Cas clinique
Cas clinique
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La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 309-310 - avril-septembre 2007
lisées ou les amyloses limitées à un organe sont associées au
vieillissement et au diabète, et touchent des organes isolés. La
forme la plus fréquente de l’amylose systémique rencontrée en
pratique clinique courante est l’amylose AL (amylose idiopa-
thique primitive ou amylose associée au myélome multiple).
L’amylose AA (amylose secondaire, réactionnelle ou acquise) est
le plus souvent une complication d’une maladie inflammatoire
chronique. Le traitement efficace de la maladie inflammatoire
sous-jacente en a réduit l’incidence dans les pays développés.
En 1961, Arean et Klein (in 2) ont rapporté que, même si
l’infiltration de la glande thyroïde par des dépôts amyloïdes
est un phénomène fréquent chez les patients présentant une
amylose, un goitre thyroïdien cliniquement détectable reste
rare. Le diagnostic de GA doit être suspecté chez tout patient
atteint d’une amylose systémique ou d’une maladie suscep-
tible d’entraîner une amylose. Le GA constitue très rarement
le premier signe d’une amylose systémique. Il se caractérise par
une augmentation de volume relativement rapide (en quelques
semaines, voire en quelques mois), est souvent homogène et
ferme, non douloureux, et rarement multinodulaire. Le goitre
peut s’accompagner de signes compressifs (dysphonie, dyspnée
et dysphagie) ainsi que d’adénopathies cervicales prêtant à
confusion avec un goitre néoplasique (3). L’échographie et
la scintigraphie ne révèlent aucune spécificité. Le dosage des
hormones thyroïdiennes est classiquement normal, mais des
cas d’hyperthyroïdie ou d’hypothyroïdie ont été rapportés dans
la littérature. Lors d’une analyse rétrospective de 30 patients
atteints d’amylose secondaire (2), le GA était retrouvé
dans 19 cas, dont 9 présentaient des anomalies de la fonction
thyroïdienne (hypothyroïdie ou hyperthyroïdie). Le mécanisme
exact de ce dysfonctionnement thyroïdien reste non élucidé.
Notre patiente avait un goitre multinodulaire euthyroïdien.
La ponction cytologique, à l’aiguille fine, peut être performante
dans quelques cas, en mettant en évidence des dépôts amyloïdes,
mais elle peut être défaillante dans d’autres cas en raison du
caractère focalisé de l’infiltration amyloïde (4). Cependant,
la plupart des auteurs préconisent l’examen histologique du
parenchyme thyroïdien, qui permet d’obtenir des résultats plus
précis que ceux de la ponction. L’examen histologique permet
de poser le diagnostic de certitude et d’exclure un processus
néoplasique, particulièrement le carcinome médullaire à stroma
amyloïde, l’absence de cellules C tumorales ou le dosage de la
calcitonine permet d’éliminer celui-ci (3). Plusieurs colorations
spéciales sont utilisées pour mettre en évidence la substance
amyloïde, mais la plus spécifique est la coloration par le rouge
Congo (la substance amyloïde apparaît vert jaune en lumière
polarisée). L’examen histologique permet de typer la substance
amyloïde par les techniques d’immunohistochimie ; ce typage est
un point essentiel au diagnostic et conditionne la thérapeutique.
Il permet de différencier l’amylose AA des autres types d’amylose.
Le bilan d’extension de l’amylose est systématique et permet de
différencier une forme localisée d’une forme systémique. Les
techniques les plus employées sont la biopsie rectale, l’aspiration
de la graisse abdominale et la biopsie des glandes salivaires acces-
soires (5). Tous les auteurs s’accordent sur le fait que la chirurgie
n’est indiquée qu’en présence de signes compressifs ou pour des
raisons esthétiques, car la thyroïdectomie totale n’a aucun effet
sur le pronostic de la maladie amyloïde et expose aux risques
de complications de la chirurgie thyroïdienne. Notre patiente a
subi, quant à elle, une thyroïdectomie totale, parce qu’elle avait
un goitre multinodulaire assez volumineux et que l’examen
histologique extemporané n’était pas concluant. Actuellement,
il n’y a pas de médicament permettant de dissoudre la subs-
tance amyloïde. Le traitement permet de corriger la génération
anormale de la protéine ; il peut stabiliser l’organe atteint et en
améliorer le fonctionnement. Le traitement de l’amylose AA (5)
dépend de la maladie sous-jacente ; il nécessite un contrôle strict
de l’inflammation et la suppression des foyers infectieux chro-
niques. Ce traitement repose sur la colchicine et les immuno-
suppresseurs. Si la formation de dépôts amyloïdes est inter-
rompue par le traitement, l’organisme peut en éliminer jusqu’à
50 % par an. Le pronostic dépend de plusieurs facteurs (5) :
la durée d’évolution de la maladie (plus le diagnostic est précoce,
meilleur est le pronostic) ; l’atteinte hépatique, rénale, cardiaque
ou pulmonaire, qui est de mauvais pronostic. L’évolution est
souvent favorable dans les formes localisées. L’amylose AA est
de meilleur pronostic que la forme AL.
CONCLUSION
L’amylose est une affection rare, dont le diagnostic est souvent
tardif en raison de la mauvaise connaissance que nous en avons.
La fréquence de ses localisations ORL exige de l’oto-rhino-
laryngologiste la parfaite connaissance de cette maladie, contri-
buant ainsi à son diagnostic et au bilan d’extension (biopsie
des glandes salivaires accessoires). ■
RéféRences bibliogRaphiques
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2. Kimura H, Yamashita S, Achizawa K, Yokoyama N, Nagataki S. yroid dys-
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3. Nijhawan VS, Marwaha RK, Sahoo M, Ravishankar L. Fine needle aspiration
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4. Villamil CF, Massimi G, D’Avella J, Cole SR. Amyloid goiter with parathy-
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5. Grateau G. Amyloses. Paris: Elsevier, Encycl Med Chir 1998;5-0390,4p.