Cancérogenèse En connaître les mécanismes P résentes dans notre environnement immédiat, un certain nombre de substances cancérogènes existent. L’OMS considère que les principaux responsables se situent au niveau de notre alimentation. Si dans les pays industrialisés, environ 30 % des décès pourraient être attribués à des déséquilibres alimentaires, il n’est pourtant pas possible d’accuser des aliments mais plutôt un ensemble qui comprend ces derniers, des comportements et l’environnement. Selon leur origine, les agents responsables peuvent être répartis en quatre groupes : – ceux qui composent les produits alimentaires : les nitrates, certains alcaloïdes, les isothiocyanates (choux, brocolis), le safrole compris dans de nombreux épices, des tanins du thé ou du café, des psoralènes (céleri, persil), le carbamate d’éthyle des aliments fermentés, des alcools ; – les produits néoformés par transformation des composants alimentaires (conservation ou cuisson des aliments). Ce sont les nitrosamines des salaisons, les amines hétérocycliques de la transformation des protéines au cours de la cuisson. On trouve également les hydrocarbures aromatiques issus du fumage et de l’aromatisation, mais aussi bon nombre d’autres composants ; – les pesticides de synthèse utilisés dans l’agriculture ou les résidus de produits vétérinaires 6 employés dans l’élevage animal (hormones antibiotiques) ; – les moisissures comme les Aspergillus et les Penicillium. Mode d’action Quelle que soit leur origine, ces cancérogènes chimiques, absorbés avec l’alimentation, se fixent rapidement et efficacement sur l’ADN cellulaire, bloquant toute réplication : c’est la mort cellulaire. Normalement, il existe des moyens de lutte permettant de restaurer cet ADN, mais, quand ils sont déficients, ils ne peuvent empêcher la destruction ou la mutation portant sur des “gènes clés”. Cette apparition de mutation sur les gènes clés est l’étape initiale de la cancérogenèse appelée “initiation”. Survenant très tôt dans la vie, voire même pendant l’enfance, elle peut demeurer muette un certain temps et être activée par des stimuli externes. Ces stimuli (facteurs de croissance, hormones) font diviser cette cellule à gènes mutants selon un mode prétumoral. Devenant dominante par rapport aux cellules voisines, elle prendra vite le dessus, développant un cancer invasif. Cette étape est appelée “promotion”. Deux classes de gènes clés existent, susceptibles d’entraîner une initiation de la cancérogenèse : les proto-oncogènes et les suppresseurs de tumeurs. Les proto-oncogènes régulent, à l’état normal, la division cellu- © Aprifel Principale cause de décès en France (150 000 personnes par an), le cancer mérite d’être mieux connu pour être mieux combattu, d’abord par ses facteurs de déclenchement. De cette meilleure connaissance pourront naître des voies de recherches thérapeutiques mais aussi et surtout préventives. laire ; mutants, ils provoquent une prolifération anarchique. Les suppresseurs, à l’état normal, inhibent la multiplication des cellules ; mutants, ils créent une véritable anarchie. Un de ces gènes a été identifié. Il s’agit du P53 qui, en fonctionnement normal, entraîne la disparition d’une cellule à ADN modifié (ou apoptose) ; mutant, il ne joue plus ce rôle de “fossoyeur” et laisse proliférer des entités tumorales qui ne demandent qu’à se multiplier. De la même façon, la production de métastases résulte de nombreuses modifications génomiques. De l’ensemble des connaissances relatives au rôle éminent joué par la mutation génétique sur l’apparition des tumeurs, naissent des voies de recherches thérapeutiques. Certaines ont déjà dépassé le stade de la recherche et sont désormais utilisées chez l’homme. Prenant souvent comme vecteur un virus, on introduit en intracellulaire, en intratumoral, un ADN “corrigé” permettant de rétablir une production cellulaire normale interrompue par une invasion tumorale anarchique. Jacques Bidart D’après les propos tenus lors du colloque Alimentation et cancer organisé par La Ligue et Aprifel.