Bisphosphonates et cancer : mécanismes d’action M

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Bisphosphonates et cancer : mécanismes d’action
et indications cliniques dans l’ostéolyse maligne
● J. Gligorov*, P. Clézardin**
RESUME. L’os est le premier site d’extension métastatique des cancers. De nombreuses complications liées à ces métastases peuvent
engager le pronostic vital. Celles-ci sont essentiellement dues à un excès de résorption ostéoclastique dans l’environnement proche
des cellules métastatiques (pour les cancers solides) et des cellules plasmocytaires malignes (pour le myélome). Cette ostéolyse est
responsable, sur le plan clinique, de complications particulières telles que fractures, hypercalcémie et douleurs pouvant engager le
pronostic vital ou détériorer rapidement la qualité de vie.
Les bisphosphonates, analogues structuraux du pyrophosphate, sont des agents pharmacologiques qui ont des propriétés antirésorptives.
Leur mécanisme d’action, dépendant en partie de leur structure, est variable. Ils agissent non seulement comme agent antiostéoclastique
(activité inhibitrice directe sur l’ostéoclaste ou indirecte via les ostéoblastes), mais également comme agent antitumoral (in vitro sur
certaines cellules tumorales avec certains bisphosphonates).
De nombreux essais cliniques ont montré leur efficacité dans le traitement des complications liées à l’ostéolyse maligne (hypercalcémies,
fractures, douleurs). Ceux-ci ont permis de poser les indications indiscutables (hypercalcémies, prévention des complications osseuses
des cancers du sein métastatiques et du myélome) et les modalités d’administration des bisphosphonates.
Récemment, certaines données cliniques ont fortement suggéré qu’il existait pour le clodronate une place possible comme traitement
adjuvant du cancer du sein, afin de réduire le risque d’apparition de métastases osseuses ou extra-osseuses et ainsi de prolonger la
survie de patientes porteuses d’un cancer du sein. D’autres études viennent soit renforcer soit infirmer cette hypothèse. Ces données
parfois contradictoires nous incitent à étudier de nouveaux agents et à approfondir notre connaissance des mécanismes d’action des
bisphosphonates. Elles nous incitent aussi à rechercher des facteurs prédictifs de dissémination métastatique permettant de cibler une
sous-population qui devrait pouvoir bénéficier d’un traitement préventif, non seulement pour le cancer du sein mais également pour
d’autres cancers ostéophiles.
ostéolyse maligne est une complication fréquente de
nombreux cancers, et en particulier des cancers du
sein, de la prostate et du myélome multiple (1, 2).
L'examen anatomopathologique des lésions osseuses montre un
excès de résorption ostéoclastique dans l’environnement proche
des cellules métastatiques et des cellules plasmocytaires
malignes. Lors du remodelage osseux physiologique, la résorption de l'os par les ostéoclastes est étroitement couplée à la formation osseuse induite par les ostéoblastes (3). Il en résulte un
maintien parfait de l’architecture osseuse. En revanche, lors de
l’ostéolyse maligne, un processus dissocié s’établit, avec une
formation osseuse diminuée et une résorption osseuse augmentée (1, 2). Cette hyperrésorption osseuse est responsable,
sur le plan clinique, de complications particulières telles que
fractures, hypercalcémie et douleurs (1, 2). De ce fait, tout agent
pharmacologique ayant la capacité de bloquer l’activité des
ostéoclastes sera utile dans le traitement de l’ostéolyse maligne.
Les bisphosphonates font partie de ces agents pharmacologiques
L’
* Service d’oncologie médicale, AP-HP hôpital Tenon, Paris.
** Unité de recherche INSERM 403, Faculté de médecine Laennec, Lyon.
36
qui ont des propriétés antirésorptives (4). De nombreux essais
cliniques ont montré l’efficacité des bisphosphonates dans le traitement de l’ostéolyse maligne, voire dans sa prévention. Toutefois, cette efficacité pourrait ne pas être uniquement attribuable
à leur propriété inhibitrice sur l’activité ostéoclastique, mais peutêtre également à une action directe sur les cellules métastatiques.
Après un bref rappel sur la structure des bisphosphonates, nous
aborderons, dans cette revue, les mécanismes d’action par lesquels les bisphosphonates agissent sur les cellules du tissu osseux
et les cellules tumorales, puis leurs indications et leurs perspectives d’utilisation en clinique.
STRUCTURE DES BISPHOSPHONATES
Les bisphosphonates (anciennement appelés diphosphonates)
sont des analogues structuraux du pyrophosphate où la liaison
P-O-P est remplacée par une liaison P-C-P capable de résister à
une hydrolyse enzymatique (figure 1) (5).
Les bisphosphonates se distinguent par la nature des chaînes latérales R1 et R2 substituées sur l’atome de carbone. Le groupement
P-C-P est essentiel à la liaison des bisphosphonates au minéral
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no 1 - février 2000
Figure 1. Structure globale des bisphosphonates.
