Théorème du point fixe de Lefschetz

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Projet de Semestre
automne 2007
Théorème du point fixe de Lefschetz
Luc Genton
Professeur Responsable :
K. Hess Bellwald
1
Table des matières
1. Introduction
2. Simplexes et complexes simpliciaux
2.1. Simplexes
2.2. Complexes simpliciaux
2.3. Applications simpliciales
2.4. Complexes généraux
2.5. Complexes simpliciaux abstraits
3. Homologie
3.1. Rappel d'algèbre
3.2. Groupes d'homologie
3.3. Groupes d'homologie de quelques surfaces
3.4. Homologie de dimension nulle
3.5. Homologie du cône
3.6. Homologie relative
3.7. Homomorphismes induits par des applications simpliciales
3.8. Complexes de chaîne et supports acycliques
4. L'homologie comme invariant homotopique
4.1. Approximation simpliciale
4.2. Subdivisions barycentriques
4.3. Le Théorème d'approximation simpliciale
4.4. Un peu d'algèbre des subdivisions
4.5. Invariance topologique des groupes d'homologie
4.6. Homomorphismes induits par des applications homotopiques
5. Le Théorème du point xe de Lefschetz
5.1. Le Théorème
5.2. Ses applications
Références
1.
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Introduction
Dans ce présent rapport, je présente l'homologie simpliciale ainsi que le
théorème du point xe de Lefschetz. Tout au long de ce rapport, je travaillerai sur un type particulier d'espaces topologiques. Il s'agira d'espaces
sous-jacents des complexes simpliciaux. Les complexes sont des assemblages
de briques de diverses dimensions, les simplexes. Des exemples seront donnés
pour illustrer l'idée que travailler sur des espaces décrits par des simplexes
n'est en rien limitatif. Les surfaces, par exemple, peuvent être approximées
par des simplexes de dimension deux (des triangles.)
L'homologie simpliciale se construit sur les complexes simpliciaux, en deux
étapes. On associe d'abord à un complexe K une famille de groupes abéliens
Cp et une famille d'homomorphismes ∂p : Cp → Cp−1 , puis on calcule les
groupes d'homologie Hp de ce complexe de chaîne. On verra que ces groupes
d'homologie ne dépendent en fait que du type d'homotopie de l'espace topologique que décrit le complexe K .
Après avoir présenté quelques propriétés et méthodes de calcul de l'homologie simpliciale, je traite d'une propriété du nombre de Lefschetz. Le
2
nombre de Lefschetz caractérise une fonction f : |K| → |K| où |K| est l'espace topologique sous-jacent un complexe K ni. Il se calcule à partir de
l'homomorphisme que f induit sur les groupes d'homologie et ne dépend
donc que de la classe d'homologie de f . Le théorème du point xe de Lefschetz dit que si le nombre de Lefschetz de f est non-nul, alors f possède un
point xe.
La démarche suivie et la plupart des preuves de ce rapport sont tirées des
Elements of Algebraic Topology de J. K. Munkres [1].
2.
Simplexes et complexes simpliciaux
Dans les deux premières parties, l'objet mathématique de base utilisé dans
ce rapport est déni. Il s'agit du complexe simplicial. Les complexes simpliciaux sont des assemblages cohérents de briques élémentaires : les simplexes.
2.1. Simplexes.
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Notation 2.1. Dans Rn muni de la norme standard kxk :=
x2i 2 , pour
x = (x1 , ..., xn ), on notera la boule de dimension n comme suit :
P
et la sphère
B n = {x ∈ Rn | kxk ≤ 1}
de dimension n − 1 :
S n−1 = {x ∈ Rn | kxk = 1}
Ainsi, B 0 est un espace à un seul point, B 1 sera l'intervalle [−1, 1] et
S 0 = {−1, 1}.
Notation 2.2. De manière générale, dans un espace topologique X , pour
un ensemble A ⊂ X , on notera A◦ , A et BdA respectivement l'intérieur, la
fermeture et le bord d'un ensemble, au sens topologique.
Définition 2.3. Un ensemble de point {a0 , a1 , ..., an } ⊂ RN est dit géométriquement indépendant si, ∀t1 , ..., tn ∈ R, les équations
n
X
ti = 0 et
i=0
n
X
ti ai = 0
i=0
impliquent que ti = 0, ∀ 0 ≤ i ≤ n.
Remarque 2.4. On peut voir que les points a0 , a1 , ..., an sont géométriquement indépendants si et seulement si les vecteurs a1 − a0 , a2 − a0 , ..., an − a0
sont linéairement indépendants, au sens habituel du terme.
Démonstration. En eet,
n
X
si (a0 − ai ) = 0
i=1
⇐⇒
3
n
X
!
si
a0 −
i=1
n
X
s i ai = 0
i=1
⇐⇒
t0 a0 +
n
X
ti ai = 0 avec
i=1
Et donc,
n
X
n
X
ti = 0
i=0
si (a0 − ai ) = 0 ⇒ si = 0 ∀ i
i=1
est équivalent à :
n
X
ti = 0 et
i=0
n
X
ti ai = 0 ⇒ ti = 0 ∀ i
i=0
Définition 2.5. On dénit le n-plan P engendré par les points géométriquement indépendants {a0 , ..., an } comme l'ensemble des points de la forme :
x=
n
X
ti ai avec {t0 , ..., tn } ⊂ R
i=0
Remarque 2.6. La remarque précédente permet de décrire P comme l'ensemble des points de la forme suivante, pour s1 , ..., sn ∈ R :
x = a0 +
n
X
si (ai − a0 )
i=1
Il est facile de voir que les scalaires ti et si sont uniquement déterminés
pour chacun des points x ∈ P et que pour tout point w ∈ RN en-dehors du
plan, l'ensemble des points {w, a0 , ..., an } est géométriquement indépendant.
Définition 2.7. Soit {a0 , ..., an } un ensemble géométriquement indépendant
de RN . Le simplexe σ de dimension n engendré par les points {a0 , ..., an }
est déni comme l'ensemble des points x ∈ RN qui sont tels que
x=
n
X
i=0
ti ai avec
n
X
ti = 1 , ti ≥ 0∀i
i=0
Les nombres ti étant uniquement déterminés pour chaque x ∈ σ , on peut
dénir les coordonnées barycentriques ti (x) de x par rapport aux points
a0 , ..., an .
Propriété 2.8.
(1) Les coordonnées barycentriques sont des fonctions
continues.
4
(2) Le simplexe σ est la réunion des tous les segments de droite allant de
a0 aux points du simplexe τ engendré par a1 , ..., an .
(3) Une paire de tels segments ne s’intersectent qu’en a0 .
(4) Le simplexe σ est un sous-ensemble compact et convexe de RN , égal
à l’intersection de tous les ensembles convexes contenant a0 , ..., an .
(5) Pour tout simplexe σ ⊂ RN , il n’y a qu’un unique ensemble de points
géométriquement indépendants qui l’engendre.
Démonstration.
(1) Les coordonnées barycentriques peuvent être construites
comme la composition de deux fonctions continues : l'application afne T envoyant a0 sur l'origine 0 et chaque vecteur de la forme ai −a0
vers le i-ème vecteur de la base canonique, ainsi que la i-ème coordonnée, qui projette les vecteurs de RN sur leur i-ème coordonnée.
Les coordonnées barycentriques s'écrivent donc ti = pi ◦ T |σ et sont
continues.
(2) Soit w ∈ τ . Ce point s'écrit, de manière unique, sous la forme suivante :
w=
n
X
t0i ai avec
i=1
n
X
t0i = 1
i=1
Le segment [a0 , w] s'écrit alors comme l'ensemble des points de la
forme :
ta0 + (1 − t)
n
X
t0i ai , t ∈ [0, 1]
i=1
Comme t + (t − 1) t0i = t + (t − 1)1 = 1, le segment [a0 , w]
est contenu dans σ . Réciproquement,
tous
P les points de σ peuvent
P
s'écrire sous la forme ta0 + (1 − t) t0i ai , t ∈ [0, 1] avec t0i = 1, et
donc font partie d'un segment allant de a0 à un point de τ .
(3) Supposons que deux segments distincts [a0 , w0 ] et [a0 , w1 ] se croisent
en un autre point que a0 . Ces deux segments sont donc colinéaires
et se chevauchent de a0 à wi , i = 0 ou 1, disons 0, sans perte de
généralité. Le point w0 fait donc partie du segment [a0 , w1 ]. On peut
donc écrire :
P
w0 = t0 a0 + (1 − t0 )
n
X
t0i ai , t0 ∈ (0, 1)
i=1
Où les t0i sont les coordonnées barycentriques de w1 dans τ . Comme
w0 ∈ τ , sa coordonée en a0 doit être nulle. L'égalité précédente rentre
en contradiction. On ne peut donc pas trouver de segments se croisant
ailleurs qu'en a0 .
5
(4) Le simplexe σ est compact, puisque fermé et borné dans RN . Il est
convexe puisque chaque point de laPforme tx +P(t − 1)yP
, x, y ∈ σ
estPà nouveau un point de la forme ti ai avec ti = t si + (t −
1) ri = t + (t − 1) = 1, où si et ri sont les coordonnées barycentriques respectives de x et y . L'inclusion de σ dans l'intersection
de tous les convexes contenant a0 , ..., an P
est claire, chacun
Pnde 0ces
n
0
convexes contenant les points de la forme i=1 ti ai avec i=1 ti =
1. L'inclusion inverse est elle aussi simple à constater, puisque σ est
un convexe qui contient a0 , ..., an et contient donc l'intersection de
tous les convexes ayant cette dernière propriété.
(5) Pour démontrer cette dernière propriété, nous allons d'abord montrer
que si x ∈ σ et x 6= ai ∀i, alors x est contenu dans un segment ouvert
contenu lui-même par σ . Si x 6= ai , ∀i, alors x a au moins deux
coordonnées
barycentriques non-nulles, plus petite que 1. Ainsi, si
P
x=
ti ai , x est contenu dans le segment
[(t − )tj aj + (1 − (t − ))
X
ti ai , (t + )tj aj + (1 − (t + ))
i6=j
X
ti ai ],
i6=j
où aj est un des points correspondants à une coordonnée non-nulle
de x.
Montrons maintenant, par l'absurde, que a0 n'est pas contenu par
un segment ouvert de σ . Supposons donc que ao ∈ Int[x, y] avec
x, y ∈ σ . On peut écrire x et y en coordonnées barycentriques :
x=
n
X
i=0
ti ai et y =
n
X
pi ai
i=0
Alors on peut exprimer a0 comme une combinaison convexe de x
et y :
a0 = t
n
X
i=0
ti ai + (1 − t)
n
X
p i ai
i=0
Par unicité des coordonnées barycentriques, les ti et si doivent
tous être égal à zéro, ce qui implique que x = y = a0 et rentre en
contradiction avec l'hypothèse que a0 puisse être à l'intérieur d'un
segment de σ .
Comme ce raisonnement est valable pour chaque ai , aucun des
points de {a0 , ..., an } ne peut être engendré par d'autres points de σ
et {a0 , ..., an } est donc l'unique ensemble engendrant σ .
6
Définition 2.9. Cette dernière propriété nous permet de dénir les points
a0 , ..., an comme étant les sommets du simplexe σ , ainsi que de dénir
le nombre n comme étant la dimension de ce simplexe, notée dim σ . Les
simplexes engendrés par des sous-ensembles de {a0 , ...an } sont appelés les
faces de σ. En particulier, les faces diérentes de σ lui-même seront dites
propres. La réunion des faces propres de σ forment le bord du simplexe,
noté Bdσ et on peut dénir l'intérieur de ce même simplexe comme l'ensemble σ ◦ = σ \ Bdσ . L'ensemble σ ◦ peut aussi être vu comme un simplexe
ouvert.
Exemple de simplexes de dimension allant de 0 (un
point) à 3 (un tetraèdre) :
Fig. 1.
Remarque 2.10.
• Le bord de σ correspond à l'ensemble des points dont
au moins une coordonnée barycentrique est nulle. En eet, les points du
bord font partie des faces propres de σ , et sont par conséquent engendrés par un sous-ensemble strictement plus petit que {a0 , ..., an }. En
conséquence, Intσ est constitué des points dont toutes les coordonnées
barycentriques sont non-nulles. On peut donc dire que pour chaque point
x ∈ σ , il y a exactement une face τ ⊂ σ telle que x ∈ Intτ .
• Si σ est un simplexe de dimension 0, c'est-à-dire constitué uniquement
d'un sommet, σ n'a pas de faces propres. L'intérieur de σ est alors luimême.
Propriété 2.11. Si σ est un simplexe de dimension n dans RN , alors il y
a un homéomorphisme entre σ et la boule B n qui envoie Bdσ sur S n−1 .
Démonstration. Cette propriété est une conséquence du lemme suivant. Lemme 2.12. Soit U ⊂ Rn un ensemble borné, convexe et ouvert. Soit
w ∈ U . Alors :
(1) Tout rayon partant de w intersecte BdU en un seul point ;
(2) Il existe un homéomorphisme entre U et B n qui envoie BdU sur
S n−1 .
7
Démonstration.
(1) Pour rappel, un rayon partant est une demi-droite
que l'on peut noter comme ceci : R = {u+tv|t ∈ R+ } où u est le point
de départ du rayon et v un vecteur (non-nul) donnant sa direction.
L'intersection entre un rayon R partant de w avec U est un convexe
borné ouvert dans R, puisqu'il est une intersection de convexes bornés, et puisque U est ouvert. On peut donc l'écrire comme suit :
R = {w + tp|t ∈ [0, a)} pour un certain a > 0. Par suite, R intersecte BdU au point x = w + ap. Supposons maintenant qu'il existe
un autre point y ∈ R ∩ BdU . Alors x se trouve entre w et y , puisque
les points entre w et x se trouvent dans U ◦ . Notons donc y = w + bp,
avec b > a. On obtient, en posant s = ab :
x = (1 − s)w + sy
qui est équivalent à :
w=
sy − x
1−s
On choisit alors une suite {yn }n∈N ⊂ U telle que yn → y , et on
dénit la suite {wn }n∈N de la manière suivante :
wn =
syn − x
1−s
Lorsque yn → y , {wn }n∈N converge vers w, et donc, à partir d'un
certain n0 ∈ N, wn est dans U . Comme U est convexe, x = (1 −
s)wn + syn est un point de U . L'ensemble U étant ouvert, x ∈ U est
en contradiction avec x ∈ BdU , et on ne peut donc pas trouver de
point y , comme on l'a supposé.
(2) On peut supposer sans perte de généralité que w = 0. La fonction
x
π : Rn \ {0} → S n−1 dénie par π(x) = kxk
est continue, en tant
que projection. La restriction f de π sur BdU est une une bijection,
de par le lemme 2.12(1). Comme f est bijective et continue entre
l'espace compact BdU et l'espace de Hausdor S n−1 , alors f est un
homéomorphisme.
