L’incidence des cancers de
prostate est en constante
augmentation. Quels sont les
facteurs en cause ?
Un certain nombre de facteurs
contribuent à l’augmentation de
l’incidence du cancer de prostate : le
vieillissement de la population, l’obésité
croissante, la nutrition (alimentation
riche en graisses), le développement du
dosage du PSA(1). Mais le problème n’est
pas tant l’incidence de ces cancers, en
augmentation(2), que les patients à risque
d’évolution métastatique. Si l’on prend
cent patients qui développent un cancer
de la prostate, entre quinze et vingt
décèderont de leur maladie prostatique.
L’objectif est d’essayer de découvrir
les patients qui présentent des formes
agressives de tumeur afin d’initier au
plus tôt un traitement adapté.
Est-il possible de chiffrer le
pronostic individuel pour un
patient atteint de cancer de
prostate métastatique ? Quel
pourrait-être ce pronostic en
2020 ?
Les éléments pronostiques individuels
sont représentés par des facteurs
d’agressivité tumorale. Ce sont ceux-ci
qu’il faut rechercher. Pour les patients
qui présentent un cancer de la prostate
métastatique, ces facteurs sont basés
sur le score de Gleason(3), la valeur du
PSA, l’existence d’une composante
neuro-endocrine, le type de métastases,
le nombre de métastases osseuses,
l’état général du patient. Ces éléments
constituent des facteurs pronostiques
d’évolution péjorative.
En 2020, le pronostic des patients atteints
de cancer de prostate métastatique
sera bien meilleur du fait de l’arrivée de
traitements nouveaux qui vont apporter
des bénéfices en terme de survie (environ
six molécules sont apparues en deux ans
et une vingtaine sont en développement).
La question est de savoir comment
nous allons agencer l’ensemble de ces
molécules les unes par rapport aux
autres, si on va les proposer plus tôt, et
surtout à quels patients. Le but étant de
personnaliser le traitement de façon à
choisir la bonne molécule pour le bon
patient.
Peut-on guérir d’un cancer du
rein métastatique ?
De plus en plus si on réalise un
traitement combiné associant les
antiangiogiéniques, la chirurgie (toujours
à discuter), les traitements locaux,
la radiothérapie, la radiofréquence.
Actuellement, je suis une vingtaine de
patients qui sont en rémission, ce qui
représente une proportion de 3 à 5 %
en guérison. Un pourcentage qui devrait
très certainement augmenter avec
l’arrivée des nouvelles molécules.
Professeur Stéphane Oudard
Etes-vous favorable au
dépistage du cancer de
prostate par le dosage du PSA ?
Oui, je suis favorable au dépistage bien
qu’il faille rester vigilant si l’on se réfère
à deux études importantes qui ont été
réalisées, l’une aux Etats-Unis, l’autre en
Europe : l’étude américaine a montré
qu’il n’y avait pas d’avantage à faire
du dépistage (il existe cependant de
nombreux biais à cette étude), l’essai
européen qu’il y avait un bénéfice mais
relativement modéré. Selon moi, il y
a tout de même intérêt à continuer le
dépistage, en laissant de côté la question
du sur-diagnostic, qui est à distinguer
de celle du sur-traitement. En effet, s’il
existe un problème de sur-traitement
actuellement, il n’y a probablement
pas de sur-diagnostic. Il faut bien voir
que c’est en faisant le diagnostic qu’on
arrivera à influer sur l’amélioration
du pronostic chez certains patients.
Rien n’empêche ensuite de faire de la
surveillance active.
A partir de quand et pour qui
peut-on parler de guérison
dans le cas du cancer du rein ?
Pour qui ? Probablement des patients qui
ont bénéficié d’un traitement chirurgical
pour une tumeur de bon pronostic
déterminé sur les critères anatomo-
pathologiques (type histologique, grade
de différenciation nucléaire ou grade
de Fuhrman, microangioinvasion). Ce
sont en effet ces éléments d’ordre
anatomo-pathologique qui permettent
de déterminer l’agressivité ou non de la
tumeur. Sont également à prendre en
compte la taille tumorale, le stade TNM,
les marges d’exérèse saine lors de la
chirurgie. Tous ces éléments vont définir
au final les patients qui sont de bon
pronostic et qui sont a priori susceptibles
d’être dans ce que l’on peut considérer
comme de la guérison.
A partir de quand ? Cela reste
extrêmement difficile à dire et il faut tenir
compte de l’existence de caps à passer
(trois et cinq ans sont les caps importants).
Si l’on considère une tumeur de très
bon pronostic, il est clair que le risque
de récidive est extrêmement limité après
cinq ans. Sans pouvoir affirmer à 100 %
la guérison, on peut dire que l’on s’en
rapproche.
Quelles sont les techniques
innovantes à suivre dans le
cadre du diagnostic et/ou du
traitement des cancers de
vessie ?
Dans le cadre du diagnostic, la fluorescence
a déjà pris une place très importante. Il
s’agit d’une technique actuellement utilisée
lors de certaines résections transurétrales
de vessie(4). Le principe est le suivant. Un
produit est instillé dans la vessie avant
passage au bloc opératoire. Illuminé
en lumière bleu, ce produit émet une
fluorescence rouge qui permet de détecter
des lésions qui ne sont pas visibles en
lumière blanche standard. Cette vision
en fluorescence constitue un élément
diagnostique extrêmement important car
elle permet d’améliorer la détection des
petites lésions lors de la résection. C’est
une technique qui a une bonne diffusion
à l’heure actuelle et qui est pratiquée
par un certain nombre de centres lors
des résections. Dans un avenir proche,
nous devrions très certainement l’avoir à
notre disposition en consultation, lors des
fibroscopies, pour s’assurer dans le cadre de
la surveillance qu’il n’y a pas de récidive.
Professeur Hervé Lang
Les 25èmes Rencontres Médicales SCOR Global Life ont eu lieu le jeudi 8 décembre 2011 à Paris.
Les Rencontres Médicales sont, pour SCOR Global Life, l’occasion de partager, avec ses clients, ses réflexions sur les avancées médicales et leur impact sur le métier
d’assureur vie.
Au programme : les cancers du rein et de la vessie aujourd’hui, le cancer de la prostate et ses avancées diagnostiques et thérapeutiques.
Pour nous en parler : deux experts, le Professeur Stéphane Oudard, chef du service de cancérologie médicale et spécialiste des tumeurs urologiques à l’Hôpital
Européen Georges Pompidou à Paris et le Professeur Hervé Lang, urologue dans le service de chirurgie urologique du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg.
Onco-urologie : actualités,
évaluation, mise en situation
(1) Prostate Specific Antigen.
(2) 40 000 cas par an en
2000, 76 500 en 2006.
(3) Addition des grades
histologiques des deux
composantes tumorales les
plus représentées (le score
est représenté par un chiffre
de 2 à 10).
(4) La résection transurétrale
de vessie permet le
diagnostic et le traitement
des tumeurs superficielles.
Professeur
Stéphane Oudard,
Chef de Service de
cancérologie médicale et
spécialiste des tumeurs
urologiques à l’Hôpital
Européen Georges
Pompidou à Paris
Professeur
Hervé Lang,
Urologue dans le
service de chirurgie
urologique du
Centre Hospitalier
Universitaire de
Strasbourg