e congrès de l’ASCO a été marqué essentiellement
par les premiers résultats des essais de chimiopréven-
tion dans les cancers du sein et par les résultats
des essais de phases II et III de l’anticorps anti-c-erbB-2, le
trastuzumab (Herceptin®), dans les cancers du sein métastatiques.
Les autres pôles d’intérêt présentés sont les facteurs pronostiques
et prédictifs, les taxoïdes et les intensifications thérapeutiques.
CHIMIOPRÉVENTION
Les résultats préliminaires de deux grands essais randomisés
ont été présentés (D.L. Wickerham, abst. 3A, et S. Cummings,
abst. 3). Les caractéristiques principales des ces essais sont
présentées dans les tableaux I et II.
Essai tamoxifène versus placebo du NSABP
L’essai tamoxifène du NSABP a été ajouté en dernière minute
au programme de l’ASCO. L’objectif de cet essai randomisé en
double aveugle comparant tamoxifène et placebo était d’éva-
luer la mortalité par cancer du sein et par maladie cardiovascu-
laire ainsi que l’incidence des fractures. Pour entrer dans cet
essai, les femmes devaient être considérées comme appartenant
à une population “à risque” : au moins un antécédent familial
de premier degré, nulliparité ou âge tardif de parité, mastopa-
thie bénigne, lésions d’atypie ou d’hyperplasie du sein. Le suivi
moyen est de 3,6 ans. De juin 1992 à septembre 1997, 13 388
patientes ont été randomisées entre placebo et tamoxifène.
L’incidence des cancers du sein est de 154 cas dans le groupe
contrôle, contre 85 dans le groupe tamoxifène (p < 0,00001).
Quatorze cancers de l’endomètre sont observés dans le bras
placebo, contre 33 dans le bras tamoxifène (essentiellement
observés chez les femmes de plus de 50 ans, et de bon pronos-
tic). Les effets indésirables vasculaires sont plus fréquents dans
le bras tamoxifène et chez les patientes de plus de 50 ans.
L’essai MORE (Multiple Outcomes of Raloxifene Evaluation)
Il s’agit d’un essai multicentrique international (180 centres,
25 pays). Le raloxifène diminue le risque de cancer du sein
invasif par rapport à la population contrôle (risk ratio 0,30,
p < 0,001). Le risk ratio de cancer de l’endomètre est de 0,5,
mais si l’on exclut les deux cas survenus dans le mois suivant
l’institution du traitement, il n’est que de 0,25. Les limites de
cet essai sont représentées par le suivi médian court (33 mois),
la sélection de la population (les patientes présentant une
ostéoporose ont un risque plus faible de développer un cancer
du sein) et les quelques cas de cancer de l’endomètre observés.
Le raloxifène augmente le risque de thrombose veineuse pro-
fonde et d’embolie pulmonaire de la même manière que les
estrogènes et le tamoxifène.
En conclusion, les résultats préliminaires de ces deux essais
sont intéressants (tableau III). Il faut cependant garder à
l’esprit les caractéristiques de chaque étude et des populations
spécifiques étudiées. L’extrapolation de ces résultats à la popu-
lation générale doit être évitée. Un suivi à long terme et les
résultats des autres essais de chimioprévention en cours sont
nécessaires. De nombreuses questions restent en suspens : la
caractéristique des effets cardiovasculaires et des effets indési-
rables à long terme, l’âge idéal de début de traitement, la durée
optimale de traitement, la permanence de l’effet de chimiopré-
vention dans le temps et le bénéfice exact en termes de survie.
CANCER DU SEIN
95
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Cancer du sein
V. Diéras*, J.Y. Pierga*
L
* Institut Curie, 25, rue d’Ulm, 75005 Paris.
Tableau I. Caractéristiques des deux études randomisées, contre
placebo, en aveugle.