Soit donc g = f −1 . On peut alors étendre g en une bijection G :
n
B → U en envoyant chaque segment de la forme [0, s], s ∈ S n−1
vers le segment [0, g(s)]. La fonction ainsi obtenue s'écrit précisément
comme ceci :
( x x si x 6= 0
g kxk
G(x) =
0
si x = 0
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Pour x 6= 0, il est clair que G est continue. En 0, on peut voir que
si kx − 0k < δ , alors kG(x) − 0k < M δ , pour M > supx∈U kg(x)k
(ce nombre existe puisque U est borné et g est continu.)
L'inverse de G est une extension de f sous la forme suivante :
(
F (x) =
kxk
kg(π(x))k π(x)
0
si x 6= 0
si x = 0
Tout comme G, elle est continue. On a donc bien un homéomorphisme entre U et S n−1 .
2.2. Complexes simpliciaux.
Dans cette partie, on dénit les complexes simpliciaux, et on munit les
espaces qu'ils décrivent d'une topologie.
Définition 2.13. Un complexe simplicial K dans RN est une famille de
simplexe de RN telle que :
(1) Si τ est une face de σ ∈ K , alors τ ∈ K .
(2) Si τ ∈ K et σ ∈ K sont deux simplexes, alors τ ∩ σ est une face de
chacun d'eux.
Exemple d'une famille de simplexes constituant un
complexe, en A, et d'une famille n'étant pas un complexe, en
B:
Fig. 2.
Lemme 2.14. Une collection de simplexes K est un complexe simplicial si
et seulement si les deux conditions suivantes sont vérifiées :
(1) Si τ est une face de σ ∈ K , alors τ ∈ K .
(2) Soient τ ∈ K et σ ∈ K , σ 6= τ , alors τ ◦ ∩ σ ◦ = ∅.
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Démonstration. Supposons d'abord que K est un complexe simplicial et
montrons qu'il satisfait le second point ci-dessus.
Soit σ et τ ∈ K . Si σ ∩ τ = ∅, alors les intérieurs des simplexes sont
disjoints. Dans le cas contraire, soit x ∈ σ ◦ ∩ τ ◦ . Par dénition, t = σ ∩ τ est
une face de chacun des simplexes. La face t ne peut pas être une face propre,
puisque cela impliquerait que x ∈ t ∈ Bdσ , ce qui est en contradiction avec
la supposition. Alors t = σ = τ et donc on a bien soit σ ◦ ∩ τ ◦ = ∅ soit σ = τ .
Supposons maintenant que K est un ensemble de simplexes satisfaisant
les deux conditions ci-dessus, et montrons que c'est un complexe simplicial.
La première condition de la dénition 2.13 est bien évidemment vériée.
Soit alors τ et σ ∈ K tels que τ ∩ σ 6= 0, et montrons que t = τ ∩ σ est la
face de τ et de σ engendrée par leurs sommets communs, b0 , ..., bn . Soit s ce
simplexe. Comme b0 , ..., bn ∈ t et t est convexe, alors s ⊂ t. Pour l'inclusion
inverse, soit x ∈ t. Par hypothèse, x ∈ v ◦ ∩ w◦ , pour des faces v ∈ σ et w ∈ τ .
De plus, l'hypothèse force que v = w. Ainsi, les sommets de v sont dans τ
(et ceux de w sont dans σ .) La face v = w fait donc partie de s et x est donc
dans s.
Définition 2.15. Un sous-complexe
S ⊂ K est une sous-famille de K
formant elle-même un complexe. Si K est la réunion d'un nombre ni de
simplexes, on dit que K est fini.
Remarque 2.16. Pour qu'une sous-famille de K soit un sous-complexe, il
sut qu'elle vérie la première condition de la dénition 2.13, puisque la
seconde est vériée automatiquement de par l'inclusion dans K .
Définition 2.17. Etant donné un complex simplicial K , on peut dénir le
sous-complexe formé des simplexes de dimension inférieure ou égale à p. On
appelle un tel sous-complexe le p-squelette de K , et on le note K (p) . On
appelle les éléments de K (0) les sommets de K .
Définition 2.18. Pour un complex simplicial K de RN , on dénit le sousensemble de RN suivant :
|K| =
[
σ
σ∈K
On dénit sur |K| la topologie suivante : on dit que A ⊂ |K| est fermé
si et seulement si A ∩ σ est fermé dans σ muni de la topologie induite par
RN , pour tout σ ∈ K . L'espace topologique |K| est alors appelé l'espace
sous-jacent de K , ou le polytope de K .
Démonstration. Pour vérier que la dénition précédente donne bien une
topologie, il faut observer les points suivants, en gardant à l'esprit le second
point de la dénition 2.13 :
(1) L'ensemble vide est fermé, puisque fermé dans RN et a fortiori dans
chaque σ , de même que |K| est fermé, puisque |K| ∩ σ = σ .
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(2) L'intersection d'une union nie de simplexes de K avec un simplexe
σ ∈ K est une réunion de faces de σ , et est donc fermée dans RN et
dans σ .
(3) L'intersection quelconque de simplexes de K est à nouveau un simplexe de K , et son intersection avec σ ∈ K est une face, et donc un
fermé
Lemme 2.19. Soit K un complex simplicial de RN . Alors σ◦ est ouvert
dans |K| si et seulement si il n’existe aucun τ ∈ K tel que σ soit une face
propre de τ .
Démonstration. Supposons que σ ne soit une face propre d'aucun simplexe
de K , et montrons que son intérieur est ouvert.
Il faut vérier que |K| \ σ ◦ est fermé. Soit τ ∈ K un simplexe diérent de
σ , alors, puisque σ 6⊂ τ :
τ ∩ (|K| \ σ ◦ ) = τ \ σ ◦ = τ
qui est un fermé de |K|, et donc σ ◦ est ouvert.
Supposons maintenant que σ ◦ est ouvert, et montrons par absurde qu'aucun simplexe de K ne contient σ comme face propre. Soit τ ∈ K tel que σ
en soit une face propre. Alors τ \ σ ◦ n'est pas fermé dans RN , et donc n'est
pas fermé dans τ , ce qui est en contradiction avec la supposition que σ ◦ est
ouvert.
Lemme 2.20. Un simplexe σ ∈ K est ouvert si et seulement s’il est disjoint
de tous les simplexes de K qui ne sont pas des faces de σ.
Démonstration. Le simplexe σ est ouvert dans |K| si et seulement si, ∀ τ ∈
K , l'ensemble (|K| \ σ) ∩ τ est fermé dans τ . Comme (|K| \ σ) ∩ τ = τ \ σ =
τ \ (σ ∩ τ ), il faut que σ ∩ τ ne soit pas une face propre de τ , ∀ τ ∈ K . On
peut donc conclure que σ doit être tel que τ \ σ = ∅ pour tout τ 6⊂ σ .
Proposition 2.21. La topologie de |K| est plus fine que celle de RN . Si K
est fini, alors la topologie induite par RN et celle de |K| coincident.
Démonstration. Soit F un ensemble fermé dans |K| dans la topologie induite
par RN . Alors F est de la forme B ∩ |K| avec B un fermé de RN , et on a :
F ∩ σ = B ∩ σ , pour tout σ ∈ |K|. Par dénition, F est fermé pour la topologie de |K|.
Supposons que K est ni et soit A un ensemble fermé de |K|. Alors A ∩ σ
est fermé dans σ , pour tout σ ∈ K . Comme A est la réunion d'un nombre ni
d'ensembles fermés de la forme A ∩ σ , A est fermé dans K pour la topologie
induite par RN , et donc, A est un fermé de RN , puisque |K| est une réunion
nie de simplexes, et donc fermé dans RN .
Lemme 2.22. Si L est un sous-complexe de K , alors |L| est un sous-espace
fermé de |K|. En particulier, si σ ∈ K , alors σ est un sous-espace fermé de
|K|.
11
Démonstration. Il faut montrer que si A est fermé dans |L|, il est aussi fermé
dans |K|, et inversément, que si A est fermé dans |K|, A ∩ |L| est fermé dans
|L|.
Soit A un fermé de |L|. Pour que A soit fermé dans |K|, on doit avoir
σ ∩ A fermé dans |K|, ∀σ ∈ K . L'intersection A ∩ σ est l'ensemble des faces
si de σ qui se trouve dans A. Comme A est fermé dans |L|, A ∩ si est fermé
dans si , et donc dans σ , ∀si ∈ A ∩ σ . L'ensemble A ∩ σ est l'union nie des
intersections A ∩ si et est donc fermé dans σ . Alors A est fermé dans |K|.
Inversément, si A est fermé dans |K|, chaque A∩σ est par dénition fermé,
en particulier quand σ ∈ L. Alors A ∩ |L| est fermé dans |L|.
Lemme 2.23. Soit X un espace topologique et K un complexe simplicial.
Une application f : |K| → X est continue si et seulement si f |σ est continue,
∀σ ∈ K .
Démonstration. Si f est continue, alors f |σ aussi, puisque σ est un sousespace de K . Inversément, supposons ∀σ ∈ K , f |σ est continue et soit F un
ensemble fermé de X . On a :
f −1 (F ) ∩ σ = (f |σ )−1 (F )
Le membre de droite de cette dernière égalité est fermé par continuité de
f |σ , et donc les ensembles de la forme f −1 (F ) ∩ σ aussi, ∀σ ∈ K . Dès lors,
f −1 (F ) est par dénition fermé dans |K| et f est continue.
Définition 2.24. Soit X un espace topologique et C une collection de sousespaces de X telle que ∪C = X . La topologie de X est dite cohérente avec
la collection C si un ensemble A est fermé (ou ouvert) dans X si et seulement
si A ∩ C est fermé (respectivement ouvert) dans C ∀C ∈ C.
Remarque 2.25. Dans notre cas, la topologie de |K| est cohérente avec la
famille des sous-espaces σ ∈ K .
Remarque 2.26. Le lemme 2.23 s'applique de manière générale à toutes les
topologies cohérentes, une fonction f : X → Y étant continue sur l'espace si
et seulement si chaque restriction f |C , C ∈ C, est continue.
Définition 2.27. On peut étendre le concept de coordonnées barycentriques
aux complexes. Si x ∈ |K|, alors x est dans l'intérieur d'exactement un
simplexe de K , ne serait-ce qu'un simplexe trivial si x est un sommet. En
eet, les intérieurs des simplexes sont disjoints, un point ne peut donc pas être
dans deux intérieurs diérents. Le point x est donc intérieur à un simplexe
engendré par exemple par v0 , ..., vn . On obtient alors :
x=
n
X
i=0
ti vi
12
avec ti > 0 ∀ i et i = 1. On dénit alors la coordonnée barycentrique
de x par rapport au sommet v comme suit :
P
tv (x) =
ti si v ∈ {v0 , ..., vn }
0 si v 6∈ {v0 , ..., vn }
Propriété 2.28. Pour chaque v ∈ K (0) , la fonction tv : |K| → R est continue.
Démonstration. Si on restreint tv à un simplexe σ, tv est soit nulle, soit égale
à la coordonnée barycentrique par rapport au sommet v du simplexe σ . Dans
les deux cas, elle est donc continue. Par le lemme 2.23, tv est alors continue
sur |K|.
Lemme 2.29. L’espace |K| est de Hausdorff.
Démonstration. Soit x0 et x1 deux points distincts de |K|. Leurs coordonnées
barycentriques doivent être distinctes et donc il existe au moins un sommet
v ∈ K (0) tel que tv (x0 ) 6= tv (x1 ). On suppose sans perte de généralité que
tv (x0 ) < tv (x1 ). Soit r ∈ R tel que tv (x0 ) < r < tv (x1 ). Les deux ensembles
{x|tv (x) < r} et {x|tv (x) > r} sont ouverts, comme préimage d'un ouvert
par une fonction continue, et ils sont de plus disjoints par dénition des
coordonnées barycentriques. L'espace |K| est donc bien de Hausdor.
Lemme 2.30. Si K est fini, alors |K| est compact. Inversément, si A ⊂ |K|
est compact, alors A ⊂ |K0 | pour K0 un sous-complexe fini de K .
Démonstration. Si K est ni, alors K est la réunion nie des sous-espaces
compacts σ ∈ K , donc |K| est compact.
Montrons maintenant la seconde armation par l'absurde. Supposons que
A ⊂ |K| est compact, et que A ne soit pas contenu dans l'espace sousjacent d'un sous-complexe ni de K . Pour chaque σ ∈ K , on choisit xσ ∈
A ∩ σ quand cet ensemble n'est pas vide. L'ensemble B = {xσ } est inni par
hypothèse. Il est fermé puisque chacune des intersections B ∩ σ contient au
plus un point par face de σ , et est donc un ensemble ni de points. Comme B
est fermé et discret, il n'a pas de point limite, ce qui rentre en contradiction
avec le fait qu'il est inni et contenu dans l'espace compact A.
Définition 2.31. Soit K un complexe simplicial et v un sommet de K . On
dénit l'ensemble étoile de v dans K , noté Stv , comme la réunion de l'intérieur des simplexes de K ayant v comme sommet. On appelle sa fermeture
l'étoile fermée et on la note Stv . On dénit encore le maillon de v comme
la diérence Stv \ Stv , noté Lkv .
Remarque 2.32.
(1) L'étoile fermée de v est la réunion des simplexes
de K ayant v comme sommet, et est l'espace sous-jacent d'un souscomplexe de K .
(2) L'ensemble Stv est un ouvert, puisqu'il peut être déni comme l'ensemble des points x ∈ |K| tel que tv (x) > 0.
(3) Le complément de Stv dans |K| est l'ensemble des simplexes n'ayant
pas v comme sommet. C'est donc aussi l'espace sous-jacent d'un souscomplexe de K .
13
(4) Le maillon de v est aussi l'espace sous-jacent d'un sous-complexe de
K , puisque c'est l'intersection de Stv et du complément de Stv , qui
sont tous deux des espaces sous-jacents de sous-complexes de K .
(5) L'ensemble Stv est connexe par arc, puisque constitué d'une union
de convexes ayant tous le point v en commun. De même, Stv est
connexe par arcs pour la même raison. Si x ∈ Stv , alors le segment
ouvert (x, v) fait partie de Stv , par convexité des simplexes ouverts
constituant Stv . Comme {v} est un simplexe ouvert, le segment fermé
[x, v] fait partie de Stv . Si y est un autre point de Stv , on a le chemin
constitué de deux segments [x, v] ∪ [v, y].
Fig. 3.
Exemple d'étoile et de maillon :
Exemple 2.33. Dans l'exemple 3, StZ est représenté en orange, surface
hachurée comprise, et LkZ est représenté en bleu. On peut observer en particulier que ce dernier ensemble n'est pas connexe. La réunion de StZ et de
LkZ donne StZ .
Définition 2.34. Un complexe simplicial K est localement fini si chaque
sommet de K ne fait partie que d'un nombre ni de simplexes de K .
