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Quand l’hôpital
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Approche des addictions aux urgences1
Mots-clés : Alcool, substances psychoactives, addictions, hôpital, services
d’urgences, soins, réduction des méfaits,
prévention des récidives.
Keywords: Alcohol, psychoactive
substances, addictions, hospital,
emergency room, care, harm reduction,
relapse prevention.
P. Menecier*, L. Rotheval*, S. Kalamarides**, L. Guez***
L’hôpital est souvent confronté aux conduites addictives, essentiellement dans les
services des urgences, qui doivent gérer le plus souvent des épisodes aigus de consommation d’alcool et de substances illicites (intoxications ou ivresses de tous types), de
sevrage, ou des complications tardives.
À cette occasion, et après les premiers soins immédiatement requis (toxicologiques,
somatiques ou psychiatriques), un entretien centré sur la personne dans ses conduites
addictives devrait s’imposer : c’est le rôle des Équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA), qui, pour aborder ces questions, se doivent d’aller au-devant des usagers
hospitalisés, en services médicochirurgicaux ou de psychiatrie.
Sur la base d’une expérience, en cours depuis 15 ans, de rencontre systématique au
lendemain de l’ivresse, proposée à toute personne hospitalisée suite à une intoxication
éthylique aiguë, nous proposons une réflexion sur les modalités pour aller vers des
personnes que les pratiques addictives viennent de conduire à l’hôpital.
Une telle approche nécessite d’aller vers les professionnels des urgences, d’expliquer
le travail des ELSA, de sensibiliser les équipes soignantes, afin de partager un socle de
culture addictologique commune, tout en restant en lien avec l’ensemble du dispositif
addictologique extra-hospitalier.
The Hospital is often confronted with addictive behaviors, at first in Emergency services, where
practices around alcohol and illicit substances prevail. The request mainly appears around acute
hazards of consumption (all kinds of intoxications or drunkenness), withdrawal or late complications.
On this time, and after immediately required first aid (toxicological, somatic or psychiatric), a person-centered talk about the addictive behavior should appear: the place of Équipes de Liaisons et
de Soins en Addictologie (ELSA in French for Addictological Linkage and Care Teams), which, to address these questions, must reach out hospitalized users in medical, surgical or psychiatric services.
Based on the experience of the past 15 years, a systematically meeting the day after drunkenness,
offered to any hospitalized people due to acute alcohol intoxication, we propose a reflection on
how to go to people whose addictive practices just drive to the hospital.
Such an approach requires to go to the emergency professionals, to explain the work of ELSA, to
educate health care teams in order to share a common base of addictological culture, while remaining linked with the entire extra hospital addictological device.
Les patients addicts :
rencontres
L’hôpital est souvent sollicité par les conduites
addictives dans leur ensemble, et plus parti­
culièrement les services des urgences (SU) et
les unités d’hospitalisation de courte durée
(UHCD)… Sans compter les autres services
Texte de synthèse d’un atelier proposé par l’association
ELSA France dans le cadre des 3es journées nationales de la
Fédération Addiction. Besançon, le 14 juin 2013.
* Unité addictologie et ELSA, hôpital de Mâcon.
** ELSA, Hôpital Beaujon, Clichy.
*** ELSA, CHU Bordeaux et Réseau AGIR.
1
de l’hôpital, médicaux, chirurgicaux, psychia­
triques, d’obstétrique, de soins de suite et de
réadaptation …
Ils ont affaire essentiellement à des conduites
d’alcoolisation et de consommations de subs­
tances illicites (opiacés et cannabis) et, dans une
moindre mesure, à d’autres addictions, avec ou
sans produits : tabac (moins immédiatement),
et, parfois (peu) d’addictions comportementales
directement apparentes, avec de possibles varia­
tions selon les régions ou l’implantation plutôt
urbaine ou semi­rurale des établissements.
