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Correspondances en Onco-hématologie - Suppl. au Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2008
parcours
L
a sexualité et la stérilité, la parentalité et
la liation, sont des questions actuelles et
qui, désormais, sont systématiquement au
cœur de l’annonce d’une maladie dont le traite-
ment pourrait avoir des effets stérilisants (chimio-
thérapie et/ou radiothérapie). La conservation de
gamètes est ici un acte médical, intime et sym-
bolique fort qui permet aux malades d’entrevoir,
au-delà de la guérison, la possibilité de fonder
ou de poursuivre la construction d’une famille.
En proposant l’autoconservation de gamètes, le
médecin intervient dans un domaine certes dif-
férent de l’urgence liée à la maladie cancéreuse,
mais essentiel tant il interfère fortement avec des
concepts de vie et des désirs intimes (paternité,
fantasmes, croyances, etc.). En outre, cette tech-
nique, qui semble pérenniser la vie et va contre la
mort, situe le projet médical comme résolument
orienté vers l’avenir, et dans une logique de gué-
rison. Dans ce contexte, les médecins ont donc un
rôle majeur à jouer. La démarche rencontre des
contraintes de gestion du temps pour assurer un
recueil des gamètes (face parfois à une maladie
galopante). Tout doit être fait pour construire cette
démarche, dans une situation d’urgence où par-
ler de sexualité et de projet parental ne va pas
toujours de soi, en fonction de l’état du patient,
de son âge, de la construction de sa vie.
Il est à souligner une différence notable dans cette
démarche entre hommes et femmes.
En effet, l’autoconservation de sperme est une
pratique validée depuis 1973, qui a fait la preuve
de son efcacité avec des taux de grossesses
tout à fait satisfaisants en cas de réutilisation,
lorsque la qualité spermatique était acceptable.
Des questions sensibles, comme le nombre de
recueils (qui doit être maximal dans le temps
imparti et selon les règles édictés par les CECOS,
centres d’études et de conservations des œufs et
du sperme), celle de la durée de garde (annuelle,
renouvelable sans limite de temps, sauf décès du
patient), mais aussi, malheureusement, celles
de l’impossibilité ou des échecs du recueil, tout
comme parfois celle de la mauvaise qualité sper-
matique sont à gérer avec les patients. Toutes
ces annonces, dans la suite immédiate de la
révélation de la maladie onco-hématologique,
nécessitent donc un accueil et un accompagne-
ment de grande qualité. La place de l’information
de la conjointe (s’il en existe une) ou des parents
(pour les mineurs) doit également être envisagée
avec le patient.
Pour les femmes, la démarche est d’une tout
autre nature, même si les symboliques sous-
jacentes peuvent être les mêmes. Tout d’abord, la
conservation du tissu ovarien reste à ce jour une
démarche expérimentale en cours de validation
tant sur le plan de la conservation elle-même que
sur celui de l’utilisation à venir des ovocytes.
Depuis 1996, des prélèvements de tissu ovarien
ont été réalisés en France sur des patientes
devant recevoir une chimiothérapie et/ou une
radiothérapie entraînant une destruction des
follicules ovariens primordiaux. Conservés par
congélation, ces fragments d’ovaire pourront leur
être restitués quand elles souhaiteront mener
une grossesse, une fois guéries. La seule alter-
native est le don d’ovocytes venant d’une don-
neuse anonyme ou l’accueil d’embryons. Mais
ces méthodes impliquent un renoncement à sa
propre fertilité. La conservation de tissu ovarien a
été mise en œuvre dans le cadre d’un programme
de recherche encadré par la loi sur la recherche
biomédicale et par les CPP (comité de protection
des personnes en charge de l’évaluation éthique
des projets de recherche). En France, de nom-
breux prélèvements sur plusieurs patientes ont
été réalisés, y compris chez des enfants et chez
des adolescentes. Selon le cas, ils seront replacés
soit à la place de l’ovaire manquant (cela permet
théoriquement une grossesse spontanée), soit
sous la peau du ventre (une fécondation in vitro
La conservation
des gamètes avant la mise
en œuvre du traitement :
un acte essentiel source d’espoir
G. Moutel*
* Endocrinologue et andrologue,
AP-HP et laboratoire d’éthique médicale,
faculté de médecine Paris-Descartes.