Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 REIN ET DIABETE I) Cours 1) Introduction Au cours de la maladie diabétique, il est fréquent d’observer des atteintes des pieds : le mal perforant plantaire Lorsqu’un diabétique vient consulter pour une plaie de pied, cette plaie peut s’infecter et entraîner une infection des parties molles : la cellulite des pieds. Parfois, cette infection peut toucher les os et développer ainsi une ostéarthrite (tissu osseux articulaire). NB : une ostéite peut se développer sans qu’une cellulite ne la précède !!! 2) Les Facteurs de Risque de plaie des pieds du diabétique - La Neuropathie périphérique - Les troubles végétatifs (l’hyposudation) - Les déformations osseuses a) Deux tests sont à faire pour dépister la neuropathie du diabétique : - la Pallesthésie : se test avec un diapason à 128 Hz gradué de 0 à 8. Si on observe une diminution de pallesthésie en dessous de 6/8, le risque de développer une plaie de pied est multiplié de 6-10 - Test à la pression : à l’aide d’un microfilament (de 10 grammes), on appuie sur des zones bien précises (10 au total). Ce test est positif dès qu’on note une non perception sur 1 site/10. 1 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 Pourquoi on test la pression : un mal perforant plantaire peut survenir facilement lorsque l’on marche longtemps avec un caillou dans la chaussure même petit. Si on ne sent pas ce caillou, il entraîne alors un microtraumatisme cutané puis se développe en mal perforant. NB : ces deux tests neurologiques sont les plus importants et sont à faire avant le test à la douleur (sensibilité nociceptive) ou les tests moteurs (ROT) car ils sont plus prédictifs. b) Composante sensitive et motrice impliquées Le patient ayant une neuropathie périphérique va donc au fur et à mesure entraîner une déformation de ses pieds : en effet la répartition des charges sur les pieds lors de la marche est inégale (on a une hyperpression de la tête des métatarsiens, du talon, de la partie latérale du gros orteil). Il existe donc des pieds à risque de mal perforant plantaire 2 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 Le pied plat est appelé aussi pied de Charcot Le pied du diabétique entraîne un hyper appuie sur les pulpes des orteils et leurs faces dorsales à l’origine d’ostéites dans cellulite car ces os sont très proches de la superficie. L’Hallux Valgus a une origine autre que la neuropathie mais la neuropathie l’aggrave. La neuropathie est donc un facteur de risque de mal perforant parce que : - D’une part, elle favorise la survenue des ulcères de pied en regard des zones d’hyperpression par perte de la sensibilité douloureuse. Au niveau de ces zones, des « cals » se forment : les cals sont des hyperkératose favorisée par la neuropathie périphérique végétative (hyposudation), hors l’épiderme qui recouvre est de mauvaise qualité, il fissure donc très rapidement, donne une phlyctène (ou ampoule) qui se creuse pour donner le mal perforant. - D’autre part, elle favorise la survenue de traumatismes répétés causés par la chaussure et qui passe inaperçue par le patient Il faut savoir que la triade « Neuropathie, Déformation osseuse, Traumatisme » se retrouve dans 63% des ulcères de pied. c) Déformations caractéristiques En présence d’une neuropathie, il est important de rechercher les déformations exposant à des plaies et de déterminer le risque de plaie: amyotrophie des interosseux, orteils en marteau, proéminence osseuse notamment hallux valgus, saillie des têtes métatarsiennes, arthropathie de Charcot : neuropathie sensitivo-reflexe + hypervascularisation. Elle se développe en 2 phases : une phase aiguë qui se 3 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 traduit par une déminéralisation osseuse sévère avec hypervascularisation entraînant cliniquement un pied inflammatoire, très douloureux avec des os très fragiles qui se fracturent et se déforme facilement (= déformation cubital). La phase chronique se traduit par des os du pied raccourcis au fur et à mesure qu’ils subissent les pressions mécaniques, ils s’empactent les uns dans les autres favorisant des hyperpressions sur certaines zones. Le traitement repose sur une décharge totale du pied (on a plus le droit de poser le pied par terre), l’administration de biphosphonates (pour diminuer le remodelage osseux), des antalgiques et un contrôle du diabète. mobilité articulaire réduite Pour chaque pied, chaque déformation est cotée 1 si elle est présente et 0 si elle est absente Un score combiné 3 ,synonyme de déformation significative , est un facteur prédictif indépendant de risque d’UP (RR de 1,57) 3) Facteurs aggravants à rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique a) Signes d’artériopathie des membres inférieurs b) Moyens simples pouls distaux pédieux et tibiaux postérieurs Index de pression systolique < 0,80 = artériopathie distale