Raloxifène Tamoxifène
versus placebo versus placebo
Nombre de patientes 7 705 13 388
Statut ménopausique Postménopause Pré- et postménopause
(67 ans) (55 ans)
Risque de cancer du sein Bas Élevé
Suivi < 3 ans < 4 ans
Durée du traitement > 3 ans 5 ans
Tableau II. Caractéristiques des études : objectifs et surveillance.
Raloxifène Tamoxifène
Objectif principal Incidence des fractures Incidence
des cancers du sein
Objectifs secondaires Cancer du sein Fractures
Cancer de l’endomètre Cancer de l’endomètre
Maladie cardiaque Maladie cardiaque
Tolérance Tolérance
Surveillance
Mammographie Tous les 2 ans Tous les ans
Endomètre Échographie biopsie Biopsie annuelle
Tableau III. Résultats principaux des deux études randomisées.
Raloxifène Tamoxifène
Cancer du sein invasif ↓↓(âge-dépendant)
Cancer du sein in situ ?
Fracture ↓↓
Cardiopathie ischémique ??
Maladie thromboembolique ↑↑
Accidents cardiovasculaires ?
Cancer de l’endomètre ? ↓↑(FIGO stade 1)
vol VII/n°3 juin 23/04/04 9:07 Page 95
CANCER DU SEIN
96
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Ce qu’il faut retenir...
Lors du 34eCongrès de l’ASCO, les résultats de
deux essais complètement innovants et portant sur
un sujet rarement abordé, à savoir la prévention des
cancers du sein, ont été présentés au cours de la
session plénière.
La première publication concerne les résultats de
l’essai thérapeutique conçu par le groupe
coopérateur américain NSABP, débuté en 1992 et
qui utilise une thérapeutique oncostatique classique,
l’anti-estrogène tamoxifène. La seconde publication
concerne les résultats de l’essai MORE, qui a utilisé
un anti-estrogène moins connu en thérapeutique, le
raloxifène.
Ces deux travaux, prospectifs et randomisés, qui
utilisent tous les deux un anti-estrogène dans un but
identique de prévention, semblent être très proches.
Ils sont en fait complètement différents dans leurs
conceptions, leurs méthodologies et leurs résultats.
Population : critères d’inclusion
*NSABP : femmes à risque élevé de faire un cancer
du sein.
– Cancer d’une personne de la famille du premier
degré.
– Nullipare ou premier enfant tardif ou puberté
précoce.
– Carcinome lobulaire in situ.
– Hyperplasie avec atypie : ce groupe représente
0,3 % des femmes de 35 ans, 2,7 % de celles de
40 ans, 7,1 % de celles de 45 ans, 9,3 % de celles de
50 ans, 12,5 % de celles de 55 ans et toutes les
femmes après 60 ans.
*MORE : femmes à risque élevé de faire une
fracture.
– Baisse de la densité osseuse de 2,5 déviations
standards.
– Pas de risque élevé de faire un cancer du sein.
Motivation déclarée des essais
– NSABP : prévention des cancers du sein des
femmes à risque.
– MORE : amélioration de l’ostéoporose des
femmes, quel que soit leur risque de cancer du sein.
vu par M. Namer
Population : nombre
*NSABP :
– Nombre : 13 388 femmes pré- et postménopausées.
– Âge : pas de limite d’âge.
– Répartition : 49 ans : 40 % ; 50-59 ans : 30 % ;
60 ans : 30 %.
– Randomisation 1:1 : tamoxifène 20 mg versus
placebo.
*MORE
– Nombre : 7 704 femmes ménopausées.
– Âge : < 80 ans ; âge moyen : 66,5 ans.
– Randomisation (produit actif) 2:1 : raloxifène
60 mg versus 120 mg versus placebo.
Produits
– Tamoxifène : anti-estrogène non stéroïdien
largement utilisé dans le traitement du cancer du
sein en phase métastatique et adjuvante. A été
utilisé à la suite de la constatation de la diminution
des récidives sur le sein controlatéral. A un effet
antagoniste sur le sein et un effet agoniste sur le
squelette, l’utérus et les lipides.