Mécanismes d’action sur les ostéoclastes et leurs precurseurs
osseux (c’est-à-dire à l’hydroxyapatite), car il chélate le calcium (5). Le groupement hydroxyl généralement substitué sur
l’atome de carbone en R1 renforce l’affinité des bisphosphonates
à l’hydroxyapatite. Cette propriété particulière fait des bisphosphonates un agent pharmacologique de choix pour “cibler” l’os.
La nature de la chaîne R2 conditionne grandement les propriétés
biologiques des bisphosphonates, en particulier leur capacité à
inhiber la résorption osseuse in vivo (5). Par exemple, les bisphosphonates qui ont un groupement amine primaire (–NH2) dans
la chaîne R2 (tels que le pamidronate et l’alendronate) sont environ cent à cinq cents fois plus puissants que les bisphosphonates
sans groupement NH2 (tels que l’étidronate et le clodronate)
(tableau I). De plus, la méthylation (–CH3) du groupement amine
(par ex. ibandronate) ou son inclusion dans un hétérocycle (par
ex. risédronate, zoledronate) augmente la puissance inhibitrice
du bisphosphonate sur la résorption osseuse (tableau I).
Tableau I. Inhibition de la résorption osseuse par les bisphosphonates :
comparaison entre structure et capacité inhibitrice (données théoriques in vitro).
Bisphosphonate
Structure de la chaîne R2
Inhibition de la résorption osseuse
Étidronate
–––– OH
1
Clodronate
–––– CI
10
Pamidronate
–––– (CH2)2-NH2
100
Alendronate
–––– (CH2)3-NH2
500
Ibandronate
Risédronate
Zoledronate
CH3
–––– (CH2)2-N-(CH2)4-CH3
–––– CH2-
–––– CH2-N
N
N
5 000
5 000
10 000
MÉCANISMES D’ACTION DES BISPHOSPHONATES
SUR LES CELLULES DU TISSU OSSEUX
Compte tenu de la distribution élective des bisphosphonates au
niveau de l’os, ceux-ci exerceront préférentiellement une action
sur les cellules présentes dans l’os (c’est-à-dire les ostéoblastes,
les ostéoclastes et leurs précurseurs).
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no 1 - février 2000
L’injection de [14C]-alendronate chez des rats montre que celuici n’est pas incorporé de façon uniforme à la surface du minéral
osseux (6, 7). Le [14C]-alendronate se retrouve essentiellement
sous les ostéoclastes au niveau des lacunes de résorption (6, 7).
Lors de la résorption osseuse, in vivo, les ostéoclastes internalisent le [14C]-alendronate par un processus de pinocytose ou de
phagocytose (7). Il en résulte alors une disparition de la bordure
plissée des ostéoclastes qui sont en train de résorber l’os (la bordure plissée des ostéoclastes est constituée de fines invaginations
membranaires au niveau desquelles survient la résorption
osseuse) (7). En revanche, les bisphosphonates n’ont aucun effet
sur les ostéoclastes lorsque l’activité ostéoclastique est préalablement inhibée par la calcitonine, indiquant que les bisphosphonates doivent être internalisés par les ostéoclastes pour être
actifs (5). Différentes cibles intracellulaires pour les bisphosphonates ont été identifiées :
– les bisphosphonates (étidronate, clodronate, pamidronate, alendronate) inhibent la sécrétion par les ostéoclastes de protons
nécessaires à la dissolution du minéral osseux (8, 9). Cette inhibition pourrait s’expliquer par le fait que les bisphosphonates
inactivent la pompe à protons ATPase-dépendante située au
niveau de la bordure plissée des ostéoclastes (5, 10) ;
– la formation de l’anneau d’actine (nécessaire à la polarisation
des ostéoclastes et à leur attachement à la matrice osseuse) est
également inhibée par les bisphosphonates (5) ;
– l’alendronate inhibe les tyrosine phosphatases (CD45, PTPs
et PTPε) impliquées dans la déphosphorylation des protéines
(11, 12) ;
– les bisphosphonates induisent une apoptose des ostéoclastes,
que ce soit in vitro ou in vivo (13,14). Les mécanismes d’induction de l’apoptose dans les ostéoclastes différeraient selon la
structure des bisphosphonates : le clodronate se substituerait aux
groupements phosphate de l’ATP pour former un analogue
toxique [l’adénosine 5’-(b,g-dichlorométhylène) triphosphate]
pour les cellules (15) alors que les aminobisphosphonates (alendronate, ibandronate, risédronate) agiraient sur la voie du mévalonate en inhibant la géranylation des protéines telles que Ras,
Rho et Rac, qui sont impliquées dans les processus de signalisation cellulaire (16, 17).
