Généralités
La terminologie “rémis-
sion partielle/complète”
dans le cadre des épisodes
dépressifs majeurs existe
depuis plusieurs décen-
nies. Mais c’est seulement
récemment que des essais
de définitions précises ont
été formulés. Ces
concepts ont des implica-
tions sur la prévalence, les
caractéristiques cliniques
et le pronostic de la patho-
logie de l’humeur.
La rémission partielle
concernerait un tiers des
sujets traités pour dépres-
sion. Elle peut augmenter
le risque de rechute et avoir des consé-
quences négatives sur les performances
socioprofessionnelles.
Les classifications,
propositions de définitions
Les descriptions de rémission lors de syn-
dromes dépressifs sont faites dans les clas-
sifications internationales, telles que celle
du Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux de l’American Psychia-
tric Association (DSM-IV) et la Classifi-
cation internationale des troubles mentaux
et des troubles du comportement de l’Or-
ganisation mentale de la santé (CIM 10).
Le DSM-IV différencie la rémission par-
tielle de la rémission complète.
D’une part, la rémission partielle se définit
par la présence des symptômes d’un épi-
sode dépressif majeur (EDM), sans que
tous les critères soient remplis au complet,
ou l’existence d’une “période d’une durée
inférieure à deux mois suivant la fin d’un
EDM, sans aucun symptôme significatif
d’EDM”. D’autre part, la rémission com-
plète nécessite l’absence de “signe ou
symptôme significatif de l’affection depuis
deux mois”.
Dans la CIM 10, la symptomatologie se
rapprochant de la rémission est dénom-
mée “trouble dépressif récurrent actuel-
lement en rémission” et est cotée F33-4.
Elle se définit par la présence de “critères
d’un trouble dépressif récurrent (F33)
dans le passé” et l’absence actuelle de “cri-
tères d’un épisode dépres-
sif ou de ceux d’un autre
trouble cité (F30-39)”. Les
troubles cotés de F30 à
F39 représentent les
troubles de l’humeur
(affectifs).
Dans les antécédents du
patient, nous retrouvons la
présence “d’au moins
deux épisodes dépressifs,
ayant persisté au moins
deux semaines et ayant été
séparés par un intervalle
d’au moins plusieurs mois
sans perturbation signifi-
cative de l’humeur”.
Par ailleurs, la prescription
d’un traitement chimio-
thérapique pouvant dimi-
nuer le risque de récidive ne permet pas
d’éliminer ce diagnostic.
À la différence de celle décrite dans le
DSM-IV, la définition de la CIM 10 pré-
cise le nombre d’états dépressifs anté-
rieurs.
D’une manière générale, avant la dispari-
tion complète d’une symptomatologie
dépressive, un patient peut être en rémis-
sion partielle ou totale selon que la réponse
à la thérapeutique est partielle ou totale.
La phase de rémission partielle corres-
pond à une période d’amélioration, dont
la durée varie de quelques semaines à six
mois, de laquelle les critères de sévérité
de l’état dépressif sont absents mais où des
symptômes “résiduels”, pouvant être plus
que minimes, persistent. En fait, le début
de la phase de réponse coïncide avec la
période de rémission partielle ; à la nuance
près que la terminologie nécessite la mise
en place d’un traitement.
166
Lévolution, spontanée ou sous traitement, d’un épisode
dépressif peut se faire vers une rémission. Selon le dic-
tionnaire de médecine Flammarion, la définition de la
rémission est “l’atténuation ou la disparition provisoire
des symptômes d’une maladie”.
Ce concept de rémission dans les états dépressifs est
abordé de diverses manières. De nombreuses définitions
sont élaborées, et plusieurs critères sont déterminés.
Après avoir précisé quelques généralités concernant la
rémission, nous en citerons les définitions essentielles.
Ensuite, nous étudierons quelques facteurs pouvant avoir
un rôle prédictif dans la survenue de cette évolution d’un
épisode dépressif. Enfin, nous proposerons des perspec-
tives thérapeutiques qui peuvent être envisagées.
* CHU de Reims
** CHG de Bastia
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 5, mai 2000
mise au point
Mise au point thérapeutique
Rémission des états dépressifs majeurs :
quelles définitions ?
C. Debacq*, F. Sisco**, C.S. Peretti*
ACTUALITÉ PSY MAI 2/09/02 15:19 Page 166
La rémission complète, quant à elle, suc-
cède le plus souvent à la rémission par-
tielle. Elle est déterminée par une phase
d’amélioration sans symptomatologie
dépressive vraie et durable, sur quelques
semaines à six mois.
