Psoriasis : les malades souffrent surtout
du regard des autres
Le psoriasis est une maladie de la peau ni mortelle, ni contagieuse, mais pour l'instant
incurable. Elle se traduit par des plaques, qui se détachent en squames, et touche environ 3
millions de personnes en France. Elle charrie, hélas, des préjugés et des idées fausses dont
souffrent ceux qui en sont atteints. Sa gravité se mesure donc surtout à son retentissement
sur la qualité de vie.
Jules a 80 ans, Maryline, 40 ans. Une grande différence d'âge mais un point commun : le
psoriasis. « J'avais 4 ans, se souvient la jeune femme. Après une rougeole, il m'est resté une
plaque rouge sur la main. Elle s'est étendue ensuite sur tout le corps ». Pour Jules, tout a
commencé en 1954, lorsqu’il enseignait en Algérie dans des conditions difficiles. « J'avais une
rougeur sur la cuisse, que j'ai longtemps prise pour un champignon. Une visite médicale m'a révélé
que c'était un psoriasis. Je n'en avais jamais entendu parler. »
Le psoriasis est une maladie de la peau fréquente et chronique, faite de poussées et de
rémissions, qui touche environ 3 millions de malades en France. Elle se manifeste par des plaques
rouges en relief, épaisses et se détachant en squames, avec démangeaisons souvent
douloureuses. Forme la plus courante, le psoriasis en plaques se localise surtout aux coudes,
genoux, et cuir chevelu. Mais il peut aussi choisir les mains, pieds, plis cutanés, visage, voire le
corps tout entier. Ou, plus rarement, s'exprimer par gouttes ou pustules. En outre, 10 à 30 % des
patients souffrent aussi d'arthrite psoriasique, qui peut provoquer raideur et douleur des
articulations.
Le psoriasis n'est ni contagieux, ni de cause allergique, ni mortel. Il est le plus souvent dû à une
prédisposition héréditaire : 90 % des patients ont un antécédent familial. Le psoriasis est une
maladie auto-immune : elle apparaît quand l'organisme identifie à tort une substance comme un
envahisseur et la combat de manière répétée. Cela qui entraîne la maturation accélérée – 3 ou 4
jours au lieu de 28 –, de nouvelles cellules qui s'empilent en plaques. Il ne s'agit pas d'une
affection psychosomatique. Mais, bien sûr, le stress au sens large (psychologique, physique,
chirurgical) peut déclencher, entretenir ou aggraver un psoriasis qui, en retour, nourrira une
perturbation psychologique.
Evaluer la gravité
Si la maladie ne peut être guérie, des traitements peuvent faire disparaître temporairement
lésions et plaques. Ils se répartissent entre action locale (pommades, lotions et crèmes
dermocorticoïdes et dérivées de la vitamine D ou A-rétinoïdes), photothérapie (ultraviolets,
psoralène et laser) et balnéothérapie (bains, cures), parfois associées. Il existe aussi des
traitements par voie orale : systémiques, qui bloquent globalement la réponse immunitaire, ou
biologiques, qui visent une séquence spécifique de celle-ci.
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Le niveau de handicap, réel ou ressenti par les malades du psoriasis,
peut être équivalent à celui de maladies comme l'asthme, le diabète, l'hypertension. Les
spécialistes en sont de plus en plus conscients et s'appliquent à définir des démarches de prise en
charge qui associent le patient. Ils évaluent la gravité de l’affection par l'impact qu'elle a sur sa vie
quotidienne : les contraintes supportables, la réflexion sur sa propre image, la capacité au
changement.
« Cette prise en charge repose sur une relation de confiance avec le malade, confirme la Dre
Nathalie Parriaux, dermatologue à Albi. Je précise bien que le médecin peut guérir les poussées,
pas la maladie qui est chronique. Si la personne dit que ça ne la gêne pas, je ne traite pas. Si la
gêne est très forte, je cherche le traitement le plus simple et le plus rapide possible, souvent par
voie générale. »
Chacun à sa manière, Jules et Maryline dégagent leur philosophie du psoriasis. « Il faut en
accepter les inconvénients, être patient et contourner les situations blessantes », soupire
l'octogénaire. Sa cadette, elle, joue la dérision amère en claironnant qu'elle a parfois, quand elle le
veut, « toute la place sur la plage ou sur un bateau ». Comme les squames de leur peau, les
psoriasiques voudraient voir surtout tomber préjugés et idées reçues...
Alain Moreau
Une association pour aider les malades
Créée en 1983 à l'initiative de Michèle Corvest, qui en est toujours la directrice, l'Association
pour la lutte contre le psoriasis (APLCP), reconnue d'utilité publique, regroupe environ 15 000
personnes atteintes de cette maladie. A travers son credo « Vivre avec son psoriasis ! », elle
déploie ses efforts dans quatre directions : l'entraide, l'information, la recherche et la
reconnaissance. Elle met ses membres en relation, organise des groupes de parole. Elle publie
une excellente revue trimestrielle, où informations et conseils pratiques cohabitent avec des
communications de spécialistes et des réflexions de fond, provenant de toute l'Europe. Elle
organise aussi des conférences, séminaires dans toute la France. Décentralisée, elle est membre
des fédérations européenne et internationale d'associations de lutte contre le psoriasis.
A. M.
APCLP
Parc du Bondon
23, rue Comtesse de Ségur
56000 Vannes
Tél. : 02 97 46 48 56
Fax : 02 97 63 08 59
Site Internet : www.aplcp.org
Face à l’intolérance : révolte ou résignation
La sévérité du psoriasis se mesure avant tout à la façon dont sa victime le ressent et aux
altérations de la qualité de vie qu'il entraîne. Maryline évoque, avec émotion et une colère à peine
contenue, cette enfance où elle était « exclue de tout, mise à l'écart parce que les gens croyaient
que c'était contagieux. Une lépreuse, j'étais une lépreuse ! ». Elle voulait devenir infirmière, elle
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sera un temps assistante dentaire, « obligée de se couvrir même en
pleine chaleur », montrée publiquement du doigt comme atteinte du sida dans un restaurant ou
« évitée avec effroi » par une voisine.
Avec Maryline, on sent tout ce que peut signifier l'expression « écorchée vive »... Forte et
décidée, elle s'est « fait sa personnalité » avec son psoriasis. Avec humour, elle glisse que chez
elle, « il neige tous les jours », quelle que soit la saison, allusion à ses squames ; rageuse, elle
peste contre ceux qui « ont la chance d'avoir une peau normale et se l'abîment par des piercings »
ou celles qui, « pour trois rides », recourent à la chirurgie esthétique. Elle se félicite qu'on parle du
psoriasis mais « faut pas rêver. Il faut une info qui démystifie, mais l'intolérance reste. Si vous avez
une autre maladie, là on vous plaint... ».
Plus serein – privilège de l'âge ? –, ou plus résigné, Jules a un peu moins souffert de ces
vexations : « Une ou deux fois au camping ou à la plage. » Vieux routard qui a fait toutes les cures,
grognard revenu de tous les champs de bataille thérapeutiques, il fend parfois l'armure en
évoquant cette maladie « très débilitante qui vous fout le cafard, parce qu'elle se voit dans le
regard des autres ». Aujourd'hui, son psoriasis généralisé se complique d'une arthrite psoriasique
et de pertes de vue et d'équilibre qui le cloîtrent chez lui. Il apprécie surtout le contact maintenu
avec l'association nationale qui soutient les malades.
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