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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 3, vol. I - 3e-4etrimestres 2001
dossier
La neuromodulation S3
!
!
P. Denys*
utilisation de stimulations électriques
en pathologie urologique n’est pas un
sujet récent. Différentes techniques ou sites de
stimulation ont été étudiés pour des patholo-
gies aussi diverses que les vessies neurolo-
giques des spina bifida, l’instabilité idiopa-
thique du détrusor, les pollakiuries rebelles ou
les rétentions urinaires. Des sites aussi
variables que le plancher périnéal, les racines
sacrées, la moelle épinière, le détrusor par voie
endovésicale ou le nerf dorsal de la verge ont
été utilisés pour moduler le comportement
vésicosphinctérien et favoriser soit la miction,
soit les mécanismes de continence. La plupart
des études publiées rapportent des effets inté-
ressants mais qui ont souvent été limités par la
faisabilité technique de ces traitements à long
terme. C’est à Schmidt et Tanagho, au cours
des années 60, que l’on doit les premiers tra-
vaux de validation de l’effet d’une stimulation
chronique de la racine sacrée S3. Cette tech-
nique thérapeutique s’est considérablement
développée depuis les années 80, avec l’appa-
rition d’une solution technologique à la fois de
stimulation transitoire pour valider l’efficacité
intra-individuelle de la stimulation et d’un sti-
mulateur implantable pour la stimulation chro-
nique. La littérature sur ce sujet est très large
et hétérogène, et l’on observe souvent que les
opinions médicales sur cette nouvelle tech-
nique sont divergentes et passionnées.
Certains reprochent à cette technique des
mécanismes d’action encore peu clairs, des
indications tellement variées qu’elles font pas-
ser la technique pour un traitement “miracle”.
Il est cependant impossible pour les cliniciens
qui utilisent cette technique de nier son intérêt
pour des patients qui sont parfois transformés,
et chez qui la participation d’un effet placebo
n’est pas discutable. Pour y voir plus clair, nous
allons aborder successivement la place de
cette technique dans différentes indications
que sont les troubles vésicosphinctériens
d’origine neurologique, urologique et anorec-
tale, ainsi que les aspects techniques de la
méthode.
U
TILISATION DE LA NEUROMODULATION
EN PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE
Il est surprenant de constater la pauvreté de la
littérature concernant la stimulation S3 en
pathologie neurologique alors que le premier
patient traité par Tanagho et Schmidt était un
patient neurologique souffrant d’hyperactivité
vésicale rebelle. De plus, de nombreuses tech-
niques de neurostimulation ont été au cours du
temps utilisées dans cette indication avec des
effets aigus tout à fait nets. On peut citer pour
exemples la stimulation détrusorienne endové-
sicale chez les enfants spina bifida, ou bien la
suppression de l’hyperactivité de vessie des
blessés médullaires par stimulation du nerf
dorsal de la verge ou par la stimulation magné-
tique des racines sacrées. De plus, du fait de la
stabilité des troubles vésicosphinctériens cli-
niques et urodynamiques, ces patients repré-
sentent un bon modèle de validation de la
méthode éliminant de manière évidente l’effet
placebo. La première série de patients a été
publiée par Bosh dans le Lancet en 1996 et rap-
portait l’effet chronique de la neuromodulation
dans une population de patients souffrant de
pollakiuries et de fuites par impériosités secon-
daires à une sclérose en plaques. Quatre
patients qui souffraient d’incontinence urinaire
par impériosité ont été implantés et suivis pen-
dant 2 ans. À 2 ans, l’effet est jugé intéressant
puisque, pour des patients résistants au traite-
ment parasympatholytique, 2 sont complète-
ment secs au cours du suivi alors qu’ils avaient
au moins 4 fuites par jour. Cette étude a démon-
tré, sur un nombre restreint de patients, que la
technique était faisable et pouvait donner de
bons résultats sans effets secondaires ni risque
pour le patient.
Au cours de l’année 2000, l’effet urodynamique
aigu a pu être démontré par Chartier-Kastler et
al. La méthodologie utilisée était la suivante : le
patient, en procubitus, aiguille de stimulation
en place dans le trou S3, mais sans stimulation
électrique, subissait deux urodynamiques ser-
vant à la validation d’une ligne de base stable,
* Service de rééducation neurologique,
hôpital Raymond-Poincaré, 92380 Garches.
L’
POUR EN SAVOIR PLUS...
"Bosh JR, Groen J. Treatment of
refractory urge incontinence with
sacral spinal nerve stimulation in
multiple sclerosis. Lancet 1996 ; 348 :
717-9.