Au cours de l’ostéoclastogenèse, les précurseurs ostéoclastiques
mononucléés présents dans la moelle osseuse se différencient en
ostéoclastes matures plurinucléés à la surface de l’os. Il a été
montré in vitro que différents bisphosphonates (clodronate, pamidronate, alendronate, olpadronate, YM175) inhibent le recrutement et la différenciation des précurseurs ostéoclastiques présents dans la moelle osseuse (18-21). Cette inhibition de
l’ostéoclastogenèse par les bisphosphonates serait toutefois indirecte. Les modèles in vitro d’ostéoclastogenèse montrent qu’il
est nécessaire de cultiver les précurseurs ostéoclastiques en présence d’ostéoblastes (18-21) ou de cellules stromales (21) pour
observer une inhibition de l’ostéoclastogenèse par les bisphosphonates. Il est donc vraisemblable que les bisphosphonates agissent sur l’ostéoclastogenèse par l’intermédiaire des cellules de la
lignée ostéoblastique.
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Mécanismes d’action sur les ostéoblastes
Le prétraitement des ostéoblastes de rat CRP 10/30 par des bisphosphonates (clodronate et ibandronate) inhibe in vitro la résorption osseuse lorsque ces cellules sont co-cultivées avec des ostéoclastes (22). Une inhibition de la résorption osseuse est également
observée lorsque le milieu conditionné provenant des ostéoblastes
traités avec les bisphosphonates est mis au contact des ostéoclastes (22). Les auteurs de ce travail suggèrent que les bisphosphonates stimulent la sécrétion par les ostéoblastes d’un facteur
soluble inhibiteur de la résorption osseuse ou, au contraire, diminuent la sécrétion d’un facteur stimulateur de la résorption
osseuse (22). D’autres travaux ont montré que des bisphosphonates (étidronate, alendronate) inhibent la sécrétion de prostaglandines (23) et d’interleukine 6 (24) par les ostéoblastes, deux
facteurs connus pour stimuler l’activité ostéoclastique. L’ibandronate pourrait également stimuler la libération par les ostéoblastes d’un facteur inhibiteur de l’activité ostéoclastique (25).
La nature de ce facteur inhibiteur est cependant inconnue.
MÉCANISMES D’ACTION DES BISPHOSPHONATES
SUR LES CELLULES TUMORALES
Des études initialement réalisées in vitro montrèrent que la lyse
osseuse induite par des extraits tumoraux était inhibée par différents bisphosphonates (26, 27). Différents modèles d’induction de métastases osseuses chez l’animal (rat ou souris nude)
furent dès lors utilisés pour tester l’effet des bisphosphonates in
vivo. Ces modèles consistent à injecter les cellules tumorales
par voie intra-artérielle (artère iliaque), intraveineuse (veine caudale), intracardiaque (ventricule gauche) ou par implantation à
proximité de l’os. L’administration de différents bisphosphonates (étidronate, clodronate, pamidronate, YM175, alendronate,
risédronate, ibandronate) chez ces animaux présentant des métastases osseuses réduit de façon significative la progression de
l’ostéolyse induite par différentes cellules tumorales (carcinomes
de la prostate et du sein, carcinome de Walker et mélanome)
(28-35). Chez les souris 5T2 atteintes d’une forme de myélome
proche du myélome humain, le pamidronate réduit également
de façon significative l’ostéolyse, sans avoir d’effet sur la maladie hématologique (36). L’analyse histomorphométrique des
métastases osseuses après traitement des animaux par bisphosphonates montre une importante diminution du nombre d’ostéoclastes au voisinage des métastases osseuses (28-35) et la présence d’ostéoclastes apoptotiques (33), expliquant ainsi la
réduction des plages ostéolytiques. De plus, une réduction significative de la masse tumorale présente dans la cavité médullaire
est observée chez les animaux métastatiques traités au risédronate (31, 32). L’évaluation du nombre de mitoses au site des
métastases osseuses indique que cette inhibition de la masse
tumorale est indépendante d’une action du risédronate sur la prolifération des cellules métastatiques (31). Ces résultats sont en
accord avec le fait que les bisphosphonates n’affectent pas in
vitro la prolifération des cellules de carcinomes mammaire et
prostatique (37). Toutefois, il est possible que les bisphosphonates bloquent d’autres processus cellulaires nécessaires à la
constitution d’une métastase osseuse. Par exemple, le prétraite38
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ment de lamelles d’os cortical avec différents bisphosphonates
inhibe in vitro l’adhésion des cellules de lignées de carcinomes
mammaire et prostatique à ces lamelles d’os (37, 38). De plus,
les bisphosphonates agissent aussi directement sur ces cellules
tumorales pour inhiber leur attachement à la matrice osseuse
minéralisée (37). Plus récemment, nous avons observé que
l’action directe des bisphosphonates sur les cellules tumorales
(de sein et de prostate) inhibe l’invasion tumorale en bloquant
l’activité des métalloprotéases MMP-2 et MMP-9, qui sont
nécessaires à la dégradation de la matrice par ces cellules
tumorales (Boissier S., Clézardin P., résultats non publiés). Or
l’invasion tumorale est une étape nécessaire à la constitution
d’une métastase osseuse (34). Par exemple, l’inhibiteur tissulaire de la MMP-2 (appelé TIMP-2) inhibe partiellement (50 %
d’inhibition) la formation chez l’animal des métastases ostéolytiques induite par les cellules de carcinome mammaire MDAMB-231 (34). Les bisphosphonates (clodronate, pamidronate
et YM175) agissent également directement sur les cellules
plasmocytaires tumorales en induisant in vitro une apoptose
(39, 40). Le clodronate se substituerait aux groupements phosphate de l’ATP pour former un analogue toxique [l’adénosine
5’-(b,g-dichlorométhylène) triphosphate] pour les cellules (39)
alors que le pamidronate et le YM175 agiraient sur la voie du
mévalonate (40).
