La Lettre du Pneumologue - Vol. XI - n° 1 - janvier-février 2008
Chronique du droit
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Chronique du droit
En d’autres termes, à la lecture de la réglementation, si l’évo-
lution de la personne est telle que les critères d’aptitude au
permis sont remis en cause, la personne doit spontanément
cesser de conduire et se présenter à l’examen médical du
permis de conduire.
Encore faut-il que la personne en question prenne conscience
de son état de somnolence diurne excessive – ce qui peut
prendre des années, en particulier dans le cas du SAOS au
cours duquel l’installation de la symptomatologie est très
progressive – ou qu’un médecin suspecte le diagnostic devant
l’habitus d’un malade le consultant pour un autre motif.
Dans son application, cette solution est donc complexe, ce
d’autant que la difficulté majeure n’est pas tellement celle de
l’identification de l’affection causale, qui peut très bien se faire
même si la personne ne se plaint que d’un seul symptôme,
mais davantage celle de la compréhension par la personne de
son état de santé.
Dans ce contexte se pose donc la question de l’identification du
moment à partir duquel on peut considérer qu’une personne
est atteinte d’une affection justifiant l’examen médical prévu
pour l’obtention ou le renouvellement du permis de conduire.
Dans l’hypothèse où la personne s’entretient de ses troubles
avec son médecin traitant ou un médecin spécialiste, quel sera
donc le rôle de ce professionnel conscient du danger ?
LES MOYENS LIMITÉS DE LA PRÉVENTION
DES RISQUES PAR LES MÉDECINS
Si le caractère absolu du secret médical s’oppose à ce que le
médecin divulgue à des tiers des informations relatives à ses
patients, sa mission lui impose toutefois de s’assurer que ces
derniers sont informés des risques encourus et des moyens de
les prévenir.
L’impossibilité pour le médecin de révéler
des informations concernant le patient
Dans la mesure où la réglementation du permis de conduire est
silencieuse sur le rôle du médecin informé de l’affection d’un
patient incompatible avec le maintien du permis de conduire,
la question se pose de savoir dans quelle mesure il pourra ou
devra agir dans un but de prévention des risques.
En effet, est-il possible pour le médecin spécialiste assurant
la prise en charge d’un patient de signaler à la commission
primaire médicale ou à une autorité administrative le cas d’un
patient dont l’affection est susceptible d’être incompatible
avec la conduite ?
En premier lieu, il faut rappeler que l’article R. 4127-4 du
Code de la santé publique (article 4 du Code de déontologie
médicale) prévoit que le secret professionnel institué dans l’in-
térêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions
établies par la loi.
Sur ce fondement, sauf à démontrer qu’il existe une déroga-
tion légale au secret professionnel, la réglementation s’oppose
à toute transmission d’informations à des tiers. À défaut, le
médecin s’expose à une sanction disciplinaire, voire pénale
(article 226-13 du Code pénal).
Même sur le fondement de l’obligation de porter secours, qui
peut, en tant que telle, justifier la violation du secret profes-
sionnel (article 223-6 du Code pénal), le médecin ne pourrait
divulguer de telles informations à une autorité administrative
ou judiciaire.
En effet, pour pouvoir informer un tiers des risques liés à la
conduite par un patient souffrant de SAOS, il faudrait un péril
imminent et constant nécessitant une action immédiate, soudaine,
imprévue et imprévisible, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
De même, le médecin ne pourra, sur le fondement de l’article
434-1 du Code pénal, porter à la connaissance des autorités
administratives ou judiciaires des informations relatives à son
patient souffrant du SAOS.
Là encore, alors que cet article justifie une atteinte au secret
professionnel lorsqu’une personne a connaissance d’un crime
dont elle peut prévenir ou limiter les effets, en matière de
circulation routière, les infractions susceptibles de résulter
d’un accident de la route ne relèvent pas de la catégorie des
crimes mais de celle des délits.
La dérogation au secret professionnel n’est donc pas envisa-
geable dans ce cas non plus.
Toutefois, si le médecin ne peut divulguer des informations
relatives au patient il a, à son égard, une mission d’information
et de conseil fondamentale.
L’obligation pour le médecin d’informer son patient
des risques encourus
Conformément à l’article L. 1111-2 du Code de la santé
publique, l’information donnée au patient est très large. Elle
porte “sur les différentes investigations, traitements ou actions
de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence
éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les
autres solutions possibles et sur les conséquences prévisi-
bles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution
des investigations, traitements ou actions de prévention, des
risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit
en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver”.
Le législateur ajoute au dernier alinéa de cet article que :
“En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établis-
sement de santé d’apporter la preuve que l’information a été
délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent
article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen”.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins précise que, dans
le cadre de ses activités, le médecin est tenu de dépister toute
maladie ou conduite addictive, d’informer et de conseiller son
patient et de signaler sur l’ordonnance tout médicament qui
pourrait avoir un effet nocif sur la conduite automobile.
En l’espèce, le médecin devra donc informer le patient des
risques entraînés par le SAOS, des effets des traitements
médicamenteux, des risques encourus lors de la conduite ou,
comme le rappelle l’Ordre des médecins, des contre-indica-
tions à la conduite.