Mesurer la valeur de la logistique par Douglas M. LAMBERT Professeur à l’Université d’État de l’Ohio Professeur à l’Université de Floride du Nord (États-Unis) Renan BURDUROGLU Professeur à l’Université du Bosphore AC Nielsen ZET traduit et supervisé par Dominique ESTAMPE Directeur de l’Institut Supérieur de Logistique Industrielle (ISLI) Bordeaux École de Management 1. Mesurer la valeur de la logistique : pourquoi ?............................... 2. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 Mesures clés de la valeur ...................................................................... Satisfaction du client ................................................................................... Valeur ajoutée pour le client ....................................................................... Analyse du coût total................................................................................... Analyse de la rentabilité.............................................................................. Modèle de profit stratégique ...................................................................... Valeur créée pour les actionnaires ............................................................. AG 5 010 – 2 — — — — — — — 2 2 3 6 6 7 7 3. Incidence de la logistique sur l’EVA ................................................... — 10 4. Vendre la valeur associée à la logistique.......................................... — 11 5. Conclusion ................................................................................................. — 12 Références bibliographiques ......................................................................... — 12 our pouvoir recueillir les fruits des innovations et de la performance de l’entreprise dans le domaine logistique, les managers doivent mesurer et vendre la valeur qu’ils apportent aux clients. La valeur, une fois déterminée, doit être vendue non seulement aux acheteurs mais aussi aux dirigeants. La littérature mentionne plusieurs méthodes de mesures de valeur, à des degrés de sophistication variables, qui vont de la satisfaction du client à la valeur créée pour l’actionnaire en passant par la valeur ajoutée client (VAC), l’analyse du coût total, l’analyse de la rentabilité par segment et le modèle de rentabilité par segment. Si la satisfaction du client et la VAC peuvent accroître la création de valeur pour l’actionnaire, ces mesures n’établissent généralement pas de lien précis dans l’évolution de la valeur pour le client ou le fournisseur. Les autres mesures comme l’analyse du coût total sont focalisées sur la détermination de la valeur en termes financiers et ne cernent qu’une partie de la valeur créée par la logistique. L’un des problèmes auxquels sont confrontés les professionnels de la logistique est que la logistique est assimilée à un coût à réduire. L’analyse de la rentabilité par segment et le modèle de profit stratégique sont des mesures plus complètes de l’impact de la logistique, mais elles s’appliquent à l’évaluation de la performance historique, sans intégrer deux éléments – le risque et le temps – qui entrent en ligne de compte dans la création de valeur pour les actionnaires. P Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 1 MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ Cet article présente les différentes méthodes de mesure de la valeur avec les avantages et les inconvénients de chacune et diverses manières de vendre la valeur, lorsqu’elle est reconnue. Cet article est tiré de la traduction, parue dans Logistique et Management (Vol. 9, n° 1 (2001)), de l’article issu de la revue International Journal of Logistics Management (Vol. 11, n° 1 (2000)). 1. Mesurer la valeur de la logistique : pourquoi ? ■ Un grand fabricant de biens de consommation durables a mis en place pour ses distributeurs un système de livraison rapide qui leur permettait de recevoir leurs marchandises entre 24 et 48 heures n’importe où aux États-Unis. L’objectif premier de ce système était d’améliorer la performance en terme de ponctualité et de permettre aux distributeurs d’améliorer le niveau de service à leurs clients. Il donnait aussi aux distributeurs la possibilité de réduire les stocks dans des proportions considérables. Des sous-traitants logistiques géraient les centres de distribution régionaux et le parc de véhicules de livraison du fabricant. Six ans après avoir mis en place des mesures de valeur ajoutée économique (EVA) afin d’améliorer la performance financière, le fabricant a réduit le service en adoptant des délais de livraison de 48 à 72 heures et adopté un sous-traitant unique qui ne faisait pas partie des trois partenaires initiaux. ● En effet, la valeur apportée par la logistique n’était ni mesurée ni vendue. Les vendeurs du fabricant n’étaient pas formés pour vendre les avantages économiques du service au client. Le potentiel d’accroissement des rotations de stocks et donc de réduction des coûts de possession unitaire pour chaque article vendu n’était pas expliqué aux distributeurs. En fait, le service marketing incitait encore ces clients à acheter en grande quantité. ● De plus, la logistique n’avait pas déterminé l’impact du système de livraison rapide sur l’accroissement des ventes depuis six années qu’il existait. Le marketing s’attribuait donc tout le mérite de cette augmentation. Dans ce contexte, la valeur de la logistique n’était vendue ni au distributeur ni, en interne, à l’équipe dirigeante. ■ Il ne faut pas tenir pour certain que les clients (dans cet article, nous parlons de la clientèle d’entreprise et non pas des consommateurs) percevront la valeur qui leur est apportée et seront prêts à la payer au fournisseur. Ainsi, la valeur créée par la logistique doit être régulièrement mise en évidence auprès des clients mais aussi des dirigeants de l’entreprise car ceux-ci peuvent facilement l’ignorer et en sous-estimer l’importance lorsque la logistique est performante. C’est pourquoi les responsables de la logistique doivent donc mesurer et vendre la valeur qu’elle crée, dans l’entreprise comme à l’extérieur, dans l’ensemble de la chaîne logistique. En effet, dans la plupart des cas, les fournisseurs devront dépenser davantage pour élever les niveaux de satisfaction des clients. Mais si les clients n’augmentent pas leurs achats ou refusent de payer plus cher, le retour pour les actionnaires sera moindre. Par conséquent, l’incapacité à justifier un prix de vente plus élevé en contrepartie de services à plus forte valeur ajoutée se traduira par une érosion des bénéfices. Il ne suffit donc pas d’énumérer les améliorations du service offertes au client et de supposer que celui-ci en percevra les avantages financiers. Exemple : l’acheteur peut apprécier la réduction des délais de livraison, les taux d’exécution plus élevés et la ponctualité accrue de son fournisseur par rapport à ses concurrents, mais estimer néanmoins que les produits sont vendus trop cher. Pour justifier l’augmentation du prix, il faut : — convertir les niveaux de service plus élevés en avantage financier pour le client, par exemple l’accélération de la rotation des stocks et utiliser la baisse correspondante des coûts de possession ; — ou bien démontrer que l’amélioration du service contribue à l’augmentation des ventes du client grâce à un meilleur service à ses propres acheteurs. Les critères les plus utilisés pour mesurer la valeur sont : — la satisfaction du client ; — la valeur ajoutée pour le client (VAC) ; — l’analyse du coût total ; — l’analyse de la rentabilité (en tenant compte du revenu) ; — le modèle de profit stratégique ; — la valeur créée pour les actionnaires. Les mesures de satisfaction du client sont les moins quantitatives en termes financiers, alors que la valeur pour les actionnaires est la plus parlante des mesures financières. Dans des entreprises comme Coca-Cola et General Electric, l’équipe dirigeante a adopté la création de valeur pour les actionnaires comme le meilleur indicateur de performance. En effet, cette mesure est supérieure à la rentabilité, parce que celle-ci peut être manipulée à court terme et le bénéfice par action ne tient pas compte de l’investissement dans les actifs nécessaires pour atteindre ce résultat. La valeur créée pour les actionnaires mesure tous les flux monétaires qui sont liés au compte de profit et perte et au bilan, présents et futurs. Les flux à venir sont actualisés à leur valeur nette réelle avec un facteur d’ajustement des risques. La valeur créée pour les actionnaires ne tient donc pas seulement compte des bénéfices mais aussi des investissement nécessaires pour les générer, dans l’immédiat et dans le futur. Cette orientation sur le long terme fait que les dirigeants sont moins susceptibles de se laisser prendre aux pièges du résultat immédiat. Les six méthodes de mesure de la valeur méritent d’être examinées dans le détail. 