L’ensemble de ces données expérimentales suggère donc que les
bisphosphonates, en agissant directement sur les cellules tumorales, peuvent bloquer des stades précoces de la formation des
métastases osseuses. Cette hypothèse est renforcée par le fait que
l’administration d’un bisphosphonate (clodronate) chez des
patientes atteintes d’un cancer du sein sans événements osseux
retarde significativement l’apparition des métastases osseuses (41),
voire non osseuses (42).
INDICATIONS CLINIQUES EN CANCÉROLOGIE
Si les bisphosphonates ont été décrits il y a plus d’un siècle (41),
leur utilisation en thérapeutique cancérologique date d’une
dizaine d’années. Leur utilisation dans un but “palliatif” (comme
le traitement de l’hypercalcémie maligne) est reconnue. Récemment, plusieurs travaux ont fait entrevoir, dans le cas du cancer
du sein, des indications préventives sur les métastases osseuses,
aussi bien en situation métastatique (42, 43) qu’adjuvante (44).
D’autres études concernant le myélome (45) semblent également
prometteuses. Nous aborderons successivement les indications
reconnues et admises concernant l’utilisation des bisphosphonates en pratique clinique (hypercalcémie, myélome et cancer du
sein), pour terminer par ce qui nous semble être les perspectives
d’avenir concernant ces produits.
Hypercalcémie
Les bisphosphonates ont révolutionné la prise en charge des
épisodes d’hypercalcémie maligne, qui autrefois condamnaient
souvent le patient en quelques semaines (46). Grâce à leur utilisation, plus de 80 % des hypercalcémies d’origine paranéoplasique sont contrôlables, en attendant un éventuel traitement
étiologique (47, 48).
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L’étidronate est un biphosphonate de première génération servant,
comme nous l’avons vu, de mètre étalon puisqu’il est le seul à avoir
été comparé à un placebo dans le traitement de l’hypercalcémie
d’origine maligne (49). Tous les bisphosphonates ont été utilisés
depuis et sont efficaces dans le traitement de cette hypercalcémie.
Le clodronate et le pamidronate ont obtenu une autorisation de
mise sur le marché et sont les plus couramment utilisés en cancérologie dans cette indication. Les modalités d’administration du
clodronate et du pamidronate ont été étudiées. Si le traitement intraveineux est plus efficace, une perfusion unique initiale semble suffisante dans la plupart des cas, aussi bien pour le clodronate (47)
que pour le pamidronate (48). Ces deux agents ont été comparés
entre eux (50) dans le traitement de l’hypercalcémie d’origine
maligne révélant une efficacité supérieure du pamidronate (90 mg)
par rapport au clodronate (1 500 mg) sur la durée de la normocalcémie obtenue après administration. Par ailleurs, la relation entre
dose de bisphosphonate et effet sur l’hypercalcémie d’origine
maligne a été mieux étudiée pour le pamidronate (48), ce qui
explique que la posologie de pamidronate intraveineux préconisée
soit fonction du taux initial d’hypercalcémie.
De nouveaux bisphosphonates sont actuellement en cours de développement clinique. Il s’agit de l’ibandronate (51), et du zolendronate (52) dont les premiers résultats en essais cliniques semblent prometteurs du fait d’une efficacité au moins comparable à
celle du pamidronate, avec une simplicité d’utilisation accrue.
Myélome multiple
Trois études ont permis de montrer l’intérêt de l’utilisation des bisphosphonates dans le traitement du myélome multiple (tableau II),
deux utilisant le clodronate per os (53, 54) et une le pamidronate
intraveineux (45). Ces études ont amené à imposer les bisphosphonates en traitement concomitant à la chimiothérapie chez les
patients porteurs d’un myélome multiple de stade II ou III.
Tableau II. Essais positifs concernant bisphosphonates et myélome.