– Raloxifène : anti-estrogène non stéroïdien peu
connu et à effet thérapeutique très modeste en phase
métastatique (0 rémission objective/19 patientes). A
un effet antagoniste sur le sein et l’utérus et un effet
agoniste sur le squelette et les lipides.
Posologie
– Tamoxifène : posologie usuelle classique de 20 mg/jour.
– Raloxifène : posologie usuelle mal connue. Deux
doses : 60 et 120 mg/jour.
Suivi
– NSABP : # 4 ans.
– MORE : 33 mois.
Résultats bénéfiques
Sein
*NSABP
– Cancers invasifs : placebo : 157, tamoxifène : 85 = È 45 %.
– Cancers non invasifs : placebo : 59, tamoxifène :
31 = È47 %.
– Carcinomes lobulaires in situ : 16 Æ7.
– Hyperplasies avec atypies : 18 Æ1.
*MORE
Pas de distinction entre les cancers invasifs et non
invasifs, résultats à analyser en se rappelant la
randomisation 2:1 : placebo : 21 (0,81 %), raloxifène :
11 (0,21 %), soit une diminution de 74 %.
Squelette
– NSABP : fractures : placebo : 71, tamoxifène : 47 =
È34 %.
– MORE : bénéfice non rapporté.
Résultats délétères
*Endomètre
– NSABP : placebo : 14, tamoxifène : 33 = Ç35 %.
– MORE : È50 % (les chiffres ne sont pas rapportés).
*Événements vasculaires
– NSABP : embolies pulmonaires : 6 Æ17 = Ç183 % ;
phlébites profondes : 19 Æ30 = Ç183 %.
– MORE : données non rapportées.
Population : critères d’exclusion
*NSABP
– Augmentation de la crase sanguine.
– Hormonothérapie de la ménopause et
contraception orale.
– Grossesse ou désir de grossesse.
*MORE
Antécédent de cancer du sein ou de cancer de l’utérus.
vol VII/n°3 juin 23/04/04 9:07 Page 96
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
c-erbB-2
Interaction entre l’expression de c-erbB-2 et l’efficacité du
tamoxifène (TAM)
Dans l’essai adjuvant du GUN de Naples (A.R. Bianco, abst.
373), 433 patientes ont été randomisées entre tamoxifène
30 mg/jour pendant deux ans et groupe contrôle. En outre, les
patientes préménopausées recevaient une chimiothérapie com-
prenant 9 cycles de CMF. Avec un suivi médian de 14 ans, le
tamoxifène a démontré un avantage évident en termes de sur-
vie sans récidive et de survie globale. Cette présentation éva-
lue l’interaction entre l’expression de c-erbB-2 et l’efficacité
du tamoxifène. L’évaluation de c-erbB-2 s’est effectuée par
immunohistochimie avec un anticorps monoclonal dirigé
contre le domaine extracellulaire. La surexpression est définie
par une positivité 10 % des cellules tumorales. Il existe une
corrélation inverse entre l’expression des récepteurs aux estro-
gènes et l’expression de c-erbB-2 (tableau IV). Le tamoxifène
améliore la survie sans récidive et la survie globale chez les
patientes dont la tumeur ne surexprime pas c-erbB-2. De plus,
il semble exister un effet délétère du tamoxifène dans la popu-
lation c-erbB-2 + (figure 1).
Interaction entre l’expression de c-erbB-2 et l’efficacité du
traitement adjuvant
L’expression de c-erbB-2 a été étudiée prospectivement chez
595 patientes (parmi un total de 1 470) participant à l’essai
adjuvant de l’Intergroup 0100, qui a démontré que l’associa-
tion CAF-TAM était supérieure au tamoxifène seul (P.M. Ravdin,
abst. 374). Cette étude semble confirmer que la surexpression
de c-erbB-2 peut prédire une chimiosensibilité aux anthracy-
clines. Cependant, l’analyse n’est pas statistiquement signifi-
cative. Une étude prospective de toutes les tumeurs est impor-
tante pour réduire les biais et augmenter la puissance statis-
tique de ces études. Par ailleurs, la méthode utilisée (type
d’anticorps et validation d’un score de positivité) est très
importante pour optimiser la valeur prédictive de ces tests.