Remarque 2.35. De manière équivalente, on peut dire que K est localement
ni si chaque Stv est l'espace sous-jacent d'un sous-complexe ni de K .
Lemme 2.36. Le complexe K est localement fini si et seulement si l’espace
est localement compact.
Démonstration. Supposons d'abord que K est localement ni. Soit x ∈ |K|.
|K|
Ce point x appartient à Stv pour un certain sommet v ∈ K (0) . Comme Stv
est un compact par le lemme 2.30, |K| est localement compact.
Inversément, supposons que |K| est localement compact. Soit x ∈ |K|.
Par hypothèse, on peut trouver un compact A ⊂ |K| tel que x ∈ A. Par le
même lemme qu'avant, A est contenu dans l'espace d'un sous-complexe ni
de K , et donc x fait partie d'un nombre ni de simplexes de K .
14
2.3. Applications simpliciales.
On dénit maintenant les applications qui respectent la structure de complexe simplicial.
Lemme 2.37. Soit K et L deux complexes simpliciaux, et soit f : K (0) →
L(0) une fonction entre les sommets de chacun des complexes. On suppose que
lorsque des sommets v0 , ..., vn de K engendre un simplexe, alors les sommets
f (v0 ), ..., f (vn ) engendrent un simplexe de L. Alors f peut être étendue en
une fonction continue g : |K| → |L| telle que :
x=
n
X
ti vi ⇒ g(x) =
i=0
n
X
ti f (vi )
i=0
Démonstration. Par hypothèse, les sommets f (v0 ), ..., f (vn ) engendrent un
simplexe τ même s'ils ne sont pas distinct. Lorsque vi et vj ont la même image
par f , les coordonnées ti et tj d'un point x s'additionne dans la somme qui
dénit g(x). Ainsi, la somme des coordonnées du point g(x) reste égale à 1,
ce qui implique que g(x) est bien un point de τ . Dès lors, g envoie bien le
simplexe σ engendré par v0 , ..., vn vers le simplexe τ dont les sommets sont
f (v0 ), ..., f (vn ).
D'autre part, g est continue de σ dans τ , et donc de σ dans |L|. Le
lemme 2.23 implique alors que g est continu de |K| dans |L|.
Définition 2.38. La fonction g du lemme précédent est appelée l'application
simpliciale engendrée par f .
Propriété 2.39. La composition de deux applications simpliciales est simpliciale à son tour.
Démonstration. Soient g : |K| → |L| et P
h : |L| → |M | deux applications
simpliciales. Il faut montrer que pour x =
de K , on a :
(h ◦ g)(x) =
n
X
ti vi , avec v0 , ..., vn des sommets
ti h(g(vi ))
i=1
Or on a déjà que g(x) = ti g(vi ). Si, pour certains i, j , g(vi ) = g(vj ), on
peut rassembler les termes de la somme et écrire (ti + tj )g(vi ). Ainsi,
la proP
priété
du lemme 2.37 s'applique et on obtient bien h(g(x)) = h( ti g(vi )) =
P
ti h(g(vi )).
P
Proposition 2.40. Soit g : |K| → |L| une application simpliciale. On suppose que g envoie les sommets de σ ∈ K sur les sommets de τ ∈ L. Alors τ
est homéomorphe par g à une des faces de σ.
Démonstration. Pour chaque sommet vi de τ , choisissons une préimage ai
dans σ . On obtient alors deux ensembles de sommets {a0 , ..., an } et {v0 , ..., vn }
en bijection par g . Les sommets a0 , ..., an engendrent une face t de σ et
v0 , ..., vn engendrent τ . En appliquant le lemme 2.41 à la fonction g restreinte
à la face t, on obtient le résultat voulu.
15
Lemme 2.41. Soit f : K (0) → L(0) une application bijective entre les sommets de deux complexes K et L telle que les sommets a0 , ..., an de K engendrent un simplexe de K si et seulement si les sommets f (a0 ), ..., f (an )
de L engendrent un simplexe. Alors la fonction induite g : |K| → |L| est un
homéomorphisme.
Démonstration. Comme f est bijective, l'application simpliciale induite g
envoie chaque simplexe σ de K vers un simplexe τ de L de même dimension. Pour montrer que g est un homéomorphisme, il sut de montrer que
l'application simpliciale h induite par f −1 est l'inverse de g . Comme g et
h sontPsimpliciales, et donc continues, la preuve serait
complète. Soit donc
P
x =
ti vi un point de σ ∈ K . Alors g(x) =
ti g(vi ). On obtient, en
appliquant h :
(h ◦ g)(x) =
n
X
ti h(g(vi )) =
i=1
n
X
ti f −1 (f (vi )) =
i=1
n
X
t i vi = x
i=1
Définition 2.42. Un homéomorphisme tel que celui du lemme précédent
est un homéomorphisme simplicial, voir un isomorphisme entre K et
L.
Corollaire 2.43. Soit ∆N un complexe simplicial consistant en un simplexe
de dimension N ainsi que ces faces. Si K est un simplexe fini, alors K est
isomorphe à un sous-complexe de ∆N pour un certain N .
Démonstration. Soit v0 , ..., vN les sommets de K . Soit a0 , ..., aN des points
géométriquements indépendants de RN et soit nalement ∆N la réunion du
simplexe qu'ils engendrent et de ses faces. Alors la fonction f qui envoie vi
sur ai induit un isomorphisme entre K et un sous-complexe de ∆N .
2.4. Complexes généraux.
La notion de complexe simplicial peut être généralisée à des dimensions
innies.
Définition 2.44. Soit
J un ensemble arbitraire d'indice. L'espace RJ est
déni comme le produit cartésien de J copie de R et ses éléments peuvent
être vu comme des applications de J dans R, et notés sous la forme suivante :
{xα }α∈J . On peut dénir alors E J comme le sous-ensemble de RJ , formé par
les points {xα }α∈J tels que xα = 0, excepté pour un nombre ni d'indices.
L'ensemble E J est un sous-espace vectoriel de RJ . On appelle cet espace
l'espace euclidien généralisé. On lui associe la métrique suivante, ainsi
que la topologie qui en découle :
|x − y| = max{|xα − yα |}
α∈J
Propriété 2.45. Les vecteurs α qui valent 0 ∀j 6= α et 1 quand j = α, pour
j ∈ J , forment une base de cet espace.
16
Remarque 2.46. Tout ce qui a été discuté pour les complexes simpliciaux
sur RN est reste valable dans E J . La diérence entre les deux cas réside dans
le fait que E J permet de considérer des complexes sans limite de dimension.
Les complexes de RN sont en eet constitués de simplexes de dimension
au maximum N , tandis que les complexes de E J n'ont pas de limites à ce
niveau-là. On dira d'un complexe K de E J qu'il est de dimension nie si
maxσ∈K dim(σ) est dénie, et de dimension innie dans le cas contraire.
2.5. Complexes simpliciaux abstraits.
Construire un complexe simplicial peut vite devenir fastidieux, en particulier
lorsqu'il faut vérier si les simplexes s'intersectent correctement. Pour simplier la construction de polyèdre approximant divers espaces topologiques,
les complexes abstraits sont un outil puissant.
Définition 2.47. Un complexe simplicial abstrait est une collection S
d'ensembles nis non-vides telle que si A ∈ S, alors tous les sous-ensembles
non-vides de A appartiennent aussi à S. On appelle un élément de S tel
que A un simplexe. Sa dimension est Card(A) − 1. (Un singleton est de
dimension nulle, etc.) Les sous-ensembles non-vide de A sont appelés ses
faces. La dimension de S est la plus grande dimension de ses simplexes, et
innie, s'il n'existe pas de plus grande dimension. La réunion des singletons
de S est notée V , et appelée l'ensemble des sommets de S. On ne fera
pas de distinction en un sommet v ∈ V et l'élément {v} ∈ S. Enn, une
sous-collection de S qui est elle-même un complexe abstrait est un souscomplexe de S.
Définition 2.48. Deux complexes abstraits S et T sont isomorphes si il
existe une application bijective f qui envoie l'ensemble des sommets de S
sur l'ensemble des sommets de T de telle manière que {a0 , ..., an } ∈ S ⇔
{f (a0 ), ..., f (an )} ∈ T.
Définition 2.49. Soit K un complexe simplicial, et soit V l'ensemble des
sommets de K . On dénit K comme la collection des sous-ensembles de V
qui engendre un simplexe de K , et on appelle K le schéma des sommets
de K .
Propriété 2.50. Il est facile de voir qu’un schéma de sommets est un complexe simplicial abstrait.
Théorème 2.51.
(1) Pour tout complexe abstrait S, il existe un complexe simplicial K tel que S est isomorphe au schéma des sommets
de K .
(2) Deux complexes simpliciaux sont homéomorphes si et seulement si
leur schéma de sommets sont isomorphes en tant que complexes abstraits.
Démonstration. La seconde partie est une conséquence du lemme 2.41. Pour
la première partie du théorème, nous utiliserons l'espace E J , où J est un
ensemble arbitraire d'indices. On appelle ∆J le complexe simplicial consistant en la collection de tous les simplexes de E J engendrés par des sousensembles nis de la base standard {α } de E J . Pour vérier qu'il s'agit bien
d'un complexe simplicial, il faut voir que si σ, τ ∈ ∆J , alors σ (0) ∪ τ (0) est un
17
ensemble géométriquement indépendant, puisqu'il s'agit d'un sous-ensemble
d'une base, et il engendre un simplexe de ∆J pour la même raison.
Soit S un complexe abstrait dont l'ensemble des sommets est appelé V . On
choisit alors J de cardinal plus grand ou égal à V , et une fonction injective f :
V → J . On peut alors trouver un sous-complexe K de ∆J avec la condition
suivante : si {a0 , ..., an } ∈ S, alors f (a0 ), ..., f (an ) engendre un simplexe
de K . Il est alors immédiat que S est isomorphe au schéma des sommets
de K , f étant la fonction bijective que l'on cherche entre les sommets de
chacun.
Définition 2.52. Soit S un complexe abstrait. Si S est isomorphe au
schéma des sommets de K , alors on dit que K est une réalisation géométrique de S.
Remarque 2.53. La réalisation géométrique d'un complexe abstrait est
unique à isomorphisme près.
Définition 2.54. Soit un complexe simplicial ni L. Un étiquetage des
sommets de L est une fonction surjective f qui envoie l'ensemble L(0) dans un
ensemble, que l'on appellera l'ensemble des étiquettes. On peut associer
à cet étiquetage de L un complexe abstrait S dont les sommets sont les étiquettes et dont les simplexes sont les ensembles de la forme {f (v0 ), ..., f (vn )},
où v0 , ..., vn engendrent un simplexe de L. Soit K une réalisation géométrique
de S. La fonction f induit alors une application surjective entre les sommets
L(0) et K (0) , qui s'étend en une fonction simpliciale g : |L| → |K|. On appelle alors K le complexe dérivé de l'étiquetage du complexe L et g est la
fonction de recollement associée.
Définition 2.55. Soit X et Y des espaces topologiques. On dit qu'une application surjective p : X → Y est une application quotient lorsque un
ensemble U ⊂ Y est ouvert si et seulement si p−1 (U ) est ouvert dans X .
De manière équivalente, on peut demander que A soit fermé dans Y si et
seulement si p−1 (A) est fermé dans X .
Propriété 2.56. La fonction de recollement est une application quotient
fermée.
Démonstration. La fonction g est surjective par construction. Comme |L| est
ni, il est compact. Comme de plus |K| est Hausdor, le lemme de l'application fermée (closed map lemma ) indique que g est une application fermée.
Par conséquent, g est une application quotient.
Remarque 2.57. Les applications quotients sont discutées plus largement
dans la section 4.6.
Exemple 2.58. Les exemples classiques de recollement sont illustrés dans
la gure 4. Dans le premier cas, les étiquettes placées sur le simplexe L
résultent, après recollement, en un cyclindre. Le second cas illustre le cas
du ruban de Möbius : les étiquettes placées sur le complexe M sont placées,
sur le bord droit, dans l'ordre inverse que celles du bord gauche. Lors du
recollement, l'espace sous-jacent de M est tordu pour respecter l'ordre des
étiquettes. Une identication supplémentaire sur le bord de L et de M permet
18
Construction d'un cylindre et d'un ruban de Möbius
à partir de recollements :
Fig. 4.
d'obtenir respectivement un tore et une bouteille de Klein, comme illustré
dans les gures 5 et 6.
Exemple 2.59. Le plan projectif
tient en quotientant
S2
P 2 est l'espace topologique que l'on obpar la relation d'équivalence x ∼ −x, ∀x ∈ S 2 .
Il est facile de voir que P 2 est homéomorphe au disque B 2 dans lequel on
identie x avec −x, ∀x ∈ S 1 : chaque hémisphère de S 2 est homéomorphe
au disque. La relation d'équivalence dénie sur S 2 identie ces deux hémisphères ensembles, au travers d'une symétrie centrale. On peut donc voir
S 2 / ∼ comme une demi-sphère sur laquelle on identie les points du bord,
de manière symétrique par rapport au centre de la demi-sphère. En projetant
cette demi-sphère, on obtient bien le disque B 2 muni de l'idencation exprimée plus haut. Dans la gure 7, cet espace est appelé B̃ 2 . L'arc de cercle en
trait tillé est identié avec son symétrique.
Le complexe L représenté dans la même gure est muni d'un étiquetage
identiant son bords de la même manière que celui de B̃ 2 . Comme |L| est
19
Fig. 5.
Construction d'un tore à partir d'un recollement :
Construction d'une bouteille de Klein à partir d'un
recollement :
Fig. 6.
lui-même homéomorphe à B 2 , on voit facilement que l'espace sous-jacent du
complexe obtenu par recollement de L est homéomorphe à son tour à B̃ 2 .
Définition 2.60. On dit qu'un sous-complexe L0 d'un complexe L est plein
si pour chaque σ ∈ L dont les sommets appartiennent à L0 , on a σ ∈ L0 .
Lemme 2.61. Soit L un complexe et soit f un étiquettage de ses sommets.
Soit g l’application de recollement associée à f . Soit L0 un sous-complexe
plein de L. On suppose, pour toute paire de sommets v et w de L ayant la
même étiquette, les deux conditions suivantes sont vérifiées :
20
Fig. 7.
Construction du plan projectif à partir du complexe
L et d'un recollement :
(1) v et w sont dans L0 ;
(2) Stv et Stw sont disjointes.
Alors dim g(σ) = dim σ ∀ σ ∈ L et si g(σ1 ) = g(σ2 ) alors σ1 et σ2 sont des
simplexes disjoints de L0 .
Démonstration. La dimension de σ ne peut diminuer à travers g que si une
de ses faces contient deux sommets de même étiquette. Or le second point de
l'énoncé assure qu'on ne peut pas trouver de tel cas, puisque cela impliquerait
que les étoiles des deux points ne soient pas disjointes, étant donné qu'ils ont
une face commune.