Le recours hospitalier se fait essentiellement
au décours de 3 types de situations : d’abord en
11
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aigu, lors d’épisodes aigus de consommation
(intoxications ou ivresses de tous types, pas seu­
lement alcooliques, mais aussi cannabiques ou
benzodiazépiniques) [1], d’accidents de consom­
mation (d’injections surtout), et parfois même
lors de situations gravissimes (comas éthyliques,
surdoses d’opiacés, …).
Ce peut aussi être lors de sevrages (qui ne sont
pas toujours reconnus), ou enfin de complications tardives (pathologies aiguës ou retardées,
secondaires aux produits ou modes de consom­
mation : alcoolopathies, cancérologie secondaire,
bronchopathies post­tabagiques, pathologies
infectieuses virales, psychopathologie secon­
daire, etc.)
Nommer la souffrance,
sensibiliser les équipes
À cette occasion, et après les premiers soins
immédiatement requis (toxicologiques, soma­
tiques ou psychiatriques), un entretien centré
sur les conduites addictives est utile, néces­
saire, et même indispensable. À condition que
le trouble addictif ne soit ni négligé ni banalisé
derrière la présentation immédiate du patient :
c’est pleinement le rôle des Équipes de liaison
et de soins en addictologie (ELSA). Mais parler
et aborder le trouble addictif non seulement
suppose un échange qui demande des condi­
tions minimales (une pièce calme, l’absence de
tiers…), mais encore nécessite de prendre en
compte les brefs délais imposés par de courtes
hospitalisations, souvent inférieures à 24 h.
Cette rencontre doit aussi dépasser les réticences
de certains soignants : sujets “trop jeunes”, “trop
vieux”, “trop connus”, “qu’il ne faudrait pas stigmatiser en les montrant aux addictologues”, “qui
ont fait la fête”… Ou encore : “qui ont bien le
droit de s’amuser, ce n’est pas grave, on a tous
été jeunes”. Quand ce ne sont pas des soignants
qui, dans un ultime recours défensif, oseront
dire, espérant alors ne pas être reconnus comme
tels : “et si c’était moi ?” En résumé, telles sont les
raisons pour lesquelles, globalement, il nous faut
aller au­devant des usagers hospitalisés, sans
attendre qu’ils viennent à nous, ni d’être appelés
auprès d’eux. Enfin et surtout, pour que cette
rencontre puisse avoir lieu, il faut que l’usager ait
pu accéder aux soins hospitaliers, à un lit, dans
des hôpitaux souvent saturés (et plus seulement
en périodes hivernales). Il faut donc qu’il ait pu
dépasser le filtre des urgences, refoulant parfois
certains malades “moins nobles” que d’autres,
ou relevant de pathologies dites “auto-infligées”,
voire qui peuvent s’entendre encore rétorquer de
revenir “sans être sous l’emprise de produits” (2) :
Le Courrier des addictions (15) – n ° 3 – Juillet-août-septembre 2013
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un paradoxe pour des sujets qui sont, par défini­
tion, dans l’impossibilité de s’en abstenir !
Cette avance de la parole (3), ou abord motivationnel, selon les référentiels choisis, com­
mence par un mouvement allant au-devant
d’une demande explicite de soin ou d’aide. Elle
prend en compte le symptôme ou le compor­
tement tels qu’ils se présentent pour mettre
des mots sur la souffrance supposée dans toute
addiction, la nommer et pas seulement centrer
le soin hospitalier sur le trouble secondaire
(comorbide ou secondaire à l’addiction).
Cette démarche de “l’aller vers” ne peut pas être
considérée simplement comme une intrusion
ou une agression potentielle envers celui (ou
celle) qui se retrouve hospitalisé dans les suites
immédiates ou différées de pratiques addic­
tives ou de consommations problématiques de
substances psychoactives, mais qui ne demande
(encore) rien (4). Son propos est d’aider l’usager
à formuler une demande et à lui proposer une
offre de soin, que l’on pourra ensuite relayer
aux intervenants locaux, initiant ainsi de nou­
velles alliances. En première ligne, aux centres
de soins d’accompagnement et de prévention
en addictologie (CSAPA), équipes hospitalières
d’addictologie, associations de malades…
Cette approche des addictions aux urgences
nécessite d’aller vers les médecins urgentistes
et les professionnels non médicaux de ces ser­
vices, afin de tenter de changer leurs représen­
tations de la maladie addictive, c’est-à-dire de
leur apprendre à mieux connaître les malades
souffrant d’un trouble addictif. Cela implique un
travail de sensibilisation, de formation et d’infor­
mation des équipes afin d’améliorer leur accueil
et leur orientation dans la filière de soins addic­
tologiques, en fonction des moyens existants.