2. Mesures clés de la valeur 2.1 Satisfaction du client Les clients exigent des fournisseurs davantage de services à valeur ajoutée, Mesurer la valeur de ces services dans des termes significatifs pour les clients prend donc une importance croissante. Ne pas parvenir à le faire entraînera une érosion de la rentabilité, car le coût de fourniture des services risque de ne pas être compensé par un juste retour. AG 5 010 − 2 La satisfaction du client suppose que les entreprises tiennent leurs engagements pour l’ensemble des composants du mix marketing : produit, prix, promotion et livraison. L’élément livraison représente ce que le fabricant dépense pour servir le client, en quelque sorte la « production » du système logistique [1]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle ___________________________________________________________________________________________________ MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ■ Nécessité et avantages de mesurer la satisfaction du client Quatre raisons au moins justifient que les entreprises doivent se concentrer sur le service au client : — des clients satisfaits sont des clients fidèles qui répètent leurs achats ; — gagner un nouveau client peut coûter cinq fois plus cher que de conserver une clientèle établie ; — les clients non satisfaits feront très probablement part de leur mécontentement à d’autres ; — enfin, il est plus rentable de vendre plus à des clients existants que de trouver de nouveaux acheteurs pour la même augmentation des ventes [2]. C’est pourquoi de nombreuses entreprises font régulièrement des enquêtes afin de cerner les besoins des clients et de définir des niveaux de service de manière à ce que les compromis entre les revenus et le coût logistique total soient reconnus. ● Plus précisément, les dirigeants peuvent recourir à des audits pour identifier les éléments du service qui ont une incidente importante sur les décisions d’achat des clients et évaluer les niveaux de service offerts par chaque acteur majeur du marché [3]. Ces données peuvent alors servir à déterminer comment améliorer la perception par le client du service que lui offre l’entreprise. La satisfaction du client est donc une mesure essentielle, parce qu’elle guide l’équipe dirigeante pour aligner l’offre de services sur les attentes des clients, notamment en matière de performance financière, car élever le niveau des services peut entraîner de manière directe une augmentation du chiffre d’affaires et une réduction des charges des clients. Toutefois, l’amélioration des services entraînera souvent des coûts supplémentaires pour le fournisseur. Les entreprises cherchent donc à accroître leur part de marché en investissant dans la logistique de manière plus efficace et plus judicieuse que leurs concurrents de manière à offrir à leurs clients des services supérieurs au coût le plus rentable pour elles-mêmes. ● En outre, les mesures de satisfaction du client ne sont pas compliquées à mettre en place. S’il existe plusieurs approches pour mesurer et gérer la satisfaction du client, celle qui est généralement considérée comme la meilleure consiste à comparer la performance de l’entreprise à celle de certains concurrents et d’identifier les éléments qui offrent des possibilités de différenciation. En général, les mesures de satisfaction du client sont compilées au travers de sondages. Exemple : le tableau 1 présente le type d’information qu’ils permettent de recueillir. Ce sondage était destiné à évaluer à la fois le service et d’autres attributs du mix marketing. Les deux colonnes de gauche montrent que le classement des attributs n’a pas été influencé par l’ordre des questions sur le questionnaire. Dans cet exemple, douze des dix-huit attributs qui obtiennent la note moyenne la plus élevée en termes d’importance aux yeux du client concernent le service au client (lié à la logistique), ce qui renforce la place tenue par cet élément dans le mix marketing. Un écart type faible dans le classement par ordre d’importance pour le client indique une faible variation dans les évaluations individuelles de l’importance d’un attribut. Pour les attributs où l’écart type est large, il faut utiliser les données démographiques pour déterminer quel client attend quel service. ■ Limites de la mesure de satisfaction du client pour évaluer la logistique ● Cette méthode laisse au client le soin de mesurer la valeur du service qui lui est fourni. Si l’on s’appuie uniquement sur des notes de satisfaction pour mesurer la valeur apportée aux clients, ceux-ci peuvent reconnaître la qualité supérieure des services sans toutefois être disposés à payer un prix plus élevé ou à augmenter leurs volumes d’achat. Ils peuvent objecter que les prestations sont effectivement meilleures mais que les prix sont trop élevés. En effet, les études que nous avons menées dans un certain nombre de secteurs d’activité ont montré que certains clients qui décernent d’excellentes notes à un fournisseur, en termes de satisfaction, couvriront un plus grand pourcentage de leurs besoins pour la catégorie de produits concernée auprès de ce fournisseur et/ou sont davantage susceptibles de payer un prix plus élevé. Toutefois, le nombre d’entreprises dans ce cas est faible, ce qui indique qu’en règle générale, les fournisseurs ne recueillent pas le juste fruit de leurs efforts pour améliorer leur performance. Ainsi, si l’amélioration du service ne se traduit pas par un avantage financier pour le client, elle peut ne pas être récompensée, l’augmentation des ventes ou du prix peut ne pas être aussi forte qu’elle le pourrait. Aussi bonnes que soient les mesures de satisfaction du client, elles n’illustrent pas l’avantage financier que le fournisseur apporte au client. Or, des taux d’exécution plus élevés, des livraisons ponctuelles et des délais de fabrication plus courts ont des conséquences financières pour le client en termes de coûts et de revenus. Le fournisseur doit donc mesurer ces avantages pour les vendre au client. ● Les mesures de satisfaction du client ne sont pas en ellesmêmes suffisantes pour vendre la valeur de la logistique en interne. Il est important de faire le lien entre les niveaux de performance et les coûts dans ce domaine d’une part, les flux de revenus et les coûts correspondants de l’autre. Sinon, les dirigeants ne verront que le coût de la logistique sans percevoir le potentiel de création de revenus associé à un service client de haut niveau. 2.2 Valeur ajoutée pour le client La valeur ajoutée pour le client (VAC) est une autre mesure très utilisée qui s’appuie également sur la satisfaction du client. Les mesures de VAC ont été développées dans la littérature marketing pour déterminer la valeur apportée aux clients finaux mais elles sont aujourd’hui utilisées par des consultants comme Gale [4] avec leurs clients, dans un contexte interentreprises (business to business). ■ La satisfaction du client, telle qu’elle est exprimée par la VAC, s’appuie sur la capacité à apporter au client une valeur au-delà du prix. En effet, comme Naumann [5] l’a montré dans son livre Creating customer value: the path to competitive advantage, le prix n’est qu’un élément de la valeur. Les clients veulent la qualité au juste prix. Ils utilisent les attributs des produits et des services pour évaluer les avantages attendus. Les avantages perçus sont divisés par le sacrifice perçu (coûts et risques) pour calculer la valeur attendue par le client : Avantages perçus Valeur attendue par le client = -------------------------------------------------Sacrifices perçus avec Avantages perçus = attributs du produit + attributs du service Sacrifice perçu = coût de l’opération + coût sur le cycle de vie + risque Ainsi, une entreprise peut accroître la valeur pour le client en élevant la qualité des attributs du produit ou du service ou bien en réduisant le coût de l’opération, le coût sur le cycle de vie ou le risque. La qualité du produit et celle du service sont la justification du prix. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 3 MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ (0) Tableau 1 – Importance de la performance des fournisseurs d’un produit de consommation, évaluée par les acheteurs Performance (2) Attributs Importance (1) Fournisseur 1 Moyenne Écarttype Écarttype Fournisseur 2 Écarttype Fournisseur 3 Écarttype Fournisseur 4 Écarttype Fournisseur 5 Écarttype Rang Rubrique Description 1 30d Qualité de la force de vente : honnêteté 6,6 1,0 5,8 1,3 6,1 1,4 5,9 1,5 5,4 1,8 5,6 1,7 2 19 Compétitivité des prix 6,5 0,8 5,3 1,6 5,9 1,2 5,9 1,2 5,1 1,8 5,3 1,7 3 40 Précision dans l’exécution des commandes 6,5 0,8 6,0 1,3 6,1 1,0 5,8 1,3 5,7 1,2 6,0 1,1 4 10 Réactivité du fournisseur aux baisses de prix pratiquées par les concurrents 6,4 1,0 5,1 1,6 5,0 1,8 5,2 1,8 4,6 1,8 4,8 1,9 5 33 Conditions de transport : port payé 6,3 1,3 6,4 0,9 6,5 0,8 6,8 0,4 6,5 1,0 6,2 1,3 6 6c Délais d’exécution pour les commandes urgentes 6,3 1,9 5,6 1,4 5,8 1,4 5,7 1,2 5,6 1,3 5,6 1,5 7 4 Prise en charge par le fournisseur des frais de transport et de manutention sur les produits retournés parce qu’endommagés ou non conformes à la commande 6,3 1,4 5,9 1,6 6,1 1,8 5,9 1,7 5,6 1,8 5,8 1,7 Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne Moyenne 8 15 Préavis suffisant de modification des prix 6,3 1,0 5,2 1,5 5,1 1,5 5,0 1,5 4,8 1,7 5,2 1,6 9 43c Taux d’exécution élevés pour les commandes urgentes 6,2 1,2 5,8 1,3 6,0 0,9 5,6 1,3 5,6 1,3 5,9 1,1 10 25b Capacité du fournisseur à gérer les retours de produits défectueux 6,2 1,2 5,5 1,7 5,8 1,8 5,4 1,5 5,4 1,8 5,5 1,5 11 3 Aptitude à accélérer l’exécution des commandes urgentes 6,2 1,0 5,4 1,6 5,0 2,0 5,6 1,1 5,1 1,8 5,5 1,6 12 43b Taux d’exécution élevé pour les commandes promotionnelles 6,2 1,4 5,5 1,5 5,8 1,0 5,6 1,2 5,3 1,4 5,8 1,1 13 43a Taux d’exécution élevé pour les commandes de réassortiment 6,2 1,3 5,6 1,4 5,7 1,0 5,7 1,2 5,5 1,1 5,8 1,1 14 6a Durée des délais d’exécution annoncés pour les commandes normales 6,1 1,1 5,4 1,5 5,7 1,6 5,8 1,0 5,3 1,2 5,5 1,4 15 2 Qualité/durabilité des emballages 6,1 1,2 5,7 1,4 5,7 1,3 6,0 0,8 5,9 1,1 5,8 1,2 16 47 Respect par le fournisseur de vos instructions spécifiques pour les expéditions 6,1 1,2 5,4 1,5 5,5 1,6 5,3 1,5 5,3 1,5 5,5 1,5 17 6b Durée des délais d’exécution annoncés pour les commandes publicitaires/promotionnelles 6,1 1,5 5,4 1,5 5,5 1,5 5,5 1,2 5,5 1,2 5,6 1,4 18 34 Rapidité de la réponse aux demandes d’aide formulées par les représentants du fournisseur 6,1 1,2 5,5 1,0 5,9 1,3 5,8 1,1 5,4 1,6 5,6 1,6 (1) (2) Note moyenne sur une échelle de 1 (pas important) à 7 (très important). Échelle de 1 (mauvais) à 7 (excellent). Exemple : si une entreprise fabrique des produits de mauvaise qualité ou offre des services médiocres, le prix basé sur la valeur tombera. Si l’équipe dirigeante fixe des prix trop élevés pour un niveau déterminé de qualité du produit et du service, la valeur et les ventes en pâtissent. Par conséquent, pour l’entreprise, « l’enjeu est de trouver le moyen d’ajouter de la valeur à un produit de telle manière que la surcote générée par la valeur additionnelle soit supérieure au coût marginal de la valeur ajoutée » [5]. ■ Gale [4] associait également la qualité perçue par le marché (celle du produit et celle du service) à une valeur exceptionnelle pour le client, lorsque la valeur est définie comme la qualité perçue par le marché ajustée du prix relatif des produits du fournisseur. ● Selon Gale [4] : — le client achète sur la base de la valeur ; — la valeur est donnée par le rapport qualité/prix ; — la qualité inclut tous les attributs autres que le prix, pour le produit comme pour le service au client ; — la qualité, le prix et la valeur sont interdépendants. AG 5 010 − 4 En d’autres termes, le jugement d’un client sur la qualité, le prix et la valeur d’une offre de produits est subordonné à la performance d’un fournisseur par rapport à celle de ses concurrents. ● La figure 1 montre comment, selon Gale, l’entreprise crée de la valeur pour le client et, ce faisant, influe sur des résultats comme la rentabilité, la croissance et la création de valeur pour les actionnaires : — la première étape consiste à comprendre ce qu’attendent les clients de marchés bien définis. Les dirigeants doivent identifier des segments de marché et déterminer ce qui guide les décisions d’achat pour chacun d’eux ; — avec ces informations et des processus de développement des produits et de contrôles qualité efficaces, l’entreprise peut offrir au client un niveau de qualité supérieur dans les domaines où ses attentes sont les plus fortes ; — ensuite, par le biais de la publicité et d’autres formes de communication, l’entreprise informera les clients qu’elle les a écoutés et qu’elle a répondu à leurs besoins, créant ainsi la qualité perçue par le marché ; — l’efficacité des processus de développement et de contrôle qualité réduit le coût de celle-ci au minimum et donne à l’entreprise un leadership par le coût, qui se traduit par des résultats exceptionnels du point de vue de la valeur pour le client et de la performance financière qui se répercutent sur la rentabilité, la croissance et la valeur créée pour les actionnaires. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle ___________________________________________________________________________________________________ MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE Processus efficaces du développement et de contrôle qualité Comprendre les besoins du client sur un marché bien défini Qualité supérieure dans les domaines importants pour les clients Publicité et autres communications commerciales Coût qualité faible et leadership par les coûts Exemple : dans l’exemple présenté sur le tableau 2, le but de l’équipe dirigeante était d’identifier la performance comparative de l’entreprise pour l’attribut « Livraison des produits quand vous le voulez ». L’entreprise a obtenu la note moyenne de 3,35 contre 3,32 pour le meilleur fournisseur. La division des deux notes a produit un ratio supérieur à 1 (1,01). La note pour l’attribut « Avoir les informations nécessaires sur tous les documents d’expédition » était de 3,67 mais l’entreprise n’avait pas pu obtenir une note pour le meilleur concurrent et n’a donc pas pu calculer de ratio. Pour l’attribut « Concordance entre la livraison et la commande », l’entreprise a obtenu une note de 4 contre 3,67 au meilleur, soit un ratio de 1,05. Globalement, pour l’attribut « Livraison des produits », l’entreprise a obtenu une note de 3,89 contre 3,74 à ses concurrents, soit un ratio de 1,04. Qualité perçue par le marché (0) Tableau 2 – Résultats de l’enquête de satisfaction Trois attributs Valeur exceptionnelle pour le client Performance (1 mauvais..., 5 excellent) Entreprise Meilleur concurrent Ratio entreprise/ meilleur concurrent Livraison des produits quand vous le voulez 3,35 3,32 1,01 Avoir les informations nécessaires sur tous les documents d’expédition 3,67 NA (1) Concordance entre la livraison et la commande 4,00 3,76 Questions/attributs Résultats opérationnels, rentabilité, croissance et création de valeur pour les actionnaires Figure 1 – Création de valeur perçue par le client [4] ● Les entreprises dont les produits et les services représentent une valeur plus grande que ceux que leurs clients pourraient acquérir auprès de concurrents, feront mieux que leurs concurrents en termes de chiffre d’affaires, de marge bénéficiaire, de parts de marché et de valeur pour les actionnaires. La valeur ajoutée pour le client est la valeur perçue de l’offre d’un fournisseur divisée par la valeur perçue, des meilleures offres concurrentes VOF VAC = -----------VOC VOF = Valeur perçue de l’offre du fournisseur VOC = Valeur perçue des offres concurrentes Exemple : des entreprises comme Lucent Technologies, Texas Instruments et Fletcher Challenge (Nouvelle-Zélande) se servent de cette