152 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 6 - novembre-décembre 2013
ÉDITORIAL
”
plus efficaces et mieux tolérées et pour la compréhension des troubles mentaux, il paraît
peu probable que, dans un avenir proche – et même lointain –, ilspuissent apporter une
réponse définitive à la question de leur nature profonde.
Cela tient pour partie au fait que l’approche objective, biologique, si elle peut rendre
compte du déroulement de processus organiques élémentaires, est dans l’incapacité
d’expliquer de façon précise les comportements complexes qui peuplent notre quotidien,
tels que nos choix et nos prises de décision. Si ce qu’il est convenu de nommer le
psychisme est, pour une part certaine, fonction de l’activité cérébrale des individus, il ne
peut lui être réduit. Le cerveau ne sécrète ni la pensée ni les émotions “comme le foie
sécrète la bile”. Le psychisme est ce qu’on appelle une qualité émergente, et par là on veut
signifier qu’il s’agit d’un phénomène nouveau, non déductible des éléments qui lui
donnent naissance. Ainsi, tout comme les propriétés de l’eau ne sont contenues ni dans
l’hydrogène, ni dans l’oxygène, qui pourtant la composent, le psychisme n’est pas en germe
dans la structure des neurones. L’homme est un être pluridimensionnel, biologique certes,
mais aussi réflexif, langagier, relationnel… chacune de ces dimensions constituant une voie
d’accès pour qui veut entrer en contact avec lui et soulager sa souffrance psychique. C’est
en cela que les psychothérapies conservent tout leur intérêt et toute leur actualité.
Leur diversité peut poser un problème : celui du choix de l’une d’entre elles et de leurs
indications, si l’on se réfère à un modèle médical de la maladie mentale. C’est oublier que
ce n’est pas le patient, mais le praticien qui a besoin d’une théorie pour fonder et soutenir
sa pratique. Ainsi la certitude de détenir la vérité qui alimente les querelles de chapelle
entre les tenants des différents modèles de psychothérapie est-elle à la fois dérisoire et
dangereuse, puisque la vérité d’une pratique ne peut tenir qu’à son utilité, c’est-à-dire à
son efficacité, dont on sait pertinemment qu’elle n’est ni universelle ni assurée en toutes
circonstances. Il apparaît même que le succès d’une prise en charge est plus lié àlaqualité
de la relation entre le patient et le thérapeute, c’est-à-dire de l’alliance thérapeutique, qu’à
la méthode mise en œuvre.
Quel que soit le modèle psychothérapeutique vers lequel il s’orientera, le clinicien se
trouvera devant la nécessité d’une formation qu’il ne pourra que poursuivre tout au long
de sa carrière et faire évoluer en fonction des aléas des prises en charge qu’il aura
engagées. Pour éviter de s’aveugler sur sa pratique, il lui sera non moins nécessaire de
rester ouvert à d’autres modèles.
Il existe, à l’évidence, plusieurs façons d’aborder l’individu psychiquement malade,
chacune devant trouver sa place au sein de la pratique de chacun d’entre nous.
Psycho thérapies et traitements biologiques ne sont ni en contradiction ni en concurrence,
mais complémentaires. Tout psychiatre de bonne foi, c’est-à-dire ne fuyant pas la prise en
charge à court et à long terme de patients venus lui exposer leur détresse et leur
souffrance, sait très bien qu’il ne peut réduire son activité à la prescription de
médicaments psychotropes ou à l’écoute et au conseil du patient. L’association des 2 est
souvent nécessaire, pour ne pas dire inévitable, même si, en fonction de la problématique
posée, du contexte, de la personne prise en charge et de son entourage, l’une ou l’autre
devra être privilégiée. Seuls des esprits simples (ou totalitaires) peuvent affirmer qu’il est
possible de limiter la prise en charge à l’une ou l’autre des pratiques.
Pourquoi
lespsycho-
thérapies ?
Why psycho-
therapies?
J.M. Havet
Pôle de psychiatrie
des adultes, CHU Robert-
Debré, Reims
L’auteur déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.