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vol VII/n°5 octobre
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Après le cancer du sein, le cancer du poumon et le cancer du côlon, nous avons voulu connaître l’approche
du médecin cancérologue et le vécu du patient face à un cancer de la prostate
ou un cancer de la vessie au stade de rechute ou au stade métastatique.
Comme nous l’avons déjà signalé, la vérité est d’autant plus difficile à annoncer que le pronostic
est mauvais, alors, quelle attitude un cancérologue peut-il adopter face à des patients qui connaissent
la gravité de leur maladie ? Quelles sont alors les questions du patient et comment vit-il ce pronostic ?
Le docteur Philippe Beuzeboc, cancérologue, assistant au centre anticancéreux de l’Institut Curie,
a bien voulu répondre à ces questions difficiles.
CANCER DE LA PROSTATE :
UN CANCER LONGTEMPS BIEN VÉCU
Les patients vus en consultation connaissent
leur cancer et vivent avec leur maladie
depuis plusieurs mois ou plusieurs années
avec les retentissements urinaires et sexuels
imputables aux traitements chirurgicaux,
radiques, à la castration chirurgicale. Nous
ne sommes donc pas confrontés à l’annonce
du cancer mais sommes face à des patients
dont le cancer est au stade de métastases, le
plus souvent en échappement aux traitements
hormonaux (ils ont alors en moyenne 6 à
9 mois à vivre).
Le cancer de la prostate est connu depuis plusieurs années (quelquefois 5 à 10 ans) et les
patients sont donc habitués au suivi de leur
cancer et très au fait des dosages de PSA et
de leur signification.
En France, le fait qu’un homme public ait vécu
14 ans avec un cancer de la prostate métastatique a quelque part dédramatisé ce cancer
qui est perçu comme une maladie lentement
évolutive avec laquelle on peut vivre longtemps. L’efficacité des traitements hormonaux
ne fait que renforcer cette perception positive.
Au stade de métastases osseuses ou ganglionnaires évolutives, les patients sont
conscients de la gravité puisqu’ils deviennent
symptomatiques et sont amenés à pratiquer
des examens complémentaires (scintigraphie
et radiographies osseuses) et souvent des
séances de radiothérapie à visée antalgique
sur les lésions osseuses.
Il n’existe donc aucune ambiguïté vis-à-vis du
diagnostic et ces patients savent qu’ils ont une
espérance de vie limitée. Comme il s’agit, le
plus souvent, de patients âgés, beaucoup ont
acquis une certaine philosophie qui leur permet de vivre cette période de manière moins
dramatique. Leur objectif est de vivre le mieux
possible le temps qu’il leur reste.
La demande est donc avant tout symptomatique afin de minimiser les troubles urinaires,
les douleurs et vivre le mieux possible ces
handicaps.
Au stade d’échappement hormonal, les symptômes sont essentiellement marqués par des
douleurs osseuses. Il n’existe plus de traitements
standardisés. Le traitement est avant tout symptomatique, le but étant de gagner du temps
tout en maintenant une qualité de vie correcte.
Lorsqu’il s’agit de tumeurs agressives chez des
sujets plus jeunes, âgés de 50 à 60 ans par
exemple, l’échec thérapeutique est alors beaucoup plus mal vécu tant par le patient que par
le médecin. Le contexte psychologique est
beaucoup plus difficile. Le patient restant très
attaché au dosage des PSA ne comprendrait
pas l’arrêt de cette surveillance ; aussi est-elle
souvent maintenue, tout en essayant au maximum de ralentir la fréquence des examens.
CANCER DE LA VESSIE :
UN VÉCU TOUJOURS DIFFICILE
Le cancer de la vessie concerne des sujets un
peu plus jeunes, âgés le plus souvent de 65 à
70 ans.
Contrairement au cancer de la prostate qui
est vécu par les patients comme une maladie
lentement évolutive, le cancer de la vessie est
synonyme de gravité.
La cystectomie est un traitement mutilant, à
l’origine d’une impuissance et d’une incontinence urinaire essentiellement nocturne modifiant totalement la vie sociale des individus et
s’accompagnant donc toujours d’un vécu
quotidien difficile.
Comme pour les autres types de cancer,
l’influence du niveau social peut changer les
rapports de confiance entre le médecin et le
malade. Plus le niveau social est élevé, plus
les patients s’informent et plus ils ont tendance
à demander différents avis qui retardent parfois une chirurgie radicale nécessaire. Néanmoins ils abordent rarement ce vécu difficile
que l’on ressent clairement, mais qui reste
minimisé lors des consultations.
Au stade localement avancé ou métastatique
où nous voyons les patients, ils ont subi une
cystectomie, présentent des signes de gravité
et un pronostic sévère (durée de vie de un à
deux ans en moyenne). Ces patients, bien
qu’ayant totalement intégré la gravité de leur
maladie, posent rarement des questions en
termes de pronostic, cet aspect étant plutôt le
fait de l’entourage familial. Pour notre part,
nous n’allons jamais au devant de questions
non formalisées par le malade.
À ce stade, nous sommes face à une impasse
thérapeutique ne laissant la place qu’à des
chimiothérapies palliatives.
Ces traitements complémentaires, bien que difficiles à supporter, sont acceptés dans la majorité des cas, dans la mesure où ils réussissent à
diminuer les douleurs ou les signes de compression lymphatique ou veineuse. De plus, les
patients ne comprendraient pas une absence
de proposition thérapeutique. Ils restent
demandeurs même si les thérapeutiques ne
s’accompagnent que de peu d’effets objectifs.
Ceci montre que, face à ce type de cancer, il
existe souvent un fossé entre les standards
thérapeutiques, les recommandations des
experts et la demande du patient.
Dr Chantal Despierre
avec le soutien de :
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998
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