Si g(σ1 ) = g(σ2 ), alors les sommets de σ1 et de σ2 portent, deux à deux,
les mêmes étiquettes, et sont donc dans L0 . Dès lors, ces deux simplexes sont
dans L0 , puisque L0 est plein. Les deux simplexes sont de plus disjoints à
cause du second point qui empêche que des sommets de σ1 et de σ2 partagent
la même face.
3.
Homologie
Nous passons maintenant aux choses sérieuses, en dévelopant l'homologie
simpliciale, qui associe à tout complexe une chaîne de groupes abéliens liés
par des homomorphismes.
3.1. Rappel d’algèbre.
Définition 3.1. Un groupe (G, +) est dit abélien si sa loi de composition
commute, i.e. a + b = b + a, ∀a, b ∈ G. On dit qu'un groupe abélien est libre
s'il possède une base, c'est-à-direP
une famille {gα }α∈J telle que tout élément
de G s'écrit, de manière unique, nα gα avec nα ∈ Z. Le rang d'un groupe
abélien libre est le nombre d'éléments nécessaires pour en donner une base.
Remarque 3.2. Dans un groupe abélien libre G de base {gα }α∈J , l'unicité
de l'expression de chaque élément dans la base impose que chaque gα est
d'ordre inni, i.e. engendre un sous-groupe de G d'ordre inni.
21
Définition 3.3. Soit G un groupe abélien. Un élément g ∈ G est d’ordre
fini si il existe n > 0 tel que n · g = 0. L'ensemble des élements d'ordre ni
de G est un sous-groupe T que l'on appelle le sous-groupe des torsions.
On peut remarquer que les groupes abéliens libres ont seulement 0 comme
élement d'ordre ni. On dit qu'ils n'ont pas de torsions.
Théorème 3.4. Soit G un groupe abélien libre et soit H ⊂ G un sous-groupe
non trivial de G. Alors H est aussi abélien libre.
Définition 3.5. Soit G un groupe et {Gα }α∈A une collection de sous-groupes
P
de G telle que ∀g ∈ G, on peut écrire de manière unique g = gα , avec
gα ∈ Gα . Alors on dit que G est la somme directe des groupes Gα , et on
note ceci :
G=
M
Gα
α∈A
3.2. Groupes d’homologie.
Définition 3.6. Soit σ un simplexe, abstrait ou non. On dénit la relation
suivante sur les arrangements de ses sommets : deux arrangements sont équivalents s'ils dièrent d'une permutation paire. Cette relation est une relation
d'équivalence. Si la dimension de σ est plus grande ou égale à 1, alors il y
a deux classes d'équivalence pour cette relation. Si σ est au contraire réduit à un point, alors il n'y a qu'une seule classe d'équivalence. Ces classes
d'équivalence sont appelées des orientations de σ . Un simplexe muni d'une
orientation est naturellement appelé un simplexe orienté. Deux exemples
sont présentés dans la gure 8.
Notation 3.7. Soit v0 , ..., vn des points géométriquement indépendants de
RN . On notera v0 ...vn pour parler du simplexe qu'ils engendrent, et [v0 , ..., vn ]
pour la version orientée de ce même simplexe, lorsqu'on choisit l'orientation
correspondant à l'ordre (v0 , ..., vn ).
Définition 3.8. Soit K un complexe simplicial. Une p-chaîne sur K est une
fonction c qui va de l'ensemble des simplexes orientés de K de dimension p
dans Z, avec les deux propriétés suivantes :
(1) Soit σ un p-simplexe de K . Alors c(σ) = −c(σ 0 ), où σ 0 est le même
simplexe que σ , même avec l'orientation opposée.
(2) Excepté pour un nombre ni de simplexes de K , c(σ) = 0.
Définition 3.9. L'ensemble des p−chaînes sur un complexe K , muni de la
somme héritée de Z, forme un groupe, que l'on note Cp (K) et que l'on appelle
le groupe des chaînes orientées de degré p de K . Pour p < 0 et p > dim K ,
on dénit Cp (K) = {0}, le groupe trivial.
Définition 3.10. Soit σ un simplexe orienté de K . La chaîne élémentaire
c correspondant σ est la

 1,
−1,
c(τ ) =

0,
fonction dénie comme suit :
si τ = σ
si τ est σ muni de l'orientation inverse
pour tout les autres simplexes.
22
Exemple de simplexes orientés : l'orientation du simplexe de dimention 1 [A, B] est représentée par la èche allant
de A vers B . Dans le simplexe engendré par les points C, D
et E , l'orientation choisie est donnée par l'ordre (C, D, E)
représentée par la èche.
Fig. 8.
Notation 3.11. Par la suite, la chaîne élémentaire correspondant à σ sera
parfois simplement notée σ . De plus, lorsqu'on parlera d'un simplexe orienté
σ , le même simplexe, mais d'orientation inverse, sera noté −σ .
Lemme 3.12. Le groupe Cp (K) est abélien et libre. En donnant à chaque
simplexe de dimension p de K et en prenant l’ensemble des chaînes élémentaires correspondantes, on obtient une base de Cp (K).
Démonstration. En donnant une orientation arbitraire à chaque simplexe de
dimension p de K , on peut écrire chaque p−chaîne c, de manière unique,
sous la forme d'une combinaison linéaire de chaînes élémentaires :
c=
X
ni σ i
i
Le coecient ni correspond à la valeur que prend c sur le simplexe orienté
σ
.
i
P On a alors une somme nie, par dénition des p−chaînes, et c(σj ) =
ni δij = nj .
Remarque 3.13. On peut remarquer que le groupe C0 (K), contrairement
aux groupes correspondant à des p > 0, possède une base naturelle, puisque
les simplexes de dimension 0 ont une seule orientation.
Corollaire 3.14. Soit une fonction f allant de l’ensemble des simplexes
orientés de dimension p de K dans un groupe abélien G. Si f (−σ) = −f (σ),
pour tout simplexe orienté σ ∈ K de dimension p, alors on peut étendre de
manière unique f en un homomorphisme entre Cp (K) et G.
Démonstration. C'est une application directe du lemme précédent :
f (c) =
X
i
ni f (σi )
23
Définition 3.15. Pour chaque
p ∈ N, on peut dénir un homomorphisme
entre le p−ème et le p−ème groupe de chaînes :
∂p : Cp (K) → Cp−1 (K)
On appelle cet homomorphisme l'opérateur bord. Soit σ = [v0 , ..., vp ] la
chaîne élémentaire d'un simplexe orienté, avec p > 0. L'opérateur est alors
donné par la formule suivante :
∂p σ =
p
X
(−1)i [v0 , ..., vi−1 , vi+1 , ...vp ]
i=0
La fonction ainsi
s'étend ensuite, au travers de la base de Cp (K),
P dénieP
comme suit : ∂p ni σi = ni ∂p σi .
Pour p ≤ 0, l'ensemble d'arrivée de ∂p est le groupe trivial. On dénit
alors ∂p = 0, l'homomorphisme trivial, lorsque p ≤ 0.
Démonstration. Il faut cependant vérier que ∂p est bien un homomorphisme.
C'est un fait évident lorsque p ≤ 0. Soit donc p > 0 et τ et σ ∈ K des simplexes de dimension p. Il faut montrer que ∂p (τ + σ) = ∂p (τ ) + ∂p (σ) et
que ∂p (−σ) = −∂p (σ). La première égalité découle immédiatement de la
dénition. La seconde, par contre, nécessite un peu d'attention.
On observe d'abord que si on échange deux sommets adjacents vj et vj+1
dans la chaîne du simplexe orienté σ = [v0 , ..., vn ], on obtient −σ . Il sut
donc de vérier que ∂p (σ) change de signe lorsqu'on eectue un tel échange
sur σ . On doit donc comparer les deux expressions suivantes :
∂p [v0 , ..., vj , vj+1 , ..., vn ] et ∂p [v0 , ..., vj+1 , vj , ..., vn ]
Les termes de la forme [v0 , ..., vi−1 , vi+1 , ...vp ] pour lesquels i 6= j, j + 1
changent de signe lorsqu'on échange j et j + 1. Lorsque i = j et i = j + 1,
on obtient, avant la permutation :
(−1)j [v0 , ..., vj−1 , vj+1 , vj+2 , ..., vp ] + (−1)j+1 [v0 , ..., vj−1 , vj , vj+2 , ..., vp ]
Et après la permutation :
(−1)j [v0 , ..., vj−1 , vj , vj+2 , ..., vp ] + (−1)j+1 [v0 , ..., vj−1 , vj+1 , vj+2 , ..., vp ]
Ces deux dernières expressions sont bien de signes opposés, la dénition
est donc consistante.
24
Exemple 3.16. Soit [v0 , v1 ] un simplexe orienté de dimension 1. Par dénition, on a ∂1 [v0 , v1 ] = v1 − v0 .
En dimension 2, on obtient ∂2 [v0 , v1 , v2 ] = [v1 , v2 ] − [v0 , v3 ] + [v0 , v2 ].
Lemme 3.17. ∂p−1 ◦ ∂p = 0
Démonstration. On obtient le résultat directement, par calcul :
∂p−1 ∂p [v0 , ..., vp ] =
p
X
(−1)i ∂p−1 [v0 , ..., vi−1 , vi+1 , ..., vp ]
i=0
X
=
(−1)i (−1)j [v0 , ..., vj−1 , vj+1 , ..., vi−1 , vi+1 , ..., vp ]
j<i
+
X
(−1)i (−1)j [v0 , ..., vi−1 , vi+1 , ..., vj−1 , vj+1 , ..., vp ]
j>i
Exemple 3.18. Reprenons le cas d'un simplexe de dimension 2 :
∂2 [v0 , v1 , v2 ] = [v1 , v2 ] − [v0 , v3 ] + [v0 , v2 ]
∂1 ∂2 [v0 , v1 , v2 ] = ∂1 [v1 , v2 ] − ∂1 [v0 , v2 ] + ∂1 [v0 , v1 ]
∂1 ∂2 [v0 , v1 , v2 ] = v2 − v1 − v2 + v0 + v1 − v0
En sommant les chaînes élémentaires de dimension 0 de la partie droite
de cette dernière équation, on obtient bien 0.
Définition 3.19. On appelle les p−chaînes c telles que ∂p (c) = 0 les p−cycles.
Le noyau de ∂p : Cp (K) → Cp−1 (K) est donc appelé le groupe des p−cycles,
et noté Zp (K). L'image de ∂p+1 : Cp+1 (K) → Cp (K) est appelé le groupe des
p−bords et noté Bp (K). Le lemme précédent assure que Bp (K) ⊂ Zp (K),
puisque chaque bord est automatiquement un cycle. Cela nous permet de
dénir le p−ème groupe d’homologie du complexe K :
Hp (K) = Zp (K)/Bp (K)
Définition 3.20. On dit d'une chaîne c qu'elle est supportée par un souscomplexe L de K si elle prend la valeur nulle sur les simplexes qui ne sont
pas dans L. Deux chaînes c1 et c2 sont dites homologues si c1 − c2 = ∂p+1 d
pour une chaîne de degré p+1 d. En particulier, si c = ∂p+1 d, c'est-à-dire que
c est un bord, c est homologue à zéro. On appelle classe d’homologie
de c l'ensemble des chaînes homologues à c.
Remarque 3.21. On peut observer que pour p ≥ 0, on a Hi (K (p) ) = Hi (K)
pour tout i < p. En eet, si p > i, alors Hi (K (p) ) = ker ∂i |K (p) /im∂i+1 |K (p) =
ker ∂i /im∂i+1 = Hi (K).
25
Exemple 3.22. On va calculer les groupes d'homologie du complexe K re-
présenté dans la gure 9, constitué des sommets v0 , v1 , v2 , v3 et des simplexes
orientés de dimension 1 e1 = [v0 , v1 ], e2 = [v1 , v2 ], 23 = [v2 , v3 ] et e4 = [v3 , v0 ].
−1
Pour p > 1, Zp (K) = ∂p−1
({0}) = {0}, et donc Hp (K) = {0}.
Pour p = 1, il en va diéremment. Le groupe B1 (K) est encore trivial, mais
pas Z1P
(K). Soit c ∈ C1 (K), et regardons sous quelle condition ∂1 (c) = 0. On
a c = ni ei , avec {ei |i = 1, ..., 4}. P
Il faut que pour chaque sommet vi , on ait
un coecient nulle dans la somme ni ∂1 ei . Pour v1 , on a n1 − n2 = 0. Pour
v2 , on a n2 − n3 = 0. Pour v3 , n3 − n4 et pour v0 , on a bien n4 − n1 = 0. Ces
quatre équations impliquent que n1 = nP
2 = n3 = n4 . L'ensemble Z1 (K) est
donc constitué des chaînes de la forme kei , k ∈ Z, et est donc isomorphe
à Z. Le premier groupe d'homologie devient :
H1 (K) = Z/{0} = Z
Fig. 9.
carré :
Un complexe orienté dont l'espace sous-jacent est un
Exemple 3.23. On peut étendre le raisonnement de l'exemple précédent
à la réalisation géométrique K du complexe abstrait S constitué des ensembes {v0 , v1 }, {v1 , v2 }, ..., {vn , v0 } et de leurs sommets. En eet, par le
même argument qu'auparavant, on obtient Hp (K) = 0 pour p > 1, et le
même raisonnement sur les 1−chaînes entraine l'équivalence suivante :

k − k1 = 0


n
 0
X
k1 − k2 = 0
ki ei ∈ Z1 (K) ⇔
...


i=0

kn − k0 = 0
où l'on a noté ei le simplexe de K correspondant {vi , vi+1 }, pour i < n et
{vn , v0 } pour i = n. Ces équations impliquent de la même manière qu'avant
que Z1 (K) = Z, et donc que H1 (K) = Z.
Exemple 3.24. Un arbre est un complexe de dimension 1 dont le premier
groupe d'homologie est trivial.
Dans la gure 10, le complexe K en est un. En eet, pour que c ∈ Z1 (K),
il faut que le coecient des simplexes de dimension 1 dont un des sommets
n'appartient à aucun autre simplexe soit nul. Par suite, si un 1−simplexe
est adjacent à un simplexe dont le coecient est nul doit aussi être nul, et
26
Fig. 10.
Complexes de dimension 1 :
ainsi de suite. Comme chaque sommet ne fait partie d'au plus que de deux
1−simplexes, on déduit que seule la chaîne triviale se trouve dans Z1 (K), et
que H1 (K) = 0.
A l'inverse, le complexe S n'en est pas un, puisqu'il contient une boucle.
Ainsi, si les simplexes qui n'en font pas partie doivent avoir un coecient
nul par le même raisonnement que pour K , les simplexes faisant partie de
cette boucle peuvent avoir un coecient non-nul, à la condition qu'il soit le
même pour chaque simplexe de la boucle. On obtient alors un groupe Z1 (L)
isomorphe à Z, de la même manière que dans l'exemple 3.23. On obtient
alors H1 (L) = Z, et donc S n'est pas un arbre.