Angiogenèse
La valeur pronostique du taux cytosolique du VEGF (Vas-
cular Endothelial Growth Factor) a été étudiée (B. Linderholm,
abst. 386A). Un dosage du VEGF dans le cytosol des tumeurs
a été réalisé chez 525 patientes suivies pour un cancer du sein
non métastatique sans atteinte ganglionnaire (N –) et chez
461 patientes N +. Un taux élevé de VEGF est associé à une
moins bonne survie. Cette valeur pronostique est plus pronon-
cée chez les patientes sans envahissement ganglionnaire
(tableau V).
Dans une étude sur les facteurs pronostiques dans les cancers
du sein sans envahissement ganglionnaire, l’angiogenèse était
évaluée par le nombre de néovaisseaux marqués par un anti-
corps anti-facteur VIII (C. Carlomagno, abst. 387A). La
néoangiogenèse apparaît comme un facteur pronostique indé-
pendant, ainsi que la phase S. En revanche, dans cette étude
chez 223 patientes, la valeur pronostique de l’expression de
c-erbB-2 n’est pas retrouvée, de même que celle du récepteur à
l’EGF (tableau VI).
La valeur pronostique majeure de l’envahissement ganglion-
naire après chimiothérapie néoadjuvante a été montrée dans
une série rétrospective de l’Institut Curie chez 507 patientes
(J.Y. Pierga, abst. 385A). La médiane de survie sans récidive
des patientes ayant 8 ganglions envahis ou plus après chimio-
thérapie première était de 20 mois (figure 2).
97
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Tableau IV. Corrélation entre c-erbB-2 et les récepteurs aux estro-
c-erbB-2 c-erbB-2 +
RO – 49 (34 %) 29 (55 %)
RO + 95 (66 %) 24 (45 %)
Figure 1. Traitement adjuvant : chimiothérapie. Comparaison du
FEC 50 et du FEC 100 dans les N +.
Tableau V. Valeur pronostique du taux cytosolique de VEGF (analyse
multivariée).
Variables RR IC 95 % p
VEGF 1,61 1,05-2,45 0,0273
RO 3,69 2,43-5,60 < 0,0001
Taille tumorale 1,38 0,90-2,12 0,13
Grade 1,44 0,94-2,21 0,09
Métastases axillaires 4,03 2,56-6,32 < 0,0001
Tableau VI. Valeur pronostique de l’angiogenèse (analyse multi-
variée).
Variables RR IC 95 % p
Angiogenèse 2,3 1,10-4,85 0,02
c-erbB-2 0,75 0,33-1,75 0,47
EGF-R 0,84 0,40-1,75 0,64
Phase S 2,9 1,02-8,30 0,02
%
0
100
80
60
40
20
0 10080604020 120
Temps (mois)
N = 486
p < 0,0001
pN –
222 (45,7 %)
pN + 1-3
158 (32,6 %)
pN + 4-7
72 (14,7 %)
pN + 8
34 (7 %)
Figure 2. Courbes de survie sans récidive.
vol VII/n°3 juin 23/04/04 9:07 Page 97
Discussion
Les différents posters portant sur les facteurs pronostiques ou
prédictifs dans le cancer du sein ont été revus par Hayes du
Lombardi Institute à Georgetown. La conclusion principale est
qu’actuellement, aucun des facteurs biologiques étudiés (p53,
c-erbB-2, p21WAF-1, etc.) n’a atteint un niveau de validation
permettant de modifier l’attitude thérapeutique en fonction de
ces paramètres.