La dépression est considérée comme résis-
tante, si la réponse à de nombreux traite-
ments bien menés, c’est-à-dire à posologie
efficace durant une période suffisante d’une
à deux mois, n’est pas satisfaisante.
À propos de la dépression
saisonnière
Selon Rosenthal, le seasonal affective
disorder (SAD), ou dépression d’automne,
ou dépression saisonnière, correspond à un
trouble d’adaptation aux variations de l’en-
vironnement. Ainsi, dans cette définition, il
existerait un rapport de causalité entre le
trouble de l’humeur et les saisons. La
dépression typique hivernale est caractéri-
sée par un état dépressif récurrent en
automne et en hiver, et une rémission com-
plète ou un état hypomaniaque, voire
maniaque, en été.
Dans le DSM-IV, ce trouble de l’humeur
n’est pas classé comme une entité nosogra-
phique particulière mais correspond soit à
un trouble bipolaire, soit à un épisode
dépressif majeur récurrent.
Toutefois, certaines de ces dépressions sai-
sonnières ont quelques particularités. En
effet, certains patients présentent un état
dépressif typique en hiver, mais avec une
rémission incomplète en période estivale.
Une étude a été réalisée chez ces patients et
ceux souffrant de dépression hivernale de
même intensité, en rémission complète
durant l’été, afin de comparer dans ces deux
groupes le contexte démographique, l’his-
toire de la maladie, les symptômes cliniques
et la réponse à un traitement léger. En Nor-
vège, Lingjaerde et ses collaborateurs ont
montré que les patients appartenant au pre-
mier groupe, donc avec une rémission
incomplète en été, présentaient un trouble
de l’humeur d’une durée plus longue, utili-
saient plus souvent un antidépresseur et
récupéraient au niveau symptomatologique
de manière moins significative après un
léger traitement d’une durée de six jours.
Néanmoins, des biais existaient dans cette
étude, le groupe de sujets en rémission
incomplète en été était d’effectif faible, et
l’évaluation des troubles de l’humeur esti-
vaux était rétrospective.
Il a été démontré que les patients souffrant
d’une dépression en hiver, avec une rémis-
sion partielle durant l’été, répondaient mal
à un traitement antidépresseur léger. La
rémission complète l’été serait retenue
comme un critère diagnostique des états
dépressifs typiques pendant l’hiver.
Facteurs de risque
Des facteurs de risque d’absence de rémis-
sion ou de récurrence d’épisodes dépressifs
ont été décrits. Il s’agit du manque d’édu-
cation, d’une idéation et d’une humeur
dépressives initiales plus sévères, d’une
dépression majeure secondaire, de la prise
antérieure d’un traitement antidépresseur,
d’une comorbidité médicale et de liens de
parenté distendus. L’identification et la prise
en compte de ces facteurs de risque, avant
même l’évaluation de l’intensité de la symp-
tomatologie dépressive et le choix du traite-
ment médicamenteux prescrit, permettraient
d’améliorer l’évolution clinique à long
terme.
Un patient, qui souffrirait de symptômes
résiduels après un traitement antidépresseur
bien conduit pour EDM, aurait plus de
risque de présenter une rechute que les
patients cliniquement asymptomatiques au
décours d’une prise en charge psychiatrique
par chimiothérapie et psychothérapie.
Des critères, tels que le sexe (masculin), la
structure de personnalité, la présence d’évé-
nements de vie stressants, le nombre d’épi-
sodes dépressifs antérieurs, l’état clinique
du patient après le dernier épisode, la durée
du symptôme avant la prise en charge et la
présence de traits psychotiques ou endo-
gènes particuliers, interviendraient comme
facteurs prédictifs de l’évolution de la
dépression.
La présence de caractéristiques cliniques
serait l’indice de prédictivité supérieure
d’une évolution chronique de la sympto-
matologie dépressive. Nous citerons les
principales : une asthénie sévère, la perte
d’intérêt dans les activités habituelles, des
troubles du sommeil, des idées noires ou sui-
cidaires, des troubles du comportement. Un
patient ni heureux ni sûr de lui, isolé socia-
lement, sans ami, a plus de risque de pré-
senter une dépression de longue durée.
Néanmoins, les sujets traités par un antidé-
presseur et suivis dans le cadre d’une psy-
chothérapie ont plus de chances de présen-
ter une évolution vers une rémission
complète ou partielle que ceux ne suivant
aucun traitement ou nonobservants à la thé-
rapeutique.
Perspectives thérapeutiques
Chez un patient présentant un état dépres-
sif en rémission partielle, plusieurs orien-
tations thérapeutiques sont envisageables.
