Question d’actualité Les hémochromatoses Réévaluation diagnostique

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Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 4, mai 2003
Question d’actualité
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Question d’actualité
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Question d’actualité
Réévaluation diagnostique
Il faut s’assurer de la réalité de la sur-
charge viscérale en fer, puis de l’au-
thenticité du phénotype.
Réalité de la surcharge
Il convient tout d’abord de vérifier qu’a
bien été écartée une anomalie du méta-
bolisme du fer liée à un syndrome
inflammatoire, une activation macro-
phagique, une cytolyse hépatique, mus-
culaire, médullaire ou globulaire rouge,
une consommation excessive d’alcool
ou encore un syndrome hyperferritiné-
mie-cataracte transmis sur un mode
autosomique dominant.
Il est ensuite nécessaire de disposer
d’une évaluation de la concentration
hépatique en fer par l’IRM (3) ou la
biopsie hépatique (4), le choix entre ces
deux examens dépendant de la qualité
de l’appareillage IRM dont on dispose
et de l’existence éventuelle de signes
d’hépatopathie chronique.
Authenticité du phénotype
Le degré de saturation de la transfer-
rine aide à répondre à cette question
fondamentale.
Saturation de la transferrine abaissée
Le diagnostic d’hémochromatose géné-
tique n’est pas recevable (5) sauf dans
le cas, exceptionnel, où coexiste un syn-
drome inflammatoire (6). Il peut, en
revanche, s’agir ici d’un autre trouble
inné du métabolisme du fer, l’acérulo-
plasminémie héréditaire (7), affection
de transmission autosomique récessive
liée à l’existence de mutations dans le
gène de la céruloplasmine. Le dia-
gnostic en est établi devant la présence
de signes neurologiques (syndrome
extra-pyramidal, troubles des fonctions
supérieures…) et l’effondrement du
taux sérique de la céruloplasmine. La
maladie a été principalement décrite
dans des familles japonaises, mais
quelques cas ont été signalés en
Europe, notamment en France (8).
Saturation de la transferrine normale
ou peu augmentée
Dans l’immense majorité des cas, il
s’agit d’une hépatosidérose dysméta-
bolique ; exceptionnellement d’une
surcharge en fer par mutation sur le
gène SLC11A3.
– Hépatosidérose dysmétabolique
(9). Le diagnostic en est évoqué devant
une hyperferritinémie plus élevée que
ne le voudrait le caractère modéré (50
à 150µmol/g ; N < 35) de la charge
hépatique en fer, l’aspect mixte de
cette surcharge (dépôts hépatocytaires
périportaux et surcharge kupfférienne
diffuse) et l’existence d’un syndrome
polymétabolique (HTA, surpoids
androïde, dyslipidémie, diabète…)
associé, dans plus de la moitié des cas,
à une stéatohépatite.
– Surcharge en fer par mutation sur
le gène SLC11A3 (OMIM 606069). Ce
gène code pour la ferroportine 1, dont la
fonction est d’assurer la sortie cellulaire
du fer, notamment au niveau de l’enté-
rocyte et des macrophages. La maladie
est transmise sur un mode autosomique
dominant et ne réalise pas un phénotype
Les hémochromatoses
génétiques atypiques
Y. Deugnier*, **, A.M. Jouanolle*, ***
* Centre de dépistage de
l’hémochromatose;
** service des maladies du foie ;
*** laboratoire de génétique moléculaire,
CHU Pontchaillou, Rennes.
L’hémochromatose géné-
tique peut être définie
comme une affection de
transmission autosomique réces-
sive caractérisée par une hyper-
absorption digestive de fer, une
élévation de la saturation de la
transferrine et la constitution pro-
gressive d’une surcharge paren-
chymateuse en fer touchant par-
ticulièrement le foie (cirrhose), le
pancréas (diabète) et le cœur (car-
diomyopathie) (1). Dans près de
la moitié des cas, elle est égale-
ment responsable d’une sympto-
matologie articulaire, dont la sur-
venue n’est pas corrélée à
l’importance de la surcharge mais
est, paradoxalement, la marque
clinique la plus spécifique de la
maladie. Ainsi strictement défini,
le phénotype de l’hémochroma-
tose génétique est, dans la grande
majorité des cas, associé à une
homozygotie pour la mutation
C282Y du gène HFE 1 (OMIM
235200) (2). Un certain nombre
de sujets classés phénotypique-
ment comme hémochromato-
siques se révèlent toutefois non
homozygotes pour cette muta-
tion. Pour assurer le diagnostic et
la prise en charge de tels patients,
il convient de réévaluer les élé-
ments du diagnostic de façon cri-
tique et sans tenir compte du
génotype HFE1 , avant d’évoquer
la possibilité d’une hémochroma-
tose génétique atypique.
L
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classique d’hémochromatose génétique
car : la saturation de la transferrine est
normale ou peu élevée en dépit d’une
hyperferritinémie volontiers majeure
(>1000ng/ml) ; la surcharge prédomine
nettement dans les cellules macropha-
giques ; et les phlébotomies sont souvent
mal tolérées. La dénomination d’hémo-
chromatose génétique HFE 4 qui lui a été
attribuée mérite donc vraisemblablement
d’être revue. Plusieurs mutations
(Asn144His, Ala77Asp, Val162del) ont
été décrites dans des familles italiennes
(10), néerlandaises (11) et anglaises (12).
