La Lettre du Rhumatologue - n° 313 - juin 2005
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MISE AU POINT
depuis plus de 15 jours et moins de 6 mois, douleur sur une
échelle visuelle analogique supérieure à 30 mm. Les patients
recevaient 3 injections épidurales à 2 jours d’intervalle, soit de
prednisolone acétate 2 ml (43 patients), soit de sérum physiolo-
gique 2 ml utilisé comme placebo (42 patients), par voie inter-
épineuse. Le critère principal était le pourcentage de succès du
traitement à J20, succès défini par l’association d’une améliora-
tion marquée ou d’une guérison selon l’avis global du patient sur
une échelle verbale et de l’absence de recours à un anti-inflam-
matoire non stéroïdien entre J0 et J20. La douleur sur échelle
visuelle analogique, la qualité de vie (échelle de Dallas) et la
capacité fonctionnelle (indice Eifel) étaient également évaluées.
Les résultats portant sur le critère principal n’étaient pas signifi-
cativement différents d’un groupe à l’autre (corticoïdes : 22 suc-
cès sur 43 [51 %] ; placebo : 15/42 [36 %] ; p = 0,15). L’amé-
lioration des critères secondaires était importante dans les deux
groupes. Les variations intragroupes étaient notables, de l’ordre
de 30 % pour la douleur, mais sans différence intergroupe. L’ef-
fet des corticoïdes sur la douleur radiculaire était maximal à la
troisième semaine, mais la différence n’était pas statistiquement
significative par rapport au groupe contrôle. Ainsi, dans cette
population de patients hospitalisés pour lombosciatique, les infil-
trations de corticoïdes n’ont pas démontré une efficacité signifi-
cativement supérieure à celle de l’injection épidurale de sérum
physiologique, mais le nombre de malades évalués a été relati-
vement faible. Ces résultats ne permettent pas d’exclure un effet
éventuel de l’injection épidurale de sérum physiologique.
Un travail publié sous forme d’abstract (8) a utilisé comme groupe
contrôle l’injection interépineuse de sérum physiologique. Les
patients étaient randomisés pour recevoir trois injections à 3 se-
maines d’intervalle, soit de corticoïdes par voie lombaire inter-
épineuse (triamcinolone acétonide 80 mg plus bupivacaïne), soit
de sérum physiologique dans le ligament interépineux. Les résul-
tats de cette étude sont présentés jusqu’à 12 semaines, le suivi
étant prévu sur un an. Le score d’Oswestry (score de fonction
coté de 0 à 100), utilisé comme critère principal, s’améliore dans
les deux groupes à 3 semaines, avec une différence à la limite de
la significativité (score à l’inclusion : groupe corticoïde
43,9 ± 14,9 versus groupe contrôle 45,8 ± 18,3 ; score à 3 se-
maines : 33,5 versus 38,9 ; p = 0,053). Cette étude, bien que
considérée comme négative par les auteurs en raison de l’absence
de différence durable entre les groupes, montre des résultats signi-
ficatifs à 3 semaines, en termes d’amélioration globale évaluée
par le patient sur une échelle verbale. Aucun facteur anatomique
prédictif de réponse aux infiltrations (IRM) n’a pu être identifié
par les auteurs.
Toutes ces données illustrent bien la difficulté de réalisation mais
aussi d’interprétation des études concernant l’efficacité des infil-
trations dans la lombosciatique. L’absence d’effet statistiquement
démontré peut résulter d’un traitement inefficace, d’une mau-
vaise sélection des malades inclus, de mauvais critères de juge-
ment, ou de bien d’autres défauts méthodologiques. Quels objec-
tifs peut-on espérer ? Il est clair qu’aucune étude n’a démontré
que les infiltrations épidurales réduisaient le taux de recours à la
chirurgie. De même, il n’a pas été démontré que les infiltrations
permettaient un retour plus rapide au travail. Si l’objectif de ces
infiltrations est d’avoir un effet antalgique à court terme, alors il
est possiblement atteint, sans doute vers la troisième semaine. En
effet, il ne faut pas oublier que l’évolution naturelle de la lom-
bosciatique se fait vers l’amélioration et qu’il est donc naturel
qu’à moyen et à long terme les critères d’évaluation de deux
groupes de patients se rejoignent.
Les infiltrations doivent être réalisées par des praticiens expéri-
mentés, après une information précise sur les risques éventuels.
Un travail récent a montré qu’une information écrite standardi-
sée augmentait les connaissances des patients et améliorait leur
satisfaction (9).
INFILTRATIONS PÉRIRADICULAIRES
L’injection est faite par voie latérale dans l’espace périradicu-
laire au niveau du foramen atteint. Elle est réalisée sous contrôle
scopique, après opacification.
Plusieurs études randomisées ont été réalisées, avec une métho-
dologie différente.
Karppinen et al. (10) ont comparé dans une étude randomisée,
en double aveugle, l’injection périradiculaire de 40 mg/ml de
méthylprednisolone + 5 mg/ml de bupivacaïne (n = 80) à celle
de sérum physiologique (n = 80). Le volume de l’injection était
de 2 ml pour L4 et L5, de 3 ml pour S1. Il s’agissait de patients
souffrant d’une lombosciatique unilatérale depuis 3 à 28 se-
maines. L’évaluation était réalisée à l’inclusion, à 2 semaines, à
1, 3, 6 et 12 mois et portait sur la douleur (EVA), l’incapacité
fonctionnelle (indice Oswestry) et la qualité de vie (indice NHP).
À 2 semaines, l’amélioration était significativement plus impor-
tante dans le groupe corticoïde pour la douleur radiculaire et la
satisfaction du patient. Cette différence ne persistait pas lors des
évaluations suivantes. Il faut noter une réduction de l’intensité
de la douleur à un mois de plus de 40 % dans les deux groupes.
De plus, il faut insister sur le fait que le groupe contrôle com-
portait une injection périradiculaire de sérum physiologique, dont
l’inefficacité n’a pas été testée. Cette étude ne montre pas de dif-
férence après quatre semaines de suivi.
Une analyse en sous-groupes de cette étude a été réalisée (11),
indiquant une meilleure efficacité de l’injection périradiculaire
de corticoïde pour les hernies discales contenues par rapport aux
hernies exclues : meilleure efficacité notée sur la douleur radi-
culaire à 2 et 4 semaines, un pourcentage de patients soulagés de
plus de 75 % de la douleur à 2 semaines, un nombre moins élevé
de patients opérés au cours du suivi. Ces données doivent être
confirmées. Un suivi en IRM réalisé 2 et 12 mois après l’injec-
tion a permis de montrer que l’injection périradiculaire de corti-
coïdes n’empêchait pas la résorption spontanée de la hernie dis-
cale (12) ; il semblerait même qu’elle survienne plus rapidement.
Vad et al. (13) ont comparé dans une étude randomisée, ouverte,
l’injection transforaminale de corticoïde (9 mg d’acétate de béta-
méthasone + xylocaïne) à l’injection de sérum physiologique
dans les muscles paraspinaux au niveau d’une zone gâchette. À
16 mois, 84 % des patients du groupe corticoïde ont vu leur état
s’améliorer (réduction de la douleur de plus de 50 %, améliora-
tion du score de Roland-Morris de 5 points ou plus, satisfaction
du patient bonne ou très bonne) versus 48 % d’amélioration pour
les patients du groupe contrôle. Le délai entre la dernière injec-