mesure pour fournir des produits et des services représentant pour les clients une valeur supérieure à celle des produits ou services qu’ils peuvent acheter à des fournisseurs concurrents dans des marchés semblables. – Pour obtenir une mesure de valeur globale pour chaque concurrent de premier plan, on se sert d’une macroquestion comme celleci : Considérant les produits et les services que vous avez achetés, estimez-vous qu’ils valent le prix que vous les avez payés ? Les dirigeants collectent également des données sur des attributs spécifiques avec un niveau de détail suffisant pour pouvoir opérer les changements nécessaires en vue d’élever la mesure de la VAC. 1,05 (1) Non obtenu. Mais le « concurrent immédiat » n’est pas à chaque fois la même entreprise. Avec cette démarche, la performance de l’entreprise est comparée à celle du fournisseur le plus performant pour chaque attribut. Parce que plusieurs concurrents auront très probablement des points forts différents, le meilleur ne sera sans doute pas la même entreprise à chaque fois, mais plutôt la somme des points forts d’un groupe d’entreprises. Bien entendu, compte tenu du fait que cette note composite ne représente pas un fournisseur précis, les clients ne peuvent pas lui acheter de produits ou de services. – L’étape suivante dans l’évaluation de la VAC est de multiplier les ratios par 100 puis de les comparer aux résultats de la base de données PIMS (Profit Impact of Marketing Strategy) [6] concernant l’impact sur les bénéfices de la stratégie marketing, indiqués dans le tableau 3. Si une entreprise obtient une note supérieure de 10 % à celle du meilleur de ses concurrents, elle fait partie des entreprises « exceptionnelles » qui représentent 15 % de toutes celles recensées dans la base de données PIMS. Une note supérieure de 3 % à 10 % classe l’entreprise dans la catégorie « supérieure à la moyenne », soit 25 % des entreprises, et ainsi de suite. (0) Tableau 3 – Distribution des niveaux de VAC Catégorie Niveaux de VAC % d’entreprises par catégorie Exceptionnel > 110 15 % Au-dessus de la moyenne 103-110 25 % Moyenne 98-102 20 % En dessous de la moyenne < 98 40 % Source : base de données PIMS [6]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 5 MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ On pourrait penser que, quelle que soit l’excellence d’une entreprise, si un concurrent majeur s’approche de sa performance à 10 % près, elle ne pourra pas être « exceptionnelle » selon cette méthode de mesure de la valeur. En fait, le principal problème de la VAC est qu’il est onéreux de se hisser au niveau de l’exceptionnel et qu’il n’est pas facile de convertir cette performance en avantages pour le client qui justifieraient un prix plus élevé ou des volumes d’achat plus importants. La question qui se pose donc est de savoir quel ratio supérieur à 1 (100 %) une entreprise doit-elle atteindre pour justifier une augmentation du prix et que lui en coûtera-t-il d’atteindre ce niveau de performance ? ■ En tant que mesure de création de valeur soit externe (du point de vue du client) soit interne (du point de vue des dirigeants), une lacune de l’analyse du coût total est qu’elle ne tient pas compte de l’incidence sur les revenus. Par ailleurs, plus les logisticiens se concentreront sur les économies de coût pour justifier leur existence, plus les dirigeants auront tendance à ne voir dans la logistique qu’une possibilité de réduire les charges. Si les logisticiens veulent être pleinement reconnus pour la contribution qu’ils apportent, l’analyse du coût total n’est pas la méthode optimum. 2.4 Analyse de la rentabilité 2.3 Analyse du coût total ■ Dans la perspective de la vente de la valeur au client, la faiblesse des deux premières mesures (§ 2.1), (§ 2.2) est que le fournisseur laisse à l’acheteur le soin de déterminer l’avantage économique du niveau de satisfaction ou de la VAC. Beaucoup de clients ne le feront pas. C’est donc au fournisseur de traduire en termes d’avantages financiers pour le client et de justifier l’augmentation de prix demandée pour une meilleure qualité de service. L’analyse du coût total peut être définie comme la démarche qui vise à réduire au minimum l’ensemble des charges logistiques (y compris le transport, l’entreposage, les stocks, le traitement des commandes et les systèmes informatiques, les achats et les coûts de production par lot, les coûts de réception, des conditions particulières, les coûts qualité, etc.) tout en atteignant un niveau donné de service au client [7]. Le principe de base de l’analyse du coût total est de prendre en compte le coût total de toutes les activités logistiques plutôt que de tenter de réduire leur coût individuel, pour réaliser de véritables économies. Cette analyse peut être élargie pour inclure tous les coûts de propriété et pas uniquement ceux liés à la logistique. C’est ce que l’on appelle le « coût total de propriété » [9] [8]. Le but est d’évaluer ce qu’il en coûte de traiter avec l’entreprise, de comparer avec un autre fournisseur, et de montrer au client les avantages financiers associés à un meilleur niveau de service. Ainsi, il faut traduire des taux d’exécution, des délais de fabrication et une ponctualité supérieurs à ceux des concurrents en accélération des taux de rotation des stocks et donc en coûts de possession unitaires moindres. Au lieu de dire aux clients que l’entreprise est plus performante que ses concurrents en termes de ponctualité des livraisons, que ses taux d’exécution des commandes sont meilleurs et que ses délais de fabrication sont plus rapides, mieux vaut montrer au client comment cette performance influe sur ses investissements dans les stocks. Exemple : si le client achète un produit 100 € et que ses coûts de possession sont de 36 %, le coût d’une rotation est de 36 €. En divisant ce chiffre par le nombre de rotations effectives, on peut calculer le coût unitaire. Si grâce à un meilleur service de son fournisseur le client élève le nombre de rotation de ses stocks à 12 au lieu de six pour les produits d’un concurrent, le coût de possession unitaire serait de 3 € (36 €/12) au lieu de 6 € (36 €/6) pour le concurrent. Le gain de 3 € par rotation peut servir à justifier un prix plus élevé que celui du concurrent. ■ L’analyse du coût total peut être utilisée pour illustrer la performance de la logistique aussi bien en interne qu’en externe. Les coûts logistiques sont une charge majeure et les actifs logistiques représentent une part importante des actifs totaux. Ainsi, la réduction de l’ensemble des coûts associés à la logistique représente une création de valeur pour l’entreprise. Le but ultime ne doit cependant pas être de réduire les coûts d’une entité en les transférant à une autre. Il doit être de réduire le coût total pour tous les maillons de la chaîne logistique. AG 5 010 − 6 Du point de vue du client, l’analyse du coût total part du principe que les fournisseurs considérés sont neutres en termes de revenus, c’est-à-dire que le choix du fournisseur n’influera pas sur le niveau du chiffre d’affaires réalisé. Si ce n’est pas le cas, cette analyse est insuffisante. Exemple : si Toshiba vend davantage d’ordinateurs portables parce qu’ils ont l’étiquette « Intel Inside », Intel ne voudra pas que le client compare le coût total d’un microprocesseur Intel à celui d’un microprocesseur Advanced Micro Devices (AMD). L’analyse de la rentabilité par segment utilisant une approche basée sur la contribution de chaque segment est une mesure de valeur beaucoup plus performante lorsque des considérations de revenus entrent dans les critères retenus par les clients pour le choix des fournisseurs. Avec cette méthode, seuls les frais généraux variables et les charges fixes évitables sont déduits (cf. tableau 4). (0) Tableau 4 – Analyse de la rentabilité par segment : contribution de chaque segment déduction faite des actifs utilisés FourFourFournisseur A nisseur B nisseur C Coût des marchandises vendues Marge brute Plus : Remises et avoirs Fonds de développement du marché Prime au groupage Publicité groupée Marge nette Coûts variables marketing & logistique Transport Réception Traitement des commandes Autres coûts (selon la situation) Marge de contribution Coûts fixes imputables Salaires Publicité