CANCÉROLOGIE 35 Thérapeutiques À l’aube des traitements ciblés Depuis que les mécanismes de déclenchement du cancer sont un peu mieux compris, on évolue vers des traitements à base de molécules anticancéreuses ciblées. Des progrès fulgurants ont été accomplis dans le domaine de la connaissance de la physiologie cellulaire en général et de la biologie cellulaire de la cellule tumorale. Des anomalies moléculaires Ces traitements ciblent soit des anomalies moléculaires causales directement responsables de la transformation néoplasique, soit des anomalies moléculaires plus tardives contribuant à la progression tumorale mais ne constituant pas l’étape initiale de la transformation. Les premiers, plus rares, sont efficaces surtout en monothérapie. Les seconds donnent des taux de réponse limités en monothérapie mais ont une activité additive à celle de la chimiothérapie. Parmi les cibles thérapeutiques ont été identifiés pour l’essentiel les mécanismes moléculaires de la néovascularisation tumorale faisant intervenir la production tumorale de VEGF (vascular endothelial growth factor). Les récepteurs de facteurs de croissance logés de part et d’autre de la membrane cellulaire tumorale sont d’autres cibles. Les médicaments Certains médicaments bloquent l’activation de gènes responsables pour l’essentiel de la prolifération cellulaire et de l’accroissement de la masse tumorale. Ce peut être des anticorps monoclonaux inactivant le récepteur au facteur de croissance dans sa partie extracellulaire. Les inhibiteurs de tyrosine-kinase obéissent à ces mêmes objectifs de blocage de signalisation en inhibant plus précisément l’activité enzymatique de la partie intracellulaire de ces récepteurs. Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) ont été les premières tumeurs solides traitées par une thérapeutique ciblée (Glivec®) sur l’anomalie moléculaire causale. Avant l’introduction de ce médicament, seule la chirurgie était utilisée, car la chimiothérapie était inefficace. Le médicament est également efficace pour l’autre affection néoplasique que sont les leucémies myéloïdes. En ce qui concerne les anomalies moléculaires plus tardives, le traitement par médicament antiangiogénique constitue un autre exemple de thérapeutique ciblée. En effet, la fabrication de néovaisseaux sanguins est une étape indispensable à la croissance tumorale. La néoangiogenèse est en outre nécessaire à la croissance des cellules tumorales dans les sites distants pour donner des métastases. La néoangiogenèse correspond à la fabrication de néovaisseaux sous la dépendance de cellules tumorales qui vont produire des facteurs de croissance pour provoquer le bourgeonnement, la mise en place et la maturation des néovaisseaux, et ainsi assurer la vascularisation de la tumeur. Le VEGF est le facteur le plus important dans la fabrication de ces néovaisseaux. Jusqu’à présent, les thérapeutiques antiangiogéniques testaient principalement les inhibiteurs de récepteurs tyrosine-kinase de facteurs de croissance et n’avaient pas démontré d’efficacité clinique significative. Des études récentes avec le bevacizumab, anticorps monoclonal qui bloque l’angiogenèse en formant des complexes avec le VEGF, ont démontré l’intérêt thérapeutique du VEGF, notamment dans les cancers colorectal et du rein. Les anticorps monoclonaux Le cetuximab est un anticorps qui inhibe le récepteur de l’EGF et a une activité en monothérapie. D’autres anticorps monoclonaux anti-EGF sont en développement. Certaines drogues (anti-tyrosines kinases) ont l’avantage d’être actives par voie orale (gefitinib, erlotinib). Le gefitinib a montré son intérêt dans le cancer du poumon non à petites cellules. En ce qui concerne le cancer du sein, le développement récent dans la compréhension des événements moléculaires de la tumorogenèse mammaire et de l’importance d’un oncogène HER2/9neu a eu un impact majeur dans la mise au point d’un nouvel agent thérapeutique, le trastuzumab, dirigé spécifiquement contre cette protéine. L’intégration du statut HER2 dans la décision thérapeutique des patientes atteintes de cancer du sein métastasique est un élément décisionnel incontournable dans la prise en charge. Au même titre que la présence des récepteurs hormonaux, la surexpression de GHER2 est un facteur pronostique indépendant et prédictif de réponse à un traitement spécifique par anticorps monoclonaux. Chez des patientes métastasées, le paclitaxel associé au trastuzumab, permet d’augmenter la survie sans progression, le taux de réponse objective et la durée médiane de réponse. D’autres molécules de chimiothérapie ont une action synergétique avec le trastuzumab (gemcitabine, carboplatine, vinrelbine) qui est devenue une arme clé en situation métastatique. ALP >> DOSSIER Q u’entend-on par thérapeutiques ciblées ? Le terme désigne des traitements dirigés contre des molécules jouant un rôle dans la transformation néoplasique de la cellule cancéreuse. Entretiens de Bichat 2004 Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005