Professions Santé Infirmier Infirmière N° 61 • janvier-février 2005
Face à une plaie du pied dia-
bétique, le premier (bon)
réflexe est de caractériser la
lésion, c’est-à-dire analyser le ter-
rain (neuropathie, artériopathie, les
deux à la fois, antécédents de
plaie), rechercher le mécanisme à
l’origine de la plaie, demander la
date du début de la plaie, en
mesurer la taille et la profondeur et
enfin rechercher les signes d’une
infection (fièvre, plaie purulente,
cellulite localisée ou nécrosante,
gangrène gazeuse avec crépitation
sous-cutanée recherchée par pal-
pation).
Trois mécanismes importants
Sur le plan physiopathologique,
trois grands mécanismes sont à
l’origine d’un trouble trophique ou
participent à son évolution : ce sont
la neuropathie périphérique, l’arté-
riopathie des membres inférieurs
et l’infection.
La neuropathie sensitive ou mo-
trice est une complication particuliè-
rement fréquente et précoce du dia-
bète ; elle toucherait en moyenne
30 % des patients. Elle est tenue
pour responsable d’environ 60 à
80 % des ulcères chez les dia-
bétiques et participe à leur dé-
veloppement par ses composantes
sensitivomotrices et végétatives. La
neuropathie est marquée par la
perte de la sensibilité thermo-
algique responsable de lésions trau-
matiques indolores. La perte du
signal d’alarme explique le retard
diagnostique et la sous-estimation
de la gravité de la plaie.
L’artériopathie des membres
inférieurs est plus fréquente dans
la population diabétique. Elle est
liée à une athérosclérose pré-
coce, aggravée par l’association
d’autres facteurs de risque vascu-
laires (tabagisme, hypertension
artérielle, hypercholestérolémie).
L’atteinte artérielle touche princi-
palement l’artère fémorale pro-
fonde et les tibiales antérieures et
postérieures. Par ailleurs, de façon
plus spécifique au diabète, l’exis-
tence d’une médiacalcose, res-
ponsable d’une diminution de la
compliance artérielle et visible sur
les clichés radiologiques par la
présence de calcification. L’athé-
rosclérose s’associe à une atteinte
micro-angiopathique favorisant
les occlusions distales.
L’infection n’est pas un facteur
causal dans l’apparition des
plaies ;
en revanche, elle joue un
rôle extrê
mement aggravant dans
leur évolution naturelle. La surin-
fection est souvent à l’origine des
hospitalisations. La flore est le
plus souvent polymicrobienne
mais les germes les plus fré-
quemment retrouvés sont le sta-
phylocoque doré, les bacilles à
Gram négatif et les anaérobies. Le
type de germe dépend de la pro-
fondeur de la plaie et de l’exten-
sion de la cellulite perilésionnelle.
Son identification nécessite un
prélèvement profond et, lorsque
cela est possible, la ponction
d’une collection purulente ou une
biopsie osseuse. Les lésions chro-
niques du pied posent souvent le
problème du diagnostic de l’os-
téite chronique, qui demeure dif-
ficile. La présence d’un contact
osseux à l’examen est en faveur
d’une ostéite aiguë probable,
même en l’absence d’image spé-
cifique sur la radiographie stan-
dard.
Prise en charge de la lésion
La prise en charge d’une lésion
chez le diabétique impose préala-
blement un bilan initial, permettant
de définir le type et le pronostic de
la lésion, orientant ainsi l’attitude
thérapeutique. L’analyse clinique
évalue l’ancienneté de la plaie, son
évolution et les thérapeutiques
mises en place antérieurement.
L’examen clinique précise l’aspect
de la plaie, sa taille, sa profondeur,
grâce à l’utilisation d’un stylet ou
d’une sonde cannelée, la recherche
d’un contact osseux ou d’un pertuis
profond. On recherche par ailleurs
des signes inflammatoires locaux
(inflammation périlésionnelle, col-
lection purulente, lymphangite)
régionaux (adénopathie), généraux
(fièvre). L’évaluation de l’état vascu-
laire et du degré d’ischémie périlé-
sionnelle passe par la mesure trans-
cutanée de la pression en oxygène
des tissus (TCP0
2
), qui permet de
donner rapidement le pronostic de
cicatrisation et d’orienter l’explora-
tion vasculaire. Cet examen non
invasif est de réalisation extrême-
ment simple, et donne un reflet
métabolique de l’artériopathie.