"Chartier-Kastler E, Bosh R,
Perrigot M et al. Long term results of
sacral nerve stimulation (S3) for the
treatment of refractory urge inconti-
nence related to detrusor hyperre-
flexia. J Urol 2000 ; 164 : 1476-80.
"Chartier-Kastler E, Bussel B,
Richard F et al. Urodynamic monito-
ring during percutaneous sacral
nerve neurostimulation in patients
with neurogenic detrusor hyperre-
flexia with detrusor-sphincter dyssy-
nergia. Neuro-Urol Urodyn 2001 ; 20 :
61-71.
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La neuromodulation
puis une autre urodynamique était effectuée
après 10 min de stimulation à 10 Hz et 210 µs de
largeur de choc, puis enfin une nouvelle uro-
dynamique était effectuée après 10 min d’arrêt
de stimulation (figures 1 et 2). Le patient était
immobilisé pendant 2 à 3 heures au laboratoire
d’urodynamique. Quatorze patients ont été
inclus dans cette étude, il s’agit de patients
souffrant de pathologie médullaire traumatique
(10) ou médicale (4) (sclérose en plaques ou
myélite virale). Tous souffraient de fuites par
impériosité liées à une hyperactivité de vessie
résistante au traitement parasympathicolytique
per os qui avait été arrêté pour le test une
semaine auparavant. Il n’a pas été retrouvé de
différence significative pour les paramètres étu-
diés tels que la capacité vésicale maximale, le
volume à la première contraction et la pression
détrusorienne maximale entre les deux cysto-
manométries de base. Tous ces paramètres ont
été améliorés statistiquement par la stimulation
électrique de la racine S3. Parmi ces patients, 10
ont obtenu une capacité vésicale supérieure à
400 ml et 5 ont obtenu ce qui était considéré
comme une réponse complète, c’est-à-dire un
volume supérieur à 400 ml, à la première
contraction. Chez ces 5 patients, la capacité
vésicale passe en moyenne de 245 à 540 ml. La
pression détrusorienne n’est pas statistique-
ment diminuée. Aucune relation dans cette
petite population n’a été retrouvée avec le
niveau de la lésion et son caractère clinique-
ment complet. Ces premiers résultats étaient
tout à fait encourageants et permettaient d’en-
visager que la neuromodulation S3 exerce dans
cette population un effet important, comparable
à celui recherché avec des techniques plus
lourdes mais parfaitement réversible. Cette
technique pouvait donc s’intercaler entre
l’échec des parasympathicolytiques et l’entéro-
cystoplastie.
L’efficacité chronique de la neuromodulation S3
dans l’indication de l’hyperactivité chronique a
été publiée récemment. Neuf femmes souffrant
de fuites par impériosité en rapport avec une
pathologie neurologique ont été implantées.
L’efficacité clinique est bonne puisque toutes
les patientes ont considérablement réduit leurs
fuites et le nombre de leurs mictions, et 6 sont
complètement sèches. Un fait est particulière-
ment intéressant, l’efficacité on/off urodyna-
mique est maintenue à 6 mois par rapport à la
période de test. Par ailleurs, il n’a pas été
observé de diminution de l’effet clinique et uro-
dynamique avec le temps, ce qui peut être dû
soit à la spécificité de l’indication, soit à des cri-
tères d’implantation cliniques et urodyna-
miques très stricts.
La neuromodulation S3 représente une alterna-
tive thérapeutique dans les hyperactivités vési-
cales neurologiques après l’échec des théra-
peutiques usuelles. Le test aigu avec la
modification significative des paramètres uro-
dynamiques a permis de valider son effet. En
utilisant des critères de sélection stricts, l’effi-
cacité chronique est satisfaisante à long terme
sans épuisement de l’effet et est bien corrélée
aux résultats de l’urodynamique. !
EMG
uV
0
200
400
600
Pves
cmH2O
0
20
40
60
Pabd
cmH2O
0
20
40
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Vinfus
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0
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400
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Cysto PR 50ml EMG#1
PB B1
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u
x
T
T
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1
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V
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2
0
1
m
l
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ST
Figure 1. Exploration urodynamique avant neuromodulation test : vessie hyperactive à faible capacité.
EMG
uV
0
100
200
Pves
cmH2O
0
20
40
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Vinfus
ml
0
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400
600
800
Cysto 50ml EMG#1
PB B1
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u
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T
T
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T
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1
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3
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1
m
l
Vol
V
o
l
=
4
0
1
m
l
Vol
ST
Figure 2. Exploration urodynamique pendant neuromodulation test : disparition de l’hyperactivité
détrusorienne et restauration de la capacité vésicale fonctionnelle.
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