Discussion
Les différents posters portant sur les facteurs pronostiques ou
prédictifs dans le cancer du sein ont été revus par Hayes du
Lombardi Institute à Georgetown. La conclusion principale est
qu’actuellement, aucun des facteurs biologiques étudiés (p53,
c-erbB-2, p21WAF-1, etc.) n’a atteint un niveau de validation
permettant de modifier l’attitude thérapeutique en fonction de
ces paramètres.
Kandioler (abst. 392) a observé une réponse plus importante à
une chimiothérapie néoadjuvante de type FEC chez
21 patientes en l’absence de mutation de la p53, étudiée par
séquençage complet. En revanche, chez les 31 patientes trai-
tées par paclitaxel, on trouvait davantage de mutations fonc-
tionnelles de la p53 chez les répondeuses complètes. Selon
l’auteur, le génotype p53 pourrait être prédictif de la réponse à
un type donné de chimiothérapie.
Berruti (abst. 393) a étudié par immunohistochimie plusieurs
facteurs biologiques (RH, p53, Ki67, bcl2, c-erbB-2) sur la
biopsie préchimiothérapie et sur la pièce opératoire après chi-
miothérapie néoadjuvante par CMF ou épirubicine chez
81 patientes. Les tumeurs p53 positives répondaient moins
bien à la chimiothérapie, alors que l’expression de Ki67 dimi-
nuait chez les répondeuses. Le phénotype p53 est stable sous
chimiothérapie, avec l’apparition de seulement 4 cas supplé-
mentaires avec mutations.
Dans l’étude de Untch (abst. 395), 182 patientes étaient rando-
misées entre un traitement adjuvant par EC (épirubicine-cyclo-
phosphamide) à doses conventionnelles et la même chimiothé-
rapie à dose intensifiée. L’expression de c-erbB-2 en immuno-
histochimie était un facteur pronostique péjoratif pour la sur-
vie, mais aucune modification de ce paramètre n’était apportée
par l’intensification de la dose d’anthracyclines.
L’étude de Plunkett (abst. 397) retrouve la valeur prédictive de
c-erbB-2 pour la réponse à l’hormonothérapie chez
241 patientes étudiées. Les 32 % de patientes c-erbB-2 +
répondent moins bien à l’hormonothérapie de première ligne.
Zapf (abst. 399) a trouvé une corrélation entre le marquage
pour p21WAF-1 et la réponse à une chimiothérapie néoadjuvante
avec anthracyclines chez 46 patientes traitées pour une tumeur
localement avancée. Les autres facteurs étudiés (RH, p53,
Ki67, c-erbB-2, MDR, bcl2) n’étaient pas prédictifs.
L’étude de Zellars (abst. 401) portait sur 1 472 patientes ayant
eu une mastectomie, suivie, pour 272 d’entre elles, d’une irra-
diation. Avec un suivi médian de 74 mois, en analyse multiva-
riée, le risque de récidive locale est augmenté en cas d’accu-
mulation de p53, c’est-à-dire en cas de p53 anormale. Cette
différence est particulièrement nette chez les patientes irra-
diées (14 versus 22 %).
TRAITEMENT ADJUVANT
Les résultats de l’essai de phase III S8897 de l’Intergroup
(INT 0102) ont été présentés par L. Hutchins (abst. 2A). Le
but de cette étude était de comparer le CMF au CAF comme
chimiothérapie adjuvante chez des patientes suivies pour un
cancer du sein sans envahissement ganglionnaire au curage
axillaire (N –). L’adjonction ou non de tamoxifène faisait
l’objet d’une deuxième randomisation (figure 3). De 1989 à
1993, 4 406 patientes ont été incluses, dont 10 % étaient inéli-
gibles. Les patientes étaient réparties en trois classes de
risque : haut risque, correspondant à des tumeurs de 2 cm ou
plus, ou à récepteurs hormonaux négatifs ; faible risque, pour
lequel la taille tumorale ne permettait pas un dosage cytoso-
lique de récepteurs hormonaux ; enfin, les patientes à risque
indéterminé avec des tumeurs de moins de 2 cm, RO ou RP
positif. Une mesure de la phase S en cytométrie en flux per-
mettait de répartir ces patientes entre haut risque pour les
phases S élevées et faible risque pour les phases S basses. Les
principaux résultats sont donnés dans les tableaux VII et VIII.
L’avantage de l’adjonction du tamoxifène à la chimiothérapie
apparaît chez les patientes dont les tumeurs sont RH positifs.
La différence est particulièrement nette chez les patientes
ménopausées. Les auteurs concluent que le CAF est supérieur
au CMF, mais qu’il est plus toxique que lui en ce qui concerne
l’alopécie, les neutropénies, les nausées-vomissements et les
mucites de grade 2. Le tamoxifène a montré un avantage seule-
ment dans le sous-groupe des patientes qui ont des RH +.
Enfin, la phase S paraît être une méthode de sélection d’un
sous-groupe de patientes ne nécessitant pas de traitement adju-
vant (T < 2 cm). L’utilisation des anthracyclines dans le traite-
ment adjuvant des patientes sans envahissement ganglionnaire
a donc montré son intérêt dans cet essai avec un très grand
effectif, permettant de détecter de très petites différences :
91 contre 92 % de survie à 5 ans (p = 0,03). La survie globale
à 5 ans des patientes avec des petites tumeurs ou à phase S
basse, classées à faible risque, est très bonne, c’est-à-dire de 96
et 97 % respectivement à 5 ans, avec des SSR de 89 et 88 %.
L’utilisation de la phase S reste cependant limitée en raison
des problèmes de standardisation entre les laboratoires.
L’essai du GROCTA 02 comparait une chimiothérapie adju-
vante de type CMF à une hormonothérapie associant du
tamoxifène (TAM) à un agoniste de la LH-RH, la goséréline
(GOS), chez des patientes en pré- ou périménopause RO +
CANCER DU SEIN
98
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Figure 3. Essai S8897 phase III Intergroup (INT 0102).
C = cyclophosphamide, M = méthotrexate, F = 5 fluoro-uracile,
A = adriamycine.
661 faible risque 1 208
suivi, pas de traitement
adjuvant
R
A
N
D
O
M
I
S
A
T
I
O
N
4 406
patientes dont
3 977 éligibles
Cytométrie
de flux
1 075
Haut risque
phase S élevée
528
Faible risque
phase S basse
547
Risque
indéterminé
1 153
Haut risque
2 163
CMF 6 cycles
677
CAF 6 cycles
TAM 5 ans
CAF 6 cycles
670
CMF 6 cycles
TAM 5 ans