Saturation de la transferrine
nettement augmentée
Il est tout d’abord indispensable de
vérifier la réalité de l’augmentation de
la saturation de la transferrine, car cet
examen donne facilement lieu à des
faux positifs liés, le plus souvent, à une
hémolyse partielle du prélèvement. Si
la saturation est réellement élevée,
deux diagnostics sont à considérer
avant d’évoquer une hémochromatose
génétique atypique:
– une surcharge secondaire à l’état
de cirrhose. L’élévation de la satura-
tion de la transferrine est principale-
ment liée ici à l’abaissement de la trans-
ferrinémie, elle-même secondaire à
l’insuffisance hépatocellulaire. Le dia-
gnostic différentiel avec la cirrhose
hémochromatosique repose sur :
l’identification d’une cause de maladie
chronique du foie autre que la sur-
charge en fer ; l’ancienneté et/ou la
sévérité de la cirrhose ; l’hétérogénéité
de répartition du fer d’un nodule à
l’autre ; et l’absence de dépôts sidé-
riques dans le tissu fibreux et les parois
vasculaires et biliaires (13) ;
– une dysérythropoïèse. Toute dysé-
rythropoïèse compensée est susceptible
d’induire, par le biais d’une hyperab-
sorption réactionnelle de fer, un tableau
mimant une hémochromatose géné-
tique. Le diagnostic peut être évoqué
devant une baisse du taux d’hémoglo-
bine associée à une macrocytose. Il est
posé par l’examen du médulogramme.
Caractérisation
d’une hémochromatose
génétique atypique
À ce stade, la démarche diagnostique
est d’autant plus facile et plus produc-
tive que l’on dispose d’un bilan martial
(fer sérique, saturation de la transfer-
rine et ferritinémie) pour les apparen-
tés au premier degré.
Si l’étude familiale permet l’identi-
fication d’un (ou de plusieurs)
autre(s) cas de surcharge en fer, la
preuve est quasiment faite du caractè-
re génétique de cette surcharge. Une
étude de génétique moléculaire peut
alors être entreprise avec de bonnes
chances de succès :
– devant une transmission s’égrègeant
avec le chromosome 6, le laboratoire
oriente d’emblée l’analyse moléculaire
vers la recherche d’une mutation du
gène HFE 1. Cette recherche postule le
séquençage du gène et peut aboutir,
comme cela a été le cas chez quelques
sujets italiens (14) ou anglais (15), à la
description d’une mutation rare qui,
associée à une hétérozygotie C282Y, est
susceptible d’induire un phénotype
complet d’hémochromatose génétique ;
– devant une transmission ne s’égrè-
geant avec le chromosome 6, le labo-
ratoire s’oriente vers une hémochro-
matose génétique non HFE1 générale.
si les patients sont jeunes et présen-
tent un tableau phénotypique sévère
dominé par des atteintes cardiaque,
hépatique et gonadique, la recherche
d’une hémochromatose juvénile de
transmission autosomique récessive
est d’abord entreprise. Deux types
en sont actuellement décrits :
l’hémochromatose juvénile HFE 2
(OMIM 602390) liée à la mutation
d’un gène situé en 1q21 mais non
encore identif(16). C’est au Qué-
bec qu’elle est la moins rare (17) ;
il vient d’en être décrit un second
type correspondant à la mutation du
gène de l’human antimicrobial pep-
tide (HAMP, OMIM 606464) ou hep-
cidine, situé en 19q13. Ce peptide
d’origine hépatique est vraisembla-
blement impliqué dans la régulation
de l’absorption digestive du fer (18,
19). Deux mutations ont été décrites
au sein de familles d’origine grecque
(20).
si les sujets atteints sont des adultes,
l’étude débute plutôt par la recherche
d’une hémochromatose HFE 3 liée à
la présence de mutations dans le gène
codant pour le récepteur de la trans-
ferrine 2 situé en 7q22 (OMIM
604250) et également transmise selon
un mode autosomique récessif. À ce
jour, plusieurs mutations ont été
décrites dans des familles italiennes
(21-23) et portugaises (24).
Si l’étude familiale n’aboutit pas à
l’identification d’autres cas de sur-
charge en fer, les résultats de l’étude
de génétique moléculaire sont plus
aléatoires.
– si le phénotype est peu exprimé (fer-
ritinémie < 1 000 ng/ml – CHF <
150ng/ml – absence de complications
viscérales), le diagnostic d’hémochro-
matose génétique HFE 1 est souvent
proposé lorsque le sujet est hétérozy-
gote pour C282Y et pour une mutation
mineure telle H63D ou S65C. L’ex-
pression de ces hétérozygoties compo-
sites est en règle générale sous-tendue
par un syndrome polymétabolique ou
un alcoolisme chronique (5).
– si le phénotype est clairement
exprimé, il peut s’agir :
d’une hémochromatose HFE1 par
homozygotie pour une mutation excep-
tionnelle, comme cela a été rapporté
chez un sujet d’origine vietnamienne
(25) ;
d’une hémochromatose HFE 2,
HFE3…, voire HFEx à découvrir ;
d’une situation plus complexe,
comme la coexistence d’une hétéro-
zygotie composite et d’une mutation
sur le gène de la ferroportine 1.
Postuler qu’une surcharge en fer est une
hémochromatose génétique atypique
est lourd de conséquences car ce dia-
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gnostic perturbe le patient et sa famille
et induit un important travail de géné-
tique moléculaire qui n’est réalisable
que dans de rares laboratoires. Avant de
soulever une telle éventualité, il faut
donc réexaminer scrupuleusement les
arguments du phénotype sur la base
d’un contrôle de la saturation de la
transferrine ainsi que d’une IRM ou,
mieux, d’une biopsie hépatique et,
lorsque cela est possible, disposer d’un
bilan martial pour les apparentés au
premier degré.
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