Index de pression systolique 1,50 = médiacalcose c) Moyens techniques L’artériopathie se visualise à l’écho doppler artériel des membres inférieurs (elle est distale pour l’artériopathie destructrice du diabétique, elle est proximale pour l’artériopathie tabagique). La neuropathie périphérique entraîne une rigidité de la paroi vasculaire par médiacalcose, c’est pourquoi chez un diabétique + neuropathie : on peut retrouver un index de pression systolique à 0,80, le patient est quand même artériopathe. L’artériopathie est un facteur de risque d’amputation car le diabétique cicatrise mal 4 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 4) Conduite à tenir devant une plaie de pied diabétique a) Evaluer la plaie : 1. Nature de la plaie Neuropathie ou ischémie 2. Stade et contenu de la plaie Tissu de granulation, foyer de nécrose, présence de tissu fibrineux 2. Existence ou non d’une infection 3. Surface et extension en profondeur Contours de la plaie Contact osseux (stylet stérile = ostéite) b) Faire un prélèvement bactériologique de bonne qualité par 1. Ecouvillonage au niveau du mal perforant plantaire a. Aspiration sous l’ulcère quand le patient présente une cellulite 2. Biopsie osseuse si ostéite : i. Débridement osseux : exérèse de la partie osseuse infectée ii. Voie saine : on passe par la zone non infecté pou prendre un bout d’os c) Examen complémentaire à faire 1. Prélèvement bactériologique locaux 2. Hémoculture si fièvre 3. Hemostase car risque de passer au bloc opératoire 4. Bilan hépatique car le patient recevra probablement des antibiotiques 5. NFS et CRP pour objectiver l’inflammation 6. HBA1c pour contrôle le diabète 7. Glycémie (si G>2,5g/L BU à la recherche d’une cétonurie) 8. Bilan des fonctions rénales car l’atteinte rénale est fréquente chez le diabétique 5 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 9. Radio centrée standars si ostéite, si doute à la radio on peut faire une IRM 10. Autres : echodoppler artériels membres inf, TcPO2 pour rechercher une ischémie critique (revascularisation en urgence !!!) 5) Prise en charge thérapeutique a) En urgence : - Parage chirurgical ± amputation du 3ème rayon - bi-antibiothérapie intraveineuse probabiliste secondairement adaptée - insulinothérapie - anticoagulation preventive b) Au long cours jusqu’à cicatrisation totale : - DECHARGE TOTALE - bi-antibiothérapie per os - soins locaux adaptés - anticoagulation preventive c) Prise en charge globale du patient : équilibre glycémique bilan des complications : rein, œil, coeur prise en charge de tous les facteurs de risque cardio-vasculaire d) Éducation pour éviter les récidives e) Prévenir les récidives - Chaussage adapté - Prévoir obligatoirement une consultation de podologie une fois la plaie cicatrisée chaussures adaptées 6 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 semelles de décharge - Contrôle glycémique - Soins d’hygiène - Contrôle de tous les facteurs de risque cardiovasculaires 6) La mauvaise cicatrisation Les diabétiques ont plusieurs facteurs de risque de mauvaise cicatrisation : - l’artériopathie du membre inférieur - La microangiopathie avec shunt artério-veineux responsable d’une mauvaise circulation cutanée et donc d’une mauvaise cicatrisation. - Des anomalies de l’immunité cellulaire et humorale par anomalie fonctionnelle des Polynucléaires Neutrophiles qui touche le chimiotactisme et la phagocytose d’où l’absence fréquente de signes d’inflammation chez les maux perforants plantaires. - Le déficit d’antiprotéases : dans les oedèmes inflammatoires, on retrouve des protéases lors de la détersion. Quand elle se finit, les antiprotéases agissent sur les protéases pour diminuer leur activité. Hors chez le diabétique, les antiprotéases des l’inflammation sont en déficit, de ce fait, les protéases agissent encore, et la détersion est trop longue. La cicatrisation est donc de mauvaise qualité. Dans la prise en charge, l’absence d’hyperpression est indispensable pendant toute la durée de la cicatrisation. Hors le problème est que ces patients ne ressentent pas la douleur, donc ils n’ont pour eux pas de problème pour marcher. Par ailleurs, la cicatrisation chez eux est perturbée donc plus longue et que le corps médical n’est pas très bien outillé pour la décharge. L’idéal est de faire une attelle personnalisée avec une zone libre pour les zones lésées ce qui augmente la vitesse de cicatrisation sans immobiliser le patient tout le temps (veillez à compenser la chaussure de l’autre côté si on surélève le pied lésé) 7) Les soins locaux Pour nettoyer il ne faut pas d’agent agressifs (donc pas de bétadine, pas de dakin car ça brûle la peau des diabétique), le mieux est d’utiliser de l’eau savonneuse ou du sérum physiologique. Une fois nettoyer, on réalise la détersion mécanique : autour du mal perforant, on retrouve des zones de cornes qui doivent être enlevées pour diminuer le risque infectieux (quand la plaie est de nature artériopathique ou mixte, on peut risquer la nécrose post détersion mécanique !!!) 