Le rôle catalyseur
des ELSA
Principaux freins, en effet, pour que des méde­
cins non-addictologues s’autorisent à parler
de consommation de substances : le défaut
de formation et de connaissance de l’offre de
soins en addictologie et le manque de temps.
C’est justement la présence régulière et sys­
tématique des ELSA au sein des services des
urgences qui permet de tisser les liens néces­
saires à ce changement de représentations. Ces
moments d’échange entre professionnels sont
précieux pour mieux comprendre les situations
cliniques des patients, pour changer les modes
Le cas de l’intoxication éthylique aiguë :
de la rencontre à l’accès aux soins
Aujourd’hui les intoxications éthyliques aiguës (IEA) représentent 5 % des admissions
à l’hôpital en service médicochirurgical et 3 % des passages en services d’urgences.
L’ivresse, mode d’expression essentiel de celui ou celle qui ne peut dire autrement
qu’en témoignant de son état, est le principal média pour rencontrer l’alcoolique.
La rencontre du lendemain de l’ivresse, est, dans ce contexte, l’occasion d’aller audevant d’une personne qui a besoin d'aide et soins. Même si elle ne les sollicite pas.
Prendre soin
dès l’accueil
Pour rencontrer un consommateur d’alcool en
difficulté avec le produit, 2 solutions s’offrent :
attendre sa demande et la prise formelle de
rendez-vous, ou aller au-devant de lui, y compris
dans les suites immédiates de ses consomma­
tions : des intoxications éthyliques aiguës (IEA).
L’ivresse est triviale. Elle repousse, mais elle
est aussi le mode d’expression essentiel de
celui ou celle qui ne peut dire autrement qu’en
témoignant de son état (1). Alpha et oméga
de l’usage et du mésusage d’alcool, elle est le
principal média pour rencontrer l’alcoolique.
Elle est un des fondements de la clinique du
mésusage d’alcool.
L’hôpital, par ses services d’urgences, est le
premier lieu de rencontre entre des profession­
nels de la santé et des sujets alcoolisés. Depuis
plusieurs décennies, il a été constaté que ces ser­
vices accueillent autant d’intoxications médica­
menteuses volontaires (IMV) que d’intoxications
éthyliques aiguës [2]. Force est de constater que,
en dehors de la prise en charge toxicologique
(et encore !), les réponses secondaires sont très
différentes pour ces 2 modes d’intoxications
arrivant dans les mêmes services hospitaliers,
dans des proportions voisines.
Des offres de soins, dans les suites des IEA, ont
été envisagées en différents lieux (CHU de Cler­
mont-Ferrand [3], hôpital Beaujon à Clichy [4]
et hôpital de Mâcon, où une procédure de
rencontre systématique du lendemain de l’IEA
existe depuis 1997). Elles ont été exposées au
Le Courrier des addictions (15) ­– n ° 3 – Juillet-août-septembre 2013
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de fonctionnement et proposer ensemble de
nouveaux modes d’intervention. Osons aller
vers nos collègues ! Les ELSA ont un rôle de
facilitateur et de catalyseur, pour coordonner
la prise en charge addictologique des patients,
entre les dispositifs intra- et extra-hospitaliers,
sanitaires et médico-sociaux.
Initialement pensée pour intervenir dans les éta­
blissements médicochirurgicaux, la présence
des ELSA est souhaitée actuellement dans les
établissements psychiatriques (centres hospi­
taliers spécialisés). C’est, au-delà des urgences,
un développement supplémentaire de leur rôle,
utile à l’ensemble des hospitalisés.
