> ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Cancer Research > Clinical Cancer Research > Journal of the National Cancer Institute > Nature Medicine > Oncogene ACTUALITÉS oncosciences > Science 6 > Mutation du gène PI3KCA dans les cancers du sein et de l’ovaire e rôle des voies de transduction dans le processus cancéreux est bien connu, et notamment celui de la PI3K (Phosphatidyl Inositol 3 Kinase, oncogène régulé négativement par PTEN et dont les effecteurs en aval sont AKT et mTOR). Ce n’est que tout récemment qu’ont été mises en évidence des mutations somatiques d’une des sousunités du gène PI3KCA – qui code pour la sous-unité catalytique α du gène – dans des cancers coliques. Ce travail avait du reste fait l’objet d’un article dans Science en avril. Ici, les auteurs ont testé les 20 exons de PI3KCA en SSCP (et dHPLC pour les exons 9 et 20, qui sont les zones critiques des mutations identifiées jusqu’ici). Chaque profil anormal a ensuite été séquencé. Parmi 70 cancers du sein, 28 mutations ont été retrouvées (40 %), dont effectivement plus de 80 % localisées dans les exons 9 et 20. De façon “logique” pour un oncogène, les mutations sont de type faux-sens et délétions en phase (avec respect du cadre de lecture). La fréquence, le type et la localisation des mutations sont concordants avec les résultats publiés sur les cancers colorectaux. Il n’a pas été noté de lien entre les mutations et les caractéristiques anatomocliniques des tumeurs mammaires (type histologique, stade, grade, récepteurs hormonaux). À l’inverse, peu de mutations ont été identifiées dans les cancers ovariens (6,6 %, soit 11/167 tumeurs malignes), et elles sont nettement corrélées au type histologique (plus fréquentes dans les tumeurs endométrioïdes et à cellules claires). Dans ces tumeurs ovariennes, un autre mécanisme d’activation de l’oncogène PI3KCA est en revanche L La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 retrouvé dans 25 % des cas : une amplification telle que mesurée en PCR quantitative en temps réel. Ces données, si elles se confirment, feraient de PI3KCA le deuxième gène muté en termes de fréquence, après TP53 dans le cancer du sein - TP53 étant muté dans environ 30 % des cas. Par ailleurs, on peut se poser la question de l’altération alternative de gènes impliqués dans cette voie de transduction (HER2/PI3KCA/PTEN/AKT, etc.), ce qui augmenterait considérablement le nombre de tumeurs justifiables de recevoir un traitement “ciblant” cette voie. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Campbell IG et al. Cancer Res 2004;64:7678-81. > Signature moléculaire prédictive de récidive chez les patientes atteintes de cancer du sein N- traitées par tamoxifène es auteurs ont mis en évidence une signature moléculaire de valeur pronostique de la rechute (et/ou prédictive de réponse au tamoxifène, la distinction étant impossible ici) pour les cancers du sein à récepteurs hormonaux positifs et sans envahissement ganglionnaire. Cette signature repose sur l’étude d’expression de 21 gènes (16 gènes “de cancer” et 5 de référence, Recurrent Score Assay, Oncotype®) quantifiés par RT-PCR sur les échantillons en paraffine de patientes incluses dans l’essai NSABP B14 testant l’efficacité du tamoxifène adjuvant sur des tumeurs RE+ N-. Cet ensemble de 16 gènes avait préalablement démontré sa valeur pronostique parmi 250 gènes candidats sélectionnés sur des données de la littérature et de puces à ADN testées chez 447 patientes incluses dans trois L études indépendantes, dont le NSABP B20. Cet ensemble comporte des gènes de prolifération (Ki67, STK15, Survivin, cycline B1, MYBL2), des gènes liés à l’invasion tumorale (MMP11, cathepsine L2), des gènes liés au RE (RE, RP, BCL2, SCUBE2, HER2 et GRB7, GSTM1, CD68, BAG1) et 5 gènes de référence (actine, GAPDH, GUS, RPLPO, TFRC). L’analyse simultanée du profil d’expression des 21 gènes permet, sur la base d’un algorithme prédéterminé, de calculer un score de rechute (en termes de métastases à distance), et de départager ainsi