La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 513
Résumé
Le cancer de la prostate affecte l’homme âgé, l’âge médian au diagnostic étant de 68 ans. Le traitement des formes
hormono-résistantes métastatiques comporte une chimiothérapie. Le docétaxel associé à une corticothérapie à
faible dose est le traitement de référence dans cette situation clinique. Ce schéma a montré chez les sujets âgés
en bonne santé une efficacité similaire à celle qu’il a sur des adultes plus jeunes. La balance bénéfice/risque n’a
pas fait l’objet d’études particulières chez les sujets âgés fragiles ou vulnérables. La place d’un schéma hebdo-
madaire reste à évaluer pour ces patients. Un bilan gériatrique préalable apporte une meilleure connaissance de
l’état de santé de ces patients, de leurs ressources et de leurs faiblesses sur les plans médical et social. Il permet
d’envisager une adaptation individualisée des propositions thérapeutiques et du suivi. Un groupe d’experts, au
sein de la Société internationale d’oncologie gériatrique (SIOG), travaille actuellement à l’élaboration de recom-
mandations pour les hommes âgés atteints d’un cancer de la prostate.
Mots-clés
Cancer prostate
Âge
Vulnérabilité
Hormonorésistance
Chimiothérapie
Highlights
Prostate cancer affects older
men, with a median age at
diagnosis of 68 years. The stan-
dard treatment in hormone-
refractory metastatic disease
is chemotherapy including
docetaxel plus low-dose pred-
nisone. The regimen has proved
effective in healthy elderly men
as well as in younger adults.
The benefit/risk ratio has not
been particularly studied in
vulnerable and frail older
patients. Weekly docetaxel
should be evaluated in this
population. A pre-therapeutic
geriatric assessment should
provide accurate information
on patients’ general health
status, strengths and needs.
This evaluation should help
tailor an individualized care
plan and follow up. A specific
task force of the International
Society of Geriatric Oncology
(SIOG) is currently working on
the development of guidelines
for the management of prostate
cancer in the elderly.
Keywords
Prostate cancer
Age
Frailty
Hormone-refractory
Chemotherapy
à celle de l’étude TAX 327. L’association de docé-
taxel et d’estramustine a permis d’améliorer la SG,
le temps jusqu’à la progression et le taux de décrois-
sance du PSA, et de diminuer le risque de décès de
20 % (tableau II). En revanche, cette combinaison
a entraîné une toxicité digestive et cardiaque plus
importante, avec notamment un nombre plus impor-
tant de thromboses veineuses et d’embolies pulmo-
naires probablement liées aux effets estrogéniques
de l’estramustine.
Traitement de référence
Ces essais cliniques ont montré que le docétaxel est
un agent cytotoxique actif pour le cancer de la pros-
tate métastatique hormono-résistant. Le schéma
associant le docétaxel en administration toutes les
3 semaines à de petites doses de prednisone a le
profil le plus favorable et est considéré comme le
traitement de référence.
Pour beaucoup de spécialistes, la chimiothérapie
est proposée aux patients dont la maladie devient
symptomatique. Toutefois, elle peut être indiquée en
cas de maladie rapidement progressive avant même
l’apparition des symptômes. Les études semblent
montrer que le bénéfice en termes de survie est
meilleur pour les patients ayant un taux de PSA
initial plus bas et un temps de doublement du PSA
plus lent (7).
Chimiothérapie et sujet âgé
Résultats des essais cliniques
Les études de phase III randomisées ont été conduites
dans une population sélectionnée en bon état de
santé, bien différente de la population âgée réelle.
Toutefois, l’efficacité du docétaxel ne semble pas être
influencée par l’âge. Dans l’étude TAX 327, 20 % des
sujets inclus étaient âgés de plus de 75 ans. L’analyse
en sous-groupes a montré que les bénéfices obtenus
avec le docétaxel étaient similaires pour les patients
âgés de moins de 65 ans, plus de 65 ans et 75 ans.
La réactualisation des données à 3 ans confirme
ces résultats.
La toxicité hématologique est un effet indésirable
fréquent lors de l’administration du docétaxel toutes
les 3 semaines. Il semble que le schéma d’admi-
nistration hebdomadaire soit moins fréquemment
associé à cet effet et qu’il pourrait être préféré pour
les patients âgés vulnérables ou fragiles.
Attitude pratique
Quel schéma ? ◆
La sous-représentation des sujets âgés dans les essais
thérapeutiques rend l’extrapolation de leurs résul-
tats très difficile. De fait, le docétaxel représente
l’agent de référence compte tenu des résultats des
essais cliniques. D’autres molécules sont envisa-
geables, telles que la mitoxantrone, sous réserve
d’une bonne fonction cardiaque, ou la vinorelbine,
en l’absence de neuropathie préexistante. Il existe
parfois une évolution neuro-endocrine, caractérisée
par une atteinte métastatique viscérale, un taux
modérément élevé du PSA et une élévation des
marqueurs neuro-endocriniens tels que la neuron-
specific enolase (NSE) et la chromogranine. Dans ces
situations, des protocoles intégrant un sel de platine,
l’étoposide ou les taxanes peuvent également être
envisagés. Toutefois, leur utilisation chez le sujet
âgé peut être source d’effets indésirables.
Quelle population ? ◆
Il s’agit d’une population hétérogène du fait de la
grande variabilité de l’état mental et physique des
sujets âgés, de leurs pathologies associées et de leur
désir de recevoir un traitement par chimiothérapie.
Cela souligne l’importance de bien connaître l’état
de santé du patient âgé pour être à même de lui
Tableau II. Résultats de l’étude SWOG 99-16.
Docétaxel +
estramustine Mitoxantrone
Survie médiane
(mois)
17,5 15,6
Hazard-ratio de décès
(IC95)
0,8
(0,67-0,97)
-
Décroissance du taux
de PSA ≥ 50 % (%)
50 27