Kandioler (abst. 392) a observé une réponse plus importante à
une chimiothérapie néoadjuvante de type FEC chez
21 patientes en l’absence de mutation de la p53, étudiée par
séquençage complet. En revanche, chez les 31 patientes trai-
tées par paclitaxel, on trouvait davantage de mutations fonc-
tionnelles de la p53 chez les répondeuses complètes. Selon
l’auteur, le génotype p53 pourrait être prédictif de la réponse à
un type donné de chimiothérapie.
Berruti (abst. 393) a étudié par immunohistochimie plusieurs
facteurs biologiques (RH, p53, Ki67, bcl2, c-erbB-2) sur la
biopsie préchimiothérapie et sur la pièce opératoire après chi-
miothérapie néoadjuvante par CMF ou épirubicine chez
81 patientes. Les tumeurs p53 positives répondaient moins
bien à la chimiothérapie, alors que l’expression de Ki67 dimi-
nuait chez les répondeuses. Le phénotype p53 est stable sous
chimiothérapie, avec l’apparition de seulement 4 cas supplé-
mentaires avec mutations.
Dans l’étude de Untch (abst. 395), 182 patientes étaient rando-
misées entre un traitement adjuvant par EC (épirubicine-cyclo-
phosphamide) à doses conventionnelles et la même chimiothé-
rapie à dose intensifiée. L’expression de c-erbB-2 en immuno-
histochimie était un facteur pronostique péjoratif pour la sur-
vie, mais aucune modification de ce paramètre n’était apportée
par l’intensification de la dose d’anthracyclines.
L’étude de Plunkett (abst. 397) retrouve la valeur prédictive de
c-erbB-2 pour la réponse à l’hormonothérapie chez
241 patientes étudiées. Les 32 % de patientes c-erbB-2 +
répondent moins bien à l’hormonothérapie de première ligne.
Zapf (abst. 399) a trouvé une corrélation entre le marquage
pour p21WAF-1 et la réponse à une chimiothérapie néoadjuvante
avec anthracyclines chez 46 patientes traitées pour une tumeur
localement avancée. Les autres facteurs étudiés (RH, p53,
Ki67, c-erbB-2, MDR, bcl2) n’étaient pas prédictifs.
L’étude de Zellars (abst. 401) portait sur 1 472 patientes ayant
eu une mastectomie, suivie, pour 272 d’entre elles, d’une irra-
diation. Avec un suivi médian de 74 mois, en analyse multiva-
riée, le risque de récidive locale est augmenté en cas d’accu-
mulation de p53, c’est-à-dire en cas de p53 anormale. Cette
différence est particulièrement nette chez les patientes irra-
diées (14 versus 22 %).
TRAITEMENT ADJUVANT
Les résultats de l’essai de phase III S8897 de l’Intergroup
(INT 0102) ont été présentés par L. Hutchins (abst. 2A). Le
but de cette étude était de comparer le CMF au CAF comme
chimiothérapie adjuvante chez des patientes suivies pour un
cancer du sein sans envahissement ganglionnaire au curage
axillaire (N –). L’adjonction ou non de tamoxifène faisait
l’objet d’une deuxième randomisation (figure 3). De 1989 à
1993, 4 406 patientes ont été incluses, dont 10 % étaient inéli-
gibles. Les patientes étaient réparties en trois classes de
risque : haut risque, correspondant à des tumeurs de 2 cm ou
plus, ou à récepteurs hormonaux négatifs ; faible risque, pour
lequel la taille tumorale ne permettait pas un dosage cytoso-
lique de récepteurs hormonaux ; enfin, les patientes à risque
indéterminé avec des tumeurs de moins de 2 cm, RO ou RP
positif. Une mesure de la phase S en cytométrie en flux per-
mettait de répartir ces patientes entre haut risque pour les
phases S élevées et faible risque pour les phases S basses. Les
principaux résultats sont donnés dans les tableaux VII et VIII.