Fig. 11.
Complexe constitué des faces du tetraèdre :
Exemple 3.25. Soit K un complexe constitué des faces propres d'un sim-
plexe de dimension 3, c'est-à-dire d'un tetraèdre. La gure 11 indique l'orientation des 1−simplexes. Choisissons (A, B, C), (B, C, D).(A, B, D) et (A, C, D)
comme orientation des 2−simplexes. On va calculer H1 (K) et H2 (K).
27
On commence
P par H1 (K) = Z1 (K)/B1 (K) = ker ∂1 /im∂2 .
Soit c1 = nui ui ∈ C1 (K), et calculons ∂1 (c1 ) = mA A + mB B + mC C +
mD D. On obtient :
mA
mB
mC
mD
= nu0 − nu1 − nu3 ,
= nu1 + nu5 − nu2 ,
= nu2 − nu0 − nu4 ,
= nu3 + nu4 − nu5 .
Pour que c1 ∈ ker(∂1 ), ces quatre quantités doivent être nulles. On a un
système homogène de quatre équations linéaires à six inconnues donné par
la matrice suivante :


1 −1 0 −1 0
0
 0
1 −1 0
0
1 


 −1 0
1
0 −1 0 
0
0
0
1
1 −1
Cette matrice est de rang égal à 3. L'ensemble des solutions est donc
isomorphe à Z3 , et donc Z1 (K) = Z3 .
Soit c2 = n1 [A, B, C]
P+ n2 [B, C, D] + n3 [A, B, D] + n4 [A, C, D] ∈ C2 (K),
et calculons ∂2 (c2 ) = nui ui .
nu0 = n1 − n4 ,
nu1 = n1 + n3 ,
nu2 = n1 + n2 ,
nu3 = −n3 − n4 ,
nu4 = n2 + n4 ,
nu5 = n2 − n3 .
Le groupe im∂2 est donc engendré par les colonnes de la matrice suivante :








1
1
1
0
0
0

0 −1 0
0 0
1 

1 0
0 

0 −1 −1 

1 1
0 
1 0 −1
Cette matrice est de rang égal à 3. Le groupe im∂2 est donc isomorphe à
Z3 . On a donc H1 (K) qui est égal au groupe trivial.
Calculons maintenant H2 (K). Tout d'abord, comme C3 (K) est trivial,
im∂3 = {0}. Regardons ker ∂2 . La 2−chaîne c2 appartient à ker ∂2 si nui = 0
dans chacune des six équations précédentes. La matrice correspondante est
28
de rang 3, l'espace des solutions est donc de dimension 1. Il s'agit d'un sousgroupe de C2 (K) isomorphe à Z. On a donc H2 (K) ∼
= Z.
3.3. Groupes d’homologie de quelques surfaces.
Cette partie est consacrée au calcul des groupes d'homologie de trois exemples
déjà abordés plus haut : le tore, la bouteille de Klein et le plan projectif.
Lemme 3.26. Soit L le complexe présenté dans la figure 12, dont l’espace
sous-jacent est un rectangle. On appelle BdL le complexe qui a pour espace
sous-jacent le bord de ce rectangle. On oriente tous les 2−simplexes de L dans
le sens indiqué sur la figure. Chaque 1−simplexe est orienté arbitrairement.
Alors :
(1) Si c1 ∈ Z1 (L), alors c1 est homologue à un 1−cycle porté par BdL.
(2) Si d est une 2−chaîne dePL et si ∂d est porté par BdL, alors d est
un multiple de la chaîne σi , où σi parcourt les 2−simplexes.
Les 1−chaînes de ce complexe sont homologues à
des chaînes supportées par son bord.
Fig. 12.
Démonstration.
(1) Pour démontrer ce premier point, on montre que
toute chaîne c ∈ C1 (L) est homologue à une chaîne supportée par le
sous-complexe représenté dans la gure 13.
Pour ce faire, il faut voir que si la chaîne c ∈ C1 (L) prend la
valeur a sur le simplexe e1 , c est homologue à la chaîne c1 = c +
∂2 (a[v1 , v3 , v2 ]), qui prend 0 comme valeur sur e1 . Soit b la valeur de
c1 sur e2 . Alors c1 est homologue à la chaîne c2 = c1 + ∂2 (b[v1 , v4 , v3 ])
qui prend 0 comme valeur sur e2 et sur e1 . En répétant encore une
fois cette méthode, c2 est homologue à c3 = c2 + ∂2 (d[v1 , v5 , v4 ]) où
d est la valeur que prend c3 sur e3 (voir gure 14.) La chaîne c3 a
valeur 0 sur e1 , e2 et e3 .
Ce petit jeu peut se poursuivre pour montrer que tout 1−chaîne
c de L est homologue à une chaîne portée par le sous-complexe L0
29
Les 1−chaînes du complexe de la gure 12 sont
homologues à des chaînes supportées par ce complexe :
Fig. 13.
Ci-dessous, la notation utilisée dans la preuve du
lemme 3.26 :
Fig. 14.
représenté dans la gure 15. Si la chaîne c est un cycle, alors la
chaîne homologue c0 que l'on peut ainsi obtenir sur L0 est aussi un
cycle, puisqu'on a additionné à c des éléments de im∂2 . Pour que
c0 soit un cycle sur L0 , il faut que ∂c0 prenne une valeur nulle sur
v1 , v2 , ..., v5 . La seule possibilité pour respecter cette condition est
que c0 soit supporté par BdL.
P
(2) On pose d = ni σi . Si les 2−simplexes Si et Sj ont une arrête e
en commun, alors ∂d doit valoir 0 sur e, puisque ∂d n'a de valeur
non-nulle que sur BdL. Ainsi, d doit prendre la même valeur sur Si
que sur Sj (voir gure 12.) Par répétition de ce raisonnement, on
peut voir que d doit avoir P
la même valeur sur tous les 2−simplexes,
et donc être de la forme n σi .
30
Le raisonnement utilisé pour passer de la gure 12
à la gure 13 peut être réutilisé pour arriver à la gure cidessous :
Fig. 15.
Théorème 3.27. Soit T le complexe que l’on obtient en recollant le complexe
L de la figure 16. L’espace sous-jacent de T est le tore. On a :
H1 (T ) ∼
=Z⊕Z
et H2 (T ) ∼
= Z.
On oriente chaque 2−simplexe de L selon le sens indiqué dans la figure 16
et on utilise l’orientation induite sur T par celle de L. Soit γ la chaîne
obtenue en faisant la somme des 2−simplexes de T et soit encore :
w1 = [A, B] + [B, C] + [C, A],
z1 = [A, D] + [D, E] + [E, A].
Alors γ génère H2 (T ) et w1 et z2 forment une base de H1 (T ).
Démonstration. Soit g : |L| → |T | l'application de recollement. Soit W =
g(|BdL|). Notons que W est homéomorphe à une union de deux cercles ayant
un point en commun (on appelle un tel espace le produit wedge de deux
cercles.) On oriente les 1−simplexes de T de manière arbitraire. Comme g
ne fait des identications que sur les simplexes de BdL, la preuve du lemme
précédent fonctionne aussi sur T , et on trouve :
(1) Tout 1−cycle de T est homologue à un 1−cycle supporté par W .
(2) Si d est une 2−chaîne de T et si ∂d est supporté par W , alors d est
un multiple de γ .
Sur T , on obtient encore ces deux propriétés :
31
Fig. 16.
Recollement engendrant un tore :
(3) Si c est un 1−cycle de T supporté par W , alors c est de la forme
nw1 + mz1 .
(4) ∂γ = 0.
La propriété (3) est immédiate : il sut d'observer que W est un complexe
tel que celui représenté dans la gure 17. Pour la propriété (4), il faut d'abord
voir que ∂γ prend une valeur nulle sur tous 1−simplexes qui ne sont pas dans
W . En eet, chaque 1−simplexe n'appartenant pas à A apparait dans deux
2−simplexes, et dans un sens opposé (voir la preuve du lemme précédent).
Il en va de même pour les 1−simplexes de W .
Par les propriétés (1) et (3), chaque 1−cycle de T est homologue à un
1−cycle de la forme c = mw1 + nz1 . De plus, un tel c est dans B1 (T )
seulement s'il est trivial, puisque si c = ∂d, en appliquant le point (2) et le
point (4), on a c = ∂d = p∂γ = 0. On en déduit alors que :
H1 (T ) ∼
= Z ⊕ Z.
De plus, les classes d'équivalence de z1 et de w1 forment une base de ce
groupe.
Pour calculer H2 (T ), il faut d'abord voir que, par le point (2), les 2−cycles
de T doivent être de la forme p · γ , p ∈ Z. Comme il n'y a pas de 3−chaîne,
B2 (T ) = 0 et donc :
H2 (T ) ∼
= Z,
et ce groupe est engendré par le 2−cycle γ .
32
Un complexe dont l'espace sous-jacent est homéomorphe au produit wedge de deux cercles :
Fig. 17.
Théorème 3.28. Soit S le complexe obtenu par recollement du rectangle étiqueté représenté dans la figure 18. L’espace sous-jacent de S est une bouteille
de Klein. Alors :
et H2 (S) = 0.
Le sous-groupe de torsion de H1 (S) est représenté par z1 et H1 (S) modulo
son sous-groupe de torsion est engendré par w1 , où :
H1 (S) ∼
= Z ⊕ Z/2Z
w1 = [A, B] + [B, C] + [C, A],
z1 = [A, D] + [D, E] + [E, A].
Fig. 18.
Recollement engendrant une bouteille de Klein :
33
Démonstration. Soit g : |L| → |S| l'application de recollement. Soit W =
g(|BdL|) comme dans la preuve précédente. On oriente les 2−simplexes de
S de la même manière que dans la preuve précédente, et on oriente les
1−simplexes de manière arbitraire. Soit γ la somme des 2−simplexes. Les
propriétés (1) et (2) citées précédemment sont encore valables, puisqu'elle
ne dépendent pas de l'identication faite sur BdL. Comme W est toujours
le wedge de deux cercles, (3) est aussi vérié. Par contre, on a :
∂γ = 2z1 .
En eet, par exemple [a, b] apparait dans ∂S1 avec un coecient −1 et
dans ∂S2 avec un coecient +1, mais par contre, [a, d] apparait dans ∂§3 et
∂S4 avec dans les deux cas un coecient +1.
On peut maintenant calculer les groupes d'homologie de S . Les 1-cycles
de S sont tous homologues à un cycle de la forme c = mw1 + nz1 par (1) et
(3). Si c = ∂d pour un certain d, alors d = p · γ par (2). Ainsi, ∂d = 2pz1 . On
a donc c ∈ B1 (S) si et seulement si m est paire et n est nul. On en conclut
que :
H1 (S) = Z ⊕ Z/2Z.
Le cycle z1 est l'élément de torsion et la classe d'homologie de w1 génère le
groupe cyclique inni H1 (S)/T1 (S) (où T1 (S) est le sous-groupe de torsion
de H1 (S).)
Pour calculer H2 (S), il faut d'abord remarquer que les 2−cycles de S doit
être de la forme p · γ par le point (2). Par (4), p · γ n'est pas un cycle, à moins
que p = 0. On a donc :
H2 (S) = 0.
Théorème 3.29. Soit P 2 le complexe obtenu par recollement à partir des
étiquettes du complexe L de la figure 19. L’espace sous-jacent de P 2 est un
plan projectif. On a :
H1 (P 2 ) ∼
= Z/2Z
et H2 (P 2 ) = 0.
Démonstration. Soit g : |L| → |P 2 | l'application de recollement. Soit W =
g(|BdL|). L'espace W est homéomorphe à un cercle. On oriente les simplexes
de L et de P 2 comme dans les preuves précédentes. Soit γ la somme des
2−simplexes de P 2 . On dénit aussi :
z1 = [a, b] + [b, c] + [c, d] + [d, e] + [e, f ] + [f, a].
Les propriétés (1) et (2) sont à nouveau vériées. On a les propriétés
supplémentaires suivantes :
34
Fig. 19.
(3) Les 1−cycles supportés par W sont des multiples de z1 .
(4) ∂γ = 2z1 .
Le point (3) a déjà été discuté dans l'exemple 3.23. Le point (4) est immédiat, par calcul. On déduit le résultat de ces quatre propriétés.
3.4. Homologie de dimension nulle.
On s'intéresse maintenant au groupe H0 (K) et aux informations qu'il fournit
sur l'espace |K|.
Théorème 3.30. Soit K un complexe. Alors H0 (K) est abélien et libre. Si
{vα } est une famille composée d’un sommet de chaque composante connexe
de |K|, alors les classes d’homologie des chaînes vα forment une base de
H0 (K).
Démonstration. La preuve se fait en deux étapes :
Etape 1 :
On dit que, pour v et w des sommets de K , v ∼ w si il existe une séquence
a0 , ..., n de sommets de K telle que v = a0 , w = an et ai ai+1 est un simplexe
de dimension 1 de K , ∀i. Cette relation est une relation d'équivalence, de
manière évidente. On dénit pour chaque sommet v , l'ensemble suivant :
Cv =
[
Stw
w∼v
Montrons maintenant que les ensembles Cv sont les composantes connexes
de |K|.
Commençons par remarquer que Cv est ouvert en tant qu'union d'ouverts,
et que si v ∼ w, alors Cw = Cv , puisque ∼ est une relation d'équivalence.
De plus, Cv est connexe et même connexe par arc, au travers des séquences
dénies plus haut. En eet, pour chaque x ∈ Cv , x ∈ Stw pour un certain
w ∼ v . On augmente la séquence a0 , a1 , ..., an du segment an x, et on obtient
le chemin continu cherché, puisque chaque sommet ai ∼ v et chaque segment
35
ouvert de la forme ai ai+1 est contenu dans Stai ⊂ Cv , de même que an x est
contenu dans Stan ⊂ Cv .
On peut voir encore que si Cv 6= Cw , alors Cv ∩ Cw = ∅. Supposons qu'on
trouve x ∈ Cv ∩ Cw . Alors x ∈ v' pour un certain v 0 ∼ v et x ∈ w' pour
un certain w0 ∼ w, par dénition de Cv et Cw . Puisque les coordonnées
barycentriques de x en w0 et en v 0 sont toutes deux positives, il existe un
simplexe de K ayant ces deux points comme sommet. Dès lors, v 0 w0 est un
1−simplexe de K , ce qui implique que v ∼ w et donc que Cv = Cw , ce qui
est en contradiction avec l'hypothèse.
Ainsi, les Cv , v ∈ K (0) , sont disjoints, connexes et ouverts. Ils forment
donc les composantes connexes de |K|.
