vol VII/n°2 avr. C 23/04/04 A N 10:03 C É Page 58 R O L O G I E E T S O C I É T É Après avoir abordé le vécu associé à l’annonce d’un cancer du sein, l’équipe médico-chirurgicale de l’hôpital Avicenne nous livre son expérience face aux patients atteints d’un cancer bronchique. Cette équipe, qui a fait sienne l’approche multidisciplinaire en associant pneumologues, oncologues et chirurgiens dans une réflexion commune, a pour objectif d’établir une prise en charge la mieux adaptée possible en traitant avant tout une personne et non sa maladie. CANCER BRONCHIQUE : QUEL VÉCU EN PRATIQUE ? L E POINT DE V U E D ’ UNE ÉQUIPE M U LTIDISCIPLINAIRE Un entretien avec les Prs J. Azorin (chef du service chirurgie thoracique), J.L. Breau (chef du service cancérologie), J.F. Morère (cancérologue) et D. Valeyre (pneumologue) de l’hôpital Avicenne (Bobigny). Suite à une image ou un symptôme anormaux, les patients sont adressés, par leur médecin, au pneumologue. Dès ce stade, il existe une présomption de cancer, qui est annoncée au patient. Cette présomption sera confirmée ou infirmée en fonction des résultats des examens complémentaires qui seront alors rapidement programmés. À ce titre, tout examen invasif est expliqué au patient, tout en sachant que le vécu reste très opérateur-dépendant (pour la fibroscopie bronchique notamment). Toutefois, retenons qu’un patient informé supporte mieux qu’un patient non avisé. Seuls 10 à 20 % des patients expriment leur crainte du cancer À ce stade, la plupart des patients pressentent le risque de cancer. Chez ces gros fumeurs, le plus souvent, le cancer est vécu comme une punition plus ou moins attendue mais seuls 10 à 20 % d’entre eux expriment réellement cette crainte. Le pneumologue annoncera le diagnostic au patient, car un patient informé est, dans la majorité des cas, prêt à se battre. Cependant, s’il a le droit d’être totalement informé, il a aussi le droit de ne pas tout savoir. Aux médecins de savoir ne pas aller audelà des demandes des patients. Dans quelques cas (environ 10 %), l’abstention sera de règle (pronostic sombre, demande de l’entourage...). Les modalités de cette annonce ne peuvent être écrites ou enseignées car les situations ne répondent à aucune règle. L’aspect pronostique n’est que rarement abordé À ce stade de la consultation avec le pneumologue, l’aspect pronostique n’est pas abordé et ne l’est du reste que très rarement au cours des différentes consultations. 58 Comme le souligne le Pr Breau, l’aspect pronostique est plutôt le fait de l’entourage familial. Le pronostic reste toujours difficile à préciser et ce n’est pas aux cancérologues de provoquer ce type de question. Un dialogue sans cesse maintenu Une fois la démarche thérapeutique définie de manière consensuelle, le patient et sa famille sont revus par deux médecins, le pneumologue et l’oncologue ou le pneumologue et le chirurgien, afin d’expliquer le projet thérapeutique en termes clairs et compréhensibles et de répondre à leurs questions. Si les patients demandent rarement le temps qu’il leur reste à vivre, ils s’inquiètent en revanche de la durée du traitement et des modalités pratiques (hospitalisation conventionnelle ou hospitalisation de jour). Dans tous les cas, les réponses doivent être cohérentes avec celles précédemment données. Le fait que le discours ne varie pas au fur et à mesure des interlocuteurs conforte en effet la confiance du patient. Établir un contrat de confiance entre le chirurgien et le patient Lorsqu’ils sont adressés au chirurgien, les patients ont déjà fait l’objet d’une réflexion multidisciplinaire associant le pneumologue, le cancérologue et le chirurgien thoracique. Afin d’établir un véritable contrat avec le patient, le chirurgien a besoin de voir le patient pour lui expliquer tant le risque opératoire que les bénéfices qui en résulteront. En effet, cette chirurgie n’est pas dénuée de risque, le patient présentant souvent de multiples