7 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 Après la détersion, on n’a plus qu’à appliquer un pansement que l’on choisit en fonction de 2 critères : - la couleur de la plaie - le caractère exsudatif de la plaie Exemples : - plaie bourgeonnante et exsudative (= rose) : on choisit alors un interface, un pansement avec de l’acide hyaluronique qui stimule la cicatrisation mais pas d’hydrocellulaire - présence de tissu exsudatif : privilégier les hydrofibres - exsudatif et fibrineux : hydrofibres - sèche et fibrineuse : il faut ramolir la fibrine = hydrogel, vaseline, ac hyaluronique Ce qui est important, c’est d’adapter la taille du pansement à celle de la plaie (bien découper le pansement au dimension de la plaie), en effet du fait des troubles neurologiques végétatifs, le risque de macération du tissu sain sous le pansement est augmenté Parfois, l’amputation est irrémédiable, dès lors le risque de déformation des autres orteils est important (le chaussage sera adapté). Le 1er facteur de risque de plaie de pied est l’antécédent de plaie de pied !!! On estime par ailleurs que le risque de réamputation dans les 4 ans est très important. II)Cas clinique Contexte : - homme de 55 ans - célibataire, boucher - diabète de type 2 diagnostiqué il y a 2 ans : pas de traitement - alcool : 5 verres de vin/jour - marcheur : 15 km 1 fois par semaine 8 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 Histoire de la plaie : - Il y a un mois après une marche : petite plaie indolore de la tête du 1er métatarsien à droite - consultation médecin traitant 15 jours plus tard: bétadine à appliquer lui-même - depuis 5 jours : température à 40°C, pied oedématié, rouge, chaud Diagnostic ? Quels facteurs de risque de plaie de pied recherchez vous chez ce patient et comment ? Examens complémentaires biologiques ? Autres examens complémentaires ? Prise en charge thérapeutique Réponse du cas clinique Diagnostic ? Cellulite du pied sur mal perforant plantaire négligé. Quels facteurs de risque de plaie de pied recherchez vous chez ce patient et comment ? - Neuropathie sensitivo-réflexe - déformations osseuses Que recherchez vous encore à l’interrogatoire et à l’examen clinique, et pourquoi ? Signes d’artériopathie des membres inférieurs : Moyens simples : pouls distaux pédieux et tibiaux postérieurs Index de pression systolique 9 Pôle C –Diabétologie 29/02/2008 < 0,80 = artériopathie distale Index de pression systolique > 1,50 = médiacalcose Facteurs de risque cardiovasculaires : HTA, dyslipidémie, tabagisme, obésité, sédentarité L’artériopathie des membres inférieurs est un facteur de risque d’amputation Examens complémentaires biologiques ? - NFS, CRP : 15000 GB /mm3, 95 mg/l - Ionogramme sanguin, urée, créatininémie : normaux - Bilan hépatique : - HbA1C : - bilan lipidique : TG , HDL, LDL - Hémocultures négatives normal 10,7 % Autres examens complémentaires ? - Radio standard centrée : pas d’ostéite - Examens différés ou en urgence si suspicion d’artériopathie sévère - écho doppler artériel membres inférieurs - TcPo2 Autres examens complémentaires à discuter selon les cas : - IRM : recherche de signe d’ostéites - Artériographie des membres inférieurs Prise en charge thérapeutique En urgence : - Parage chirurgical ± amputation du 3ème rayon 10 Pôle C –Diabétologie - bi-antibiothérapie intraveineuse probabiliste secondairement adaptée - insulinothérapie - anticoagulation préventive 29/02/2008 Ultérieure : - DECHARGE TOTALE - bi-antibiothérapie per os - soins locaux adaptés - anticoagulation préventive Jusqu’à cicatrisation totale Prise en charge globale du patient : équilibre glycémique bilan des complications : rein, œil, coeur prise en charge de tous les facteurs de risque cardio-vasculaire Éducation pour éviter les récidives PREVENIR LES RECIDIVES Commentaire du cours : Preneur : RAIMBAULT Frefre / JAMME Matthieu Prof : Dr SALLE (la diabétologue qui porte la jupe la plus courte de tout le CHU, ouh la la ….) Bon bah le cours était axé autour d’un cas clinique et m’a semblé plutot interressant. Personnellement, pour les choix de pansement, elle a bien dit que c’était principalement sur le terrain que l’on apprend quoi choisir sur quelle plaie, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’apprendre. Par contre sur la conduite à tenir, avec les examens en urgence, ultérieurs et la prise en charge (locale, globale avec décharge du pied jusqu’à cicatrisation), elle a été bien insistante donc faut pas passer à côté. A noter que le Dr Nicolas était absent du cours pour cause de convalescence. PS : il n’y avait pas de plan sur ce cour, c’est donc votre serviteur qui en a réalisé un, j’espère qu’il vous convient Bon courage, et n’oubliez de prendre votre pied en apprenant ce cour 11