal tolérée sur le plan de la fréquence cardiaque.
Inhibiteurs de l’enzyme
de conversion
C’est probablement la thérapeutique de
choix pour l’hypertendu fibrillant. Il n’a
pas été démontré d’interférences nocives
entre les antiarythmiques qui peuvent être
prescrits pour le contrôle de la fibrillation
auriculaire et les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion. Au contraire, il existe un
certain nombre d’arguments aussi bien cliniques qu’expérimentaux pour penser que
l’effet des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion pourrait être favorable. Les
arguments cliniques proviennent de l’étude
TRACE (8) dans laquelle le trandolapril a
pu avoir un effet favorable sur la survenue
des fibrillations auriculaires. Il y a aussi un
certain nombre d’arguments expérimentaux montrant que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion peuvent avoir un effet
favorable pour éviter le remodelage auriculaire consécutif aux passages en fibrillation
auriculaire (9).
Diurétiques
L’effet des diurétiques dépend de leur
mécanisme d’action. Les diurétiques
hypokaliémiants, thiazidiques ou diurétiques de l’anse, entraînant une kypokaliémie potentielle, peuvent très probablement être responsables d’une hyperexcitabilité auriculaire qui pourrait favoriser les rechutes de fibrillation auriculaire. Il en va différemment de la spironolactone pour laquelle on peut penser
que son effet dans la fibrillation auriculaire pourrait être tout à fait favorable,
mais on manque actuellement d’études
contrôlées pour en avoir la certitude.
Inhibiteurs par antagonistes
de l’angiotensine II
On peut considérer, actuellement, que
cette classe thérapeutique est neutre en
matière de traitement de la fibrillation
auriculaire, mais il n’y a pas d’étude
contrôlée permettant d’en avoir la certitude. Ils pourraient également, comme
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, avoir un effet plutôt favorable,
mais les preuves manquent actuellement
pour le démontrer.
Antihypertenseurs centraux
Il en va de même pour cette classe thérapeutique. Il est possible que certains
antihypertenseurs centraux (rilménidine,
par exemple) puissent avoir un effet antiarythmique, peut-être à des doses supérieures aux doses actuellement utilisées
dans l’hypertension artérielle, mais là
aussi on manque de preuves.
Inhibiteurs calciques
Il faut bien sûr séparer les dihydropyridines et les autres anticalciques.
Concernant les dihydropyridines, il n’y
a jamais eu de démonstration d’effet
favorable. Certaines observations de
déclenchements de crises de fibrillation
auriculaire survenant par le biais d’une
accélération de fréquence induite par
certaines dihydropyridines ont été rapportées. Il ne s’agit cependant que de cas
isolés et il n’y a pas de démonstration
claire dans la littérature d’un possible
effet délétère en matière de déclenchement de fibrillation auriculaire.
Concernant les anticalciques entraînant
un ralentissement de la fréquence cardiaque, comme le vérapamil ou le diltiazem, il n’y a pas de preuve directe de
leur effet préventif sur les rechutes de
fibrillation auriculaire. Il est possible
que le vérapamil ait un effet favorable
sur le remodelage auriculaire (10). Ces
anticalciques peuvent être utilisés chez
le patient fibrillant en sachant que,
comme pour les bêtabloquants, il peut y
Act. Méd. Int. - Hypertension (14), n° 1, janvier 2002
avoir des effets de sommation sur le
ralentissement de la fréquence cardiaque
avec des médicaments antiarythmiques
comme l’amlodarone.
Concernant maintenant l’effet des médicaments antiarythmiques sur les chiffres
de pression artérielle, on manque aussi
de données. Il avait été évoqué la possibilité d’un effet défavorable sur les
chiffres de pression artérielle de certains
antiarythmiques. Cela n’a jamais été
prouvé. Le plus probable est qu’en fait,
une fois la fibrillation auriculaire dépistée (ce qui paradoxalement est parfois
plus facile à faire, du fait des symptômes, que le dépistage de l’hypertension artérielle I), on observe lors du
suivi sous traitement la révélation d’un
certain nombre de cas d’hypertension
artérielle qui n’étaient pas connus auparavant. Nous avons eu la surprise de
constater que cet état de fait était survenu très fréquemment dans le suivi d’un
an de l’étude COCAF (1). Mais il est
plus probable qu’il s’agisse de patients
hypertendus qui s’ignoraient auparavant
et pour lesquels l’hypertension artérielle
a été confirmée peu de temps après la
découverte de la fibrillation auriculaire.
Conclusion
L’association fibrillation auriculaire et
hypertension artérielle est de plus en
plus souvent retrouvée dans les séries de
fibrillations auriculaires actuellement
publiées. Le mécanisme de la filiation
de l’une à l’autre reste peu clair mais
passe certainement par la physiopathologie de la diastole et l’hémodynamique
auriculaire gauche. Spironolactone et
inhibiteurs de l’enzyme de conversion
paraissent actuellement, sur des arguments souvent indirects mais consistants, les meilleurs choix thérapeutiques
pour traiter l’hypertension artérielle
d’un patient ayant eu de la fibrillation
auriculaire. Les antiarythmiques usuels
peuvent être utilisés chez l’hypertendu,
en prenant garde de bien surveiller la
fréquence cardiaque en cas d’associations de médicaments bradycardisants.
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