Nombre
de
patients
Bisphophonate
Modalités
Résultats positifs sur
Lahtinen
(53)
350
Clodronate
2 400 mg per os
par jour
Diminution de la progression
des lésions ostéolytiques,
des épisodes d’hypercalcémie
McCloskey
(54)
609
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Diminution de la progression
des lésions ostéolytiques,
des épisodes d’hypercalcémie,
des tassements vertébraux
Berenson
(45)
392
Pamidronate
90 mg i.v.
toutes
les 4 semaines
Diminution
des événements osseux
Essai
Clodronate
L’étude de Lahtinen et coll. (53) portait sur 350 patients atteints
de myélome multiple de novo randomisés entre chimiothérapie
seule et chimiothérapie associée à du clodronate 2 400 mg per os
pendant deux ans. Les patients traités par clodronate avaient une
diminution statistiquement significative des atteintes lytiques et
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de l’incidence des épisodes d’hypercalcémie, et un meilleur
contrôle de leurs douleurs osseuses. À noter toutefois que ces
résultats n’étaient dépendants que de la réponse de la maladie
aux agents anticancéreux, suggérant un effet synergique du clodronate avec ceux-ci, ce qui a également été évoqué pour d’autres
bisphosphonates in vitro (34).
L’étude de McCloskey et coll. (54) concernait une population de
609 patients randomisés au moment du diagnostic de myélome
entre clodronate 1 600 mg pendant 31 mois et placebo. Les résultats de cette étude sont comparables à ceux de l’étude de Lahtinen concernant la douleur et les épisodes d’hypercalcémie, mais
il existe également une réduction de l’incidence des tassements
vertébraux.
Pamidronate
Berenson et coll. (45) ont étudié l’intérêt du pamidronate intraveineux à la posologie de 90 mg toutes les 4 semaines pendant
9 mois contre placebo chez des patients atteints de myélome sous
chimiothérapie. Les résultats obtenus vont dans le sens des deux
essais précédemment cités avec, en outre, une diminution plus
marquée des événements osseux dans le groupe traité (diminution notamment du recours à la radiothérapie). Ces effets bénéfiques se révélaient toutefois indépendants du type et de la ligne
de chimiothérapie utilisés. Une autre étude (55) concernant
300 patients porteurs d’un myélome de novo a analysé l’intérêt
du pamidronate oral (à la posologie de 300 mg par jour pendant
en moyenne 550 jours) sur les complications osseuses liées au
myélome. Les résultats sont négatifs et montrent par ailleurs que
le groupe traité par pamidronate oral présentait une augmentation statistiquement significative des douleurs osseuses et une
baisse de la taille moyenne de 1,5 cm. L’explication donnée par
les auteurs concernant ces résultats contradictoires s’appuie sur
la très mauvaise biodisponibilité du pamidronate par voie orale.
Si l’activité antitumorale du pamidronate a été documentée in
vitro sur des lignées cellulaires de myélome (39), deux cas de
patients présentant des myélomes résistants à la chimiothérapie
et ayant répondu (au sens carcinologique du terme) à un traitement par pamidronate intraveineux seul ont récemment été
rapportés (56). Ces données isolées renforcent toutefois l’hypothèse probable d’une action antitumorale directe de certains bisphosphonates (comme le pamidronate) sur les lignées myélomateuses. Par ailleurs, la place des bisphosphonates seuls chez des
patients résistant aux traitements par chimiothérapie reste à évaluer puisqu’il n’a pas été démontré de gain en termes de survie.
Enfin, une analyse des répercussions économiques qui suivraient
la prescription des bisphosphonates aux stades précoces de la
maladie myélomateuse reste à effectuer.
Métastases osseuses des cancers du sein
L’apport des bisphosphonates a été documenté dans trois types
d’événements cliniques en rapport avec l’existence de métastases
osseuses de cancers du sein :
– le traitement de la douleur osseuse ;
– la prévention des complications liées à des métastases osseuses
cliniquement existantes ;
– la prévention de l’apparition de métastases osseuses cliniques.
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no 1 - février 2000
Traitement de la douleur osseuse
Si, naturellement, les bisphosphonates ont été proposés en association à d’autres traitements des douleurs liées aux métastases
osseuses, peu d’essais ont permis de démontrer cet effet avec une
méthodologie rigoureuse. Un seul essai utilisant des bisphosphonates per os a été probant dans cette indication (57). Il s’agissait d’un essai sur 55 patients (dont 27 avaient un cancer du sein)
utilisant du clodronate à la posologie de 1 600 mg par jour pendant deux mois. Les principaux autres grands essais évaluant
l’intérêt des bisphosphonates dans la prise en charge de la douleur métastatique osseuse (58-61) utilisaient du clodronate ou du
pamidronate intraveineux (tableau III). Tous ces essais portent
sur un nombre restreint de patients, et ne sont pas pour la plupart
en double aveugle, condition semblant indispensable à l’évaluation de l’effet antalgique d’une nouvelle classe thérapeutique.