Si la TCP02est supérieure à 30 mm
de mercure, la cicatrisation sponta-
née est possible et l’orientation
thérapeutique privilégie des soins
de parages locaux. En revanche, si
la TCP02est inférieure à 30 mm de
mercure, une exploration complé-
mentaire de l’état artériel s’impose,
dans le but de discuter un geste de
revascularisation.
Le bilan initial précise à la fois le
grade de la plaie, le niveau d’isché-
mie et le pronostic de cicatrisation.
En l’absence d’ischémie tissulaire,
les plaies neuropathiques impo-
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>> DOSSIER
Chez les diabétiques, le soin des plaies prend un relief particulier. Dans un tiers des cas,
on retrouve une atteinte artérielle, dans un autre tiers une atteinte neurologique ayant
permis le développement sans douleur d’une infection et, pour le reste, l’existence d’at-
teintes mixtes, ou artérielle, neurologique et infectieuse. Mais la cause déclenchante
est extérieure pour la moitié des cas.
Le pied diabétique
Quels sont les risques infectieux ?
SOINS DES PLAIES 31
sent une prise en charge de l’en-
semble des mécanismes en cause
dans leur apparition. La réalisation
d’un débridement, avec l’exérèse
de l’hyperkératose, des tissus
remaniés ou infectés, a pour but
d’obtenir une plaie propre et un
tissu de granulation. Ce débride-
ment peut être fait le plus souvent
au lit du malade, en consultation,
ou être chirurgical, si l’atteinte tissu-
laire est trop extensive.
Par la suite, la réalisation de panse-
ments quotidiens est indispensable
pour maintenir la plaie propre et
favoriser le bourgeonnement. On
peut proposer l’utilisation d’antisep-
tique incolore, ou simplement le
sérum physiologique, privilégié par
certaines équipes. Dans tous les
cas, une hygiène parfaite s’impose,
nécessitant assez souvent l’aide
d’une infirmière. Le pansement est
réalisé au moyen de compresses
sèches non adhérentes ou d’un
pansement gras.
Le traitement de l’infection
Lorsque la plaie est profonde, une
antibiothérapie s’impose. Adaptée
à l’antibiogramme, elle doit couvrir
de façon privilégiée le staphylo-
coque doré et les anaérobies. Il
faut éviter les antibiotiques néphro-
toxiques en raison du risque rénal
de ces patients (néphropathie dia-
bétique). Les antibiotiques le plus
souvent utilisés sont l’amoxicilline -
acide clavulanique, les fluoroquino-
lones et la clindamycine. La durée
minimale de traitement ne doit pas
être inférieure à 10 jours. La durée
maximale n’a pas fait l’objet de
consensus ; elle peut être très pro-
longée en cas d’ostéite chronique.
L’arrêt du traitement doit être dis-
cuté en fonction des paramètres
cliniques (évolution de la plaie,
signes inflammatoires, prélève-
ments bactériologiques profonds)
et biologiques (CRP-VS).
L’a ppareillage
L’appareillage est primordial ; il a
pour objectif la protection de la
plaie et, surtout, la suppression de
l’appui anormal au niveau de la
lésion. La réduction de la marche et
des activités en station debout est
indispensable, en augmentant
parallèlement les périodes de
repos. Lors du traitement en ambu-
latoire, l’utilisation de chaussures
de décharge de l’avant-pied ou du
talon à usage temporaire doit être
conseillée afin de supprimer les
traumatismes répétés, mais la
compliance est difficile à obtenir
car elles sont peu confortables.
L’amélioration de l’équilibre glycé-
mique est toujours nécessaire et
implique une intensification du trai-
tement, notamment par une insuli-
nothérapie transitoire dans le dia-
bète non insulinodépendant.