pathologies, notamment cardiovasculaires. Si certains patients ne posent pas de questions, d’autres veulent en savoir plus sur leur devenir après l’intervention. Nous devons donc nous adapter aux patients : répondre à leurs questions sans les provoquer. Pour le Pr Azorin, ce contrat de confiance qui doit s’instaurer entre le patient et son chirurgien est capital. Il permet de diminuer l’anxiété du patient et le risque de complications postopératoires qui sont, dans le cadre de la chirurgie thoracique, des facteurs de mauvais pronostic. Le chirurgien doit donc savoir s’adapter à la personnalité du patient afin d’obtenir son accord en pleine conscience. C’est, une fois de plus, insister sur l’importance de la communication médecinmalade, surtout lorsque l’on sait que 60 % des contentieux à l’Assistance publique sont liés à ce défaut de communication. Le chirurgien doit expliquer la technique opératoire qui vise, dans ce centre, à diminuer l’agressivité chirurgicale (vidéothoracoscopie ou chirurgie thoracique vidéoassistée) et à soulager au maximum la douleur postopératoire (péridurale thoracique, pose d’une pompe à morphine). Le traitement du cancer fait-il peur ? Si une mastectomie est associée à un vécu difficile, il n’en est pas de même pour le traitement d’un cancer pulmonaire, l’intégrité corporelle n’étant pas atteinte dans les mêmes proportions. En revanche, la douleur fait partie des craintes des patients, d’où l’intérêt de la traiter correctement. Le vécu est-il corrélé à la gravité ? D’une façon générale, et comme dans le cas du cancer du sein, le vécu du cancer n’est pas corrélé à sa gravité mais il est fonction de la personnalité du patient. De plus, comme le rappelle le Pr Morère, le profil psychologique peut évoluer au cours du temps. Si, schématiquement, il existe deux catégories de patients : ceux qui sont à la recherche de l’information et ceux qui “délèguent”, il n’est pas rare que des patients appartenant à la première catégorie passent dans la seconde au cours de l’évolution. Que se passe-t-il en cas de rechute ? La rechute est difficilement supportable pour le patient et ce d’autant plus que l’intervalle depuis l’annonce du diagnostic est long. Un sentiment d’injustice apparaît et le patient attend alors de l’équipe soignante une prise en charge sans faille. La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 2 - mars-avril 1998 vol VII/n°2 avr. L’ AV I S 23/04/04 10:04 Page 59 DE L A PATIENTE Quand le cancer devient un défi à relever Pour Mme B., 50 ans, c’est à l’occasion d’un bilan préopératoire pour une intervention orthopédique qu’une tache anormale est découverte à la radiographie pulmonaire. Le scanner confirmant cette image, une intervention est programmée sur le lobe suspect. Dès ce moment, Mme B. pense évidemment au cancer, d’autant plus qu’elle fume depuis des années. Femme de caractère, elle demande à son chirurgien de connaître le diagnostic dès son retour en salle de réveil. C’est au deuxième jour suivant l’intervention qu’elle réalise ce que le mot cancer veut dire. À l’annonce de ce cancer, elle comprend plus que jamais qu’elle est mortelle et dresse les priorités auxquelles elle devra faire face. Mais quelques jours plus tard, l’envie de vivre, de survivre, prend le dessus et Mme B. décide alors de faire face. Lors de sa consultation auprès du cancérologue, elle lui fait part de son inquiétude face à cette maladie, qui, selon elle, ne guérit pas. Grâce à ce médecin qui répond clairement à ses questions et lui annonce que la guérison est heureusement possible avec un risque de récidive de l’ordre de 10 à 30 %, une relation de confiance s’instaure. C’est alors qu’il lui propose les différents schémas thérapeutiques. Suite à un refus catégorique de la chimiothérapie (“tout sauf la chimiothérapie”, dira-t-elle), la patiente adhère après un temps de réflexion à l’idée de suivre un protocole de radiothérapie. Elle remercie encore ce