les patientes à risque faible, risque intermédiaire et haut risque de récidive. Des profils de RT-PCR satisfaisants ont été obtenus pour 668 échantillons, parmi 675 eux-mêmes obtenus à partir de 2 617 patientes traitées par tamoxifène dans le NSABP B14. Parmi les 668 patientes, 51 % ont été classées dans les “risques faibles”, 22 % en “risque intermédiaire” et 27 % en “haut risque”. Les risques de récidive à 10 ans sont respectivement de 6,8 %, 14,3 % et 30,5 % pour chacune des trois catégories, avec une différence significative entre le risque faible et le risque haut, indépendante, en analyse multivariée, de l’âge ou de la taille tumorale. En analyse multivariée, on notera cependant que le grade histologique a lui aussi une valeur prédictive, contrairement à l’âge, à la taille tumorale, au RE et au HER2. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Paik S, Shak S, Tang G et al. N Engl J Med 2004;351:2817. > RITA se lie à p53-HDM-2 et active la fonction p53 dans les tumeurs P53 est le gène le plus fréquemment muté dans les tumeurs malignes humaines. Il agit comme sup- T presseur de tumeur en induisant notamment l’arrêt du cycle cellulaire et l’apoptose en cas de dommage/stress cellulaires. Indépendamment des mutations, p53 peut être inactivé par dérégulation de l’oncogène HDM-2 (Human Double Minute-2). La protéine codée par ce gène se lie à p53 et inhibe alors les propriétés transactivatrices de p53 nécessaires à sa fonction suppresseur de tumeur. La restauration de la fonction sauvage de p53 via l’inhibition de HDM-2 (notamment par une classe de molécules dites nutlins qui se lient à HDM-2 et empêchent ainsi son interaction avec p53) est une voie thérapeutique qui a déjà été testée. Ici, les auteurs ont testé des lignées cellulaires de cancer colique HCT116 et HCT116 muté pour p53 avec la banque de molécules chimiques du NCI. Ils ont identifié la molécule RITA (Reactivation and Induction of Tumor cell Apoptosis) comme étant capable in vitro de se lier à p53 et d’entraîner son accumulation dans les cellules tumorales par inhibition de l’interaction p53-HDM-2. De cette manière, la fonction transactivatrice et proapoptotique de p53 est rétablie. De façon tout à fait intéressante, RITA cible essentiellement les cellules tumorales et a peu d’effet sur la croissance des cellules normales (fibroblastes et lymphoblastes). In vivo, RITA – injectée en intrapéritonéal ou en intraveineux – inhibe la croissance de xénogreffes de ces lignées chez la souris nude, et cet effet est dépendant du statut de p53. L’identification d’une petite molécule non génotoxique capable de restaurer la fonction de p53 offre de nouvelles perspectives dans le traitement des cancers humains. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Issaeva N et al. Nature Med 2004;10:1321-8. > La surexpression de CXCR4 est essentielle au processus métastatique lié à HER2 l est prouvé que l’hyperexpression de HER2/neu augmente le potentiel métastatique des cellules tumorales, mais les mécanismes rendant compte de ce phénomène sont mal élucidés. Récemment, une chémokine et son récepteur – SDF-1α/CXCL12 et CXCR4 – ont été impliqués dans l’ensemble du processus métastatique, notamment dans le cancer du sein, les cellules malignes exprimant CXCR4 étant angiogéniques, capables d’envahir la MEC, de circuler dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques, de migrer dans les organes cibles et d’induire des tumeurs secondaires. À l’aide de modèles in vitro et in vivo, les auteurs de cet article établissent un lien clair entre HER2 et CXCR4 : ◗ L’expression de HER2 augmente celle de CXCR4 alors que Herceptin® l’éteint. ◗ La liaison CXCL12/ CXCR4 augmente les propriétés d’invasion, de migration et d’adhésion aux cellules endothéliales de cellules HER2+ par rapport à celles HER2. ◗ L’hyperexpression de HER2 inhibe la dégradation de CXCR4. ◗ L’inhibition de CXCR4 par siRNA diminue les métastases pulmonaires de souris transfectées par HER2 plus que celles de souris non HER2. ◗ Enfin, l’expression