Coûts de possession moins : charge pour comptes fournisseurs Autres coûts (selon la situation) Marge contrôlable L’analyse de la rentabilité par segment aide les dirigeants à évaluer avec précision des options stratégiques : lignes de produits à introduire ou à retirer, opportunité d’augmenter les prix des produits dont la demande n’est pas élastique ou de réduire ceux des produits à fort volume [10]. Cette analyse intègre l’impact non seu- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle ___________________________________________________________________________________________________ MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE lement sur le coût mais aussi sur le revenu, sachant que le niveau du service au client peut influer sur le volume des ventes de celui-ci. Par conséquent, l’entreprise peut allouer des ressources rares aux segments les plus rentables et éliminer ou redynamiser les segments qui ne le sont pas. Pour un client, les segments peuvent être Fournisseur A, Fournisseur B et Fournisseur C. Les questions à poser sont : quel chiffre d’affaires le client génère-t-il avec les produits de chacun de ces fournisseurs ? Et quels sont les frais généraux associés à chaque fournisseur ? Les tableaux de rentabilité par segment aident à comprendre les implications sur le revenu et les coûts pour l’entreprise de la valeur ajoutée offerte au client. La même démarche peut être suivie en interne pour mesurer l’incidence de la logistique sur la rentabilité de segments tels que les clients, les types d’activités, la zone géographique, le territoire de vente et les produits. 2.5 Modèle de profit stratégique ■ Les deux méthodes précédentes – analyse du coût total (§ 2.3) et analyse de la rentabilité par segment (§ 2.4) – ont l’inconvénient de ne pas mesurer le coût des actifs autres que les stocks et les comptes clients. Le modèle de profit stratégique démontre de quelle manière la gestion des actifs et des marges influe sur le rendement des actifs et le rendement des capitaux propres, c’est-à-dire le rendement des fonds propres plus les bénéfices non distribués (figure 2). Les pratiques les plus courantes dans la gestion des actifs et du cash-flow consistent à réduire les comptes clients et les stocks. Mais lorsqu’elles sont appliquées sans prendre parallèlement des mesures visant à améliorer la rentabilité ou l’efficacité des systèmes logistiques, ces deux pratiques peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la performance financière de l’entreprise. En effet, procéder à des coupes sombres dans le niveau des stocks sans tenir compte de leurs effets sur d’autres coûts logistiques peut alourdir le coût total de la logistique. De même, réduire les comptes clients peut avoir des effets néfastes pour le client et provoquer une baisse du chiffre d’affaires. Le modèle de profit stratégique aide les responsables à déterminer l’impact global des décisions relatives aux flux monétaires et à l’utilisation des actifs. ■ La figure 2 illustre les nombreuses incidences de la logistique sur le rendement des capitaux propres. ● Tout d’abord, une meilleure gestion de la logistique (mesurée par la durée des délais de fabrication, les stocks disponibles et les taux d’exécution des commandes, par exemple) peut se traduire par une augmentation du chiffre d’affaires au travers de prix ou de volumes de ventes plus élevés ou de délais de mise sur le marché plus courts pour les nouveaux produits. Le coût des marchandises vendues peut être abaissé en générant des liquidités par la réduction des stocks et/ou des comptes clients et en les investissant dans de nouveaux équipements de production qui permettront des changements d’outils plus rapides et qui seront plus performants (réduction des coûts de main-d’œuvre et des déchets et meilleur rendement énergétique). Ce coût peut également être réduit en diminuant le coût des achats grâce à la logistique. Le coût total peut être diminué par une logistique plus performante dans un certain nombre de catégories de charges précisées dans la figure 2. Ces actions se traduiront par une amélioration sensible de la rentabilité. En ce qui concerne le bilan, l’excellence dans la logistique peut permettre de réduire les actifs circulants et les immobilisations et donc d’accélérer la rotation des actifs. L’amélioration de la rentabilité et l’accélération de la rotation des actifs ont un effet favorable sur le rendement des actifs. Ce résultat, associé à une réduction du levier financier par la diminution de l’endettement, élève le retour sur les capitaux propres mais dans des proportions moins importantes que ne le permettrait le réinvestissement des liquidités dans l’activité. En règle générale, les entreprises qui disposent de liquidités importantes n’ont pas de rapport capitalisation/bénéfices élevés. ● Réinvestir les fonds disponibles dans l’activité comme le montre la figure 2 est l’option que choisissent le plus souvent les entreprises. Il est plus productif d’affecter les liquidités dégagées par la réduction des actifs affectés à la logistique à la modernisation des installations, au développement de nouveaux produits ou à d’autres investissements qui génèrent le taux minimum de retour sur les nouveaux investissements que souhaite l’entreprise. Dans ce cas, tout l’impact sur le rendement des capitaux propres serait dû à des changements dans le compte de profit et perte. La rotation des actifs resterait la même puisque les liquidités dégagées par la réduction des stocks et des comptes clients sont réinvesties dans de nouveaux actifs plus productifs. Le levier financier reste donc le même. Toutefois, l’impact sur le chiffre d’affaires et la taille des réductions de coût serait nettement supérieur avec cette option, et l’accroissement du rendement des capitaux propres serait plus important que dans l’exemple précédent (remboursement de la dette). Nota : il est intéressant de noter que si les charges fixes augmentent, le levier opérationnel s’accroît, ce qui peut à la fois augmenter le risque et grever la valeur. ■ Avantages et inconvénients de la méthode Le modèle de profit stragétique peut servir à mesurer et à vendre la valeur de la logistique aux clients. Il est également utile pour montrer à l’équipe dirigeante le rôle de la logistique dans le succès de l’entreprise. Il n’est cependant pas sans poser certains problèmes. Notamment, il faut estimer l’incidence de la logistique sur le chiffre d’affaires. À cet égard, les sondages de satisfaction auprès des clients peuvent être très utiles. Les systèmes de mesure des coûts peuvent fournir les données sur les coûts et le système logistique peut donner les informations sur les niveaux de stock et les autres actifs. Bien que le modèle de profit stratégique présente plusieurs avantages par rapport aux méthodes de mesure de la valeur dont on a déjà parlé, un consensus très net en faveur de la mesure de la création de valeur pour les actionnaires, considérée comme plus performantes pour l’évaluation des conséquences financières des stratégies que les méthodes comptables classiques, semble émerger parmi les chercheurs. 2.6 Valeur créée pour les actionnaires Mesurer la valeur créée pour les actionnaires est devenu une manière fiable et durable pour analyser la valeur de nombreuses activités et mesurer les conséquences d’une panoplie de stratégies et d’investissements sur la valeur totale de l’entreprise [11]. ■ Le principe de cette théorie est qu’une entreprise crée de la valeur lorsqu’elle atteint ou dépasse un coût du capital qui reflète correctement son risque d’investissement [12]. L’hypothèse sous-jacente donnée par Rappaport [13] est que la valeur d’une entreprise est égale à la valeur actuelle nette (VAN) de ses futurs flux monétaires, actualisée au coût du capital approprié (Net present value-NPV). En se focalisant sur le cash-flow, la mesure basée sur la valeur créée pour les actionnaires pallie les insuffisances des mesures financières classiques. De plus, en utilisant la valeur actualisée, le modèle tient compte de l’élément temps pour le gain et le risque d’investissement. Pendant de nombreuses années, on a reproché aux mesures comptables classiques d’être basées sur le passé et le court terme, alors que la prise de décision est orientée vers l’avenir et les résultats à long terme. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 7 AG 5 010 − 8 = Levier financier X % Rendement des actifs Bénéfice net Actifs totaux Bénéfice net (Capitaux propres) = (Capitaux propres) X ( Actifs totaux ) Rendement des capitaux propres ( % Marge nette Ventes nettes Actifs totaux Rotation des actifs Bénéfice net Ventes nettes ( MODÈLE DE PROFIT STRATÉGIQUE ) ) Actifs totaux Ventes Ventes Bénéfice net Immobilisations Actifs circulants Charges totales Marge brute Autres actifs circulantts + Comptes clients + Stocks Charges variables Coût des marchendises vendues Ventes - Réduction des coûts pour : . Assurance . Taxes . Coûts de stockage fixe . Coûts des stocks (risque) - Réduction des besoins de main-d'œuvre - Réduction des coûts de sous-traitance du stockage - Réduction des coûts informatiques Coûts de possession des stocks Coûts de stockage Systèmes informatiques Figure 2 – Impact de la logistique sur le rendement des capitaux propres Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle - Augmentation des investissements dans la modernisation des installations de production - Réduction de l'espace de stockage nécessaire - Réduction grace à des paiements plus rapides (réduction des erreurs) - Réduction du capital immobilisé dans les stocks - Réduction des coûts d'encadrement - Réduction des retards dans les expéditions - Réduction des sinistres fret - Réduction des coûts du fret Coûts de transport Frais généraux et administratifs - Réduction des coûts de gestion des commandes - Diminution des changements de fabrication de dernière minute Coûts production par lot - Réduction des coûts grâce à des installations de production plus performantes - Réduction du prix des matières achetées - Augmentation des ventes grâce à l'amélioration du service client Impact de la logistique MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________________________________ MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ■ Copeland, Koller et Murrin ont expliqué pourquoi la valeur créée pour les actionnaires doit être la mesure privilégiée : « Les études empiriques montrent qu’augmenter la valeur créée pour les actionnaires n’est pas contradictoire avec les intérêts à long terme des autres parties intéressées. Les entreprises performantes semblent créer davantage de valeur que les autres pour toutes les parties prenantes : clients, employés, État (avec les impôts payés) et bailleurs de fonds. Il existe pourtant d’autres raisons – d’une nature plus conceptuelle mais tout aussi convaincantes – d’adopter un système qui privilégie les actionnaires. Tout d’abord, on ne connaît pas de meilleure mesure de performance que la valeur. Ensuite, les actionnaires sont les seuls, parmi toutes les parties prenantes de l’entreprise, qui maximisent simultanément les droits de chacune d’elles et les leurs. Enfin, les entreprises qui ne sont pas performantes voient les capitaux les fuir au profit de leurs concurrents » [15]. Ils ajoutent un autre argument pour démontrer que la valeur est la meilleure mesure : « La valeur (cash-flow actualisé) est la meilleure mesure parce que c’est la seule qui exige une transparence totale dans l’information. Pour comprendre la création de valeur, il faut raisonner à long terme, gérer tous les flux monétaires sur le compte de résultat et le bilan, et savoir comparer les flux monétaires à différentes périodes en tenant compte des risques » [15]. Chaque décision prise par les dirigeants se reflète dans la valorisation de l’entreprise. Aucune autre mesure n’est aussi complète. Selon Copeland, Koller et Murrin, la valeur ne peut pas être une mesure à court terme si elle est correctement mise en œuvre, mais les autres peuvent l’être : « Le bénéfice par action ou le rendement des capitaux propres sont généralement utilisés sur une période relativement brève – quelques années au mieux. Par ailleurs, le bénéfice par action tend à se focaliser essentiellement sur la gestion du compte de résultats et accorde peu d’importance au montant réel et à la chronologie des flux monétaires. Même le différentiel entre le retour sur le capital investi (ROI – return on investment –) et le coût du capital peut être une mauvaise mesure s’il est utilisé uniquement dans une perspective immédiate et parce qu’il encourage le sous-investissement (récolter le produit de l’activité pour accroître le ROI). Lorsque la gestion de la valeur est bien conduite, les résultats se reflètent dans la valeur ajoutée du marché (MVA – market value added –). D’autres mesures de performance, comme la croissance des bénéfices, le rendement des capitaux propres et le différentiel entre le ROI et le coût du capital sont moins complètes que la création de valeur et ont une corrélation moins étroite avec la valeur de marché réelle des entreprises » [15]. ■ La capacité à créer de la richesse pour les actionnaires est essentielle à la survie des entreprises. Deux écoles de pensée sur la manière dont les dirigeants doivent relier la performance de l’entreprise à la création de valeur pour les actionnaires sont aujourd’hui largement acceptées : — l’analyse de la valeur pour les actionnaires (SVA – store value added –), établie par Rappaport [13] ; — la valeur économique ajoutée (EVA – economical value added –), introduite par Joël Stern [14]. Montrer aux clients de quelle manière les activités logistiques de l’entreprise influent sur la valeur créée pour leurs propres actionnaires est la mesure ultime de l’impact financier de la logistique. ● Rappaport a identifié sept déterminants génériques de la valeur de toute entreprise : — le taux de croissance des ventes ; — la marge opérationnelle ; — le taux d’imposition ; — les besoins en capitaux immobilisés ; — les besoins en fonds de roulement ; — le coût du capital ; — la période de planification [13]. Le but est d’analyser les alternatives stratégiques en termes de valeur afin de pouvoir maximiser celle-ci. Cette approche reconnaît l’importance d’une meilleure prise en compte des flux monétaires historiques et met en évidence de manière plus précise que les mesures comptables traditionnelles la relation entre les retours pour les actionnaires et la mesure des flux monétaires. L’analyse permet d’établir la valeur totale créée pour les actionnaires en actualisant les flux monétaires au coût du capital pour la période de planification d’une stratégie déterminée. Pour calculer les flux au-delà de cette période, on utilise un modèle ad infinitum dans lequel le résultat d’exploitation prévisionnel de l’exercice écoulé est divisé par le coût pondéré du capital pour l’entreprise. Le calcul tient compte du coût d’opportunité du capital et la valeur n’est majorée que si les retours sont supérieurs à ce coût du capital. Cette approche a l’avantage de projeter la valeur au-delà de la période préétablie de planification d’une stratégie et permet de mieux juger les différentes options du point de vue de l’entreprise. Le risque est, toutefois, qu’elle ne mette pas en lumière la valeur réelle au-delà de la période de planification puisque les retours sont censés être égaux au coût du capital pour l’entreprise, sans tenir compte du fait qu’une augmentation du chiffre d’affaires au-delà de cette période peut générer des retours supérieurs au coût du capital. ● L’EVA (valeur économique ajoutée) est une alternative à l’analyse de la valeur pour les actionnaires qui calcule la valeur totale pour les actionnaires sur la base d’un différentiel de performance, c’est-à-dire l’excédent du ROI (retour sur le capital investi) par rapport au coût du capital qui, après multiplication par le capital investi, donne la valeur économique ajoutée pour chaque période de la prévision. Les EVA sont ensuite actualisées et additionnées pour déterminer une prime qui est ensuite ajoutée au capital investi pour déterminer la valeur de l’action ordinaire. Le processus de calcul de l’EVA est très bien documenté par Stewart [16], Mills et Print [17] et Ehrbarg [18]. Le principe de la démarche EVA est que les actionnaires mesurent la création de valeur et non la préservation. Sont donc déduites toutes les dépenses en capital destinées à entretenir les installations et les équipements, ainsi que les dividendes