Cas clinique
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La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 309-310 - avril-septembre 2007
Goitre amyloïde : à propos d’un cas
Amyloid goiter: about a case
IPN. Nazih*, M. Benthami*, M. Boulaich*, M. Kzadri*
* Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital des Spécialités, Rabat, Maroc.
RÉSUMÉ
Le goitre amyloïde correspond à une in ltration de la
glande thyroïde par des dépôts amyloïdes qui entraîne une
augmentation cliniquement apparente de son volume.
Nous rapportons lobservation d’une patiente âgée de
48 ans, suivie depuis 20 ans pour une dilatation des bron-
ches et ayant présenté un goitre multinodulaire euthyroï-
dien qui s’est révélé de nature amyloïde.
Mots-clés : Goitre amyloïde - Amylose secondaire (systé-
mique).
Summary. Amyloid goiter can be defined as the presence
of amyloid within the thyroid gland in such quantities as
to produce a clinically apparent enlargement of the gland.
We report the case of a 48 year-old woman, who had bron-
chectasis for 20 years, and who presented an euthyroid
multinodular goiter that was of amyloid nature.
Keywords: Amyloid goiter - Secondary (systemic) amyloidosis.
Le goitre amyloïde (GA) se défi nit par une augmentation
de volume de la glande thyroïde due à une infi ltration
par des dépôts amyloïdes. C’est une entité rare mais
bien établie : plus de 250 cas de goitre amyloïde ont été rap-
portés (1). Cette entité a été crite initialement en 1858 par
Beckman (in 2). Eiselberg (in 2), en 1904, a été le premier à
utiliser le terme de GA. Nous décrivons un cas de localisation
amyloïde thyroïdienne qui a la particularité, d’une part, de se
manifester par un goitre multinodulaire et, dautre part, de ré-
véler une amylose secondaire systémique.
OBSERVATION CLINIQUE
Mme R.H., âgée de 48 ans, est admise dans notre service au
mois de juillet 2003 pour un goitre multinodulaire. La patiente
est suivie en pneumologie depuis 20 ans pour une dilatation
des bronches. Elle est également suivie pour un refl ux gastro-
œsophagien équilibré par un traitement symptomatique. Le
début de la symptomatologie ORL remonte à deux ans, avec
l’installation progressive d’une tuméfaction cervicale antérieure
indolore, associée à une gêne à la déglutition, sans dysphonie,
dyspnée ou dysphagie et sans signes de dysthyroïdie.
Lexamen clinique note une patiente amaigrie, asthénique et
dyspnéique à leff ort. La glande thyroïde a augmenté de volume
et est multinodulaire. Les nodules ont un diamètre de 2 à 3 cm,
sont de consistance ferme, indolores et mobiles par rapport aux
plans superfi ciel et profond. Le goitre nest pas plongeant et n’a
pas de caractère vasculaire. Les aires ganglionnaires sont libres.
Le reste de l’examen somatique ne révèle pas d’anomalies en
dehors de la présence de râles d’encombrement bronchique.
Léchographie cervicale montre la présence de multiples nodules
thyroïdiens, hétérogènes, sans calcifi cations. La scintigraphie
thyroïdienne au technétium 99 objective des nodules froids et
un nodule chaud. Le dosage des hormones thyroïdiennes est
normal. La recherche des anticorps antithyroïdiens est négative.
Après un bilan préopératoire et une visite préanesthésique, la
patiente subit une thyroïdectomie totale, dont les suites opéra-
toires sont simples. Lexamen anatomopathologique de la pièce
opératoire révèle un aspect charnu et blanchâtre à la coupe du
tissu thyroïdien. Histologiquement, le parenchyme thyroïdien
est fait de quelques vésicules thyroïdiennes noyées dans de larges
plages éosinophiles et amorphes, montrant une biréfringence
jaune verdâtre en lumière polarisée après coloration au rouge
Congo. Labsence de cellules C tumorales élimine le diagnostic
de carcinome médullaire à stroma amyloïde. La patiente est mise
sous hormonothérapie substitutive et adressée au service de
médecine interne ; au cours de son hospitalisation, elle fait une
insuffi sance surrénalienne aiguë, confi rmée biologiquement. Un
bilan étiologique et d’extension est pratiqué : le myélogramme
est normal, la biopsie rectale et jéjunale ne montre pas de dépôts
amyloïdes, alors qu’il en est obserau niveau des glandes sali-
vaires accessoires. Le bilan biologique objective une vitesse
de sédimentation accélérée et un taux de protéine C réactive
augmenté. Le diagnostic retenu est celui d’une amylose systé-
mique secondaire à une dilatation des bronches. La patiente
est mise sous colchicine (1 mg/j).
DISCUSSION
Lamylose est le dépôt extracellulaire d’une substance amyloïde ;
celle-ci est une protéine qui prend une confi guration la rendant
insoluble dans les liquides organiques, et résistante aux enzymes
protéolytiques. Les amyloses systémiques comprennent des
formes chimiquement distinctes, dorigine néoplasique, in am-
matoire, génétique ou iatrogène, alors que les amyloses loca-
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lisées ou les amyloses limitées à un organe sont associées au
vieillissement et au diabète, et touchent des organes isolés. La
forme la plus fréquente de lamylose systémique rencontrée en
pratique clinique courante est l’amylose AL (amylose idiopa-
thique primitive ou amylose associée au myélome multiple).