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Références bibliographiques
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demandent rien. Rev Med Suisse 2005;1:1712-6.
cours d’une conférence de consensus, réactualisée en 2006 (5).
Ainsi, aller à la rencontre de celle ou celui qui
s’est alcoolisé jusqu’à se retrouver à l’hôpital,
et proposer le lendemain un temps d’entretien
clinique, est une démarche d’avancée vers l’autre,
d’accompagnement motivationnel, ou de pré­
vention des récidives (6). Cette prévention, aussi
parfois en amont de la dépendance, suppose un
entretien et un accueil. L’écoute proposée, au
patient en tant que sujet, permet au seuil de
l’hospitalisation une ouverture sur la dimension
du soin.
Prendre soin commence dès ce temps de l’ac­
cueil, en accordant à l’autre une valeur de sujet
et une écoute au-delà de ce qu’il dit et donne à
voir. Il faut alors être en capacité de l’entendre,
avec respect, là où il en est dans son histoire.
“Aller vers”, c’est pouvoir prendre le risque de
parler de son propre ressenti, avec l’information
comme outil premier. C’est à travers cette recon­
naissance que la personne peut accéder à un
début de mise en sens et en mots de son mal-être.
Les IEA :
5 % en médico-chirugical,
3 % aux Urgences
Aujourd’hui, les IEA, abordées par les alcoo­
lémies positives, médicalement indiquées en
service des urgences, ont des caractéristiques
bien identifiées (7-10). Elles représentent 5 %
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des admissions à l’hôpital en service médico­
chirurgical et 3 % des passages en services d’ur­
gences (qui doivent être distingués des 16 % à
18 % de sujets avec alcoolémie positive en
services d’urgences lors de dosages systéma­
tiques, soit le sextuple).
Pour l’ensemble de ces séjours, la valeur médiane
d’alcoolémie est de 2,1 g/l, très variable selon les
âges dans une étude prospective sur 10 ans et
près de 10 000 dosages d’alcoolémie.
Parmi tous les sujets ainsi admis à l’hôpital, 70 %
présentent des dommages dus à l’alcool (54 %
physiques, 47 % psychiques, 62 % sociaux, 38 %
professionnels, 18 % judiciaires) [7, 8]. Et plus
spécifiquement, on retrouve les critères d’un
mésusage d’alcool chez 92 % des sujets admis
avec dosage d’alcoolémie, variant peu selon
les âges (tableau) [11], soulignant que, dans
ces circonstances, l’arrivée à l’hôpital n’est pas
fortuite mais reflète une problématiques très
présente. Dans le cadre de la procédure décrite
de rencontre clinique du lendemain de l’ivresse,
50 % à 60 % sont rencontrés chaque année dans
le cadre de l’ELSA, lors d’entretiens acceptés
par 96 % des sujets : 2 % de refus d’échange après
présentation, 2 % d’écoute simple passive (7, 8).
Alors, selon les caractéristiques des IEA, divers
éléments notables apparaissent : 11 % des épi­
sodes, parmi lesquels on retrouve cependant
plus de 70 % de dommages et de mésusage d’al­
cool, sont associés à des alcoolémies modérées
(< 0,50 g/l) [12].
Pour les IEA massives (au-delà de 5 g/l), ou
répétées (rencontrées plus de 10 fois en 10 ans
pour la même personne), une forte comorbidité
psychiatrique et mortalité apparaissent associées
(jusqu’à 1/5 en 10 ans) [13].
Plus généralement, considérant la répétition des
passages en 10 ans, elle ne concerne que moins
du quart des sujets (18 % des femmes, 25 % des
hommes), soulignant de ce fait que plus des 3/4
ne présenteront qu’un seul épisode les condui­
sant à l’hôpital (10). L’occasion d’échanger avec
eux est donc souvent unique.