La découverte d’un ulcère, dans un
contexte d’ischémie, entraîne dans
un premier temps une exploration
exhaustive de l’artériopathie et la
discussion d’un geste de revascula-
risation. La restauration d’une
bonne oxygénation tissulaire est
une priorité, car elle permet d’envi-
sager des gestes locaux au niveau
de la plaie et d’obtenir la cicatrisa-
tion. Les lésions artérielles siègent
souvent au niveau sous-poplité et
imposent généralement des gestes
chirurgicaux délicats à type de pon-
tage distal. Certaines lésions peu-
vent bénéficier de l’oxygénothéra-
pie hyperbare, afin d’améliorer
l’oxygénation tissulaire. Ce traite-
ment reste relativement lourd.
La place de la prévention
La gravité des lésions et les difficul-
tés de leur prise en charge nécessi-
tent la mise en place de moyens
de prévention. Ces derniers ont fait
la preuve de leur efficacité sur la
réduction du nombre et de la gra-
vité des lésions et sur les consé-
quences qui en découlent (ampu-
tations, hospitalisations). Cette
prévention doit être adaptée à
chaque patient en tenant compte
du risque lésionnel. Elle est basée
sur un examen systématique des
pieds pour remplacer le signal
d’alarme qu’est la douleur, qui n’est
pas ressentie chez le diabétique.
Lorsqu’une douleur est ressentie
ou lorsqu’il y a un saignement, c’est
déjà trop tard : une plaie vient
d’être provoquée.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 61 • janvier-février 2005
Lorsqu’on considère les plaies des
pieds des diabétiques sont incrimi-
nés les chaussures, l’altération de la
statique du pied, les soins de pédi-
cure, une hygiène défectueuse,
des bains de pieds prolongés, une
chaleur excessive, des trauma-
tismes du pied…
Les chaussures peuvent comprimer
ou agir par frottement interne répété.
Les aspérités dues aux coutures ou
au cuir, les zones de décollement à
l’intérieur des chaussures et les corps
étrangers (petit caillou, éclat de
verre…) sont les principales anoma-
lies qui risquent d’être causes de
blessure. Les chaussettes peuvent
également être en cause lorsque la
couture au niveau des orteils est par-
ticulièrement épaisse. Les altérations
de la statique du pied correspondent
aux cas où les chaussures et les sup-
ports plantaires (semelles) ne pré-
sentent pas d’aspérité à l’origine d’un
mal perforant plantaire. L’emploi de
coricides chimiques, l’utilisation de
meuleuses électriques ou, surtout,
l’emploi incontrôlé d’instruments
tranchants ou l’arrachement d’un
lambeau de peau sont en cause.
Dans les espaces entre les orteils ou
sous les orteils peut se développer
une mycose banale favorisée par la
transpiration, la macération et un
défaut d’hygiène. Chez les diabé-
tiques, les mycoses sont encore plus
fréquentes et peuvent conduire à
une véritable infection profonde avec
une plaie. Des accidents peuvent
être liés à la pousse anarchique des
ongles ou à un ongle incarné.
À l’inverse, les bains de pieds prolon-
gés peuvent être à l’origine d’une
infection profonde. Afin de ramollir
les callosités sous les pieds (début
de mal perforant plantaire), on pro-
pose souvent des bains de pieds,
mais cette idée apparemment cor-
recte, est fausse. En effet, la plupart
des callosités sont souvent fissurées,
et les bains de pieds prolongés plus
de 5 minutes créent une macération
au fond de ces fissures, qui favorise
la pénétration en profondeur, dans
les tissus sains, des microbes qui se
trouvent dans ces fissures.
ALP
Colloque sur le pied diabétique, Alfedian
Infos ...
Une cause
extérieure
déclenchante dans
50 à 60 % cas.
Ce sont :
les chaussures,
les supports
plantaires,
l’altération de la
statique du pied,
les soins de
pédicure,
les coricides
chimiques,
l’hygiène
défectueuse,
mycose,
les ongles
hypertrophiques, ou
incarnés,
les bains de pieds
prolongés,
une chaleur
excessive,
les traumatismes
du pied.
DOSSIER
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>> DOSSIER
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