Lamylose AA (amylose secondaire, réactionnelle ou acquise) est
le plus souvent une complication d’une maladie inflammatoire
chronique. Le traitement efficace de la maladie inflammatoire
sous-jacente en a réduit l’incidence dans les pays développés.
En 1961, Arean et Klein (in 2) ont rapporté que, même si
l’infiltration de la glande thyroïde par des dépôts amyloïdes
est un phénomène fréquent chez les patients présentant une
amylose, un goitre thyroïdien cliniquement détectable reste
rare. Le diagnostic de GA doit être suspecté chez tout patient
atteint d’une amylose systémique ou d’une maladie suscep-
tible d’entraîner une amylose. Le GA constitue très rarement
le premier signe d’une amylose systémique. Il se caractérise par
une augmentation de volume relativement rapide (en quelques
semaines, voire en quelques mois), est souvent homogène et
ferme, non douloureux, et rarement multinodulaire. Le goitre
peut s’accompagner de signes compressifs (dysphonie, dyspnée
et dysphagie) ainsi que d’adénopathies cervicales prêtant à
confusion avec un goitre néoplasique (3). Léchographie et
la scintigraphie ne révèlent aucune spécificité. Le dosage des
hormones thyroïdiennes est classiquement normal, mais des
cas d’hyperthyroïdie ou d’hypothyroïdie ont été rapportés dans
la littérature. Lors d’une analyse rétrospective de 30 patients
atteints d’amylose secondaire (2), le GA était retrouvé
dans 19 cas, dont 9 présentaient des anomalies de la fonction
thyroïdienne (hypothyroïdie ou hyperthyroïdie). Le mécanisme
exact de ce dysfonctionnement thyroïdien reste non élucidé.
Notre patiente avait un goitre multinodulaire euthyroïdien.
La ponction cytologique, à l’aiguille fine, peut être performante
dans quelques cas, en mettant en évidence des dépôts amyloïdes,
mais elle peut être défaillante dans d’autres cas en raison du
caractère focalisé de l’infiltration amyloïde (4). Cependant,
la plupart des auteurs préconisent lexamen histologique du
parenchyme thyroïdien, qui permet d’obtenir des résultats plus
précis que ceux de la ponction. Lexamen histologique permet
de poser le diagnostic de certitude et d’exclure un processus
néoplasique, particulièrement le carcinome médullaire à stroma
amyloïde, l’absence de cellules C tumorales ou le dosage de la
calcitonine permet d’éliminer celui-ci (3). Plusieurs colorations
spéciales sont utilisées pour mettre en évidence la substance
amyloïde, mais la plus spécifique est la coloration par le rouge
Congo (la substance amyloïde apparaît vert jaune en lumière
polarisée). Lexamen histologique permet de typer la substance
amyloïde par les techniques d’immunohistochimie ; ce typage est
un point essentiel au diagnostic et conditionne la thérapeutique.
Il permet de différencier l’amylose AA des autres types d’amylose.
Le bilan d’extension de lamylose est systématique et permet de
différencier une forme localisée d’une forme systémique. Les
techniques les plus employées sont la biopsie rectale, l’aspiration
de la graisse abdominale et la biopsie des glandes salivaires acces-
soires (5). Tous les auteurs s’accordent sur le fait que la chirurgie
nest indiquée qu’en présence de signes compressifs ou pour des
raisons esthétiques, car la thyroïdectomie totale na aucun effet
sur le pronostic de la maladie amyloïde et expose aux risques
de complications de la chirurgie thyroïdienne. Notre patiente a
subi, quant à elle, une thyroïdectomie totale, parce qu’elle avait
un goitre multinodulaire assez volumineux et que l’examen
histologique extemporané nétait pas concluant. Actuellement,
il n’y a pas de médicament permettant de dissoudre la subs-
tance amyloïde. Le traitement permet de corriger la génération
anormale de la protéine ; il peut stabiliser l’organe atteint et en
améliorer le fonctionnement. Le traitement de lamylose AA (5)
dépend de la maladie sous-jacente ; il nécessite un contrôle strict
de l’inflammation et la suppression des foyers infectieux chro-
niques. Ce traitement repose sur la colchicine et les immuno-
suppresseurs. Si la formation de dépôts amyloïdes est inter-
rompue par le traitement, lorganisme peut en éliminer jusqu’à
50 % par an. Le pronostic dépend de plusieurs facteurs (5) :
la durée d’évolution de la maladie (plus le diagnostic est précoce,
meilleur est le pronostic) ; l’atteinte hépatique, rénale, cardiaque
ou pulmonaire, qui est de mauvais pronostic. Lévolution est
souvent favorable dans les formes localisées. Lamylose AA est
de meilleur pronostic que la forme AL.
CONCLUSION
Lamylose est une affection rare, dont le diagnostic est souvent
tardif en raison de la mauvaise connaissance que nous en avons.
La fréquence de ses localisations ORL exige de l’oto-rhino-
laryngologiste la parfaite connaissance de cette maladie, contri-
buant ainsi à son diagnostic et au bilan d’extension (biopsie
des glandes salivaires accessoires).
RéféRences bibliogRaphiques
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3. Nijhawan VS, Marwaha RK, Sahoo M, Ravishankar L. Fine needle aspiration
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4. Villamil CF, Massimi G, D’Avella J, Cole SR. Amyloid goiter with parathy-
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2000;124:281-3.
5. Grateau G. Amyloses. Paris: Elsevier, Encycl Med Chir 1998;5-0390,4p.
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