Etape 2 :
Soit {vα } une collection de sommets de K comprenant un sommet vα dans
chaque composante Cα = Cvα de |K|. Soit w ∈ K (0) . On a w ∼ vα pour un
certain α. Il y a alors une séquence de sommets a0 , ..., an allant de vα à w,
comme dénie plus haut. Regardons maintenant la 1−chaîne correspondant
à cette séquence :
c = [a0 , a1 ] + [a1 , a2 ] + ... + [an−1 , an ]
On a alors ∂1 c = an −a0 = w−vα . Les 0−chaînes w et vα sont homologues,
et on peut donc conclure que les 0−chaînes de K sont toutes homologues à
une combinaison
P linéaire des chaînes élémentaires vα .
Soit c =
nα vα une chaîne non-triviale et montrons qu'elle ne peut
pas être un bord. Supposons que c = ∂1 d, où d est une 1−chaîne. Comme
chaque simplexe
est contenu dans une seule composante de |K|, on peut
P
écrire d =
P dα , où dα est constitué des termes de d supportés par Cα . On
a ∂1 d = ∂1 dα et ∂1 dα est supportée par Cα . Chacun de ces termes s'écrit
donc ∂1 dα = nα vα , puisque tous les sommets de Cα sont homologues entre
eux. Soit maintenant l'homomorphisme : C0 (K) → (Z) déni par (v) = 1
pour tout sommet v de K . On a (∂1 [v, w]) = (w−v) = 1−1 = 0, pour toute
1−chaîne élémentaire [v, w]. Comme est un homomorphisme et que toute
1−chaîne s'écrit comme combinaison de chaîne élémentaire, on a (∂1 d) = 0
pour toute 1−chaîne d. En particulier, 0 = (∂dα ) = (nα vα ) = nα .
Définition 3.31. Soit : C0 (K) → Z l'homomorphisme déni par (v) = 1,
∀v ∈ K (0) . Ainsi, si c ∈ C0 (K), (c) est égal à la somme des valeurs que c
prend sur chacun des sommets de K . On appelle la fonction d’augmentation de C0 (K). Elle est surjective, en conséquence du théorème précédent.
A l'aide d', on peut dénir le groupe d’homologie réduite de dimension
0 de K :
H̃0 (K) = ker /im∂1
Les groupes d'homologie réduite en dimension p 6= 0 sont simplement
déni par H̃p (K) = Hp (K).
36
Théorème 3.32. Le groupe
l’équation suivante :
H̃0 (K)
est abélien et libre, de plus, il satisfait
H̃0 (K) ⊕ Z ∼
= H0 (K)
Ainsi, H̃0 (K) est trivial si |K| est connexe. Dans le cas contraire, soit
{vα } une collection comprenant un sommet par composante de |K| et soit
α0 un indice de cette collection. Alors les classes d’homologie des chaînes
vα − vα0 , α 6= α0 , forment une base de H̃0 (K).
Démonstration. Soit c une P
0−chaîne de K . Cette chaîne est homologue à
0
une chaîne de la forme c = nα vα et P
est un bord P
seulement si nα = 0, ∀α.
0 ) = (
Si c ∈ ker , on obtient (c) =
(c
n
v
)
=
nα = 0. Ainsi, si |K| a
α
α
P
une seule composante,
on
a
n
=
n
=
0
.
Si
|K|
a
plusieurs
composantes,
α Pα
P
alors on a forcément nα = nα0 + nα = 0 et donc c0 est une combinaison
linéaire des 0−chaînes vα − vα0 .
3.5. Homologie du cône.
Dans cette partie, on dénit une construction particulière : le cône. Cet
outil permettra non seulement de démontrer un résultat important sur les
groupes d'homologie des complexes constitués des faces propres et impropres
d'un simplexe, mais il sera aussi utile plus tard pour démontrer l'invariance
topologique des groupes d'homologie.
Définition 3.33. Supposons que K est un complexe de E J , et w ∈ E J tel
que chaque rayon partant de w n'intersecte K qu'en au plus un seul point.
On dénit le cône sur K de sommet w la collection de tous les simplexes
de la forme wa0 ...ap où a0 ...ap est un simplexe de K , ainsi que toutes leurs
faces. On note ce cône w ? K .
Démonstration. Montrons que w?K est bien-déni : il faut que les ensembles
de la forme {w, a0 , ..., ap } soient géométriquement indépendants. Supposons
que w est dans le plan P engendré par a0 , ..., an , et considérons un segment
joignant w à un point intérieur x de σ = a0 ...an . Comme Intσ est ouvert dans
P , l'intersection entre ce segment et P devrait être un intervalle ouvert, or
par dénition, x ∩ |K| n'est qu'un point, et a fortiori x ∩ P .
Proposition 3.34. Le cône w ? K est un complexe.
Démonstration. Il y a trois types de simplexes dans w ? K : celles de K , où
w n'apparait pas comme sommet, celles de la forme [w, a0 , ..., ap ] et enn,
le sommet w. Les intérieurs de deux simplexes du premier type sont bien
disjointes, car K est un complexe. Les intérieurs des simplexes de la forme
[w, a0 , ..., ap ] sont constitués des segments ouverts joignant w et [a0 , ..., ap ].
Deux segments de cette forme ne pouvent pas se croiser, car les rayons partant de w n'intersectent qu'une seule fois |K|. Les intérieurs de deux de ces
simplexes sont donc disjointes. Le même argument fonctionne pour l'intersection des intérieurs d'un simplexe du premier et du second type.
Lemme 3.35. Soit U un convexe borné et ouvert de Rn . Soit w ∈ U . Si K
est un complexe fini tel que |K| = U − U , alors w ? K est un complexe fini
tel que |w ? K| = U .
37
Démonstration. Le lemme 2.12 a pour conséquence que chaque rayon partant
de w n'intersecte |K| qu'en un seul point. Par conséquent, U est l'union des
segments allant de w à |K|, et donc est confondu avec |w ? K|.
Remarque 3.36.
• On peut observer facilement que pour un complexe
K , deux cônes w ? K et z ? K sont isomorphes. On peut construire
un isomorphisme par induction à partir de l'application qui envoie les
sommets de K sur eux-mêmes et qui envoie w sur z .
• Si K est un complexe de RN , il peut arriver qu'il n'y ait pas de point w
pour lequel on puisse construire un cône. On peut cependant regarder
K comme un complexe de RN × {0} ⊂ RN +1 et utiliser w = (0, ...0, 1) ∈
RN +1 .
Définition 3.37. Pour calculer les groupes d'homologie, il faut introduire
l'opération crochet, qui permet d'étendre les chaînes de K à celle de w?K .
On dénit cette opération comme suit : si σ = [a0 , ..., ap ] est un simplexe
orienté de K , on note [w, σ] = [w, a0 , ..., ap ] le simplexe orienté de w?K . Cette
opération est bien dénie puisqu'elle respecte les questions d'orientation :
échanger deux sommets de [a0 , ..., ap ] revient à échanger deux sommets de
[w, a0 , ..., ap ].
P
Pour les chaînes de la forme cp = ni σi ∈ Cp (K), l'opération se dénit
comme ceci :
[w, cp ] =
X
ni [wi σi ]
Propriété 3.38. De la définition, il découle que l’opération crochet est un
homomorphisme entre Cp (K) et Cp+1 (w ? K).
Lemme 3.39. L’opération crochet respecte les formules suivantes, pour c0 ∈
C0 (K) et cp ∈ Cp (K), p > 0 :
∂[w, c0 ] = c0 − (c0 )w
∂[w, cp ] = cp − [w, ∂cp ]
Démonstration. Ces formules découlent de celles-ci, pour σ ∈ K :
∂[w, σ] =
σ−w
σ − [w, ∂σ]
si dim σ = 0
si dim σ > 0
Définition 3.40. On dit d'un complexe dont les groupes d'homologie réduite
sont tous triviaux qu'il est acyclique. Le théorème suivant montre que les
cônes sont acycliques.
Théorème 3.41. Si w ? K est un cône, alors pour tout p on a :
H̃p (w ? K) = 0
38
Démonstration. Comme |w ? K| est connecté, on a déjà H̃0 (w ? K) = 0.
Supposons que p > 0. Soit zp un p−cycle de w ? K et montrons que zp est
un bord. On décompose zp en deux chaînes :
zp = cp + [w, dp−1 ]
où cp est la somme des termes de zp supportés par K et dp−1 est une
chaîne sur K . Alors on obtient l'égalité suivante, qui démontre le théorème :
zp − ∂[w, cp ] = 0.
En eet, par le lemme précédent on a :
zp − ∂[w, cp ] = cp + [w, dp−1 ] − cp + [w, ∂cp ]
On écrit alors ep−1 = dp−1 + ∂cp ], avec ep−1 une chaîne de K , et on a
[w, ep−1 ] = [w, dp−1 ] + [w, ∂cp ]. Comme zp est un cycle, on a ∂zp = 0 et donc,
en appliquant le lemme une seconde fois :
0 = ∂[w, ep−1 ]
ep−1 − (ep−1 )w
ep−1 − [w, ∂ep−1 ]
si p = 1
si p > 1
Comme ep−1 est la partie de ∂[w, ep−1 ] supportée par K , elle doit être
nulle. En conséquence :
zp − ∂[w, cp ] = [w, ep−1 ] = 0.
Théorème 3.42. Soit σ un simplexe de dimension n. Le complexe Kσ qui
consiste en σ et ses faces est acyclique.
Si n > 0, soit Σn−1 le sous-complexe de Kσ dont l’espace sous-jacent
est Bdσ. Munissons σ d’une orientation. Alors H̃n−1 (Σn−1 ) est un groupe
cyclique infini, généré par la chaîne ∂σ. De plus, H̃i (Σn−1 ) = 0 ∀i 6= n − 1.
Démonstration. Comme Kσ est un cône selon n'importe quel de ses som-
mets, il est acyclique, par le théorème précédent. Comparons les groupes des
chaînes de Kσ et Σn−1 . Ils sont tous égaux, excepté en dimension n. En eet,
il n'y a pas de chaîne de dimension n sur Σn−1 . Pour tout i 6= n − 1, ces
égalités donnent H̃i (Kσ ) = H̃i (Σn−1 ). Observons le cas où i = n−1, d'abord
lorsque n > 1 :
Hn−1 (Σn−1 ) = Zn−1 (Σn−1 ),
puisqu'il n'y a pas de n−chaînes sur Σn−1 . Alors par dénition, on a
Zn−1 (Σn−1 ) = ker ∂n−1 ,
39
et comme Hn−1 (Kσ ) = 0, on a
ker ∂n−1 = Im∂n−1 .
Comme Cn (Kσ ) est cyclique d'ordre inni et généré par σ , im∂n est lui
aussi cyclique, et généré par ∂n σ . De plus, comme Cn (Kσ ) ne possède aucun
élément d'ordre ni, im∂n est d'ordre inni.
On démontre le cas où n = 1 par un raisonnement similaire, mais dans
lequel on utilise à la place de ∂n−1 .
Exemple 3.43. Soit K un complexe et w1 et w2 deux points tels que les
cônes w1 ?K et w2 ?K ne s'intersectent qu'en |K|. On peut montrer alors que
SK = w1 ? K ∪ w2 ? K est un complexe. On appelle une telle construction la
suspension de K . Pour voir que c'est bien un complexe, il faut vérier que
l'intersection de deux intérieurs de simplexes est disjointe, pour toute paire
de simplexes de SK . Si on prend les deux simplexes dans w1 ? K ou dans
w2 ? K , on sait que leurs intérieurs sont disjointes. Il reste à vérier le cas où
l'on prend τ = [w1 , a0 , ..., ap ] et σ = [w2 , b0 , ..., bq ]. Comme τ ∩ σ ⊂ |K| par
hypothèse, onpeut être sur qu'aucun point intérieur de τ ou de σ n'est dans
cette intersection, puisque pour être intérieur à ces simplexes, un tel point
doit avoir sa coordonnée barycentrique en wi diérente de 0.
On peut dénir, à l'aide de l'opération crochet, l'application suivante :
Φ : Cp (K) −→ Cp+1 (S(K))
cp
7−→ [w1 , cp ] − [w2 , cp ].
Cette application Φ induit un homomorphisme Φ? : H̃p → H̃p+1 (S(K)).
En eet, supposons que a et b sont des p−chaînes de K , homologues entre
elles. Il faut montrer qu'elles restent homologues au travers de Φ. On a donc
a − b = ∂p+1 d, avec d ∈ Cp+1 (K). On cherche e ∈ Cp+2 (S(K)) telle que
Φ(∂p+1 d) = ∂p+2 e.
Φ(∂p+1 d) =
=
=
=
=
[w1 , ∂p+1 d] − [w2 , ∂p+1 d]
[w1 , ∂p+1 d] + ∂p+1 d − ∂p+1 d − [w2 , ∂p+1 d]
∂p+2 [w1 , d] − ∂p+2 [w2 , d]
∂p+2 ([w1 , d] − [w2 , d])
∂p+2 e.
De plus, il est clair que :
Φ(−cp ) = [w1 , −cp ] − [w2 , −cp ]
= −[w1 , cp ] + [w2 , cp ] = −Φ(cp ).
40
Fig. 20.
Suspension de K , construite sur les points w et v :
3.6. Homologie relative.
L'homologie relative permet de mieux comprendre comment les groupes
d'homologie dépendent d'un complexe donné. Elle est exposée ici succintement, n'étant pas nécessaire à la suite du présent rapport.
Définition 3.44. Soient
K un complexe et K0 un sous-complexe de K .
On peut alors voir Cp (K0 ) comme le sous-groupe de Cp (K) constitué des
p−chaînes de K qui valent 0 sur les simplexes qui ne sont pas dans K0 . Ce
constatation nous permet de dénir le groupe des chaînes relatives de K
modulo K0 , déni comme suit :
Cp (K, K0 ) = Cp (K)/Cp (K0 )
Propriété 3.45. Le groupe Cp (K, K0 ) est libre.
Démonstration. Le sous-groupe des p−simplexes orientés de K qui se trouvent
dans K0 forment une base des chaînes de K0 . Dès lors, on peut utiliser les
classes {σi } = σi + Cp (K0 ), σi 6∈ K0 , comme base de Cp (K)/Cp (K0 ).
Définition 3.46. L'opérateur bord ∂p : Cp (K0 ) → Cp−1 (K0 ) est la restriction de l'opérateur correspondant sur Cp (K). Il induit un homomorphisme
Cp (K, K0 ) → Cp−1 (K, K0 ) que l'on notera aussi ∂p . Ce nouvel homomorphisme satisfait aussi ∂p+1 ◦ ∂p = 0. On dénit alors :
Zp (K, K0 ) = ker ∂p : Cp (K, K0 ) → Cp−1 (K, K0 ),
Bp (K, K0 ) = im∂p+1 : Cp+1 (K, K0 ) → Cp (K, K0 ),
Hp (K, K0 ) = Zp (K, K0 )/Bp (K, K0 ).
41
On appelle ces groupes, respectivement, le p−ème groupe des cycles
relatifs, le p−ème groupe des bords relatifs et le p−ème groupe d’homologie relative de K modulo K0 .
