Q
U
EST
-
CE QUE LA NEUROMODULATION
?
La neuromodulation consiste à stimuler en
continu la racine sacrée S3 pour restaurer le
contrôle mictionnel des patients souffrant d’hy-
peractivité vésicale ou, à l’inverse, d’état réten-
tionniste. Le principe est d’interférer avec la coor-
dination réflexe entre la vessie, le sphincter et le
plancher périnéal pour en restaurer l’équilibre.
Le mode d’action n’est pas parfaitement élu-
cidé. On suppose cependant que la neuro-
modulation agit par stimulation électrique des
afférences sur la racine sacrée concernée (3, 4).
Le système afférent est certainement la cible
préférentielle, car un bénéfice thérapeutique
peut être obtenu pour des intensités de stimu-
lation sans effet moteur sur les muscles striés
correspondants.
La stimulation d’afférences somatiques peut
entraîner une activation d’efférences vésicales
au niveau médullaire et ainsi supprimer des
actions excitatrices sur la résistance urétrale.
C’est une des hypothèses qui est construite
pour les états rétentionnistes.
Pour l’hyperactivité de vessie, c’est l’hypothèse
de la suppression de la transmission interneu-
ronale dans les voies réflexes de la vessie qui
est émise. Les données animales et humaines
permettent d’étayer cette supposition.
L’inhibition s’effectue en partie sur les voies
ascendantes des réflexes mictionnels et bloque
ainsi le transfert d’information de la vessie vers
le centre mictionnel pontique. Un deuxième
mécanisme inhibiteur est médié par une impul-
sion inhibitrice vers les neurones vésicaux pré-
ganglionnaires. Ce mécanisme peut être induit
par les stimulations sur le nerf pudendal ou
toute autre afférence viscérale. Il paraît être le
plus efficace pour prévenir les contractions
involontaires de vessie mais, s’il était prédomi-
nant, il bloquerait également le réflexe miction-
nel normal, ce qui n’est pas le cas chez la majo-
rité de nos patients. Il est donc probable que
l’hypothèse principale à retenir est celle de l’in-
hibition d’afférences somatiques sensitives.
D
ÉROULEMENT DE LA NEUROMODULATION
La neuromodulation se déroule en deux étapes,
d’abord un test de stimulation, puis, pour les
patients répondeurs, l’implantation du système
permanent (5, 6).
Test de stimulation
Le test de stimulation est une procédure simple
qui a un rôle diagnostique et thérapeutique. Il
va permettre de vérifier l’intégrité des racines
nerveuses testées et de repérer la topographie
fonctionnelle des racines S2, S3 et S4 par la
réponse motrice et sensitive à la stimulation,
c’est la phase aiguë du test. Puis la phase chro-
nique va permettre d’évaluer l’efficacité clinique
de la stimulation sur les symptômes du patient.
Le test se déroule en décubitus ventral, sous
anesthésie locale. Une aiguille isolée sur toute sa
longueur sauf aux deux extrémités est introduite
jusqu’à proximité d’un nerf sacré S3 (figure 1). La
stimulation électrique appliquée sur l’aiguille va
permettre de repérer la réponse motrice et sensi-
tive correspondant à l’étage fonctionnel stimulé.
Divers foramens sacrés (S2, S3 et S4 à droite et à
gauche) peuvent être ponctionnés jusqu’à l’ob-
tention de la réponse adéquate.
Une électrode temporaire est alors positionnée
à proximité de la racine choisie par l’intermé-
14
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 3, vol. I - 3e-4etrimestres 2001
dossier
Utilisation de la neuro-
modulation en urologie
!
!
E. Chartier-Kastler*
* Service d’urologie, GH Pitié-Salpêtrière,
83, bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
points
forts
La neuromodulation
permet par stimulation
continue d’une racine
sacrée de rééquilibrer
les arcs réflexes qui
contrôlent la miction.
Un simple test de
stimulation permet une
excellente sélection des
patients.
Les indications sont les
hyperactivités vésicales
et les états
rétentionnistes rebelles
aux traitements
conservateurs
(médicaments et
rééducation).