de HER2 et celle de CXCR4 sont corrélées positivement dans des tissus tumoraux mammaires humains. En résumé, HER2 augmente l’expression de CXCR4, lui-même nécessaire au processus d’invasion, de migration, d’adhésion et de prolifération métastatique médié par HER2. Sur le plan thérapeutique, si l’inhibition de CXCL12/CXCR4 est peu envisageable – tant le rôle physiologique des chémokines est important –, il paraît possible I La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 7 > ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Nature Medicine > Cancer Research > Oncogene > Clinical Cancer Research > Science > Journal of the National Cancer Institute d’empêcher l’hyperexpression de CXCR4, une fois mis en évidence les mécanismes de cette hyperexpression, dont celle de HER2 démontrée ici. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Li YM et al. Cancer Cell 2004;6:459-69. > Instabilité génomique dans les étapes précoces de la carcinogenèse instabilité génomique est caractéristique de la majorité des tumeurs solides. Mais les causes et le stade de la tumorigenèse où commence cette instabilité sont mal établis. Par exemple, la mutation et l’inactivation de p53 sont impliquées dans l’instabilité, mais les raisons de cette inactivation sont mal connues. Deux articles parus dans la revue Nature en avril apportent des éléments de réponse : ils démontrent l’importance de l’intégrité des mécanismes de contrôle des lésions de l’ADN dans la survenue de l’instabilité propre au phénotype tumoral complet, leur mise en œuvre précoce lors de la tumorigenèse et les causes de cette mise en œuvre. Les auteurs ont démontré l’activation très précoce (respectivement dans des tumeurs superficielles de vessie et dans des hyperplasies pulmonaires, cutanées et des nævi dysplasiques) de la voie de contrôle des dommages de l’ADN (telles les cassures double-brin) ATM/CHK2, gène de l’ataxie-télangiectasie et kinase substrat d’ATM. L’activation de cette voie précède – et probablement sélectionne – les mutations de p53 et l’instabilité génomique, et finalement la transformation maligne histologique. L’activation de ces gènes ATM/CHK2, par leur phosphorylation, est maximale dans les lésions de génome “stable”, alors que ces gènes sont défectueux L’ 8 (mutés) dans les lésions tumorales de génome remanié. L’activation de ces gènes “de réparation” semble consécutive à une réplication de l’ADN (entrée en phase S) dérégulée, cette anomalie de réplication étant elle-même liée à une hyperexpression d’oncogènes tels que CCNE (cycline E), CdC25, E2F1, ou la mutation de gènes comme RB ou BRCA2. Ainsi, dès les stades précoces, certains oncogènes sont responsables d’une dérégulation de la réplication entraînant des dommages de l’ADN, et l’activation de ces points de contrôle ATM/CHK2 pour tenter d’enrayer la progression tumorale. Le développement du cancer est associé à des altérations de ces points de contrôle, à l’apparition de mutations de p53 et à une instabilité génétique. Autrement dit, les cellules tumorales sélectionnées lors de la transformation tumorale seraient déficientes pour ces points de contrôle des dommages de l’ADN. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Bartkova J et al. Nature 2005;434:864-70. > Gorgoulis VJ et al. Nature 2005;434:907-13. > Essai de phase II associant docétaxel et oblimersen dans le cancer de la prostate hormonoréfractaire a protéine Bcl-2 est une cible thérapeutique intéressante sur la voie de l’apoptose, notamment dans le cancer de la prostate, où l’évolution vers l’hormonorésistance s’accompagne d’une surexpression de Bcl-2. L’oblimersen (Genasense®, G3139) est un oligonucléotide antisens qui hybride les six premiers codons de l’ARN messager de Bcl-2, inhibant son expression. A.W. Tolcher et al. (1) ont réalisé un essai de phase II associant oblimersen et docétaxel pour les patients atteints L La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 d’un cancer de la prostate hormonoréfractaire n’ayant jamais reçu de docétaxel auparavant. Les doses de docétaxel et d’oblimersen ont été choisies selon les études de phase I réalisées en monothérapie : 7 mg/kg/jour pendant huit jours consécutifs pour l’oblimersen et 75 mg/m2 de docétaxel à J2, à raison d’un cycle toutes les trois semaines. Une étude pharmacocinétique de l’oblimersen et du docétaxel ainsi qu’une quantification de la protéine Bcl-2 dans les cellules mononucléées sanguines ont été réalisées. Vingt-huit patients ont été inclus dans l’étude, pour un total de 173 cycles de chimiothérapie administrés. L’activité antitumorale de l’association a été évaluée sur la réponse biologique du PSA et obtenue dans 50 % des cas, pour une durée médiane de trois mois et une survie médiane de 19,8 mois. En termes de pharmacocinétique, une grande variabilité interpatient a été observée. Cependant, les patients répondeurs avaient une concentration moyenne estimée d’oblimersen ≥ 5 µg/ml, avec une dose reçue de docétaxel moindre en raison de la toxicité hématologique accrue. Les résultats de cette étude sont comparables à ceux obtenus avec le docétaxel en monothérapie (2, 3). Cependant, la concentration sanguine d’oblimersen influence très nettement la réponse biologique, signifiant que la dose recommandée dans l’étude n’est certainement pas la dose biologique optimale. Dans ces stratégies d’association d’une thérapeutique dite “ciblée” et d’un produit de chimiothérapie, il semble finalement difficile de se passer de la phase I d’association, même si la thérapeutique ciblée est reconnue comme peu ou pas toxique. Comme on le voit dans cet essai, une phase I aurait permis, d’une part, une analyse pharmaco-biologique pour définir la meilleure ASC de l’oblimersen et, d’autre part, de déterminer la dose maximale tolérée du docétaxel dans cette association. N. Houédé-Tchen Département d’oncologie médicale, institut Bergonié, Bordeaux > Tolcher AW et al. Clin Cancer Res 2005;11:3854-61. Po u r en sa v o i r p l u s . . . 1. Tolcher AW, Chi K, Kuhn J et al. A phase II, pharmacokinetic, and biological correlative study of oblimersen sodium and docetaxel in patients with hormone-refractory prostate cancer. Clin Cancer Res 2005;11:3854-61. 2. Tannock IF, de Wit R, Berry WR et al. TAX 327 Investigators. Docetaxel plus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer. N Engl J Med 2004;351:1502-12. 3. Petrylak DP, Tangen CM, Hussain MH et al. Docetaxel and estramustine compared with mitoxantrone and prednisone for advanced refractory prostate cancer. N Engl J Med 2004;351:1513-20. > Un nouvel oncogène pour les syndromes myéloprolifératifs chroniques n l’espace de quelques semaines, quatre journaux scientifiques (1-4) ont publié une découverte identique, de première importance pour la compréhension des hémopathies malignes : celle de l’altération oncogénique à l’origine de plusieurs syndromes myéloprolifératifs chroniques (polyglobulie de Vaquez, thrombocytémie essentielle et splénomégalie myéloïde). On connaissait déjà l’altération moléculaire à l’origine de la leucémie myéloïde chronique (la protéine hybride Bcr-Abl, fruit de la translocation t[9;22]) et celle à l’origine de la mastocytose systémique (le récepteur A du PDGF). Sera-t-on surpris d’apprendre qu’il s’agit, encore une fois, d’une tyrosine-kinase ? C’est une mutation activatrice de Jak2 (Janus kinase 2) qui est, cette fois, la coupable. Jak2 est E une tyrosine-kinase cytoplasmique, dans le système de transduction des signaux qui commence avec… le récepteur de l’érythropoïétine (EPO) et quelques autres ! La pièce manquante du puzzle s’ajuste parfaitement ; elle avait été recherchée en vain au niveau du récepteur de l’EPO, mais aucune mutation n’y avait été décelée chez les patients porteurs de ces syndromes myéloprolifératifs. Il fallait rechercher juste en aval du récepteur, ce qui n’est pas surprenant pour ceux qui savaient que ces patients ont une hématopoïèse hypersensible non seulement à l’EPO, mais aussi à des facteurs de croissance comme la thrombopoïétine ou le GM-CSF, dont les messages passent également par un récepteur dépourvu d’activité tyrosine-kinase, mais couplés à une tyrosine-kinase cytoplasmique, Jak2 dans tous les cas. Ainsi, Jak2 n’est pas “just another kinase”, comme on s’est amusé à le dire lors de sa découverte… Elle est le rouage indispensable à l’activation par les cytokines des voies de prolifération médiées par Stat5, par p85 (la sousunité catalytique de la phosphatidyl-inositol-3-kinase), par Grb2 (sur la voie des MAP kinases). Le mécanisme moléculaire de l’activation de Jak2, avait été décortiqué : le récepteur, lors de sa liaison à son ligand, rapproche ses deux domaines cytoplasmiques, déjà liés chacun à une protéine Jak2, et les deux molécules de Jak2, ainsi contraintes d’interagir, se phosphorylent mutuellement pour s’activer, générant ces tyrosines phosphates qui sont la clé des reconnaissances ultérieures par les divers effecteurs mentionnés. Mais le système s’autorégule : les protéines Stat, une fois activées, entraînent la synthèse de protéines Socs qui viennent, d’où leur nom de suppressor of cytokine signaling, rétro-inhiber l’activation de Jak2 sur un site pseudo-kinasique. Les quatre équipes mentionnées plus haut ont toutes identifié la même mutation gain-de-fonction de Jak2 dans la grande majorité des polyglobulies et dans environ la moitié des cas étudiés de thrombocytémie essentielle et de myélofibrose idiopathique chronique. Cette mutation faux-sens, Val617Phe, survient dans le domaine pseudo-kinasique, celui qui n’a pas d’activité phosphorylante, mais, au contraire, reçoit les messages inhibiteurs de Socs. On ne peut entrer ici dans le détail des preuves qu’apporte chacun des groupes qui ont identifié cette mutation, dont le groupe de W. Vainchenker, à Villejuif, mais il est clair qu’il s’agit bien de l’altération oncogénique causale de la majorité de ces syndromes myéloprolifératifs chroniques. Bien sûr, des questions restent en suspens : et les cas, nombreux tout de même, où il n’a pas été trouvé de mutation de Jak2 ? Et comment la même mutation peut-elle conduire à trois entités pathologiques différentes ? On peut penser qu’il existe, à côté de cette mutation causale, des altérations diversement associées ; ou plutôt que le stade de différenciation de la cellule où survient la mutation la dirigera vers des destinées différentes. Qu’en est-il également des autres voies de signalisation médiées par Jak2, qui est aussi en aval du récepteur de la leptine, de celui de l’hormone de croissance, et de plusieurs récepteurs de cytokines ? Un problème résolu, et déjà les autres se profilent à l’horizon… J. Robert Institut Bergonié, Bordeaux > James C et al., Nature 2005;434:1144-8. Po u r en sa v o i r p l u s . . . 1. James C, Ugo V, Le Couedic JP et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature 2005;434:1144-8. 2. Baxter EJ, Scott LM, Campbell PJ et al. Cancer Genome Project. Acquired mutation of the tyrosine La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 9 > ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Nature Medicine > Cancer Research > Oncogene > Clinical Cancer Research > Science > Journal of the National Cancer Institute kinase JAK2 in human myeloproliferative disorders. Lancet 2005;365:1054-61. 3. Kralovics R, Passamonti F, Buser AS et al. A gain-of-function mutation of JAK2 in myeloproliferative disorders. N Engl J Med 2005;352:1779-90. 4. Levine RL, Wadleigh M, Cools J et al. Activating mutation in the tyrosine kinase JAK2 in polycythemia vera, essential thrombocythemia, and myeloid metaplasia with myelofibrosis. Cancer Cell 2005;7:387-97. > Relation entre les polymorphismes de ERCC1 et la toxicité gastro-intestinale du platine chez des patients atteints de cancers avancés du poumon non à petites cellules équipe de D.C. Christiani, à Harvard, a étudié la corrélation entre les polymorphismes du gène ERCC1 (C8092A et codon 118) et la toxicité de la chimiothérapie chez des patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules (CBNPC) recevant en première ligne une chimiothérapie à base de platine. Les dérivés du platine réalisent une attaque électrophile des bases azotées et forment des adduits covalents sur l’ADN qui interfèrent ensuite avec la réplication de l’ADN. C’est par le mécanisme de nucleotide excision repair (NER) que les cellules réparent ces lésions sur l’ADN. ERCC1 est une enzyme essentielle dans ce mécanisme de réparation. Des polymorphismes dans le gène ERCC1 ont été identifiés : le polymorphisme C8092A et celui du codon 118 peuvent entraîner une altération de la capacité de réparation des dommages de l’ADN dans les tissus normaux, et ainsi augmenter la toxicité liée aux traitements à base de platine. Cette étude a été menée sur 214 patients atteints de CBNPC et recevant en première ligne une chimiothérapie à base de platine. Ce groupe de patients avait L’ 10 un âge moyen de 61 ans (33-84 ans) et était constitué de 51 % d’hommes et de 49 % de femmes. La recherche des polymorphismes de ERCC1 a été réalisée sur des ADN génomiques extraits d’échantillons de sang périphérique collectés lors du recrutement des patients. Le génotypage des polymorphismes C8092A et du codon 118 a été entrepris par la technique de 5-nuclease assay (Taqman®) en utilisant le système de détection ABI Prism 7900HT Sequence (Applied Biosystems). Des modèles de régression logistique ont été utilisés pour évaluer l’association entre la toxicité et chaque polymorphisme, en ajustant les variables d’indice fonctionnel et de traitement. En ce qui concerne le polymorphisme C8092A, 118 patients (55 %) sont homozygotes, porteurs de l’allèle sauvage (C/C), alors que 82 (38 %) sont hétérozygotes (C/A), et 14 (7 %) sont homozygotes variants (A/A). Pour le polymorphisme du codon 118, 79 patients (37 %) ont un génotype sauvage T/T, 99 (46 %) sont hétérozygotes T/C, et 36 (17 %) sont C/C. Ces deux polymorphismes sont rencontrés avec un déséquilibre de liaison. Les auteurs n’ont mis en évidence aucune association significative entre le polymorphisme C8092A ou celui du codon 118 et la survie des patients ou la toxicité hématologique de la chimiothérapie. Cependant, en ajustant sur l’indice fonctionnel et le type de traitement, il apparaît que les patients porteurs d’au moins un allèle variant C8092A du gène ERCC1 présentent un risque multiplié par deux de présenter une toxicité gastro-intestinale de grade 3 ou 4. Cette étude met donc en évidence une association entre la présence de l’allèle variant du polymorphisme C8092A du gène ERCC1, gène de réparation de l’ADN du système NER, et la toxicité gastro-intestinale de grade 3 ou 4 des La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 patients atteints de CBNPC. Ce polymorphisme entraîne un changement de nucléotide (C>A) dans la région 3’UTR du gène ERCC1. Les auteurs suggèrent que ce changement de nucléotide serait à l’origine d’une déstabilisation de l’ARNm de ERCC1, entraînant une plus faible capacité à réparer les dommages sur l’ADN induits par les sels de platine dans les tissus normaux, expliquant l’augmentation de la toxicité gastrointestinale. V. Le Morvan Institut Bergonié, Bordeaux > Suk R et al. Clin Cancer Res 2005;11:1534-8. > Certains polymorphismes du récepteur de l’EGF sont prédictifs de la récidive pelvienne de patients atteints de cancer du rectum traités par chimio-radiothérapie a surexpression du récepteur de l’EGF (ou HER 1 ou Erb-B1), fréquemment observée au niveau de la tumeur primitive de patients présentant un cancer colorectal, est classiquement responsable d’un pronostic péjoratif lié à une moindre chimio- et radiosensibilité. Les auteurs de cette étude rétrospective ont recherché le rôle prédictif de deux variations polymorphiques au niveau du gène codant pour le récepteur à l’EGF, connues comme influençant l’activité du récepteur, dans le délai de survenue d’une rechute pelvienne après traitement radio-chimio-chirurgical d’un cancer du rectum. Il s’agit, d’une part, d’un Single Nucleotide Polymorphism (HER-1 R497K) responsable de la substitution d’une arginine par