Question d’actualité
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 4, mai 2003
Question d’actualité
classique d’hémochromatose génétique
car : la saturation de la transferrine est
normale ou peu élevée en dépit d’une
hyperferritinémie volontiers majeure
(>1000ng/ml) ; la surcharge prédomine
nettement dans les cellules macropha-
giques ; et les phlébotomies sont souvent
mal tolérées. La dénomination d’hémo-
chromatose génétique HFE 4 qui lui a été
attribuée mérite donc vraisemblablement
d’être revue. Plusieurs mutations
(Asn144His, Ala77Asp, Val162del) ont
été décrites dans des familles italiennes
(10), néerlandaises (11) et anglaises (12).
Saturation de la transferrine
nettement augmentée
Il est tout d’abord indispensable de
vérifier la réalité de l’augmentation de
la saturation de la transferrine, car cet
examen donne facilement lieu à des
faux positifs liés, le plus souvent, à une
hémolyse partielle du prélèvement. Si
la saturation est réellement élevée,
deux diagnostics sont à considérer
avant d’évoquer une hémochromatose
génétique atypique:
– une surcharge secondaire à l’état
de cirrhose. L’élévation de la satura-
tion de la transferrine est principale-
ment liée ici à l’abaissement de la trans-
ferrinémie, elle-même secondaire à
l’insuffisance hépatocellulaire. Le dia-
gnostic différentiel avec la cirrhose
hémochromatosique repose sur :
l’identification d’une cause de maladie
chronique du foie autre que la sur-
charge en fer ; l’ancienneté et/ou la
sévérité de la cirrhose ; l’hétérogénéité
de répartition du fer d’un nodule à
l’autre ; et l’absence de dépôts sidé-
riques dans le tissu fibreux et les parois
vasculaires et biliaires (13) ;
– une dysérythropoïèse. Toute dysé-
rythropoïèse compensée est susceptible
d’induire, par le biais d’une hyperab-
sorption réactionnelle de fer, un tableau
mimant une hémochromatose géné-
tique. Le diagnostic peut être évoqué
devant une baisse du taux d’hémoglo-
bine associée à une macrocytose. Il est
posé par l’examen du médulogramme.
Caractérisation
d’une hémochromatose
génétique atypique
À ce stade, la démarche diagnostique
est d’autant plus facile et plus produc-
tive que l’on dispose d’un bilan martial
(fer sérique, saturation de la transfer-
rine et ferritinémie) pour les apparen-
tés au premier degré.
Si l’étude familiale permet l’identi-
fication d’un (ou de plusieurs)
autre(s) cas de surcharge en fer, la
preuve est quasiment faite du caractè-
re génétique de cette surcharge. Une
étude de génétique moléculaire peut
alors être entreprise avec de bonnes
chances de succès :
– devant une transmission s’égrègeant
avec le chromosome 6, le laboratoire
oriente d’emblée l’analyse moléculaire
vers la recherche d’une mutation du
gène HFE 1. Cette recherche postule le
séquençage du gène et peut aboutir,
comme cela a été le cas chez quelques
sujets italiens (14) ou anglais (15), à la
description d’une mutation rare qui,
associée à une hétérozygotie C282Y, est
susceptible d’induire un phénotype
complet d’hémochromatose génétique ;
– devant une transmission ne s’égrè-
geant avec le chromosome 6, le labo-
ratoire s’oriente vers une hémochro-
matose génétique non HFE1 générale.
•si les patients sont jeunes et présen-
tent un tableau phénotypique sévère
dominé par des atteintes cardiaque,
hépatique et gonadique, la recherche
d’une hémochromatose juvénile de
transmission autosomique récessive
est d’abord entreprise. Deux types
en sont actuellement décrits :
l’hémochromatose juvénile HFE 2
(OMIM 602390) liée à la mutation
d’un gène situé en 1q21 mais non
encore identifié (16). C’est au Qué-
bec qu’elle est la moins rare (17) ;
–il vient d’en être décrit un second
type correspondant à la mutation du
gène de l’human antimicrobial pep-
tide (HAMP, OMIM 606464) ou hep-
cidine, situé en 19q13. Ce peptide
d’origine hépatique est vraisembla-
blement impliqué dans la régulation
de l’absorption digestive du fer (18,
19). Deux mutations ont été décrites
au sein de familles d’origine grecque
(20).
•si les sujets atteints sont des adultes,
l’étude débute plutôt par la recherche
d’une hémochromatose HFE 3 liée à
la présence de mutations dans le gène
codant pour le récepteur de la trans-
ferrine 2 situé en 7q22 (OMIM
604250) et également transmise selon
un mode autosomique récessif. À ce
jour, plusieurs mutations ont été
décrites dans des familles italiennes
(21-23) et portugaises (24).
Si l’étude familiale n’aboutit pas à
l’identification d’autres cas de sur-
charge en fer, les résultats de l’étude
de génétique moléculaire sont plus
aléatoires.
– si le phénotype est peu exprimé (fer-
ritinémie < 1 000 ng/ml – CHF <
150ng/ml – absence de complications
viscérales), le diagnostic d’hémochro-
matose génétique HFE 1 est souvent
proposé lorsque le sujet est hétérozy-
gote pour C282Y et pour une mutation
mineure telle H63D ou S65C. L’ex-
pression de ces hétérozygoties compo-
sites est en règle générale sous-tendue
par un syndrome polymétabolique ou
un alcoolisme chronique (5).
– si le phénotype est clairement
exprimé, il peut s’agir :
•d’une hémochromatose HFE1 par
homozygotie pour une mutation excep-
tionnelle, comme cela a été rapporté
chez un sujet d’origine vietnamienne
(25) ;
•d’une hémochromatose HFE 2,
HFE3…, voire HFEx à découvrir ;
•d’une situation plus complexe,
comme la coexistence d’une hétéro-
zygotie composite et d’une mutation
sur le gène de la ferroportine 1.
Postuler qu’une surcharge en fer est une
hémochromatose génétique atypique
est lourd de conséquences car ce dia-
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