Tableau III. Essais concernant les bisphosphonates et les douleurs
osseuses métastatiques du cancer du sein.
Essai
Nombre
de
patients
Bisphophonate
Modalités
Résultats positifs sur
Robertson
(57)
55
(27 seins)
Clorodronate
1 600 mg per os
par jour
Diminution
des douleurs osseuses
Martoni
(58)
38
Clorodronate
300 mg i.v.
par jour
pendant 7 jours
Diminution
de la consommation
d’antalgiques
Vinholes
(59)
52
(30 seins)
Pamidronate
120 mg i.v.
toutes
les 4 semaines
Diminution
des douleurs osseuses
(21 %)
Glover
(60)
61
Pamidronate
30 ou 90 mg i.v.
toutes les 2
ou 4 semaines
Diminution
des douleurs osseuses
(23 %)
Tyrell
(61)
69
Pamidronate
60 mg i.v.
toutes
les 2 semaines
Diminution
des douleurs osseuses
(42 %)
Au total, si les bisphosphonates intraveineux semblent améliorer le
contrôle des douleurs liées aux métastases osseuses, aucune modalité d’administration ou de durée de traitement ne peut être recommandée dans cette indication, et plus particulièrement en cas de
douleurs aiguës. C’est pour cette raison que la place des bisphosphonates dans la prise en charge des douleurs osseuses découle des
résultats des études ayant évalué ces produits dans la prévention des
complications liées aux métastases osseuses des cancers du sein.
Prévention des complications liées aux métastases osseuses
des cancers du sein
Six grandes études utilisant le clodronate ou le pamidronate ont
permis de démontrer l’intérêt de l’utilisation des bisphosphonates
dans la prévention des complications liées aux métastases osseuses
du cancer du sein (tableau IV). Toutes ces études ont le mérite
d’avoir défini une méthodologie d’essai spécifique à l’évaluation
de la maladie osseuse métastatique et de ses complications. Cellesci ont été définies comme suit : épisodes d’hypercalcémie ; existence de fractures pathologiques ou de signes de compression
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no 1 - février 2000
médullaire ; nécessité d’un geste chirurgical orthopédique (préventif ou curatif) ou de radiothérapie osseuse.
Clodronate
L’essai de Paterson et coll. (62) porte sur 173 patientes recevant
1 600 mg de clodronate per os en deux prises ou un placebo pendant un an. Les événements osseux, et plus particulièrement
l’incidence des fractures vertébrales, ont été significativement
moindres dans le groupe traité par clodronate. Une étude ultérieure (63) a confirmé ces résultats sur une série de 67 patientes,
avec du clodronate administré selon les mêmes modalités.
Pamidronate
Une seule étude a utilisé du pamidronate per os (64). La posologie quotidienne de 600 mg initialement prévue a été diminuée de
moitié du fait d’une intolérance gastro-intestinale. Au total,
168 patientes ont été suivies pendant trois ans après randomisation. Une réduction statistiquement significative des événements
osseux, et plus particulièrement des fractures et douleurs osseuses,
a été constatée dans le groupe pamidronate per os.
L’étude de Conte et coll. (65) porte sur 295 patientes recevant,
après randomisation, une chimiothérapie seule ou associée à une
perfusion de pamidronate (45 mg) toutes les trois semaines pendant sept mois. Il existe, dans le groupe pamidronate, une diminution des événements osseux, notamment des douleurs et de
l’apparition de nouvelles métastases osseuses.
Ce sont les deux études du MD Anderson (42, 43) qui ont démontré, avec une méthodologie scrupuleuse, l’intérêt des bisphosphonates et notamment du pamidronate intraveineux en association
avec les traitements anticancéreux chez les patientes métastatiques
osseuses suite à un cancer du sein. Sept cent cinquante-quatre
patientes porteuses de métastases osseuses ostéolytiques de cancer du sein ont participé à l’un des deux essais randomisés en double
aveugle du pamidronate (90 mg par voie intraveineuse toutes les
Tableau IV. Essais positifs concernant les bisphosphonates et les événements osseux liés au cancer du sein.
Nombre
de
patients
Bisphophonate
Modalités
Résultats positifs sur
Paterson
(62)
173
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Hypercalcémie,
fractures vertébrales
Rizzoli
(63)
67
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Densité
et reminéralisation osseuse
Van HoltenVerzantvoort
(64)
161
Pamidronate
300-600 mg
per os
par jour
Hypercalcémie, douleurs,
fractures osseuses, traitements
par radiothérapie
Conte
(65)
295
Pamidronate
45 mg i.v.
toutes les 3
ou 4 semaines
Douleur, augmentation
de la durée sans progression
des métastases osseuses
Pamidronate
90 mg i.v. toutes
les 4 semaines
Diminution
des événements osseux
Pamidronate
90 mg i.v. toutes
les 4 semaines
Diminution
des événements osseux
Essai
Hortobagyi
(42)
Hortobagy
(43)
382
372
41
M
I
S
E
A
quatre semaines) contre placebo. Un des essais (42) s’adressait aux
patientes ayant une chimiothérapie concomitante, et l’autre (43) à
celles ayant une hormonothérapie concomitante.