La neuromodulation
doit être intégrée à
l’algorithme de
traitement de ces
troubles urinaires et le
test de stimulation
largement utilisé dès
l’échec des
thérapeutiques
conservatrices de
première intention.
Figure 1. Schéma de la ponction du troisième trou sacré
en vue de profil.
15
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 3, vol. I - 3e-4etrimestres 2001
diaire de l’aiguille. Cette dernière est alors reti-
rée, puis l’électrode laissée en place est fixée
sur la peau et reliée au stimulateur externe.
La stimulation est ensuite mise en route, en
veillant à ne pas dépasser le seuil douloureux,
de manière continue pendant 3 à 7 jours. Le
patient retourne habituellement à son domicile
où il devra remplir un catalogue mictionnel et
réaliser un bilan urodynamique sous stimula-
tion. À l’issue de cette période, l’électrode est
retirée et les résultats cliniques et urodyna-
miques sont analysés.
Implantation du système permanent
En cas de réponse positive au test de stimula-
tion – amélioration des symptômes pendant le
test et retour à l’état initial après ablation de
l’électrode –, l’implantation d’un système perma-
nent peut être proposée. Celui-ci se compose
d’une électrode implantée chirurgicalement
dans le foramen sacré choisi (l’électrode est sim-
plement introduite dans le trou et suturée au
périoste) qui est reliée par une extension au neu-
rostimulateur (sorte de pacemaker) implanté en
sous-cutané (figures 2 et 3). L’intervention se
déroule sous anesthésie générale.
Dans les heures qui suivent l’implantation, le
neurostimulateur est mis en route et les para-
mètres de stimulation sont ajustés par télémé-
trie grâce à une console de programmation.
Bien que la stimulation soit continue et que le
patient n’ait habituellement pas à s’en servir, il
lui est remis une télécommande qui lui permet
d’arrêter la stimulation et, éventuellement, de
modifier quelques paramètres dans les limites
fixées par le médecin. La durée de vie du neu-
rostimulateur est de 5 à 10 ans et son rempla-
cement est un geste simple qui peut éventuel-
lement se réaliser sous anesthésie locale.
I
NDICATIONS
Les indications de la neuromodulation sont
nombreuses et les recherches en cours élargi-
ront probablement encore le champ d’action de
cette thérapie. Actuellement, les indications les
mieux documentées sur le plan des résultats
cliniques sont les patients sans atteinte neuro-
logique patente qui présentent des troubles
urinaires de type :
– instabilité vésicale, rebelle aux traitements
conservateurs, qui se manifeste par une impé-
riosité avec ou sans fuite et/ou une pollakiurie
invalidante ;
– état rétentionniste chronique avec hypertonie
du sphincter strié ;
– douleur périnéale ou pelvienne chronique
après échec de toutes les autres thérapeu-
tiques.
Toutes ces indications s’entendent avec inté-
grité préservée de l’appareil vésico-sphinctérien
et excluent donc les vessies avec défaut de com-
pliance et/ou de capacité, les patients ayant
une incompétence sphinctérienne prouvée ou
des troubles de la statique pelvienne pouvant
générer en eux-mêmes ce type de symptômes.
Le test peut être proposé à tous les patients
répondant à ces critères d’inclusion. Un bilan
étiologique et symptomatique complet doit être
réalisé ; il comprend systématiquement une
étude anatomique, endoscopique, urodyna-
mique, radiologique, voire électrophysiologique.
R
ÉSULTATS
Le test de stimulation est considéré comme
positif, au vu de la littérature, lorsqu’il existe
une amélioration d’au moins 50 % des symp-
tômes à la fois sur des critères subjectifs et
La neuromodulation
Figure 2. Contrôle radiologique du sacrum (profil et
face) après implantation de l’électrode quadripolaire.
Figure 3. Contrôle par abdomen sans préparation du
stimulateur définitif et de ses connexions.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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2071-5.