chirurgien et ce cancérologue qui ont su l’écouter, la comprendre et ne pas lui imposer un protocole thérapeutique qu’elle refusait et qu’elle n’aurait de toute façon pas suivi si on le lui avait imposé. En dépit de ces périodes difficiles, cette femme n’a jamais parlé de son cancer à son entourage familial ou professionnel. Ce secret, elle ne l’a partagé qu’avec son fils (avec qui elle vit). Pour elle, il était important que le regard des autres ne soit pas différent car elle ne voulait pas être considérée comme une malade. Il fallait continuer d’exister aux yeux des autres en dehors de ce cancer qui ne les regardait pas. À ce jour, soit 16 mois plus tard, Mme B. va bien. Son approche de la vie a changé : elle va à l’essentiel, elle ne supporte plus ceux qui se plaignent et vit intensément, sans perdre de temps, pour profiter au maximum de ce que la vie veut bien lui donner. Son projet, écrire un jour un livre qui aurait pour titre : “Et si on se taisait...”. Propos recueillis par le Dr Chantal Despierre Infos pratiques Liste des consultations hospitalières d’aide au sevrage tabagique (réseau hôpital sans tabac) Aix : centre hospitalier. Dr Sadania. Tél. : 04 42 33 50 67 Annonay : CHG. Dr de Lavigerie. Tél. : 04 75 67 35 93 Avignon : centre hospitalier. Drs Rabanit et Sokolowski. Tél. : 04 90 80 31 50 Belfort : centre hospitalier. Dr Louis. Tél. : 03 84 57 40 86 Boulogne-sur-Mer : CHG. Dr Lefebvre. Tél. : 03 21 99 30 01 Caen : CHU. Dr Claren. Tél. : 02 31 06 49 82 Dreux : hôpital. Dr Hamel. Tél. : 02 37 51 53 10 Mâcon : centre hospitalier. Dr Cavallaro. Tél. : 03 85 20 32 24 Marseille : hôpital de la Conception. Dr Villareal. Tél. : 04 91 38 36 41 Montargis : CHAM. Dr Marquant. Tél. : 02 38 96 59 00 Montauban : centre hospitalier. Drs Fischer, Petureau et Tirouvanian. Tél. : 05 63 92 81 40 Montpellier : CHU. Dr Clauzel. Tél. : 04 67 33 60 92 Mulhouse : centre hospitalier. Dr Lecoq. Tél. : 03 89 64 70 29 Niort : centre hospitalier. Dr Bourlaud. Tél. : 05 49 78 35 89 Pau : centre hospitalier des Pyrénées. Dr Menaut. Tél. : 05 59 80 94 91 Saint-Gaudens : centre hospitalier. Drs Ginabat et Bourse. Tél. : 05 61 89 80 15 Toulouse : Centre hospitalier de Rangueil - Dr Letourmy. Tél. : 06 07 16 51 95 - Dr Authier. Tél. : 05 61 39 33 33 - Dr Sperte. Tél. : 05 61 32 27 14 Région parisienne Bobigny : hôpital Avicenne. Drs Joudiou et Wilhem. Tél. : 01 48 95 51 29 Bondy : hôpital Jean-Verdier. Dr Borgne. Tél. : 01 48 02 60 75 Ivry : hôpital Charles-Foix. Dr Guelaud. Tél. : 01 49 59 46 50 Le Kremlin-Bicêtre : CHU. Dr Mainguy. Tél. : 01 45 21 28 40 Limeil-Brévannes : hôpital Émile-Roux. Drs Goussard, Cateland et Nicoly. Tél. : 01 45 95 83 53 Saint-Denis : Centre cardiologique du nord. Drs Abdennbi et Aeberhard. Tél. : 01 49 33 41 41 Villeneuve-St-Denis : CRC de la Brie. Dr Borgne. Tél. : 01 60 43 59 59 Paris Hôpital Rothschild. Dr Amrioui-Bouallout. Tél. : 01 40 19 34 20 Dr Anh Tuan. Tél. : 01 40 19 33 73 Hôtel-Dieu. Dr Billion. Tél. : 01 42 34 84 86 Consultations hospitalières en dehors du réseau hôpital sans tabac (Paris et région parisienne) Hôpital Lariboisière. Dr Allaghy-Sallachy. Tél. : 01 49 95 63 68 Hôpital Saint-Antoine. Dr Mainguy. Tél. : 01 49 28 21 63 Dr Lepetitcorps. Tél. : 01 49 28 25 05 Hôpital Broussais. Pr Lagrue et Dr Battaglia. Tél. : 01 43 95 93 97 CHU Bichat-Claude Bernard. Dr Galerik. Tél. : 01 40 25 82 37 Hôpital de Corbeil. Dr Dupont. Tél. : 01 60 90 30 19 Le Plessis-Robinson. Dr Mainguy. Tél. : 01 46 01 44 81 (le mercredi de 17 h à 19 h) Hôpital Ambroise-Paré. Dr Peim Maillot. Tél. : 01 49 09 58 16 Hôpital Beaujon. Dr Couanon. Tél. : 01 40 87 58 84 Hôpital Henri-Mondor (Créteil). Drs Mainguy et Vin-Datiche. Tél. : 01 49 81 20 99 Hôpital de Houdan (78). Dr Hamel. Tél. : 01 30 59 69 79 Centre hospitalier de Chevilly-Larue (94) Dr Postal. Tél. : 01 49 08 20 20 avec le soutien de : La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 2 - mars-avril 1998 59