1
Web 7 Fiche 7.1
COMPARTIMENTATION DU GÉNOME
DES PLANCTOMYCÈTES
L. Paolozzi
Le phylum des Planctomycètes comprend 9 genres, dont 6 sont actuellement cultivables
(Pirellula, Rhodopirellula, Blastopirellula, Planctomyces, Gemmata et Isosphaera) et 3 encore
non cultivables (Brocardia, Kuenenia et Scalindua). Ils constituent, pour le moment, les seules
exceptions au schéma classique d’organisation des cellules procaryotes. Chez ces Bactéries, en
effet, une membrane interne sépare le nucléoïde du reste de la cellule, une compartimentation
qui exige des mécanismes appropriés pour la lecture et la traduction du matériel génétique. Tous
les Planctomycètes, en outre, sont dépourvus de peptidoglycane.
Un nucléoïde entouré d'une membrane a été décrit pour la première fois chez Gemmata
obscuriglobus en 1991 par J.A. Fuerst et R.I. Webb, puis confirmé chez d’autres
Planctomycètes. Toutefois, une étude publiée en 2013 par R. Santarella-Melwig et
collaborateurs remettrait en question ces observations, proposant plutôt que les cellules de
Gemmata obscuriglobus seraient pourvues d’un système membranaire tubulo-vésiculaire. Il
s’agirait d’un système complexe constitué d’un réseau de membranes internes interconnectées
qui interagirait avec des protéines recouvrant cette membrane. Ce réseau serait capable
d'internaliser et de dégrader des protéines. Cependant, il ne formerait jamais un espace fermé
délimitant un compartiment ; par conséquent les auteurs pensent que ce système tubulo-
membranaire serait une extension de la membrane bactérienne « classique ». Toutefois, une
2
nouvelle étude de Sagulenko (2014) par observations en tomographie électronique sur des
cellules entières est tout à fait compatible avec les premières observations, rendant compte de la
compartimentation. Cette structure a été observée chez tous les genres cultivables et chez
certaines espèces non cultivables de Streptomycètes. Elle comprend donc au moins une
membrane intra-cytoplasmique (ICM).
Chez certaines espèces, une paire de membranes plus internes enveloppe l’ICM. Le
cytoplasme de ces cellules se répartit ainsi en deux zones : l'une, contenant les ribosomes (ou
des structures assimilables à ces derniers), dénommée riboplasme ou pirellulosome, est
délimitée par l’ICM ; l'autre, plus périphérique, sans ribosomes, dénommée paryphoplasme, est
limitée vers l’extérieur par la membrane cytoplasmique et vers l’intérieur par l'ICM ; à
l’intérieur du pirellulosome se trouve le nucléoïde (fig. F7.1-1).
Figure F7.1-1 - Compartimentation intracellulaire chez trois espèces de Planctomycètes (d’après J.A. Fuerst,
2005).
En conséquence la lecture du matériel génétique et sa traduction se font dans des
compartiments différents. En effet le nucléoïde est séparé du reste du cytoplasme (incluant les
ribosomes du riboplasme) ; il doit donc y avoir un mécanisme de transport de l'ensemble des
ARN au moins à partir du corps nucléaire jusqu’au riboplasme. Des mécanismes moléculaires
homologues ou analogues à ceux utilisés chez les eucaryotes devraient donc exister chez ces
bactéries. Des hybridations in situ avec des oligonucléotides spécifiques de l'ARNr 16S
montrent que cet ARN au moins est distribué aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du corps
nucléaire (la région renfermant le nucléoïde). Étant donné qu'il n'y a pas d’ADN hors du
riboplasme, ceci suggère que la transcription et la traduction ne sont pas couplées. On doit donc
3
s’attendre à ce que les ARN ribosomaux, et vraisemblablement les ARN messagers, soient
transportés à travers cette enveloppe nucléaire. Des mécanismes de transport de protéines à
travers cette enveloppe nucléaire devraient aussi exister. L’étude des génomes des
Planctomycètes pourrait donc révéler dans le futur l’existence de protéines qui pourraient être
homologues à celles des eucaryotes impliquées dans le transport, y compris celui de l’ARN, à
travers l’enveloppe nucléaire. Devraient aussi être présentes des protéines de pores nucléaires
type NPC (Nuclear Pore Complex). Des structures éventuellement assimilables à ces complexes
ont effectivement été observées en microscopie électronique chez Gemmata. Le séquençage du
génome de Gemmata sp. Wa-1 a mis en évidence un gène qui pourrait coder pour une protéine
potentiellement homologue à la NPC Gle2 de Saccharomyces cerevisiae. Une analyse de
génétique comparative de protéines NPC et d’autres protéines d'enveloppe n’a par contre pas
permis de détecter d'orthologues de NPC chez Rhodopirellula baltica (nommée aussi Pirellula
sp. Strain1).
L’absence de peptidoglycane et de gène codant pour une protéine FtsZ ou équivalente,
suggère l'existence d’un nouveau mode de division chez ces Bactéries.