puisque l’actionnaire a investi les fonds en vue d’un ROI supérieur [19]. ■ Copeland, Koller et Murrin, après avoir travaillé sur un projet de recherche sur la finance d’entreprise chez McKinsey & Company, Inc., ont mis au point plusieurs méthodes de calcul de la valeur [20]. Ils ont, en fait, présenté deux démarches basées sur la cash-flow actualisé (DCF) pour évaluer une entreprise : le modèle DCF global et le modèle de profit économique. Le modèle de DCF global calcule la valeur des fonds propres d’une entreprise en déduisant du résultat d’exploitation actualisé de l’entreprise (égal à la valeur actualisée du cash-flow prévisionnel) la valeur actualisée de la dette et autres droits des investisseurs supérieurs aux actions ordinaires. Dans le modèle de profit économique, la valeur de l’entreprise est égale au montant du capital investi plus une prime ou un escompte égal à la valeur réelle nette des flux monétaires générés chaque année. En d’autres termes, le profit économique est égal à la différence entre le ROI (retour sur le capital investi) et le coût du capital, multipliée par le montant du capital investi. Ce modèle est particulièrement approprié pour juger de la performance d’une entreprise sur un seul exercice, ce qui n’est pas le cas du modèle DCF global. Bien que présentés sous des formes et des appellations différentes, ces deux modèles sont presque identiques respectivement à l’analyse de la valeur pour les actionnaires et à l’EVA. Copeland, Koller et Murrin ont identifié trois catégories d’inducteurs de valeur : — les inducteurs génériques ; — les inducteurs propres aux business units ; — les inducteurs opérationnels. Si les premiers sont proches des inducteurs mentionnés dans l’étude de Rappaport, ces auteurs franchissent un palier supplémentaire avec les autres niveaux et en les reliant tous aux stratégies et Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 9 MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ aux décisions opérationnelles. Si la logistique est considérée comme une business unit : — les inducteurs génériques peuvent être le taux de croissance des ventes, le taux d’imposition, la marge opérationnelle, les besoins en capitaux fixes et en fonds de roulement, le coût du capital et la période de planification ; — les inducteurs de valeur business unit pour la logistique peuvent comprendre la qualité du service, le coût logistique total et la durée du cycle commande-livraison ; — les inducteurs opérationnels peuvent être la flexibilité dans la composition des livraisons par camion, le taux d’exécution des commandes, la régularité des cycles de commande, les coûts de possession des stocks, les coûts de transport et les coûts de stockage. Arzac a développé une formule pour évaluer le potentiel de création ou de destruction de valeur au niveau des business units plutôt que de l’ensemble de l’entreprise [21]. La valeur peut être mesurée dans la perspective du fournisseur ou dans celle du client. Il faut mesurer l’incidence des programmes logistiques et du service client qui en résulte sur la valeur de l’activité du client. Il faut aussi mesurer en quoi ces programmes influent sur la valeur de l’entreprise du fournisseur. Les logisticiens pourront ainsi obtenir dans l’entreprise la reconnaissance qui leur a été refusée jusqu’à présent. 3. Incidence de la logistique sur l’EVA La logistique peut influer sur l’EVA (valeur ajoutée économique) dans chaque domaine : le revenu, les charges d’exploitation, le fonds de roulement et les immobilisations [11]. La figure 3 illustre ces conséquences. ■ Revenu Le service apporté au client par la logistique peut avoir un impact majeur sur le volume des ventes et la fidélité des acheteurs. S’il n’est généralement pas possible de chiffrer la corrélation exacte entre services et ventes, de nombreuses études ont été faites qui indiquent un rapport positif [22] [23]. Un service au client supérieur (en termes de fiabilité et de réactivité) peut contribuer à renforcer la fidélité d’un acheteur à son fournisseur. Les données recueillies permettent de penser qu’un taux de fidélité plus élevé se traduit par une augmentation des volumes de vente. Les clients sont plus enclins à accroître leurs achats à un fournisseur qui leur assure un service de qualité dans la durée. De plus, si la valeur de ce service supérieur est mesurée et vendue au client, la pression sur les marges sera réduite et l’effet sur le revenu sera positif. ■ Charges d’exploitation Le potentiel de réduction des charges d’exploitation par l’intermédiaire de la logistique est considérable. Une large part des charges, dans une entreprise classique, est à mettre au compte des pratiques logistiques. Les économies qui peuvent être réalisées directement dans les coûts au niveau du transport, du stockage, des achats et de la production par lot, des systèmes informatiques et les composantes non pécuniaires des coûts de possession des stocks par la réduction des stocks sont autant d’opportunités d’améliorer le résultat d’exploitation net après impôt. Les innovations qui se traduisent par une baisse des coûts, comme la réduction des délais dans la chaîne logistique, doivent être documentées pour montrer aux dirigeants et aux clients comment ces économies influent sur leur mesures d’EVA. ■ Fonds de roulement La logistique peut avoir un impact notable sur les besoins en fonds de roulement. Par définition, des chaînes logistiques longues génèrent davantage de stocks. L’exécution des commandes et la précision de la facturation influent directement sur la ponctualité du recouvrement des comptes clients. Un encaissement plus rapide et moins de stocks libèrent des liquidités pour d’autres investissements. Les besoins en fonds de roulement peuvent être réduits en serrant les délais dans la chaîne logistique pour améliorer le temps de cycle décaissementencaissement (le laps de temps entre le paiement des achats de matières et la vente des produits et l’encaissement des fonds). Ce cycle peut avoir une durée de six mois ou plus dans les industries manufacturières [11]. Revenu Niveaux de service au client Coûts de transport Résultat d'exploitation net après impôt Coûts de stockage Coûts de production par lot Charges Composante non pécuniaire des coûts de possession des stocks -- EVA Fonds de roulement Capital employé = Coûts des systèmes informatiques Coût du capital X Stocks Comptes clients + Équipement/véhicules Immobilisations Terrains/installations (en propriété) Terrains/installations (loués) Figure 3 – Influence de la logistique sur l’EVA AG 5 010 − 10 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle ___________________________________________________________________________________________________ MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE L’élimination au sein de la chaîne logistique du temps qui ne génère pas de valeur ajoutée permet de réduire les besoins en fonds de roulement. ■ Immobilisations La logistique est une activité à forte proportion d’actifs et dans de nombreuses entreprises le potentiel de réduction des actifs est important. L’investissement dans des camions et des matériels de manutention est souvent lourd, tout comme la construction ou la location d’installations de stockage. Lorsqu’il est possible de réduire l’investissement du client dans des immobilisations, l’impact sur son EVA doit être mesuré. De même, si la fonction logistique met en œuvre des programmes qui réduisent l’investissement de l’entreprise dans des immobilisations destinées à la logistique, l’effet sur l’EVA doit être mesuré et « vendu » à l’équipe dirigeante. 