408 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 8 - octobre 2009
Influence de la radiothérapie des cancers du col de l’utérus
sur la sexualité féminine
DOSSIER THÉMATIQUE
Sexualité et cancers féminins
qualité de la sexualité doivent être discutés, ainsi
que les moyens de les pallier. En cas d’indication
chirurgicale, les femmes, voire les couples, “fantas-
ment” l’hystérectomie comme laissant place à une
vaste cavité interdisant la reprise des rapports.
Expliquer que cette cavité sera comblée par des
anses digestives est l’occasion de préciser que le
coït peut être suivi de douleurs abdominales liées
à la mobilisation des anses digestives parfois figées
par la radiothérapie. Des séances d’ostéopathie
abdominale et une rééducation périnéale peuvent
tout à fait améliorer ce type de symptôme. L’équipe
médicale aura également informé la patiente du
raccourcissement dû à l’exérèse d’une collerette
vaginale, a fortiori lorsque cette opération est
précédée ou suivie d’une radiothérapie.
Lorsqu’elles sont interrogées, beaucoup de femmes
relatent leur appréhension lors de la reprise des
rapports après le traitement. Cette réticence est
constatée même après 2 ans de suivi (2, 8). Beau-
coup sont préoccupées par l’obligation de péné-
tration pour parvenir à la satisfaction masculine et
décrivent une abstraction morale pendant l’acte
sexuel. Ces réactions sont moins marquées chez
les couples qui dialoguent et dont le répertoire des
pratiques sexuelles est plus étendu. Il faut égale-
ment noter que les hommes eux-mêmes peuvent
appréhender les rapports, soit par crainte de provo-
quer des douleurs, soit par réticence devant une
maladie “obscure” et une anatomie remaniée.
S.T. Lindau et al. (10) ont précisé que l’absence
d’accompagnement sur la sexualité augmente
significativement le risque relatif (RR) de problèmes
sexuels (RR = 2,74 ; IC95 : 1,14-6,58). À long terme
(5 ans et plus), les problèmes de dyspareunie ou
l’inconfort secondaire à une irradiation pelvienne
sont sous-estimés par les médecins (14).
Il faut d’emblée préciser quelles doivent être les
périodes d’arrêt des rapports sexuels et le moment
auquel leur reprise peut être envisagée. Le cas
échéant, toutes ces explications doivent être four-
nies en présence du partenaire, en insistant sur
l’importance du dialogue au sein du couple et sur
la progression à envisager.
La patiente doit être informée des risques de
sécheresse vaginale iatrogène et des moyens d’y
remédier. Une application quotidienne d’huile à
base de vitamine E sur les parois vaginales, l’intro-
duction bi- ou tri-hebdomadaire d’ovules d’estro-
gènes ainsi que l’utilisation d’un lubrifiant vaginal
avant les rapports améliorent significativement une
éventuelle dyspareunie. Notons que l’utilisation
autorisée d’un traitement hormonal faiblement
dosé n’empêche pas la prescription de traitements
trophiques vaginaux. En effet, la diminution de la
lubrification des parois vaginales n’est pas suffi-
samment améliorée par un traitement p.o. après
radiothérapie (2, 7).
Enfin, des dilatateurs vaginaux doivent être systé-
matiquement proposés aux patientes (15).
Ces dilatateurs de taille croissante présentent le
double avantage de prévenir le rétrécissement
fibreux du fourreau vaginal (troubles trophiques,
adhérences) et de diminuer les appréhensions de
la patiente à la reprise de la pénétration. Leur
aspect terne, le manque d’explications quant à
leur intérêt et les réticences individuelles, tant de
la part de la patiente que du médecin, rendent leur
utilisation trop rare bien que leur bénéfice ait été
démontré (2). Il faut conseiller leur utilisation dès la
fin des réactions locales vaginales après la curiethé-
rapie et la radiothérapie. Un lubrifiant facilite leur
introduction. Des contractions répétées du périnée
lorsque le dilatateur est en place permettent à la
femme de recouvrer des sensations locales et de
commencer la rééducation périnéale.
Conclusion
La qualité du premier entretien médical avec une
patiente prise en charge pour un cancer du col de
l’utérus est essentielle (14). Cet entretien doit
aborder clairement et sans détour les conséquences
du traitement sur la sexualité. Il faut être conscient
du fait que les connaissances anatomiques des
femmes sont limitées (2) et qu’il est indispensable
de préciser ce que le traitement va modifier. Il faut
soulager les femmes du sentiment de culpabilité
à l’égard d’une maladie gynécologique souvent
associée à une infection virale. L’équipe médicale
doit délivrer l’information qu’elle se sent capable
d’aborder et ne pas hésiter à faire appel à des
consultations spécialisées complémentaires. Ainsi,
le psycho-oncologue, seul ou au sein d’un groupe
de parole, pourra aider la patiente à exprimer ses
craintes, sa culpabilité à l’égard de sa famille et de
la potentielle non-réalisation de projets à venir. Le
sexologue pourra guider au mieux la patiente dans
la reprise des rapports et éventuellement identifier
des couples susceptibles de présenter des diffi-
cultés relationnelles exacerbées par la survenue
de la maladie cancéreuse. Enfin, il est essentiel de
poursuivre des études évaluant en détail le devenir
de la sexualité de ces femmes en s’intéressant
également au ressenti de leur partenaire. ■
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