Remarque 3.47. Une p−chaîne relative cp + Cp (K0 ) est un cycle relatif si
et seulement si ∂p (cp ) est supportée par K0 . De plus, c'est un bord relatif si
et seulement si il existe une p + 1−chaîne dp+1 de K telle que cp − ∂p+1 (dp+1 )
est supportée par K0 .
Théorème 3.48. Soient K un complexe, K0 un sous-complexe de K . Soit
U ⊂ |K0 | ouvert, tel que |K| − U est le polytope d’un sous-complexe L de K .
Soit encore L0 le sous-complexe de K dont l’espace sous-jacent est |K0 | − U .
Dès lors, l’inclusion de L dans K induit un isomorphisme :
Hp (L, L0 ) ∼
= Hp (K, K0 ).
Démonstration. Soit P hi l'application donnée par la composition de l'inclusion et de la projection :
i
π
Φ : Cp (L) −→ Cp (K) −→ Cp (K)/Cp (K0 ).
Cette application est surjective, puisque Cp (K)/Cp (K0 ) a pour base l'ensemble l'image des chaînes élémentaires σi qui ne sont pas supportées par
K0 , et L contient les simplexes correspondant à ces chaînes. Le noyau de
P hi est exactement Cp (L0 ), c'est-à-dire les chaînes de L supportée par K0 .
Ainsi, par le premier théorème d'isomorphisme, P hi induit l'isomorphisme
suivant :
Cp (L)/Cp (L0 ) ∼
= Cp (K)/Cp (K0 ).
Ce raisonnement est bien sur valable pour tout p. L'opérateur bord étant
conservé par cet isomorphisme, on a bien Hp (L, L0 ) ∼
= Hp (K, K0 ).
3.7. Homomorphismes induits par des applications simpliciales.
Les applications simpliciales induisent des homomorphismes entre groupe
d'homologie. Cette idée est développée ci-dessous, ainsi qu'un début d'examen des conditions sous lesquelles deux applications simpliciales engendrent
le même homomorphisme.
Définition 3.49. Soit
f : K → L une application simpliciale. Pour tout
simplexe de K donné par v0 ...vp , les points f (v0 ), ..., f (vp ) engendrent un
simplexe de L. On dénit l'application f] : Cp (K) → Cp (L) en la dénissant
de la manière suivante sur les chaînes élémentaires :
f] ([v0 , ..., vp ]) =
[f (v0 ), ..., f (vp )] si f (v0 ), ..., f (vp ) sont disctincts,
0
sinon.
42
Cette application est bien dénie : si l'on échange deux sommets dans
[v0 , ..., vp ], le signe de f ([v0 , ..., vp ]) change aussi. Cet homomorphisme peut
se construire pour tout p, on obtient alors une famille d'homomorphismes
{f] } que l'on appelle l'application de chaîne induite par l'application
simpliciale f .
Lemme 3.50. L’homomorphisme f] commute avec l’opérateur ∂ .
Remarque 3.51. Lorsqu'on dit que f] commute avec ∂ , on fait référence à
deux opérateurs bords diérents, ∂K et ∂L , et on utilise deux applications
(f] )p et (f] )p−1 dénies sur des chaînes de degré diérent. Comme toutes ces
applications sont dénies par leurs valeurs sur les simplexes, on peut réécrire
le lemme comme suit :
∂L (f] )p ([v0 , ..., vp ]) = (f] )p−1 (∂K [v0 , ..., vp ]).
En général, les indices ne sont pas nécessaires pour savoir de quel version
d'un homorphisme on parle. On évitera donc d'en noter plus que ce qui est
nécessaire à la compréhension.
Démonstration. On doit donc montrer que :
∂f] ([v0 , ..., vp ]) = f] (∂[v0 , ..., vp ]).
Notons σ = [v0 , ..., vp ] et τ = [f (v0 ), ..., f (vp )]. Il y a trois cas de gures à
traiter, en fonction de la dimension de τ .
(1) Supposons d'abord que dim τ = dim σ = p. Nous sommes dans le cas
où f (v0 ), ..., f (vp ) sont distincts. L'égalité découle dans ce cas des
dénitions de f] et de ∂ .
(2) Supposons que dim τ ≤ p − 2. Dans ce cas, ∂f] ([v0 , ..., vp ]) = 0, car
les points f (v0 ), ..., f (vp ) ne sont pas tous distincts. De même, dans
la somme ∂[v0 , ..., vp ], chaque terme [v0 , ..., vi−1 , vi+1 , ..., vp ] contient
au moins deux points confondus. Par dénition de f] , ces termes sont
envoyés sur 0, et donc f] (∂σ) = 0.
(3) Supposons enn que dim τ = p − 1. Sans perte de généralité, on
peut supposer que les sommets de σ sont ordonnés de manière à
ce que f (v0 ) = f (v1 ) et que f (v1 ), ..., f (vp ) sont distincts. Par dénition, f] ([V0 , ..., vp ]) = 0. Dans la somme ∂[v0 , v1 , ..., vp ], seuls les
termes [v1 , ..., vp ] et −[v0 , v2 , ..., vp ] n'ont que des sommets distincts
et ne sont donc pas envoyés sur 0 par f] . Cependant, leurs images,
[f (v1 ), ..., f (vp )] et −[f (v0 ), f (v2 ), ..., f (vp )] s'annulent, puisque égales
au signe près.
43
Corollaire 3.52. L’homomorphisme f] induit un homomorphisme
f? : Hp (K) → Hp (L).
Démonstration. L'application f] envoie les cycles de K sur des cycles de L,
puisque si ∂cp = 0, on a 0 = f] (∂cp ) = ∂f] (cp ). Il en va de même pour les
bords. Si cp = ∂dp+1 , on a f] (cp ) = f] (∂dp+1 ) = ∂f] (dp+1 ). Ainsi, f] induit
un homomorphisme sur les groupes d'homologie.
Théorème 3.53.
(1) Soit i : K → K l’application simpliciale identité.
Alors i? : Hp (K) → Hp (K) est l’homomorphisme identité.
(2) Soit f : K → L et g : L → M deux applications simpliciales. Alors
(g ◦ f )? = g? ◦ f? .
Démonstration. D'après les dénitions, i] est bien l'identité entre les groupes
de chaîne, de même que g] ◦ f] = (g ◦ f )] . Le théorème découle directement
de ces deux constatations.
Remarque 3.54. Ce théorème vérie la fonctorialité de l'homologie. En effet, on a un opérateur Hp qui associe à chaque complexe un groupe abélien et
un opérateur ? qui associe à chaque fonction simpliciale un homomorphisme
entre les groupes abéliens correspondant. Dès lors, le théorème nous dit que
(Hp , ?) constitue un foncteur entre la catégorie des complexes simpliciaux
et des applications simpliciales et la catégorie des groupes abéliens et des
homomorphisme de groupe.
Lemme 3.55. L’application engendrée f] préserve la fonction d’augmentation et induit donc un homomorphisme entre les groupes d’homologie
réduite, que l’on notera encore f] .
Démonstration. Soit f : K → L une application simpliciale. Comme est
construite à partir de la valeur qu'elle prend sur les sommets, il sut de
vérier que f] préserve cette valeur. Or on a bien, pour tout v ∈ K ( 0),
(v) = 1 = (f] (v)) et donc ◦ f] = .
Exemple 3.56. Des applications simpliciales diérentes peuvent induire le
même homomorphisme. Soit K et T les complexes de la gure 21, avec les
1−simplexes orientés arbitrairement et les 2−simplexes orientés tous dans
le même sens. On a déjà vu que H1 (K) ∼
= Z. On peut utiliser la classe
d'équivalence de la chaîne représentée par des èches dans la gure. On sait
aussi que H1 (T ) ∼
= Z⊕Z, et que l'on peut utiliser w1 = [A, B]+[B, C]+[C, A]
et z1 = [A, D]+[D, E]+[E, A] comme base de ce groupe.L'espace sous-jacent
de T est le tore. Considérons les applications simpliciales dénies ci-dessous
(f est illustrée dans la gure 21, g et h le sont dans la gure 22) :
f: a
b
c
d
e
f
→A g: a →A h:
→F
b →B
→D
c →C
→D
d →A
→F
e →E
→E
f →D
a
b
c
d
e
f
→A
→I
→J
→G
→G
→A
44
La fonction f envoie les 1−simplexes orientés de K
sur des 1−simplexes orientés du tore T :
Fig. 21.
On a :
f] (z) = [A, F ] + [F, E] + [E, A].
En eet, la partie [D, F ] + [F, D] s'annule. De plus, on peut observer que :
f] (z) − z1 = [A, F ] − [A, D] − [D, E] + [F, E].
Comme on a :
∂([A, F, D] + [D, F, E]) = [F, D] − [A, D] + [A, F ] + [F, E] − [D, E] + [D, F ]
= [A, F ] − [A, D] − [D, E] + [F, E],
alors f] (z) et z1 sont homologues.
On a aussi :
g] (z) = [A, B] + [B, C] + [C, A] + [A, E] + [E, D] + [D, A] = w1 − z1 .
On peut observer que lorsque deux 2−simplexes, par exemple [A, I, B]
et [I, J, B], sont côte à côte et de même orientation, lorsqu'on eectue ∂
sur leur somme, le 1−simplexe qu'ils ont en commun disparait de la chaîne
∂[A, I, B]+∂[I, J, B]. Soit c la chaîne qui constitué de la somme des 2−simplexes
qui se situent, dans la gure 22, entre g] (z) et h] (z), qui sont représentés par
des èches. Alors la chaîne ∂c est constituée uniquement de 1−simplexes formant g] (z) et h] (z). En vériant le signe des chaînes élémentaires constituant
∂c, on voit que ∂c = g] − h] .
45
Fig. 22. L'image de L par g et h : les èches qui suivent le
bord du complexe représentent g(L), les autres représentent
h(L).
On peut nalement conclure que g] et h] induisent le même homomorphisme entre H1 (K) et H1 (T ). En eet, comme les images du générateur z
par g] et h] sont homologues, lorsqu'on passe au quotient on obtient g? = h? ,
puisqu'on a égalité sur la classe d'équivalence de z , qui génère H1 (K).
Définition 3.57. Soit f, g : K
→ L des applications simpliciales et supposons que pour tout p, on a un homomorphisme Dp : Cp (K) → Cp+1 (L) tel
que
∂Dp+1 + Dp ∂ = g] − f] .
On appelle une telle famille d'homomorphisme D une homotopie de
chaîne entre f] et g] .
Théorème 3.58. S’il existe une homotopie de chaîne entre f] et g] , alors
les homomorphismes induits f? et g? sont égaux, que ce soit en homologie
réduite ou non.
Démonstration. Soit z un p−cycle de K . Alors on a :
g] (z) − f] (z) = ∂Dp z + Dp−1 ∂z = ∂Dp z + 0.
Ceci implique que g] (z) et f] (z) sont homologues. On a donc bien g? ({z}) =
f? ({z}), où {z} est la classe d'équivalence de z dans Hp (K).
Définition 3.59. Soit deux applications simpliciales f, g : K → L. On dit
que g et f sont contiguës si pour tout simplexe v0 ...vp de K , les points
46
f (v0 ), ..., f (vp ), g(v0 ), ..., g(vp ) (non-nécessairement distincts) engendrent un
simplexe de L.
Théorème 3.60. Si f, g : K → L sont deux applications simpliciales contiguës, alors il existe une homotopie simpliciale entre f] et g] .
Démonstration. Pour σ ∈ K , on note L(σ) le complexe de L constitué du
simplexe engendré par les points f (v0 ), ..., f (vp ), g(v0 ), ..., g(vp ) et de ses
faces. On peut observer les propriétés suivantes :
(1) Le complexe L(σ) n'est pas vide et, par le théorème 3.42, H̃i (L(σ)) =
0, ∀i.
(2) Si τ est une face de σ , alors L(τ ) ⊂ L(σ).
(3) Pour tout simplexe orienté σ , les chaînes f] (σ) et g] (σ) sont portées
par L(σ).
La preuve consiste en la construction de D, par induction sur p, en utilisant ces observations préliminaires.
Supposons d'abord que p = 0 et soit v un sommet de K . Comme f] et g]
conservent la fonction d'augmentation, on a (g] (v) − f] (v)) = 1 − 1 = 0.
Ainsi, g] (v) − f] (v) représente un élément de H̃0 (L(v)). Comme ce groupe
est trivial, on peut choisir une 1−chaîne D0 v de L, supportée par le souscomplexe L(v), telle que :
∂(D1 v) = g] (v) − f] (v).
Alors ∂(D1 v) + D0 ∂v = ∂(D1 v) + 0 = g] (v) − f] (v). On peut dénir D1
pour chaque sommet v de cette manière. (D0 est la fonction triviale.)
Supposons maintenant que D est dénie pour les dimensions inférieures à
p, de telle manière que pour tout simplexe orienté τ ∈ K (p−1) , la chaîne Dτ
est supportée par L(τ ) et tel que
∂Dτ + D∂τ = g] (τ ) − f] (τ ).
Soit σ un simplexe orienté de dimension p. On cherche à dénir Dσ tel
que
∂Dσ = g] (σ) − f] (σ) − D∂σ.
La chaîne D∂σ est déjà dénie par hypothèse d'induction, puisque ∂σ est
de dimension p − 1. L'égalité précédente implique que Dσ doit être un cycle.
En eet, en utilisant la commutativé de f] et g] avec ∂ , et en appliquant
l'hypothèse d'induction, on trouve :
47
∂Dσ = ∂g] (σ) − ∂f] (σ) − ∂(D(∂σ))
= g] (∂σ) − f] (∂σ) − [g] (∂σ) − f] (∂σ) − D∂(∂σ)].
Comme ∂ ◦ ∂ = 0, on a bien ∂Dσ = 0. Par ailleurs, on peut observer que
∂Dσ est supportée par L(σ) : par l'observation (3) ci-dessus, g] (σ) et f] (σ)
sont supportées par L(σ). Pour D∂σ , on peut observer que ∂σ est constitué
d'une somme de face orientée τ ⊂ σ . Pour chaque face τ , Dτ est supportée
par L(τ ) et L(τ ) ⊂ L(σ) par la deuxième observation ci-dessus. Ainsi, D∂σ
est aussi supporté par L(σ).
Come ∂Dσ est un p−cycle porté par L(σ), et comme Hp (L(σ)) = 0, on
peut simplement choisir une p + 1−chaîne Dσ portée par L(σ) respectant
∂Dσ = g] (σ) − f] (σ) − D∂σ.
On dénit ensuite D(−σ) = −Dσ . En répétant ce procédé pour chaque
p−simplexe de K , on obtient l'homotopie de chaîne Dp recherchée et la
preuve est terminée.
Définition 3.61. Soient
K et L des complexes, et K0 et L0 des souscomplexes de K et L respectivement. Pour dire que f : K → L est une
fonction simpliciale qui envoie les simplexes de K0 sur des simplexes de L0 ,
on note :
f : (K, K0 ) → (L, L0 ) est une application simpliciale.
