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‘
éditorial
Diversité et personnalisation
des traitements en oncologie
L
es fantastiques progrès conceptuels des vingt dernières années ont
permis le développement de stratégies thérapeutiques antitumo­
rales très diversifiées et complémentaires. La division cellulaire étant
la base de la croissance tumorale, le but principal de la chimiothérapie a
été, pendant des décennies, d’attaquer ce phénomène biologi­que, princi­
palement au niveau de l’ADN ou des protéines du fuseau cellulaire indis­
pensable à la mitose. Malheureusement, les cellules normales en division
ne sont pas épargnées, cette absence de sélectivité pour les cellules
­tumorales expliquant nombre d’effets secondaires (alopécie, myélotoxici­
té, toxicité muqueuse,…) et certaines
l
­
«… les résultats sont encore imites intrinsèques de la chimiothé­
modestes et l’approche n’est rapie.
Plus récemment, il a été compris
pas (encore) arrivée à matu- que la cellule tumorale n’est pas isolée
mais se trouve au sein d’un micro-en­
rité …»
vironnement, source d’innombrables
signaux de stimulation. Ce micro-environnement transmet des messages
de croissance tumorale via des récepteurs transmembranaires présents à
Articles publiés
la surface des cellules tumorales, qui eux-mêmes relaient ces messages au
sous la direction
noyau cellulaire via des cascades de protéines (comme une course de relais
où les protéines seraient les coureurs se passant un témoin). Il était dès
lors très attractif de bloquer ces messages de croissance à l’extérieur ou à
l’intérieur de la cellule, grâce respectivement aux anticorps ou aux inhibiteurs
de kinase. Ces deux classes de médicaments sont entrées dans la pratique
quotidienne avec de très nombreuses molécules (rituximab, trastuzumab,
cetuximab, sorafenib, sunitib, imatinib, erlotinib et bien d’autres), et elles
du docteur
ont encore un très fort potentiel de développement.
Deux autres concepts biologiques, la néoangiogenèse et la surveillance
Matti S. Aapro
Directeur exécutif
immunitaire antitumorale, sont la base de nouvelles stratégies thérapeuti­
Société internationale d’oncologie
ques, l’antiangiogenèse et l’immunothérapie. Une tumeur doit développer ses
gériatrique
propres
vaisseaux sanguins afin d’assurer sa nutrition et son oxygénation ;
Clinique de Genolier
bloquer ce processus est en théorie une approche très attractive, même
si les résultats sont encore modestes et que l’approche n’est pas (encore)
arrivée à maturité. Quant à l’immunothérapie, c’est probablement un des
plus grands défis de la prochaine décennie. Comment exploiter les pro­
priétés antitumorales indiscutables de notre système immunitaire ? Une
première étape a peut-être été franchie en 2010 avec la démonstration d’une
amélioration de la survie des patients souffrant de mélanome (enfin !) grâce
à un anticorps ciblant une molécule dont le rôle est de bloquer une ré­
et des professeurs
ponse excessive des lymphocytes T (anticorps antifrein).
Serge Leyvraz
La diversité des stratégies thérapeutiques s’est donc considérablement
Centre pluridisciplinaire d’oncologie
étoffée au cours des dernières années, avec de plus en plus de médica­
CHUV, Lausanne et
ments ciblant assez sélectivement des protéines jouant un rôle-clé pour
un cancer donné. Ainsi, le trastuzumab ne sera administré que pour les
Pierre-Yves Dietrich
Médecin-chef
cancers du sein hyperexprimant HER2 (environ 20%), un anticorps anti
Service d’oncologie
CD30
pour les lymphomes exprimant le CD30, l’erlotinib pour les cancers
HUG, Genève
du poumon ayant une mutation de l’EGFR, le cetuximab en cas de cancer
Editorial
P.-Y. Dietrich
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du côlon sans mutation de RAS, etc. Nous sommes donc parvenus à l’aube
d’une personnalisation des traitements.
Les formidables progrès technologiques actuels devraient nous per­
mettre dans les prochaines années de connaître en quelques jours seule­
ment (!) l’intégralité de l’ADN et de l’ARN d’une tumeur donnée, d’identifier
ainsi les cibles biologiques préférentielles et de choisir dans l’arsenal mé­
dicamenteux (150 médicaments à ce jour, pro­
bablement 500 d’ici dix ans). Ce choix théra­
«… Nous sommes donc
peutique tiendra aussi compte des capacités
parvenus à l’aube d’une
de chaque individu à métaboliser une subs­
personnalisation des traitetance en fonction de son patrimoine enzy­
ments …»
matique, de la fonction de ses organes et
des possibles interactions mé­dica­men­teu­ses.
Cette person­nalisation devrait permettre des traitements plus effica­ces,
moins toxiques et, qui sait, un contrôle des coûts, autre défi de la prochai­ne
décennie.
La diversité des traitements disponibles et les progrès technologiques
devraient donc permettre une personnalisation des traitements. Ce qui était
encore de la science-fiction il y a cinq ans semble donc devenir un projet
réaliste pour la prochaine génération, voire pour les dix prochaines années !
Vivement l’édito de 2021 !
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