L’avantage de l’adjonction du tamoxifène à la chimiothérapie
apparaît chez les patientes dont les tumeurs sont RH positifs.
La différence est particulièrement nette chez les patientes
ménopausées. Les auteurs concluent que le CAF est supérieur
au CMF, mais qu’il est plus toxique que lui en ce qui concerne
l’alopécie, les neutropénies, les nausées-vomissements et les
mucites de grade 2. Le tamoxifène a montré un avantage seule-
ment dans le sous-groupe des patientes qui ont des RH +.
Enfin, la phase S paraît être une méthode de sélection d’un
sous-groupe de patientes ne nécessitant pas de traitement adju-
vant (T < 2 cm). L’utilisation des anthracyclines dans le traite-
ment adjuvant des patientes sans envahissement ganglionnaire
a donc montré son intérêt dans cet essai avec un très grand
effectif, permettant de détecter de très petites différences :
91 contre 92 % de survie à 5 ans (p = 0,03). La survie globale
à 5 ans des patientes avec des petites tumeurs ou à phase S
basse, classées à faible risque, est très bonne, c’est-à-dire de 96
et 97 % respectivement à 5 ans, avec des SSR de 89 et 88 %.
L’utilisation de la phase S reste cependant limitée en raison
des problèmes de standardisation entre les laboratoires.
L’essai du GROCTA 02 comparait une chimiothérapie adju-
vante de type CMF à une hormonothérapie associant du
tamoxifène (TAM) à un agoniste de la LH-RH, la goséréline
(GOS), chez des patientes en pré- ou périménopause RO +
CANCER DU SEIN
98
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Figure 3. Essai S8897 phase III Intergroup (INT 0102).
C = cyclophosphamide, M = méthotrexate, F = 5 fluoro-uracile,
A = adriamycine.
661 faible risque 1 208
suivi, pas de traitement
adjuvant
R
A
N
D
O
M
I
S
A
T
I
O
N
4 406
patientes dont
3 977 éligibles
Cytométrie
de flux
1 075
Haut risque
phase S élevée
528
Faible risque
phase S basse
547
Risque
indéterminé
1 153
Haut risque
2 163
CMF 6 cycles
677
CAF 6 cycles
TAM 5 ans
CAF 6 cycles
670
CMF 6 cycles
TAM 5 ans
vol VII/n°3 juin 23/04/04 9:07 Page 98
(F. Boccardo, abst. 382A). Les principales caractéristiques de
la population étudiée sont données dans le tableau IX. Dans un
essai précédent, ce groupe avait montré un avantage en survie
en faveur du tamoxifène en adjuvant par rapport à la chimio-
thérapie de type CMF chez les patientes N + RO + quel que
soit leur statut ménopausique (J Clin Oncol 1990 ; 8 : 1310-
20). L’essai GROCTA 02 se limite aux femmes préménopau-
sées ou en périménopause (moins d’un an sans règles régu-
lières). Le recul moyen est de 62 mois (tableau X). Les fac-
teurs pronostiques habituels comme le statut ganglionnaire, la
taille tumorale et l’âge des patientes sont retrouvés dans cette
étude. La chimiothérapie et l’hormonothérapie se sont révélées
équivalentes dans cette population sur la survie, quelle que soit
l’analyse en sous-groupe (tableau X). La chimiothérapie est
plus toxique en termes de neutropénie, de nausées et vomisse-
ments, de mucite, de diarrhées et d’alopécie. Les patientes
sous hormonothérapie ont eu plus de bouffées de chaleur.
Avec un recul de 5 ans, il n’a pas été observé d’augmentation
des tumeurs endométriales dans le bras hormonothérapie. La
question de la puissance de l’essai se pose dans la mesure où
un effectif de 244 patientes ne permet pas de détecter des dif-
férences de moins de 15 %. De plus, le bras chimiothérapie ne
comprend que du CMF. L’adjonction d’une anthracycline
aurait peut-être permis d’en augmenter l’efficacité.