16
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 3, vol. I - 3e-4etrimestres 2001
dossier
objectifs (catalogue mictionnel, questionnaire
de qualité de vie, bilan urodynamique). Le test
est également considéré comme positif si les
troubles réapparaissent après arrêt de la stimu-
lation (effet on/off), critère indispensable à
retrouver pour conclure définitivement à une
efficacité du système.
Les résultats en termes de réponse sont impré-
visibles. Il n’existe pas actuellement de facteurs
pronostiques qui puissent être raisonnable-
ment tirés de l’analyse de la littérature (7, 8, 9).
Pourtant, une étude de Koldjewijn (10) a recher-
ché des facteurs prédictifs sur une série de
100 patients testés chez lesquels une réponse a
été retrouvée pour 38 % dans la population des
rétentionnistes chroniques (9 sur 24) et 39 %
sur les vessies hyperactives (22 sur 57). Les
seules conclusions possibles étaient que les
femmes semblent mieux répondre que les
hommes, et que les patients porteurs d’instabi-
lité vésicale avec vessie hyperactive répon-
draient mieux que ceux souffrant de douleurs
pelviennes ou périnéales.
En revanche, lorsque le test a été considéré
comme positif et qu’une décision d’implanta-
tion est prise, l’analyse de la littérature permet
de prédire au patient un taux de succès de 80 %
pour l’implant permanent. Le test prend ainsi
toute sa valeur en sélectionnant les patients à
qui il est possible de rendre service dans le
cadre du traitement de leurs troubles miction-
nels invalidants (7, 11).
Une étude multicentrique portant sur l’inconti-
nence par impériosité, rapportée par Schmidt
(9), confirme la réduction significative à 6 mois
du nombre d’épisodes d’incontinence, de leur
sévérité et de la consommation de garnitures.
Ainsi, après 6 mois, 47 % des patients implan-
tés ne présentent plus aucune fuite et 29 %
supplémentaires sont franchement améliorés.
Ces résultats sont apparus stables à 18 mois.
Cela concorde avec les autres travaux déjà
publiés et recensés par Bosch (7). Cinquante
pour cent de patients implantés ne présentant
plus aucune fuite urinaire est un résultat spec-
taculaire pour des patients qui se trouvaient en
impasse thérapeutique.
Concernant l’impact sur la qualité de vie, peu
de travaux l’ont mesuré. Cependant, une étude
est actuellement menée en France et la publica-
tion de Schmidt (9) relève une nette sensation
d’amélioration générale de l’état de santé chez
les patients stimulés par rapport au groupe
contrôle.
C
ONCLUSION
La neuromodulation doit être intégrée dans l’al-
gorithme de traitement des troubles urinaires
rebelles. Elle permet d’apporter une solution
aux troubles invalidants d’un certain nombre de
patients qui se trouvaient jusqu’alors en
impasse thérapeutique. Le test de stimulation
doit être réalisé largement chez ce type de
patients après leur avoir parfaitement expliqué
son objectif en termes d’implantation défini-
tive. Enfin, il ne faut pas hésiter à répéter les
tests en cas d’échecs techniques, qui persistent
malgré l’évolution du matériel.
Par ailleurs, les travaux actuels devraient
encore élargir les indications, en particulier
vers les patients neurologiques, traumatisés
médullaires ou atteints de sclérose en plaques
(12, 13). Les premiers résultats permettent, en
effet, d’envisager chez ces patients une effica-
cité suffisante de la neuromodulation pour
améliorer leur qualité de vie. !
11.Chartier-Kastler E, Richard F,
Denys P et al. Neuromodulation
sacrée S3 et troubles mictionnels
chroniques rebelles. La Presse
Médicale 1997 ; 26 (10) : 466-7.
12.Bosch JL, Gren J. Treatment of
refractory urge incontinence with
sacral spinal nerve stimulation in
multiple sclerosis patients. Lancet
1996 ; 348 (4) : 717-9.
13.Chartier-Kastler E, Bosh R,
Perrigot M, Chancellor MB, Richard
F, Denys P. Long-term results of
socral nerve stimulation (S3) for the
treatment of neurogenic refractory
urge incontinence related to detrusor
hyperreflexia. J Urol 2000 ; 164 (5) :
1476-80.
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