Chez certains Planctomycètes, est présent un autre compartiment cellulaire particulier, appelé
anammoxosome. Ce compartiment forme un organite entouré d’une membrane (Chap. 1)
impliqué dans l’utilisation du nitrite comme accepteur d'électrons pour former du diazote
gazeux (Chap. 2). Au cours de cette réaction dite anammox (Anaerobic ammonium oxydation),
il se forme de l'hydrazine hautement toxique (N2H4) et de l’oxyde nitrique (NO) confinés à
l’intérieur du compartiment, tandis que l’azote moléculaire N2 est libéré à l’extérieur des
cellules. Les bactéries possédant la capacité d'anammox jouent un rôle clef dans le cycle de
l’azote (Chap. 2).
L’étude de l’organisation cellulaire des Planctomycètes, qui apparaît unique à ce jour chez les
procaryotes, devrait aider à mieux comprendre leur fonctionnement et leur évolution, et pourrait
éventuellement fournir des clés à la compréhension de l’origine du noyau et de l'organisation
cellulaire des eucaryotes.
Bibliographie
Fuerst J.A. 2005. Intracellular Compartmentation in Planctomycetes. Annu. Rev. Microbiol. 59 :
299-328.
Fuerst J.A. & Webb RI. 1991. Membrane-bounded Nucleoid in the Eubacterium Gemmata
obscuriglobus. Proc. Natl. Acad Sci. USA. 88(18) : 8144-8
Sagulenko E., Morgan G.P., Webb R.I., Yee B., Lee K.C., Fuerst J.A. 2014. Structural studies of
Planctomycete Gemmata obscuriglobus support Cell Compartementalisation in a bacterium.
PLoS One 9(3) : 1-8
Santarella-Melwig R., Pruggnaller S., Roos N., Mattaj I.W., Devos D.P. 2013. Three-
dimensional Reconstruction in Bacteria with a Complex Endomembrane System. PLoS Biol.
11(5) : 1-8
4
Web 7 Fiche 7.2
NOTIONS DE TOPOLOGIE DE L’ADN
L. Paolozzi
Les molécules d’ADN sont normalement dans un état de torsion qui leur impose un
surenroulement, qui peut être négatif ou positif. Le surenroulement (ou super-hélicité) d’une
molécule circulaire, à partir de l'état relâché, peut se faire de deux façons : il sera positif s'il se
fait dans le même sens que celui de la double hélice (super-hélice positive droite), ou négatif si
l’axe de l’hélice subissant le surenroulement s'enroule en sens opposé à celui de la double hélice
(super-hélice négative gauche) (fig. F7.2-1). Quelle que soit son orientation, le surenroulement
exerce une contrainte (tension) sur la molécule, qui donnera lieu à un vrillage. Du point de vue
structural, le surenroulement positif se traduit par un plus grand nombre de tours de la molécule
d’ADN, le surenroulement négatif par un nombre de tours inférieur. L’obtention d’un ADN
surenroulé nécessite un apport d’énergie, ce qui est normal puisque l’on passe d’un état sans
tension (ADN relâché) à un état sous tension (ADN surenroulé).
Les conformations que peut assumer la molécule d’ADN ont chacune une énergie propre, et
les diverses conformations sont dictées par les propriétés topologiques de la molécule, définies
rigoureusement de façon mathématique. Une molécule d’ADN linéaire dont on empêche la
rotation des extrémités, ou même une molécule d’ADN circulaire fermée sur elle-même
(comme l’ADN des plasmides ou même de la plupart des chromosomes procaryotes), a une
géométrie qui peut être décrite par trois paramètres : l’enlacement, l’enroulement et le vrillage
(Voir cours de biologie moléculaire).
5
Figure F7.2-1. Surenroulement d’une molécule d’ADN circulaire.
L’enlacement, ou nombre de liens, L (Linking), est la somme des deux autres paramètres,
l’enroulement et le vrillage, et représente pour une molécule d’ADN imaginée posée sur un
plan, le nombre de fois qu'un brin de la double hélice fait le tour de l’autre, autrement dit le
nombre de passages qui seraient nécessaires à l’un des deux brins pour se séparer de l’autre.
Dans le cas d’un ADN relâché, ce nombre est identique à celui des torsions, soit à N/10,5 N
est la longueur (en pb) de l’ADN et 10,5 le pas de l’hélice en paires de bases. Le paramètre L,
pour un ADN circulaire, est un invariant topologique, c’est-à-dire une grandeur constante (à
moins d’en rompre une liaison phosphodiester). L’invariance de L se maintient quelles que
soient les transformations géométriques subies par l’ADN. Autrement dit les déformations que
l'on fait subir à une molécule d'ADN dont les extrémités sont fixes ne changeront pas le nombre
d'enlacements. Un changement du nombre de paires de bases en un endroit d'une boucle d'une
molécule d'ADN sera obligatoirement compensé par un surenroulement opposé en amont ou en
aval de cet endroit. Un signe arbitraire positif est attribué à L pour une hélice « standard » de
pas droit (comme pour le filetage d’une vis qui pénètre dans son substrat lorsqu’elle tourne en
sens horaire).
1 / 39 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !