> sciences

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> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Cancer Research
> Clinical Cancer Research
> Journal of the National
Cancer Institute
> Nature Medicine
> Oncogene
ACTUALITÉS
oncosciences
> Science
6
> Mutation du gène PI3KCA
dans les cancers du sein
et de l’ovaire
e rôle des voies de transduction
dans le processus cancéreux est
bien connu, et notamment celui de la
PI3K (Phosphatidyl Inositol 3 Kinase,
oncogène régulé négativement par
PTEN et dont les effecteurs en aval sont
AKT et mTOR). Ce n’est que tout récemment qu’ont été mises en évidence des
mutations somatiques d’une des sousunités du gène PI3KCA – qui code pour
la sous-unité catalytique α du gène –
dans des cancers coliques. Ce travail
avait du reste fait l’objet d’un article
dans Science en avril. Ici, les auteurs
ont testé les 20 exons de PI3KCA en
SSCP (et dHPLC pour les exons 9 et 20,
qui sont les zones critiques des mutations identifiées jusqu’ici). Chaque
profil anormal a ensuite été séquencé.
Parmi 70 cancers du sein, 28 mutations
ont été retrouvées (40 %), dont effectivement plus de 80 % localisées dans
les exons 9 et 20. De façon “logique”
pour un oncogène, les mutations sont
de type faux-sens et délétions en phase
(avec respect du cadre de lecture). La
fréquence, le type et la localisation des
mutations sont concordants avec les
résultats publiés sur les cancers colorectaux. Il n’a pas été noté de lien
entre les mutations et les caractéristiques anatomocliniques des tumeurs
mammaires (type histologique, stade,
grade, récepteurs hormonaux).
À l’inverse, peu de mutations ont été
identifiées dans les cancers ovariens
(6,6 %, soit 11/167 tumeurs malignes),
et elles sont nettement corrélées au
type histologique (plus fréquentes dans
les tumeurs endométrioïdes et à cellules
claires). Dans ces tumeurs ovariennes,
un autre mécanisme d’activation de
l’oncogène PI3KCA est en revanche
L
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
retrouvé dans 25 % des cas : une amplification telle que mesurée en PCR quantitative en temps réel.
Ces données, si elles se confirment,
feraient de PI3KCA le deuxième gène
muté en termes de fréquence, après
TP53 dans le cancer du sein - TP53 étant
muté dans environ 30 % des cas. Par
ailleurs, on peut se poser la question de
l’altération alternative de gènes impliqués dans cette voie de transduction
(HER2/PI3KCA/PTEN/AKT, etc.), ce qui
augmenterait considérablement le nombre
de tumeurs justifiables de recevoir un
traitement “ciblant” cette voie.
F. Lerebours
Centre René-Huguenin, Saint-Cloud
> Campbell IG et al.
Cancer Res 2004;64:7678-81.
> Signature moléculaire
prédictive de récidive chez
les patientes atteintes de cancer
du sein N- traitées par tamoxifène
es auteurs ont mis en évidence
une signature moléculaire de
valeur pronostique de la rechute (et/ou
prédictive de réponse au tamoxifène, la
distinction étant impossible ici) pour
les cancers du sein à récepteurs hormonaux positifs et sans envahissement
ganglionnaire. Cette signature repose
sur l’étude d’expression de 21 gènes
(16 gènes “de cancer” et 5 de référence,
Recurrent Score Assay, Oncotype®) quantifiés par RT-PCR sur les échantillons en
paraffine de patientes incluses dans l’essai NSABP B14 testant l’efficacité du
tamoxifène adjuvant sur des tumeurs
RE+ N-. Cet ensemble de 16 gènes
avait préalablement démontré sa valeur
pronostique parmi 250 gènes candidats
sélectionnés sur des données de la
littérature et de puces à ADN testées
chez 447 patientes incluses dans trois
L
études indépendantes, dont le NSABP
B20. Cet ensemble comporte des gènes
de prolifération (Ki67, STK15, Survivin,
cycline B1, MYBL2), des gènes liés à
l’invasion tumorale (MMP11, cathepsine
L2), des gènes liés au RE (RE, RP, BCL2,
SCUBE2, HER2 et GRB7, GSTM1, CD68,
BAG1) et 5 gènes de référence (actine,
GAPDH, GUS, RPLPO, TFRC). L’analyse
simultanée du profil d’expression des
21 gènes permet, sur la base d’un algorithme prédéterminé, de calculer un
score de rechute (en termes de métastases à distance), et de départager ainsi
les patientes à risque faible, risque
intermédiaire et haut risque de récidive.
Des profils de RT-PCR satisfaisants ont
été obtenus pour 668 échantillons,
parmi 675 eux-mêmes obtenus à partir
de 2 617 patientes traitées par tamoxifène dans le NSABP B14. Parmi les
668 patientes, 51 % ont été classées
dans les “risques faibles”, 22 % en
“risque intermédiaire” et 27 % en “haut
risque”. Les risques de récidive à 10 ans
sont respectivement de 6,8 %, 14,3 %
et 30,5 % pour chacune des trois catégories, avec une différence significative
entre le risque faible et le risque haut,
indépendante, en analyse multivariée,
de l’âge ou de la taille tumorale. En analyse multivariée, on notera cependant
que le grade histologique a lui aussi une
valeur prédictive, contrairement à l’âge,
à la taille tumorale, au RE et au HER2.
F. Lerebours
Centre René-Huguenin, Saint-Cloud
> Paik S, Shak S, Tang G et al.
N Engl J Med 2004;351:2817.
> RITA se lie à p53-HDM-2
et active la fonction p53
dans les tumeurs
P53 est le gène le plus fréquemment muté dans les tumeurs
malignes humaines. Il agit comme sup-
T
presseur de tumeur en induisant notamment l’arrêt du cycle cellulaire et
l’apoptose en cas de dommage/stress
cellulaires. Indépendamment des mutations, p53 peut être inactivé par dérégulation de l’oncogène HDM-2 (Human
Double Minute-2). La protéine codée
par ce gène se lie à p53 et inhibe alors
les propriétés transactivatrices de p53
nécessaires à sa fonction suppresseur
de tumeur. La restauration de la fonction sauvage de p53 via l’inhibition de
HDM-2 (notamment par une classe de
molécules dites nutlins qui se lient à
HDM-2 et empêchent ainsi son interaction avec p53) est une voie thérapeutique qui a déjà été testée.
Ici, les auteurs ont testé des lignées
cellulaires de cancer colique HCT116 et
HCT116 muté pour p53 avec la banque
de molécules chimiques du NCI. Ils ont
identifié la molécule RITA (Reactivation
and Induction of Tumor cell Apoptosis)
comme étant capable in vitro de se lier
à p53 et d’entraîner son accumulation
dans les cellules tumorales par inhibition de l’interaction p53-HDM-2. De
cette manière, la fonction transactivatrice et proapoptotique de p53 est
rétablie. De façon tout à fait intéressante, RITA cible essentiellement les
cellules tumorales et a peu d’effet sur la
croissance des cellules normales (fibroblastes et lymphoblastes).
In vivo, RITA – injectée en intrapéritonéal ou en intraveineux – inhibe la
croissance de xénogreffes de ces lignées
chez la souris nude, et cet effet est
dépendant du statut de p53.
L’identification d’une petite molécule
non génotoxique capable de restaurer
la fonction de p53 offre de nouvelles
perspectives dans le traitement des
cancers humains.
F. Lerebours
Centre René-Huguenin, Saint-Cloud
> Issaeva N et al.
Nature Med 2004;10:1321-8.
>
La surexpression de CXCR4
est essentielle au processus
métastatique lié à HER2
l est prouvé que l’hyperexpression de
HER2/neu augmente le potentiel
métastatique des cellules tumorales,
mais les mécanismes rendant compte
de ce phénomène sont mal élucidés.
Récemment, une chémokine et son récepteur – SDF-1α/CXCL12 et CXCR4 – ont
été impliqués dans l’ensemble du processus métastatique, notamment dans le
cancer du sein, les cellules malignes
exprimant CXCR4 étant angiogéniques,
capables d’envahir la MEC, de circuler
dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques, de migrer dans les organes
cibles et d’induire des tumeurs secondaires.
À l’aide de modèles in vitro et in vivo,
les auteurs de cet article établissent
un lien clair entre HER2 et CXCR4 :
◗ L’expression de HER2 augmente celle
de CXCR4 alors que Herceptin® l’éteint.
◗ La liaison CXCL12/ CXCR4 augmente
les propriétés d’invasion, de migration
et d’adhésion aux cellules endothéliales
de cellules HER2+ par rapport à celles
HER2.
◗ L’hyperexpression de HER2 inhibe la
dégradation de CXCR4.
◗ L’inhibition de CXCR4 par siRNA diminue les métastases pulmonaires de souris transfectées par HER2 plus que
celles de souris non HER2.
◗ Enfin, l’expression de HER2 et celle de
CXCR4 sont corrélées positivement dans
des tissus tumoraux mammaires humains.
En résumé, HER2 augmente l’expression de
CXCR4, lui-même nécessaire au processus
d’invasion, de migration, d’adhésion et de
prolifération métastatique médié par HER2.
Sur le plan thérapeutique, si l’inhibition
de CXCL12/CXCR4 est peu envisageable
– tant le rôle physiologique des chémokines est important –, il paraît possible
I
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
7
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Nature Medicine
> Cancer Research
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
d’empêcher l’hyperexpression de CXCR4,
une fois mis en évidence les mécanismes de cette hyperexpression, dont
celle de HER2 démontrée ici.
F. Lerebours
Centre René-Huguenin, Saint-Cloud
> Li YM et al. Cancer Cell 2004;6:459-69.
> Instabilité génomique
dans les étapes précoces
de la carcinogenèse
instabilité génomique est caractéristique de la majorité des tumeurs
solides. Mais les causes et le stade de la
tumorigenèse où commence cette instabilité sont mal établis. Par exemple,
la mutation et l’inactivation de p53
sont impliquées dans l’instabilité, mais
les raisons de cette inactivation sont
mal connues. Deux articles parus dans
la revue Nature en avril apportent des
éléments de réponse : ils démontrent
l’importance de l’intégrité des mécanismes de contrôle des lésions de l’ADN
dans la survenue de l’instabilité propre
au phénotype tumoral complet, leur mise
en œuvre précoce lors de la tumorigenèse
et les causes de cette mise en œuvre.
Les auteurs ont démontré l’activation
très précoce (respectivement dans des
tumeurs superficielles de vessie et dans
des hyperplasies pulmonaires, cutanées
et des nævi dysplasiques) de la voie de
contrôle des dommages de l’ADN (telles
les cassures double-brin) ATM/CHK2,
gène de l’ataxie-télangiectasie et kinase
substrat d’ATM. L’activation de cette
voie précède – et probablement sélectionne – les mutations de p53 et l’instabilité génomique, et finalement la
transformation maligne histologique.
L’activation de ces gènes ATM/CHK2,
par leur phosphorylation, est maximale
dans les lésions de génome “stable”,
alors que ces gènes sont défectueux
L’
8
(mutés) dans les lésions tumorales de
génome remanié. L’activation de ces
gènes “de réparation” semble consécutive à une réplication de l’ADN (entrée
en phase S) dérégulée, cette anomalie
de réplication étant elle-même liée à
une hyperexpression d’oncogènes tels
que CCNE (cycline E), CdC25, E2F1, ou la
mutation de gènes comme RB ou BRCA2.
Ainsi, dès les stades précoces, certains
oncogènes sont responsables d’une
dérégulation de la réplication entraînant des dommages de l’ADN, et l’activation de ces points de contrôle ATM/CHK2
pour tenter d’enrayer la progression
tumorale. Le développement du cancer est
associé à des altérations de ces points
de contrôle, à l’apparition de mutations
de p53 et à une instabilité génétique.
Autrement dit, les cellules tumorales sélectionnées lors de la transformation tumorale
seraient déficientes pour ces points de
contrôle des dommages de l’ADN.
F. Lerebours
Centre René-Huguenin, Saint-Cloud
> Bartkova J et al. Nature 2005;434:864-70.
> Gorgoulis VJ et al. Nature 2005;434:907-13.
>
Essai de phase II associant
docétaxel et oblimersen
dans le cancer de la prostate
hormonoréfractaire
a protéine Bcl-2 est une cible thérapeutique intéressante sur la voie
de l’apoptose, notamment dans le cancer de la prostate, où l’évolution vers
l’hormonorésistance s’accompagne d’une
surexpression de Bcl-2. L’oblimersen
(Genasense®, G3139) est un oligonucléotide antisens qui hybride les six
premiers codons de l’ARN messager de
Bcl-2, inhibant son expression.
A.W. Tolcher et al. (1) ont réalisé un
essai de phase II associant oblimersen
et docétaxel pour les patients atteints
L
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
d’un cancer de la prostate hormonoréfractaire n’ayant jamais reçu de docétaxel auparavant. Les doses de docétaxel et d’oblimersen ont été choisies
selon les études de phase I réalisées en
monothérapie : 7 mg/kg/jour pendant
huit jours consécutifs pour l’oblimersen
et 75 mg/m2 de docétaxel à J2, à raison
d’un cycle toutes les trois semaines.
Une étude pharmacocinétique de l’oblimersen et du docétaxel ainsi qu’une
quantification de la protéine Bcl-2 dans
les cellules mononucléées sanguines
ont été réalisées.
Vingt-huit patients ont été inclus dans
l’étude, pour un total de 173 cycles de
chimiothérapie administrés. L’activité
antitumorale de l’association a été évaluée sur la réponse biologique du PSA
et obtenue dans 50 % des cas, pour une
durée médiane de trois mois et une survie médiane de 19,8 mois. En termes de
pharmacocinétique, une grande variabilité interpatient a été observée. Cependant, les patients répondeurs avaient
une concentration moyenne estimée
d’oblimersen ≥ 5 µg/ml, avec une dose
reçue de docétaxel moindre en raison
de la toxicité hématologique accrue.
Les résultats de cette étude sont comparables à ceux obtenus avec le docétaxel
en monothérapie (2, 3). Cependant, la
concentration sanguine d’oblimersen
influence très nettement la réponse
biologique, signifiant que la dose
recommandée dans l’étude n’est certainement pas la dose biologique optimale. Dans ces stratégies d’association
d’une thérapeutique dite “ciblée” et
d’un produit de chimiothérapie, il semble
finalement difficile de se passer de la
phase I d’association, même si la thérapeutique ciblée est reconnue comme
peu ou pas toxique. Comme on le voit
dans cet essai, une phase I aurait
permis, d’une part, une analyse pharmaco-biologique pour définir la meilleure
ASC de l’oblimersen et, d’autre part, de
déterminer la dose maximale tolérée du
docétaxel dans cette association.
N. Houédé-Tchen
Département d’oncologie médicale,
institut Bergonié, Bordeaux
> Tolcher AW et al.
Clin Cancer Res 2005;11:3854-61.
Po u r en sa v o i r p l u s . . .
1. Tolcher AW, Chi K, Kuhn J et al. A phase II,
pharmacokinetic, and biological correlative study
of oblimersen sodium and docetaxel in patients
with hormone-refractory prostate cancer. Clin Cancer
Res 2005;11:3854-61.
2. Tannock IF, de Wit R, Berry WR et al. TAX 327
Investigators. Docetaxel plus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer.
N Engl J Med 2004;351:1502-12.
3. Petrylak DP, Tangen CM, Hussain MH et al. Docetaxel and estramustine compared with mitoxantrone and prednisone for advanced refractory
prostate cancer. N Engl J Med 2004;351:1513-20.
> Un nouvel oncogène
pour les syndromes
myéloprolifératifs chroniques
n l’espace de quelques semaines,
quatre journaux scientifiques (1-4)
ont publié une découverte identique, de
première importance pour la compréhension des hémopathies malignes :
celle de l’altération oncogénique à l’origine de plusieurs syndromes myéloprolifératifs chroniques (polyglobulie de
Vaquez, thrombocytémie essentielle et
splénomégalie myéloïde). On connaissait
déjà l’altération moléculaire à l’origine
de la leucémie myéloïde chronique (la
protéine hybride Bcr-Abl, fruit de la
translocation t[9;22]) et celle à l’origine
de la mastocytose systémique (le récepteur A du PDGF). Sera-t-on surpris d’apprendre qu’il s’agit, encore une fois,
d’une tyrosine-kinase ? C’est une mutation activatrice de Jak2 (Janus kinase 2)
qui est, cette fois, la coupable. Jak2 est
E
une tyrosine-kinase cytoplasmique, dans
le système de transduction des signaux
qui commence avec… le récepteur de
l’érythropoïétine (EPO) et quelques
autres ! La pièce manquante du puzzle
s’ajuste parfaitement ; elle avait été
recherchée en vain au niveau du récepteur de l’EPO, mais aucune mutation n’y
avait été décelée chez les patients porteurs de ces syndromes myéloprolifératifs. Il fallait rechercher juste en aval du
récepteur, ce qui n’est pas surprenant
pour ceux qui savaient que ces patients
ont une hématopoïèse hypersensible
non seulement à l’EPO, mais aussi à des
facteurs de croissance comme la thrombopoïétine ou le GM-CSF, dont les messages passent également par un récepteur dépourvu d’activité tyrosine-kinase,
mais couplés à une tyrosine-kinase cytoplasmique, Jak2 dans tous les cas.
Ainsi, Jak2 n’est pas “just another
kinase”, comme on s’est amusé à le dire
lors de sa découverte… Elle est le
rouage indispensable à l’activation par
les cytokines des voies de prolifération
médiées par Stat5, par p85 (la sousunité catalytique de la phosphatidyl-inositol-3-kinase), par Grb2 (sur la
voie des MAP kinases). Le mécanisme
moléculaire de l’activation de Jak2,
avait été décortiqué : le récepteur, lors
de sa liaison à son ligand, rapproche
ses deux domaines cytoplasmiques,
déjà liés chacun à une protéine Jak2,
et les deux molécules de Jak2, ainsi
contraintes d’interagir, se phosphorylent mutuellement pour s’activer, générant ces tyrosines phosphates qui sont
la clé des reconnaissances ultérieures
par les divers effecteurs mentionnés.
Mais le système s’autorégule : les protéines Stat, une fois activées, entraînent la synthèse de protéines Socs qui
viennent, d’où leur nom de suppressor
of cytokine signaling, rétro-inhiber l’activation de Jak2 sur un site pseudo-kinasique. Les quatre équipes mentionnées
plus haut ont toutes identifié la même
mutation gain-de-fonction de Jak2 dans
la grande majorité des polyglobulies et
dans environ la moitié des cas étudiés
de thrombocytémie essentielle et de
myélofibrose idiopathique chronique.
Cette mutation faux-sens, Val617Phe,
survient dans le domaine pseudo-kinasique, celui qui n’a pas d’activité phosphorylante, mais, au contraire, reçoit les
messages inhibiteurs de Socs.
On ne peut entrer ici dans le détail des
preuves qu’apporte chacun des groupes
qui ont identifié cette mutation, dont le
groupe de W. Vainchenker, à Villejuif,
mais il est clair qu’il s’agit bien de l’altération oncogénique causale de la
majorité de ces syndromes myéloprolifératifs chroniques. Bien sûr, des questions
restent en suspens : et les cas, nombreux tout de même, où il n’a pas été
trouvé de mutation de Jak2 ? Et comment la même mutation peut-elle
conduire à trois entités pathologiques
différentes ? On peut penser qu’il existe,
à côté de cette mutation causale, des altérations diversement associées ; ou plutôt
que le stade de différenciation de la cellule
où survient la mutation la dirigera vers des
destinées différentes. Qu’en est-il également des autres voies de signalisation
médiées par Jak2, qui est aussi en aval du
récepteur de la leptine, de celui de l’hormone de croissance, et de plusieurs récepteurs de cytokines ? Un problème résolu,
et déjà les autres se profilent à l’horizon…
J. Robert
Institut Bergonié, Bordeaux
> James C et al., Nature 2005;434:1144-8.
Po u r en sa v o i r p l u s . . .
1. James C, Ugo V, Le Couedic JP et al. A unique
clonal JAK2 mutation leading to constitutive
signalling causes polycythaemia vera. Nature
2005;434:1144-8.
2. Baxter EJ, Scott LM, Campbell PJ et al. Cancer
Genome Project. Acquired mutation of the tyrosine
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
9
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Nature Medicine
> Cancer Research
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
kinase JAK2 in human myeloproliferative disorders.
Lancet 2005;365:1054-61.
3. Kralovics R, Passamonti F, Buser AS et al. A
gain-of-function mutation of JAK2 in myeloproliferative disorders. N Engl J Med 2005;352:1779-90.
4. Levine RL, Wadleigh M, Cools J et al. Activating
mutation in the tyrosine kinase JAK2 in polycythemia vera, essential thrombocythemia, and myeloid metaplasia with myelofibrosis. Cancer Cell
2005;7:387-97.
>
Relation entre les polymorphismes de ERCC1 et la toxicité
gastro-intestinale du platine
chez des patients atteints
de cancers avancés du poumon
non à petites cellules
équipe de D.C. Christiani, à Harvard, a étudié la corrélation entre
les polymorphismes du gène ERCC1
(C8092A et codon 118) et la toxicité de
la chimiothérapie chez des patients
atteints de cancers du poumon non
à petites cellules (CBNPC) recevant en
première ligne une chimiothérapie à
base de platine. Les dérivés du platine
réalisent une attaque électrophile des
bases azotées et forment des adduits
covalents sur l’ADN qui interfèrent ensuite
avec la réplication de l’ADN. C’est par le
mécanisme de nucleotide excision repair
(NER) que les cellules réparent ces
lésions sur l’ADN. ERCC1 est une enzyme
essentielle dans ce mécanisme de
réparation. Des polymorphismes dans
le gène ERCC1 ont été identifiés : le
polymorphisme C8092A et celui du
codon 118 peuvent entraîner une altération de la capacité de réparation des
dommages de l’ADN dans les tissus normaux, et ainsi augmenter la toxicité liée
aux traitements à base de platine.
Cette étude a été menée sur 214 patients
atteints de CBNPC et recevant en première ligne une chimiothérapie à base
de platine. Ce groupe de patients avait
L’
10
un âge moyen de 61 ans (33-84 ans) et
était constitué de 51 % d’hommes et de
49 % de femmes. La recherche des polymorphismes de ERCC1 a été réalisée sur
des ADN génomiques extraits d’échantillons de sang périphérique collectés
lors du recrutement des patients. Le
génotypage des polymorphismes C8092A
et du codon 118 a été entrepris par la
technique de 5-nuclease assay (Taqman®)
en utilisant le système de détection ABI
Prism 7900HT Sequence (Applied Biosystems). Des modèles de régression logistique ont été utilisés pour évaluer l’association entre la toxicité et chaque
polymorphisme, en ajustant les variables
d’indice fonctionnel et de traitement.
En ce qui concerne le polymorphisme
C8092A, 118 patients (55 %) sont
homozygotes, porteurs de l’allèle
sauvage (C/C), alors que 82 (38 %)
sont hétérozygotes (C/A), et 14 (7 %)
sont homozygotes variants (A/A).
Pour le polymorphisme du codon 118,
79 patients (37 %) ont un génotype
sauvage T/T, 99 (46 %) sont hétérozygotes T/C, et 36 (17 %) sont C/C. Ces
deux polymorphismes sont rencontrés
avec un déséquilibre de liaison.
Les auteurs n’ont mis en évidence
aucune association significative entre
le polymorphisme C8092A ou celui du
codon 118 et la survie des patients ou
la toxicité hématologique de la chimiothérapie. Cependant, en ajustant sur
l’indice fonctionnel et le type de traitement, il apparaît que les patients porteurs d’au moins un allèle variant
C8092A du gène ERCC1 présentent un
risque multiplié par deux de présenter
une toxicité gastro-intestinale de grade 3
ou 4.
Cette étude met donc en évidence une
association entre la présence de l’allèle
variant du polymorphisme C8092A du
gène ERCC1, gène de réparation de
l’ADN du système NER, et la toxicité
gastro-intestinale de grade 3 ou 4 des
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
patients atteints de CBNPC. Ce polymorphisme entraîne un changement de
nucléotide (C>A) dans la région 3’UTR
du gène ERCC1. Les auteurs suggèrent
que ce changement de nucléotide serait
à l’origine d’une déstabilisation de
l’ARNm de ERCC1, entraînant une plus
faible capacité à réparer les dommages
sur l’ADN induits par les sels de platine
dans les tissus normaux, expliquant
l’augmentation de la toxicité gastrointestinale.
V. Le Morvan
Institut Bergonié, Bordeaux
> Suk R et al.
Clin Cancer Res 2005;11:1534-8.
> Certains polymorphismes
du récepteur de l’EGF sont
prédictifs de la récidive
pelvienne de patients atteints
de cancer du rectum traités
par chimio-radiothérapie
a surexpression du récepteur de
l’EGF (ou HER 1 ou Erb-B1), fréquemment observée au niveau de la
tumeur primitive de patients présentant un cancer colorectal, est classiquement responsable d’un pronostic
péjoratif lié à une moindre chimio- et
radiosensibilité. Les auteurs de cette
étude rétrospective ont recherché le
rôle prédictif de deux variations polymorphiques au niveau du gène codant
pour le récepteur à l’EGF, connues
comme influençant l’activité du récepteur, dans le délai de survenue d’une
rechute pelvienne après traitement
radio-chimio-chirurgical d’un cancer du
rectum.
Il s’agit, d’une part, d’un Single Nucleotide Polymorphism (HER-1 R497K)
responsable de la substitution d’une
arginine par une lysine au niveau du
domaine extracellulaire du récepteur
L
et, d’autre part, d’une variation polymorphique du nombre de répétitions du
dinucléotide CA de l’intron 1 du gène
du récepteur de l’EGF. Le génotype
variant du SNP R497K et les porteurs
d’au moins un allèle long (défini
comme contenant plus de 20 répétitions dinucléotiques au niveau de l’intron 1) auraient une activité atténuée
du récepteur. Ces polymorphismes ont
été recherchés au niveau de l’ADN
constitutionnel extrait des blocs de
paraffine des pièces opératoires de
59 patients traités, entre 1991 et 2000,
par radio-chimiothérapie préopératoire (43 patients) et postopératoire
(16 patients) d’un adénocarcinome rectal.
Le traitement comportait du 5-FU
(1 000 mg/m2/jour de J1 à J4 ou en
perfusion continue de 200 mg/m2/jour),
associé à la radiothérapie (50,4 à
54 Gy). L’objectif était d’étudier le délai
de survenue d’une récidive locale. Le
polymorphisme R497K n’a pu être
identifié que chez 46 patients : 43 %
étaient homozygotes sauvages (Arg/Arg),
39 % hétérozygotes (Arg/Lys) et 17 %
homozygotes variants (Lys/Lys).
En analyse univariée, ce polymorphisme
apparaît relié non significativement au
délai de rechute pelvienne, puisque
aucun des huit patients porteurs du
génotype sauvage Lys/Lys n’a présenté
de rechute au moment de l’analyse
(p = 0,24). De même, pour le polymorphisme de l’intron 1, les porteurs d’au
moins un allèle long présentaient une
tendance à une diminution du risque de
rechute locale (p = 0,31). Une analyse
combinée des différents génotypes, en
séparant les patients porteurs d’un
allèle variant du polymorphisme R497K
selon la longueur de l’intron 1, a permis
d’identifier une différence significative
dans le délai de survenue d’une rechute
pelvienne, dont le risque apparaît plus
important pour les porteurs d’un génotype Arg/Arg ou Arg/Lys et des deux
allèles courts (< 20 CA) (p = 0,05). Il
n’a pas été retrouvé de déséquilibre de
liaison entre les deux polymorphismes.
Les résultats de cette étude rétrospective suggèrent une influence de deux
variations polymorphiques du gène de
l’EGFR sur la radio-chimio-sensibilité
des cancers du rectum résécables. Outre
le faible effectif et le caractère rétrospectif de l’étude, bien d’autres facteurs
prédictifs cliniques et anatomopathologiques de rechute pelvienne devraient
être pris en compte dans une analyse
multivariée avant de retenir cette
conclusion. Ces polymorphismes sontils des facteurs pronostiques indépendants du traitement ou sont-ils, comme
les auteurs le suggèrent, responsables,
par l’influence qu’ils ont sur la transduction du signal, d’une résistance à la
radiothérapie ? D’autres études rétrospectives seront nécessaires avant de
retenir ces polymorphismes comme des
candidats potentiels à une étude prospective. Néanmoins, la possibilité, sur
des examens simples – en l’occurrence
une prise de sang – d’identifier des
facteurs prédictifs ou pronostiques susceptibles d’orienter le traitement apparaît
comme un challenge particulièrement
rentable pour les patients (1).
D. Smith
Hôpital Saint-André, Bordeaux
> Zhang W et al.
Clin Cancer Res 2005;11:600-5.
1. Park DJ, Stoehlmacher J, Lenz HJ. Tailoring chemotherapy in advanced colorectal cancer. Curr Opin
Pharmacol 2003;3:378-85.
>
Déterminants moléculaires
de l’activité du cétuximab
n une dizaine d’années, le cancer
colorectal métastatique est passé
du statut de maladie globalement
chimiorésistante au statut de maladie
E
chimiosensible. En effet, au début des
années 1990, seul le 5-FU était considéré comme actif dans cette pathologie.
Les nombreux essais de modulation
(perfusion continue, association à
l’acide folinique) permettaient, certes,
d’améliorer le pourcentage de réponses,
sans atteindre toutefois des chiffres
impressionnants. L’arrivée de l’irinotécan et de l’oxaliplatine a permis de
gagner en termes de pourcentage de
réponses, mais surtout en termes de
survie. Et, à l’aube du XXIe siècle, ce
sont les anticorps qui viennent marquer un progrès significatif. Le bevacizumab et le cétuximab, dirigés l’un
contre le facteur de croissance vasculo-endothélial (VEGF), l’autre contre
le récepteur du facteur de croissance
épidermique (EGFR), sont devenus,
avec une place distincte dans la prise
en charge des cancers colorectaux
métastatiques, des éléments incontournables du traitement de cette
maladie, dont la guérison, grâce au
concours de la chirurgie et de la
chimiothérapie, est devenue envisageable.
À thérapeutique ciblée, patients sélectionnés. Ce qui paraît une évidence à
la réflexion ne l’a sans doute pas toujours été ; pourtant, c’est la crédibilité
des nouvelles thérapeutiques anticancéreuses qui est en cause. Il est maintenant admis de ne prescrire le trastuzumab (Herceptin®) qu’aux patientes
dont la tumeur mammaire a une amplification du gène Erb-B2 ; il va falloir,
de la même façon, identifier les conditions qui permettent à chaque type
tumoral de répondre à la thérapeutique
disponible : identifier les déterminants
de l’activité des anticancéreux est
devenu un thème de recherche “translationnelle” de première importance.
En ce qui concerne le cétuximab, dont
il est question dans cet article, on
avait pensé que l’expression de l’EGFR
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 3 - juin 2005
11
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Nature Medicine
> Cancer Research
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
serait, logiquement, le facteur clé, en
tant que cible directe de l’anticorps. Il
n’en est rien ! Déjà, on savait que des
tumeurs sans expression détectable
d’EGFR pouvaient répondre au cétuximab. Dans ce travail du groupe de Lenz,
à Los Angeles, ce sont les patients
dont la tumeur présente une faible
expression de l’EGFR qui montrent une
tendance à une survie plus longue.
C’est en aval de l’action du récepteur
que semblent se trouver les déterminants de la réponse : en combinant une
expression faible d’EGFR, d’IL-8 et de
COX-2, les auteurs parviennent à définir
un groupe de patients (40 % de l’effectif) dont la survie médiane est signifi-
cativement très supérieure à celle du
groupe à expression élevée. C’est un
premier pas vers une sélection des
patients auxquels on peut prescrire le
cétuximab, même si l’on est encore loin
d’une application de routine, en raison
de la complexité de la mise en place
de tests reproductibles et fiables. Le
niveau d’expression de la cycline D1
joue certainement un rôle important,
même si le seuil de significativité n’est
pas atteint dans l’étude présentée, qui
a inclus un faible nombre de patients
(37, dont 29 exploitables pour la
cycline D1). Mais cela renvoie à une
présentation très remarquée du même
groupe, lors de la réunion spécialisée
de l’ASCO-GI en janvier dernier, qui
avait montré que le polymorphisme
A61G de l’EGFR et le polymorphisme
G870A de la cycline D1 étaient associés
à une survie significativement diminuée
chez les sujets variants. Taux d’expression, polymorphismes : quels seront les
examens de laboratoire indispensables
à la prescription des thérapeutiques
ciblées ? On ne peut encore le savoir,
mais le développement de la recherche
dans ce domaine est indispensable !
J. Robert
Institut Bergonié, Bordeaux
> Vallböhmer D et al. J Clin Oncol
2005;23:3536-44.
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