Le médecin peut soit poursuivre le projet
de soins déjà mis en place, soit le modi-
fier. Si aucune amélioration symptomato-
logique ne survient après un délai suffi-
sant, le thérapeute devra revoir la prise en
charge. Par ailleurs, dans le cas où aucun
traitement n’est proposé au sujet, et que la
rémission partielle n’évolue pas vers une
rémission totale, des soins seront prescrits.
Un traitement antidépresseur permet d’in-
duire une rémission et de prévenir une
rechute. Il est nécessaire de rappeler qu’un
patient présentant un EDM et recevant un
traitement en phase aiguë peut retrouver
un niveau de fonctionnement social adapté
et être asymptomatique cliniquement.
Des études concernant l’efficacité des
antidépresseurs montrent un taux de
réponse de 50 à 60 %, mais des taux de
167
thérapeutique
Mise au point thérapeutique
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Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 5, mai 2000 168
rémission de seulement 20 à 30 %. C’est
avec la venlafaxine (Effexor®) que le plus
fort taux de rémission aurait été enregistré.
L’antidépresseur idéal serait celui qui per-
mettrait d’obtenir la rémission la plus impor-
tante.
D’autres études concernant l’EDM précisent
que 30 à 50 % des patients rechuteront durant
une période de 4 à 6 mois suivant le traite-
ment médicamenteux.
La durée de la chimiothérapie intervient : les
patients ne prenant pas le traitement pendant
un temps suffisamment long présentent un
risque élevé de rechute. Environ 75 à 80 %
des sujets non compliants dans la durée souf-
friront d’une dépression récurrente.
Le taux de rechute peut être réduit par un
traitement prolongé, d’une durée de 3 à
5ans, avec, par exemple, l’imipramine
(Tofranil®).
La prescription d’inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine (SSRis), la nefa-
zodone et la mirtazapine, permettrait d’ob-
tenir un taux de rechute inférieur à celui exis-
tant suite à la prise d’un placebo.
Selon Kupfer, un traitement de la phase
aiguë d’un premier épisode dépressif chez
un patient doit se prolonger au minimum
5 mois après la rémission des symp-
tômes. Lors d’une récurrence, la chimio-
thérapie précédemment efficace sera pres-
crite à nouveau dès le retour évident des
symptômes, à posologie suffisante et durant
4 à 5 mois. Parfois, devant certaines dépres-
sions récurrentes, une durée de traitement
de 3 ans sera nécessaire.
Un antidépresseur inhibiteur de la recap-
ture de la sérotonine et de la noradrénaline,
tel que la venlafaxine, serait bien toléré et
efficace lors des traitements de longue
durée.
Nous n’insisterons pas sur l’importance
d’une prise en charge psychothérapique
chez ces patients. Selon leur possibilité
d’élaboration et leur demande d’aide, elle
est analytique ou éventuellement à orienta-
tion analytique, voire même de soutien.
Chez les sujets hospitalisés, une prise en
charge institutionnelle constitue un soutien
supplémentaire permettant une diminution
de la souffrance psychique.
Certaines études ont montré l’intérêt de trai-
tements cognitivo-comportementaux des
symptômes résiduels au décours d’un EDM,
mais seulement dans les quatre premières
années. Ces prises en charge améliorent
l’évolution à long terme de l’EDM, en
termes de nombres totaux d’épisodes.
Conclusion
Il semble essentiel de préciser l’importance
du concept de rémission au décours d’un
EDM. Il doit être considéré avec attention,
car il a un retentissement sur les plans cli-
nique, diagnostique, évolutif, pronostique et
dans la prise en charge de la souffrance psy-
chique du patient.
Certains patients, malgré la prise d’un traite-
ment antidépresseur, présentent des symp-
tômes résiduels à l’origine de détresse psy-
chique. Ces troubles peuvent correspondre
aux critères d’une dépression mineure. Par
ailleurs, ces sujets ont un plus grand risque
de rechute ou de récurrence après traitement
antidépresseur que les patients asymptoma-
tiques après chimiothérapie.
Il est important d’insister sur l’intérêt de pro-
poser un suivi prolongé, y compris d’instau-
rer une prévention, afin d’améliorer le pro-
nostic de la dépression et par conséquent la
qualité de vie des patients souffrant d’EDM.
En recherche clinique et thérapeutique, la
prise en compte de cette évolution potentielle
est importante. Le groupe des patients souf-
frant d’EDM doit être intégré, d’une part, dans
des études cliniques longitudinales et, d’autre
part, dans des protocoles d’essai thérapeu-
tique de nouvelles molécules.
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