L’apparition des complications osseuses liées aux métastases, à
24 mois (soit à la fin du traitement par pamidronate), a été retardée dans le groupe de patientes traitées par bisphosphonates dans
les deux essais (51 % contre 64 %). La médiane de survenue d’une
complication osseuse était doublée dans le groupe traité par bisphosphonates (25,2 contre 12,8 mois). Près de 80 % des patients
sont décédés avant la fin des 24 mois de l’étude (aussi bien dans
le groupe traité par pamidronate que dans le groupe placebo). Il
n’existe pas de différence de survie entre les deux groupes.
Au total, ces essais vont dans le même sens, celui de l’indication des
bisphosphonates (clodronate 1 600 mg per os ou pamidronate 90 mg
i.v.) en prévention des complications osseuses chez des patientes
porteuses de métastases osseuses d’un cancer du sein. Par ailleurs,
les résultats d’une étude comparant dans cette indication le pamidronate (60 mg i.v. toutes les trois semaines) au clodronate (900 mg
i.v. toutes les trois semaines ou 2 400 mg per os par jour) ont été
récemment publiés sous forme de résumé (66). Le traitement intraveineux (pamidronate ou clodronate) permettait une meilleure réduction des douleurs osseuses, alors que le traitement per os permettait
une diminution des tassements vertébraux métastatiques. Toutefois,
on constatera que la posologie du pamidronate intraveineux était
inférieure à celle utilisée dans les études du MD Anderson (42, 43),
alors que la dose de clodronate per os était plus élevée (avec une
bonne tolérance) que dans l’étude de Paterson et coll. (62).
Prévention de l’apparition de métastases osseuses des
cancers du sein
Il semblait naturel, au vu des résultats très intéressants des bisphosphonates dans la prise en charge des métastases osseuses des
cancers du sein, d’étudier leur effet préventif potentiel sur l’apparition de ces métastases. Cinq études existent dans la littérature,
dont quatre ont été publiées, une avec le pamidronate per os (67)
et quatre avec le clodronate per os (44, 68-70) (tableau V).
Pamidronate
Dans l’étude de Van Holten-Verzantvoort et coll. (67), 124 patientes
atteintes de cancer du sein localement avancé ou avec métastases
extra-osseuses ont été traitées par du pamidronate per os ou un
placebo. Le risque actuariel d’un premier événement osseux était
statistiquement le même dans les deux groupes (36 % contre
27 %), sans différence sur la survie.
Clodronate
Kanis et coll. (68) ont montré, dans une étude en double aveugle
chez 133 patientes atteintes de cancer du sein métastatique non
osseux, que le nombre total de métastases osseuses était réduit par
l’administration préventive de clodronate per os à la posologie de
1 600 mg par jour. Toutefois, il n’y avait pas de différence significative en ce qui concerne le nombre de patientes présentant des
métastases osseuses, la tolérance ou la survie dans les deux groupes.
Diel et coll. (44) ont suivi 302 patientes atteintes de cancer du sein
avec une maladie micrométastatique médullaire. La moitié de ces
patientes a été traitée par du clodronate per os (1 600 mg par jour)
42
U
P
O
I
N
T
pendant deux ans. Après un recul médian de 36 mois, les auteurs
retrouvent une diminution statistiquement significative dans le
groupe clodronate de l’incidence de l’ensemble des métastases
(extra-osseuses et osseuses : 6,95 % contre 13,9 %), de l’incidence
des métastases osseuses (4 % contre 8,3 %), et de la survie (6 décès
contre 22 décès). Si la seule critique recevable est celle de la sélection de patientes présentant une maladie micrométastatique au
moment du diagnostic, force est de constater que le clodronate
semble apporter un bénéfice réel dans cette sous-population.
Une étude dont les premiers résultats ont été présentés à l’ASCO
en 1998 va dans le même sens que les conclusions de l’étude de
Diel. Powles et coll. (69) ont réalisé une étude en double aveugle
chez 1 079 patientes porteuses d’un cancer du sein non métastatique. Celles-ci étaient randomisées entre clodronate 1 600 mg
per os quotidiennement ou placebo. Les résultats préliminaires
concluent à une diminution de l’incidence des métastases
osseuses dans le groupe traité par clodronate (5,2 % contre 8,1 %).
Cette différence semble plus marquée dans le sous-groupe de
patientes post-ménopausiques.