une lysine au niveau du domaine extracellulaire du récepteur L et, d’autre part, d’une variation polymorphique du nombre de répétitions du dinucléotide CA de l’intron 1 du gène du récepteur de l’EGF. Le génotype variant du SNP R497K et les porteurs d’au moins un allèle long (défini comme contenant plus de 20 répétitions dinucléotiques au niveau de l’intron 1) auraient une activité atténuée du récepteur. Ces polymorphismes ont été recherchés au niveau de l’ADN constitutionnel extrait des blocs de paraffine des pièces opératoires de 59 patients traités, entre 1991 et 2000, par radio-chimiothérapie préopératoire (43 patients) et postopératoire (16 patients) d’un adénocarcinome rectal. Le traitement comportait du 5-FU (1 000 mg/m2/jour de J1 à J4 ou en perfusion continue de 200 mg/m2/jour), associé à la radiothérapie (50,4 à 54 Gy). L’objectif était d’étudier le délai de survenue d’une récidive locale. Le polymorphisme R497K n’a pu être identifié que chez 46 patients : 43 % étaient homozygotes sauvages (Arg/Arg), 39 % hétérozygotes (Arg/Lys) et 17 % homozygotes variants (Lys/Lys). En analyse univariée, ce polymorphisme apparaît relié non significativement au délai de rechute pelvienne, puisque aucun des huit patients porteurs du génotype sauvage Lys/Lys n’a présenté de rechute au moment de l’analyse (p = 0,24). De même, pour le polymorphisme de l’intron 1, les porteurs d’au moins un allèle long présentaient une tendance à une diminution du risque de rechute locale (p = 0,31). Une analyse combinée des différents génotypes, en séparant les patients porteurs d’un allèle variant du polymorphisme R497K selon la longueur de l’intron 1, a permis d’identifier une différence significative dans le délai de survenue d’une rechute pelvienne, dont le risque apparaît plus important pour les porteurs d’un génotype Arg/Arg ou Arg/Lys et des deux allèles courts (< 20 CA) (p = 0,05). Il n’a pas été retrouvé de déséquilibre de liaison entre les deux polymorphismes. Les résultats de cette étude rétrospective suggèrent une influence de deux variations polymorphiques du gène de l’EGFR sur la radio-chimio-sensibilité des cancers du rectum résécables. Outre le faible effectif et le caractère rétrospectif de l’étude, bien d’autres facteurs prédictifs cliniques et anatomopathologiques de rechute pelvienne devraient être pris en compte dans une analyse multivariée avant de retenir cette conclusion. Ces polymorphismes sontils des facteurs pronostiques indépendants du traitement ou sont-ils, comme les auteurs le suggèrent, responsables, par l’influence qu’ils ont sur la transduction du signal, d’une résistance à la radiothérapie ? D’autres études rétrospectives seront nécessaires avant de retenir ces polymorphismes comme des candidats potentiels à une étude prospective. Néanmoins, la possibilité, sur des examens simples – en l’occurrence une prise de sang – d’identifier des facteurs prédictifs ou pronostiques susceptibles d’orienter le traitement apparaît comme un challenge particulièrement rentable pour les patients (1). D. Smith Hôpital Saint-André, Bordeaux > Zhang W et al. Clin Cancer Res 2005;11:600-5. 1. Park DJ, Stoehlmacher J, Lenz HJ. Tailoring chemotherapy in advanced colorectal cancer. Curr Opin Pharmacol 2003;3:378-85. > Déterminants moléculaires de l’activité du cétuximab n une dizaine d’années, le cancer colorectal métastatique est passé du statut de maladie globalement chimiorésistante au statut de maladie E chimiosensible. En effet, au début des années 1990, seul le 5-FU était considéré comme actif dans cette pathologie. Les nombreux essais de modulation (perfusion continue, association à l’acide folinique) permettaient, certes, d’améliorer le pourcentage de réponses, sans atteindre toutefois des chiffres impressionnants. L’arrivée de l’irinotécan et de l’oxaliplatine a permis de gagner en termes de pourcentage de réponses, mais surtout en termes de survie. Et, à l’aube du XXIe siècle, ce sont les anticorps qui viennent marquer un progrès significatif. Le bevacizumab et le