4. Vendre la valeur associée à la logistique Il est essentiel de mesurer la valeur en se plaçant dans la perspective du client [9], car une fois mesurée, elle doit lui être vendue. Il importe, à ce stade, d’identifier qui, dans l’entreprise cliente, est le destinaire approprié pour cette information. ■ Pour la planification, il faut garder en tête que la valeur est une cible mobile. On peut attendre des clients qu’ils acceptent de payer plus cher un service uniquement s’il est réellement meilleur que celui des concurrents. À mesure que ceux-ci progressent, le fournisseur privilégié doit faire de même. Ce qui représente une valeur ajoutée une année ne le sera pas l’année suivante si les concurrents parviennent au même niveau de service. ■ De plus, le rôle des forces de vente évolue. Les vendeurs sont de plus en plus souvent des conseillers. Par rapport aux produits et aux services qu’ils vendent, ils doivent connaître l’activité du client mieux que celui-ci. Et ils doivent en permanence chercher de nouveaux moyens d’apporter une valeur ajoutée au client. C’est pourquoi les méthodes pour mesurer et pour vendre la valeur créée par la logistique doivent obligatoirement faire partie de la formation des vendeurs. ■ Il est également capital de vendre la valeur fournie par la logistique à l’entreprise elle-même. On se servira des enquêtes de satisfaction auprès des clients pour estimer l’impact de la logistique sur le chiffre d’affaires. Des mesures de performance logistique doivent être développées pour déterminer l’incidence de la logistique sur les charges d’exploitation, le fonds de roulement et les immobilisations. Sinon, la fonction logistique et ses programmes peuvent être menacés. Tous les membres de l’équipe dirigeante doivent savoir que la logistique contribue à la performance de l’entreprise en termes de prix de l’action. (0) Tableau 5 – Avantages et inconvénients comparés de différentes mesures de valeur Mesure de valeur Avantages Inconvénients Satisfaction du client • A un impact direct sur le résultat au travers du chiffre d’affaires et des coûts logistiques • Améliore la part de marché • Permet d’adapter les services aux besoins du client • Mesures relativement faciles à obtenir • Le client fait le travail en remplissant le questionnaire • Laisse au client le soin de déterminer si le niveau de satisfaction justifie un prix plus élevé ou des volumes d’achat plus importants au fournisseur • Laisse à des dirigeants non logisticiens l’identification de l’impact – inexistant dans la plupart des cas – sur le revenu • Basée sur la notion qu’une valeur ajoutée supérieure Valeur ajoutée au prix a un effet positif sur les ventes, les marges et la valeur créée pour les actionnaires client • Mesures relativement faciles à obtenir • Le client fait le travail en remplissant le questionnaire • Laisse au client le soin de déterminer si le niveau de la valeur ajoutée justifie un prix plus élevé ou des volumes d’achat plus importants au fournisseur • Ne mesure pas l’impact financier de l’élévation des niveaux de VAC Analyse du coût total • Les prix et les coûts associés sont pris en compte • Les managers peuvent accroître les bénéfices en réduisant le coût total de la logistique • Le revenu et les frais généraux sont pris en compte Analyse de la rentabilité par segment • Mesure le bénéfice net, le rendement des actifs, le Modèle de pro- rendement des capitaux propres fit stratégique • Aide les managers à évaluer les flux monétaires et dans la gestion des actifs Valeur créée pour les actionnaires • Reconnaît le facteur temps dans la valeur du capital et le risque d’investissement • Se focalise sur le cash-flow pour compenser les déficiences des mesures financières classiques • Ne tient pas compte de l’incidence sur le revenu du service lié à la logistique • Plus longue car doit être effectuée client par client • Nécessite l’accès aux données de coût • Perpétue l’idée que la logistique n’est qu’un centre de coût qu’il faut réduire • Ne mesure pas le coût des actifs utilisés, à l’exception des stocks et des comptes clients • Requiert des données sur le revenu et les coûts du fournisseur. Le client peut ne pas disposer de ces informations ou ne pas désirer partager les données du fournisseur • Nécessite un système comptable complexe • Ne prend pas en compte le moment des flux monétaires • Sujet à manipulation à court terme • Outre les revenus et les coûts, il faut connaître les actifs affectés à la relation • Problèmes de mise en œuvre au niveau des taux d’actualisation, de la période de planification et des prévisions de cash-flow (chaînon manquant entre la stratégie opérationnelle et la valeur créée pour les actionnaires) • Méthode qui exige le plus de données • Méthode la plus longue et la plus coûteuse à mettre en œuvre. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle AG 5 010 − 11 MESURER LA VALEUR DE LA LOGISTIQUE ___________________________________________________________________________________________________ 5. Conclusion Les avantages et les inconvénients des différentes méthodes de mesure de la valeur sont résumés dans le tableau 5. Les mesures de satisfaction du client sont les plus couramment utilisées dans les entreprises [24] [25]. Ce sont pourtant les moins éclairantes d’un point de vue financier et elles auront rarement pour résultat d’inciter le client à accepter des prix plus élevés ou à augmenter ses volumes d’achat. Dans certains cas, on peut utiliser l’analyse du coût total, mais il nous semble que si les clients sont prêts à payer des services à valeur ajoutée qui influent sur leur chiffre d’affaires, cette analyse n’est pas une mesure acceptable de la valeur de la performance du fournisseur. De plus, l’analyse du coût total, lorsqu’elle est utilisée dans l’entreprise pour illustrer la valeur générée par la logistique, renforce l’idée selon laquelle la logistique n’est qu’un centre de coûts. Lorsque la performance logistique a des implications en termes de revenu, l’analyse du coût total est inadaptée. Par exemple, si l’entreprise vend le produit au consommateur par l’intermédiaire de distributeurs, la mesure de valeur doit être la contribution aux bénéfices. Il se confirme que tout ce qu’un fournisseur peut faire pour aider ses clients à mieux servir leurs propres clients et/ou le consommateur, apporte une valeur ajoutée. Mais tout doit être fait pour montrer l’impact financier de ces efforts de création de valeur. Si l’acheteur est jugé uniquement sur la marge et les rotations de stock, il faudra « vendre » la valeur à un niveau plus élevé dans l’entreprise. Un processus d’éducation doit être mis en route. Les acheteurs achèteront en fonction des critères qui détermineront leur récompense. Si le critère de jugement est uniquement la marge brute et non la rentabilité, leur seule considération sera la marge brute. Toutefois, il est de plus en plus fréquent que les entreprises évaluent la contribution par unité produit/lieu de stockage (PLS) et mesurent les charges et les produits correspondant à chaque fournisseur. Lorsque cette pratique sera généralisée, les acheteurs seront plus enclins à tenir compte de l’ensemble des charges et des produits associés à différents fournisseurs. Ils étudieront les coûts de transport, de stockage et les autres charges qui apparaissent dans leurs bilans, et s’efforceront d’estimer l’impact des fournisseurs sur le revenu. La valeur pour les actionnaires nous semble la mesure la plus complète. Il convient donc de rechercher des moyens rentables de mesurer l’impact de la logistique sur la valeur créée pour les actionnaires. Quels sont le délai et le coût nécessaires pour déterminer l’impact des activités logistiques sur la valeur boursière de l’entreprise cliente et sur le cours de l’action du fournisseur ? Est-il possible de segmenter le marché sur la base de la valeur ? Un autre point important est la mobilité de la valeur et le fait que les clients ne paieront que l’augmentation de la valeur ajoutée. Les entreprises doivent sans cesse innover pour créer toujours plus de valeur ajoutée pour les clients puis leur en démontrer les avantages financiers pour eux-mêmes. Enfin, il faut convaincre les responsables des autres fonctions que la valeur apportée au client se traduit en création de valeur pour les actionnaires de l’entreprise. Références bibliographiques [1] LAMBERT (D.M.) et LEWIS (Ch.). – « Managing Customer Service to build Market Share and Increase Profit », Business Quarterly, Vol. 48, n° 3, p. 50 (1983). [2] HESKETT (J.L.), SASSER Jr. (W.E.) et SCHLESINGER (L.A.). – The Service Profit Chain, New York, NY: The Free Press, p. 57-59 (1997). [3] LAMBERT (D.M.) et STOCK (J.R.). – Strategic Logistics Management, 3rd Edition, Homewood, IL : Richard D. Irwin, Inc., p. 127143 (1993). 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Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité L’entreprise industrielle