Une récente étude finlandaise (70) portant sur 299 patientes et comportant un schéma similaire d’administration du clodronate
(1 600 mg per os par jour pendant trois ans) retrouve des résultats
opposés à ceux de Diel et coll. (44). Le groupe recevant du clodronate en adjuvant avait une augmentation du nombre de métastases
extra-osseuses, ainsi qu’une diminution de la survie sans progression et de la survie. Cette étude ne retrouvait pas non plus de bénéfice concernant l’apparition de métastases osseuses. La complète
négativité de ces résultats fait penser qu’il existe peut-être un biais
aussi bien dans l’étude positive de Diel et coll. (sélection de patientes
micrométastatiques osseuses) que dans l’étude négative de Saarto
et coll. (70) [forte incidence de métastases osseuses (18 %) et extraTableau V. Essais concernant les bisphosphonates et la prévention
des métastases osseuses de cancer du sein.
Nombre
de
patients
Bisphophonate
Modalités
Résultats
Van HoltenVerzantvoort
(67)
124
Pamidronate
300 mg per os
par jour
Non significatif
Kanis
(68)*
133
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Diminution du nombre
de métastases osseuses
mais pas du délai d’apparition
Essai
Diel
(44)*
302
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Augmentation du délai
d’apparition des métastases,
diminution du nombre
de métastases osseuses
et viscérales,
augmentation de la survie
Powles
(69)*
1 079
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Diminution du nombre
de métastases osseuses
Saarto
(70)
299
Clodronate
1 600 mg per os
par jour
Augmentation du nombre
de métastases viscérales,
diminution de la survie sans
récidive, diminution de la survie
* Essais positifs.
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no 1 - février 2000
osseuses (27 %) même dans le groupe contrôle]. Les résultats divergents de l’étude finlandaise peuvent également être liés au type de
chimiothérapie utilisée en adjuvant (CMF).
Au total, il semble que de nouvelles perspectives thérapeutiques
s’ouvrent aux bisphosphonates. Leur utilisation à visée préventive semble avoir un intérêt au moins sur l’incidence des métastases osseuses et peut-être sur d’autres métastases, voire sur la
survie dans un sous-groupe prédéfini. Cela semble plus particulièrement vrai avec le clodronate per os et peut être lié au fait
qu’il s’agit du bisphosphonate le plus étudié, que sa biodisponibilité sous forme orale est meilleure, ou enfin qu’il existe une
particularité de son mécanisme d’action pouvant expliquer des
résultats différents de ceux des autres bisphosphonates.
Autres utilisations en cancérologie
Deux essais étudiant l’intérêt l’un du clodronate (71) et l’autre
de l’étidronate (72) n’ont pas permis de démontrer l’intérêt de
l’utilisation des bisphosphonates dans la prise en charge des
patients atteints de cancers de la prostate métastatiques osseux.
En revanche, un essai de phase II utilisant l’olpadronate par voie
intraveineuse (4 mg par jour pendant cinq jours) chez des patients
porteurs de métastases osseuses de cancer de la prostate a montré une efficacité de cette molécule sur le contrôle des douleurs
osseuses (73). Un relais per os a par ailleurs permis le maintien
du contrôle de ces douleurs.
Enfin, par analogie à leur utilisation dans l’ostéoporose, les bisphosphonates pourraient être utilisés dans la prévention de
l’ostéoporose chimio-induite (74).
CONCLUSION
Les bisphosphonates, médicaments initialement à visée palliative, sont devenus une classe thérapeutique à part entière en cancérologie. De nombreux essais cliniques ont montré leur efficacité dans le traitement de l’ostéolyse maligne chez les patients
métastatiques. Cette efficacité est très certainement attribuable à
leurs propriétés antirésorptives (agissant directement et/ou indirectement sur les ostéoclastes et leurs précurseurs).
Toutefois, nous venons de voir que les bisphosphonates peuvent
potentiellement agir sur les cellules tumorales, ce qui suggère que
leur utilisation thérapeutique pourrait être envisagée dans un
contexte qui ne se limiterait pas à un traitement palliatif. Hasard
statistique, biais méthodologique ou réalité clinique, l’étude de
Diel et coll. (44) vient pour la première fois positionner ces molécules en amont du processus métastatique. Leur utilisation à grande
échelle dans ce type d’indications nécessite non seulement une
meilleure compréhension des mécanismes d’action, mais également la définition d’un sous-groupe de patients à “haut bénéfice”
afin d’éviter un surtraitement – plus néfaste économiquement que
médicalement, d’ailleurs. C’est vers ces voies que fondamentalistes et cliniciens orientent leurs efforts. Le développement de
nouveaux bisphosphonates (75) plus puissants permettra peut-être
d’obtenir des résultats plus rapides, plus durables et plus probants,
mais leur utilisation ne se justifiera en préventif que par la détection de sous-populations ayant des facteurs prédictifs de métastases, voire de sensibilité au bisphosphonates.
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F
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