cétuximab, dirigés l’un contre le facteur de croissance vasculo-endothélial (VEGF), l’autre contre le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), sont devenus, avec une place distincte dans la prise en charge des cancers colorectaux métastatiques, des éléments incontournables du traitement de cette maladie, dont la guérison, grâce au concours de la chirurgie et de la chimiothérapie, est devenue envisageable. À thérapeutique ciblée, patients sélectionnés. Ce qui paraît une évidence à la réflexion ne l’a sans doute pas toujours été ; pourtant, c’est la crédibilité des nouvelles thérapeutiques anticancéreuses qui est en cause. Il est maintenant admis de ne prescrire le trastuzumab (Herceptin®) qu’aux patientes dont la tumeur mammaire a une amplification du gène Erb-B2 ; il va falloir, de la même façon, identifier les conditions qui permettent à chaque type tumoral de répondre à la thérapeutique disponible : identifier les déterminants de l’activité des anticancéreux est devenu un thème de recherche “translationnelle” de première importance. En ce qui concerne le cétuximab, dont il est question dans cet article, on avait pensé que l’expression de l’EGFR La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005 11 > ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Nature Medicine > Cancer Research > Oncogene > Clinical Cancer Research > Science > Journal of the National Cancer Institute serait, logiquement, le facteur clé, en tant que cible directe de l’anticorps. Il n’en est rien ! Déjà, on savait que des tumeurs sans expression détectable d’EGFR pouvaient répondre au cétuximab. Dans ce travail du groupe de Lenz, à Los Angeles, ce sont les patients dont la tumeur présente une faible expression de l’EGFR qui montrent une tendance à une survie plus longue. C’est en aval de l’action du récepteur que semblent se trouver les déterminants de la réponse : en combinant une expression faible d’EGFR, d’IL-8 et de COX-2, les auteurs parviennent à définir un groupe de patients (40 % de l’effectif) dont la survie médiane est signifi- cativement très supérieure à celle du groupe à expression élevée. C’est un premier pas vers une sélection des patients auxquels on peut prescrire le cétuximab, même si l’on est encore loin d’une application de routine, en raison de la complexité de la mise en place de tests reproductibles et fiables. Le niveau d’expression de la cycline D1 joue certainement un rôle important, même si le seuil de significativité n’est pas atteint dans l’étude présentée, qui a inclus un faible nombre de patients (37, dont 29 exploitables pour la cycline D1). Mais cela renvoie à une présentation très remarquée du même groupe, lors de la réunion spécialisée de l’ASCO-GI en janvier dernier, qui avait montré que le polymorphisme A61G de l’EGFR et le polymorphisme G870A de la cycline D1 étaient associés à une survie significativement diminuée chez les sujets variants. Taux d’expression, polymorphismes : quels seront les examens de laboratoire indispensables à la prescription des thérapeutiques ciblées ? On ne peut encore le savoir, mais le développement de la recherche dans ce domaine est indispensable ! J. Robert Institut Bergonié, Bordeaux > Vallböhmer D et al. J Clin Oncol 2005;23:3536-44. ✂ À découper ou à photocopier O UI, JE M ABONNE AU BIMESTRIEL La Lettre du Cancérologue et ses Actualités Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. ABONNEMENT : 1 an ÉTRANGER (AUTRE FRANCE/DOM-TOM/EUROPE ❐ 100 € collectivités ❐ 80 € particuliers ❐ 50 € étudiants* à l’attention de .............................................................................. *joindre la photocopie de la carte ❏ Particulier ou étudiant Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale *joindre la photocopie de la carte + M., Mme, Mlle ................................................................................ Prénom .......................................................................................... 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