Selon les âges des sujets concernés, les
plus jeunes sont minoritaires (5 % < 20 ans,
1 % < 16 ans), sans élévation significative de
la proportion entre 2000 et 2010, alors que la
question de l’alcool chez les jeunes est envisagée
comme une problématique en plein développe­
ment : l’hôpital n’est peut être pas le lieu adapté
pour les rencontrer ? (14). À l’inverse, les plus
âgés sont représentés, même dans les dernières
décades de la vie, de manière non anecdotique
(16 % > 60 ans, 4 % > 75 ans) [15, 16].
Tableau. Alcoolémies moyennes, proportion des femmes et du mésusage d’alcool par décade d’âge (10).
L’importance de la
rencontre au lendemain
la parole auprès du patient alcoolodépendant. J Psy
Privé 2001;15:21-4.
2. Lery N, Zemni M, Catrix G, Bonvoisin S. Ivresses
aiguës en urgence hospitalière. Étude des rechutes.
J Med Légale – Droit Med 1985;28(5):645-52.
3. Plane M, Poncet F, Boussiron D, Reynaud M.
Transformer “la cuite” dans un coin des urgences en
une prise en charge de l’intoxication éthylique aiguë.
Dépendances1997;9(1):25-30.
Elle est souvent l’occasion d’aller au-devant d’un
usager, d’un malade, d’un patient, et surtout
d’une personne nécessitant aide et soins, au
risque de faire considérer cette offre de rencontre
< 20
20-29
30-39
40-49
50-59
60-69
70-79
80-89
Proportion de l’effectif
total
5,5 %
11,3 %
16,8 %
27,7 %
22,2 %
8,8 %
5,8 %
1,8 %
0,2 %
Proportion de femmes
23,2 %
19,1 %
24,5 %
28,8 %
28,1 %
24,7 %
27,0 %
39,0 %
56,3 %
Alcoolémie moyenne (g/l)
1,6
1,8
2,1
2,4
2,3
1,9
1,3
1,0
0,8
Proportion identifiée
de mésusage d’alcool
73 %
89 %
95 %
98 %
98 %
98 %
95 %
94 %
92 %
comme une éventuelle ingérence auprès de celui
ou celle qui ne la sollicite pas. Cependant, dans
le même temps, n’est-ce pas aussi un devoir que
de proposer de “parler d’alcool à des patients
qui ne demandent rien” (17), dans le contexte
particulier qu’est l’admission à l’hôpital ?
Et surtout de tout faire pour “transformer la
cuite dans un coin des urgences en une prise en
charge de l’intoxication éthylique aiguë” (3) ?
Elle est aussi le moyen de prendre en considé­
ration “le patient alcoolisé : un client si présent
et si oublié des urgences” (18), en envisageant la
notion “d’ivresse appel” comme le témoignage
d’une souffrance et d’une demande que le sujet
ne peut immédiatement mettre en mots.
C’est enfin le moyen de lutter contre la bana­
lisation de l’ivresse arrivant à l’hôpital, ce qui
ne doit pas être confondu avec un éventuel
prohibitionnisme de l’alcool ou de son usage.
Ainsi, considérer les risques des IEA, pour en
informer soignants et patients, permet d’envi­
sager un abord de réduction de ces risques, en
prenant en compte la place sociale de l’ivresse
ainsi que des nouveaux modes de boire (dont
le binge drinking, peu connu des cultures médi­
terranéennes) [19].
En somme, même si l’hôpital concentre de mul­
tiples professionnels du soin, de divers horizons
complémentaires, l’abord des addictions peut
toujours y être amélioré. Autour des addictions,
la demande d’aide et de soin est rarement simple,
claire, directe et explicite. À nous de tendre vers
ces usagers, en difficulté et en souffrance, une main
bienveillante et prêter une oreille attentive. À nous
d’oser aller vers eux (plutôt que de vouloir s’en
protéger ou s’en prémunir), et de leur proposer un
soin global qui débute bien en amont de demandes
en bonne et due forme, lors de situations de crise.
Même s’ils ne le clament pas toujours avec des
mots, mais plutôt avec des actes.
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P.M., L.R., S.K., L.G.
Références bibliographiques
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Addict N3-2013.indd 13
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Le Courrier des addictions (15) ­– n ° 3 – Juillet-août-septembre 2013
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