La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 5 - mai 2005
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VOCABULAIRE
Myoclonies ou tremblement du voile ?
●L. Vercueil*
L
a contribution de l’École française du siècle dernier à
la neurologie n’est pas mince. Les travaux anatomo-
cliniques de Foix (1926), puis la conceptualisation de
Guillain et de Mollaret (1931), et enfin la synthèse de Rondot et
de Ben Hamida en 1968 (1) ont en particulier identifié l’existence
d’un trouble moteur (contractions musculaires rythmiques) loca-
lisé aux muscles du voile du palais et de l’oropharynx, à l’origine
(mais pas toujours) d’une perception auditive (“claquements” en
français, clicks pour les Anglo-Saxons) attribuée à l’ouverture
rythmique de la trompe d’Eustache. Le terme de myoclonies du
voile a été retenu et rapproché des myoclonies “squelettiques” en
raison, essentiellement, de leur caractère rythmique (2).
Et voilà qu’à la fin du XXesiècle, les myoclonies du voile du
palais ont disparu pour céder la place au tremblement palatin.
Aucun phénomène épidémique, non plus qu’une extinction natu-
relle contemporaine de l’émergence d’une nouvelle affection : les
patients restaient les mêmes, rapportaient les mêmes secousses
rythmiques du voile du palais et, pour certains, les mêmes clicks
sonores perceptibles. Les troubles restaient donc identiques, mais
les experts changeaient, et ils changeaient d’avis. Une réunion de
consensus organisée par la Société internationale des troubles du
mouvement (Movement Disorders Society) rebaptisait les myo-
clonies du voile “tremblement du voile” (3). La réunion de Kiel
était consacrée aux tremblements et rassemblait des experts de la
question. À quelle conclusion serait arrivée une réunion d’experts
des myoclonies ? Ce court article de la rubrique “Vocabulaire”,
après avoir rappelé brièvement la nature du trouble clinique, pré-
sente les arguments en faveur d’un changement de la terminologie
passé un peu inaperçu et qui poursuit pourtant une ambition
honorable.
L’AFFECTION
Le “tremblement-myoclonie” du voile est caractérisé par la
survenue de secousses rythmiques intéressant le muscle releveur
du voile du palais, généralement à une fréquence de 2 Hz ou
légèrement inférieure. On distingue nettement la forme sympto-
matique de la forme essentielle (idiopathique), cette dernière
concernant environ un quart des sujets (4). Ces entités sont tota-
lement différentes, et il est probablement injustifié de les réunir
sous un vocable unique.
Dans la forme essentielle, le tremblement du voile est isolé clini-
quement, mais les sujets rapportent fréquemment l’audition
rythmique d’un click, correspondant soit à l’ouverture rythmique
de la trompe d’Eustache sous l’effet du muscle tenseur du voile
(qu’on peut reproduire au cours du bâillement), soit, de façon
audible pour l’entourage et l’examinateur, au contact du voile du
palais avec la paroi pharyngée. La perception de ce click peut
constituer l’essentiel de la plainte et représenter la cible d’un trai-
tement par la toxine botulique. La physiopathologie de la forme
essentielle est inconnue.
La forme symptomatique ne s’accompagne pas du click, caracté-
ristique de la forme essentielle, et s’inscrit dans un tableau neuro-
logique souvent complexe, où domine le syndrome cérébelleux,
avec un nystagmus pendulaire dans 30 % des cas environ. Le
tremblement symptomatique du voile présente la caractéristique
de persister au cours du sommeil et de résister aux anesthésiques
centraux. L’atteinte peut être circonscrite au voile ou étendue à
d’autres territoires musculaires, généralement ceux de la région
faciale (région oropharyngée, globes oculaires), voire de la région
cervicale ou même de la région diaphragmatique. Le tremble-
ment du voile est isolé ou associé à d’autres signes neurologiques
(troubles de l’équilibre, oscillopsies, nystagmus pendulaire, trem-
blements des extrémités à une fréquence plus élevée). Les étio-
logies en sont diverses, mais les accidents vasculaires cérébraux
du tronc cérébral, les traumatismes crâniens sévères et la sclérose
en plaques dominent largement, alors que certaines affections
neurodégénératives rares, comprenant un syndrome ataxique
progressif, sont également signalées. Une pseudo-hypertrophie
olivaire d’origine dégénérative est souvent visible en IRM, avec
un hypersignal local correspondant à une gliose. Une étude récente
a montré que la pseudo-hypertrophie est relativement corrélée à
la sévérité du tremblement symptomatique, et qu’une atrophie,
installée à partir du sixième mois, tend à la remplacer par la suite.
Il est actuellement supposé qu’une lésion des afférences dentato-
olivaires GABA-ergiques du triangle de Mollaret pourrait libérer
l’activité oscillatoire intrinsèque des neurones olivaires, précisé-
ment à la fréquence du tremblement (1 à 2 Hz).
Enfin, la possibilité d’une forme psychogène du tremblement du
voile a également été rapportée, de façon exceptionnelle, dans la
littérature.
Alors, myoclonies ou tremblement?
C’est essentiellement sur la base de la physiopathologie supposée
de la forme symptomatique du tremblement du voile que les
experts ont recommandé le terme de tremblement du voile (3).
* Département de neurologie, CHU de Grenoble.