L’augmentation de la dose d’anthracycline dans la chimiothé-
rapie adjuvante a été étudiée dans un essai coopératif fran-
çais comparant le FEC 50 et le FEC 100 chez les patientes
avec un envahissement ganglionnaire à haut risque (J. Bonne-
terre, abst. 473A). Dans cet essai ont été incluses 565 patientes
de moins de 65 ans avec 4 ganglions envahis (N +) ou plus ou
avec 1 à 3 N + et une tumeur SBR 2 ou 3 et RH –. Les
patientes recevaient 6 cycles de FEC : 5-FU 500 mg/m2J1,
cyclophosphamide 500 mg/m2J1 et épirubicine 50 ou
100 mg/m2J1, avec reprise à J21. Le suivi médian était de
60 mois. Les tendances de cette étude présentée à l’ASCO
1996 ont été confirmées avec un suivi médian de 5 ans, mon-
trant un bénéfice de l’augmentation de la dose d’épirubicine en
termes de survie globale (tableau XI et figure 4, page 100).
Les infections de grade 3 ont été rares (1,5 %). Aucun décès
toxique n’est survenu. Les toxicités de grades 3 et 4 sont plus
fréquentes dans le bras FEC 100. Seuls trois cas de toxicité
cardiaque de grade 2, dont deux dans le bras FEC 100, ont été
observés. Seulement 6,5 % des traitements ont été interrompus
dans le bras FEC 100, contre 4,2 % avec le FEC 50. La dose-
intensité moyenne était de 87,6 % pour le FEC 100. Il n’existe
aucune différence entre les deux bras en termes de tumeurs
secondaires. Le cancer du sein controlatéral est deux fois
moins fréquent avec le FEC 100.
99
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Tableau VII. Résultats de l’essai de l’Intergroup (INT 0102) selon la
chimiothérapie.
Patientes CMF CAF p
n = 1 351 n = 1 340
SSR à 5 ans (%)
Toutes 84 86 0,03
Préménopause 86 88
Postménopause 81 83
RO – 84 85
RO + 84 87
Survie à 5 ans (%)
Toutes 91 92 0,03
Tableau VIII. Résultats de l’essai de l’Intergroup (INT 0102) selon
l’hormonothérapie.
Patientes Chimiothérapie Chimiothérapie seule p
+ TAM
SSR à 5 ans % (N)
RO + 90 86
Préménopause (429) (443)
RO + 86 77
Postménopause (339) (320)
RO – (toutes) 83 86
(576) (584)
Survie à 5 ans (%)
RO + 94 91 0,01
(768) (763)
Tableau X. Facteurs pronostiques de la survie en analyse multivariée
dans l’essai GROCTA 02.
C = cyclophosphamide, M = méthotrexate, F = 5 fluoro-uracile.
Variables RR IC 95 % p
Traitement
CMF 1
TAM + GOS 0,71 (0,35-1,43) 0,3
Grade tumoral
1 et 2 1
3 et inconnu 1,59 (0,75-3,34) 0,2
Nombre de ganglions
0-3 1
> 3 2,02 (1,01-4,04) 0,04
Taille tumorale
2cm 1
> 2 cm 2,83 (1,24-6,46) 0,01
Âge
40 ans 1
> 40 ans 0,43 (0,20-0,91) 0,03
Tableau IX. Caractéristiques des patientes dans l’essai GROCTA 02.
CMF TAM 5 ans
6 cycles + goséréline 2 ans
Nombre de patientes 120 124
Âge médian (ans) 45 46
Préménopause 93,3 % 91,1 %
T 2 cm 54,2 % 45,9 %
N – 15 % 13,7 %
Mastectomie 54,2 % 57,3 %
vol VII/n°3 juin 23/04/04 9:07 Page 99
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