De plus, dans ce cas, il est facile de voir que f] envoie Cp (K0 ) sur C( L0 ).
On note alors la fonction induite :
f] : Cp (K, K0 ) → Cp (L, L0 ).
Cette application commute avec ∂ et induit donc l'homomorphisme suivant :
f? : Hp (K, K0 ) → Hp (L, L0 ).
Définition 3.62. Soient
f, g : (K, K0 ) → (L, L0 ) des applications simpliciales. On dit que f et g sont contiguës en tant qu’application de paires
si chaque simplexe σ = v0 ...vp de K , les points f (v0 ), ..., f (vp ), g(v0 ), ..., g(vp )
engendrent un simplexe de L, et si σ ∈ K0 , alors ce nouveau simplexe est
dans L0 .
48
Théorème 3.63. Soit f, g : (K, K0 ) → (L, L0 ) contiguës en tant qu’applications de paires. Alors pour tout p, il y a un homomorphisme
D : Cp (K, K0 ) → Cp+1 (L, L0 )
tel que ∂D + D∂ = g] − f ]. En conséquence, f? et g? sont égales en tant
qu’applcations entre groupes d’homologie relative.
Démonstration. L'homotopie de chaîne D construite dans la preuve précédente envoie automatiquement Cp (K0 ) sur Cp+1 (L0 ). En eet, si σ ∈ K0 , le
complexe L(σ) est par dénition un sous-complexe de L0 . Pour σ donné, la
chaîne Dσ est portée par L(σ) et donc D envoie Cp (K0 ) dans Cp+1 (L0 ). Dès
lors, D induit l'homomorphisme qu'on cherche pour les groupes de chaînes
relatives.
3.8. Complexes de chaîne et supports acycliques.
On traite maintenant de la forme générale des chaînes formées par les
groupes d'homologie, an de démontrer le Théorème des supports acycliques,
dont on aura besoin par la suite.
Définition 3.64. Un complexe de chaîne C est une famille {Cp , ∂p }p∈Z ,
où les Cp sont des groupes abéliens et les ∂p sont des homomorphismes de
Cp → Cp−1 , avec la propriété que ∂p ◦ ∂p+1 = 0 ∀p.
Si Cp est le groupe trivial lorsque p < 0, on dit que le complexe de chaîne
non-négatif. Si Cp est libre pour tout p, on dit que le complexe est
libre. On dénit encore, pour tout p, le p−ème groupe d’homologie du
complexe de chaîne C :
C est
Hp (C) = ker ∂p /im∂p+1 .
Si C est non-négatif, une fonction d’augmentation pour C est un homomorphisme surjectif : C0 (C) → Z tel que ◦ ∂1 = 0. Le complexe
de chaîne augmenté {C, } est le complexe de chaîne obtenu à partir de
C auquel on a ajouté le groupe Z en dimension −1, en utilisant comme
opérateur bord entre C0 et C−1 = Z. On appelle les groupes d'homologie
du complexe augmenté les groupes d’homologie réduite du complexe C,
relativement à l'augmentation et on note ces groupes H̃i (C).
Lemme 3.65. Soit G un groupe abélien et φ : G → Z un homomorphisme
surjectif. Alors il existe un sous-groupe cyclique infini H de G tel que :
G = H ⊕ ker φ.
Démonstration. Soit g ∈ G tel que φ(g) = 1. On pose ψ(1) = g et on étend
ψ en un homomorphisme de Z dans G. Par construction, φ ◦ ψ est l'identité
sur Z .
49
On va montrer que im(ψ) est le groupe que nous cherchons. Posons donc
H = im(ψ). D'abord, H est cyclique d'ordre inni : il est engendré par g , et
comme φ et surjectif, g est d'ordre inni. Ensuite, H ∩ ker(φ) = {0}, puisque
les éléments de H sont de la forme n·g , φ(g) = 1 et g est d'ordre inni. Enn,
tout élément de G s'écrit sous la forme g n + h avec h ∈ ker(φ) : soit g 0 ∈ G
tel que g 0 6= n · g pour tout n. Soit m = φ(g 0 ). Alors g 0 = (g 0 − m · g) + m · g
avec (g 0 − m · g) ∈ ker φ et m · g ∈ H .
Lemme 3.66. Soit {C, } un complexe de chaîne augmenté. Alors H̃−1 (C) =
0 et :
H̃0 (C) ⊕ Z ∼
= H0 (C).
Démonstration. Comme est surjectif, par dénition, im = Z, et donc
H̃−1 = ker ∂−1 /im∂0 = 0.
Pour la seconde partie, on a H0 (C) = ker(∂0 )/im(∂1 ) = C0 (C)/im(∂1 ).
Or, par le lemme précédent, C0 (C) = ker() ⊕ H , avec H inni et cyclique.
Comme ◦ ∂1 = 0, aucun élément de H \ {0} ne fait partie de im(∂1 ), et
donc H0 (C) = (ker() ⊕ H)/im(∂1 ) = ker()im(∂1 ) ⊕ H . Comme H ∼
= Z, l
preuve est terminée.
Définition 3.67. Un complexe de chaîne D est dit acyclique si Hi (D) = 0
pour tout i. Un complexe de chaîne augmenté {C, } est dit acyclique si
Hi ({C, }) = H̃i (C) = 0 pour tout i, c'est-à-dire H0 (C) ∼
= Z et Hi (C) = 0
pour i 6= 0.
Définition 3.68. Soit C = {Cp , ∂p } et C0
chaînes. Une application de chaîne φ : C
morphismes
= {Cp0 , ∂p0 } des complexes de
→ C0 est une famille d'homo-
φp : Cp → Cp0
tels que ∂p0 ◦ φp = φp−1 ◦ ∂p pour tout p.
Remarque 3.69. Tout comme dans le cas simplicial, une application de
chaîne induit un homomorphisme :
(φ? )p : Hp (C) → Hp (C0 ).
De plus, les deux assertions suivantes sont vériées :
(1) L'application identité i de C est une application de chaîne, et (i? )p
est l'application identité sur Hp (C).
(2) Si φ : C → C0 et ψ : C0 → C00 sont des applications de chaînes, alors
ψ ◦ φ est aussi une application de chaîne et (ψφ)? = ψ? φ? .
50
Définition 3.70. Si {C, } et {C, 0 } sont des complexes de chaîne augmentés, l'application de chaîne φ : C → C0 est préserve l’augmentation si
0 ◦ φ0 = . Si on étend φ sur les groupes d'indice −1 en posant φ−1 comme
l'identité sur Z, alors φ devient une application de complexes chaîne augmen-
tés. Par suite, une telle application induit un homomorphisme de groupes
d'homologie réduite φ? : H̃p (C) → H̃p (C).
Définition 3.71. Soit φ, ψ : C → C0 deux applications de complexes de
chaîne. Une homotopie de chaîne de φ à ψ est une famille d'homomor-
phismes :
tels que :
pour tout p.
0
Dp : Cp → Cp+1
0
∂p+1
Dp + Dp−1 ∂p = ψp − φp
Définition 3.72. Une application de chaînes φ : C → C0 est dite une équivalence de chaînes si il existe une application de chaîne φ0 : C → C0 telle
que φ ◦ φ0 et φ0 ◦ φ sont homotopiques, en tant qu'applications de chaînes, à
l'application identité de C0 et C, respectivement. Dans une telle conguration,
on appelle φ0 une inverse homotopique de chaîne pour φ.
Propriété 3.73.
(1) L’homotopie de chaîne est une relation d’équivalence sur l’ensemble des applications de chaîne entre C et C0 .
(2) La composition des applications de chaîne induit une opération de
composition bien définie sur les classes d’homotopie de chaînes.
(3) Si φ et ψ sont homotopiques en tant qu’applications de chaînes, alors
elles induisent le même homomorphisme entre les groupes d’homologie.
(4) Si φ est une équivalence de chaînes, avec φ0 comme inverse homotopique, alors φ? et (φ0 )? sont des isomorphismes entre groupes d’homologie, inverses l’un de l’autre.
(5) Si φ : C → C0 et ψ : C0 → C00 sont des équivalences de chaînes, alors
ψ ◦ φ est une chaîne d’équivalence.
Démonstration.
(1) La réexivité de cette relation est immédiate. Il sut
de choisir l'homomorphisme trivial pour chaque Dp . Pour la symétrie,
si {Dp } est une homotopie de chaîne entre φ et ψ , alors {−Dp }
est une homotopie de chaîne entre φ et ψ . Enn, si {Dp } est une
homotopie de chaîne entre φ et ψ et si Ep est une homotopie de
chaîne entre ψ et ξ , alors on a φp − ξp = φp − ψp + ψp − ξp =
0
0
∂p+1
Dp + Dp−1 ∂p − ∂p+1
Ep + Ep−1 ∂p , et donc {Dp + Ep } est une
homotopie de chaîne entre φ et ξ .
(2) Pour démontrer ce point, il faut voir que si φ, φ0 : C → C0 et ψ, ψ 0 :
C0 → C00 sont des paires d'applications de chaînes munies respectivement des homotopies de chaîne {Dp } et {Ep }, alors ψ◦φ et ψ 0 ◦φ0 sont
homotopes en tant que chaîne. On va le montrer en deux parties :
d'abord en montrant que ψ ◦ φ et ψ 0 ◦ φ sont homotopes, et ensuite
51
en montrant que ψ 0 ◦ φ et ψ 0 ◦ φ0 sont homotopes. Par transitivité de
la relation d'homotopie, la propriété sera alors démontrée.
Faisons le calcul :
(ψ ◦ φ)p − (ψ 0 ◦ φ)p = (ψp − ψp0 ) ◦ φp
= (∂p+1 Ep + Ep−1 ∂p ) ◦ φp
= (∂p+1 Ep φp + Ep−1 φp−1 ∂p ).
La dernière égalité découle du fait que les applications de chaîne
commutent avec l'application ∂ . Par ce calcul, on voit que ψ ◦ φ et
ψ 0 ◦ φ sont homotopes par {Ep ◦ φp }. Passons à la seconde partie :
(ψ 0 ◦ φ)p − (ψ 0 ◦ φ0 )p = ψp0 ◦ (φp − φ0p )
= ψp0 ◦ (∂p+1 Dp + Dp−1 ∂p )
0
= ∂p+1 ψp+1
Dp + ψp0 Dp−1 ∂p .
Ainsi, on obtient l'homotopie {ψp+1 Dp } entre ψ 0 ◦ φ et ψ 0 ◦ φ0 . La
preuve est terminée.
(3) Il sut de voir que ∂p0 Dp +Dp−1 ∂p induit l'homorphisme trivial entre
0
les groupes d'homologie. En eet, soit z ∈ im∂p+1 . Alors (∂p+1
Dp +
0
Dp−1 ∂p )(z) = ∂p Dp (z). Ceci implique que φ(z) et ψ(z) sont dans la
0
même classe d'homologie, puisqu'ils dièrent d'un élément de im∂p+1
.
(4) Comme φ ◦ φ0 : C → C est homotope à iC , (φ ◦ φ0 )? = iC? . De même,
(φ0 ◦ φ)? = iC0 ? . Comme on a (φ ◦ φ0 )? = φ? ◦ φ0? et (φ0 ◦ φ)? = φ0? ◦ φ? ,
alors φ? et φ0? sont des isomorpismes inverses l'un de l'autre.
(5) Il faut montrer que si ψ 0 et φ0 sont des inverses homotopiques de ψ et
φ respectivement, alors φ0 ◦ ψ 0 est une inverse homotopique de ψ ◦ φ.
Pour cela, on peut appliquer le point (2) ci-dessus. En eet, si ψ 0 ◦ ψ
est homotope à iC0 , alors (ψ 0 ◦ ψ) ◦ φ est homotope à iC0 ◦ φ, et donc
φ0 ◦ (ψ 0 ◦ ψ ◦ φ) est homotope à φ0 ◦ iC0 ◦ φ. On a alors (φ0 ◦ ψ 0 ) ◦ (ψ ◦ φ)
qui est homotope à φ0 ◦ φ, qui est d'ailleurs homotope à iC . De la
même manière, on peut montrer que (ψ ◦ φ) ◦ (φ0 ◦ ψ 0 ) est homotope
à iC00 .
Lemme 3.74. Soit C et C0 deux complexes de chaîne non-négatifs. Soit
φ, ψ : C → C0 des applications de chaîne. Soit D une homotopie de chaîne
entre elles. Supposons que C et C0 sont augmentés respectivement par et 0 .
Si φ préserve l’augmentation, alors ψ aussi. Si on étend φ et ψ par l’identité
dans le groupe d’homologie −1, et que l’on étend l’homotopie D par l’homomorphisme trivial en dimension −1, alors D est une homotopie de chaîne
entre les applications de chaîne étendues.
Démonstration. Soit c0 ∈ C0 . Comme ∂c0 = 0, on a :
∂Dc0 = φ(c0 ) − ψ(c0 ).
52
Dès lors :
0 = 0 (∂Dc0 ) = 0 φ(c0 ) − 0 ψ(c0 ) = (c0 ) − 0 ψ(c0 ),
Et donc ψ conserve l'augmentation. De plus, en dimension 0, comme
D(c0 ) = 0), on a :
D(c0 ) + ∂D(c0 ) = φ(c0 ) − ψ(c0 ).
Et en dimension −1, on a :
0 (D(1)) = φ(1) − ψ(1)
car tous ces termes valent 0. Ainsi, D est une homotopie de chaîne entre
les applications de chaîne augmentées.
Lemme 3.75. Soient C et C0 deux complexes de chaîne non-négatifs. Soit
φ : C → C0 une équivalence de chaîne avec φ0 comme inverse homotopique.
On suppose C et C0 augmentés respectivement par et 0 . Alors si φ préserve
l’augmentation, φ0 aussi. De plus, φ et φ0 sont inverses homotopiques l’une
de l’autre en tant qu’applications de complexes augmentés, et les homomorphismes qu’elles induisent sont des isomorphismes inverses l’un de l’autre.
Démonstration. Soit c00 ∈ C0 (C0 ). Si D0 est une homotopie de chaîne entre
φ ◦ φ0 et l'identité, alors en dimension 0, comme D0 ∂ 0 c00 = 0 :
∂ 0 D0 c00 = φφ0 (c00 ) − c00 .
Et donc :
0 = 0 (∂ 0 D0 c00 ) = 0 φφ0 (c00 ) − 0 (c00 ) = φ0 (c00 ) − 0 (c00 ).
Donc φ0 préserve l'augmentation. Par le lemme précédent, l'homotopie D
s'étend en homotopie d'applications augmentées et φ et φ0 sont donc des
inverses homotopiques en tant qu'applications de chaîne augmentées. Il en
découle que φ et φ0 induisent des isomorphismes inverses l'un de l'autre. Définition 3.76. Soit K et L des complexes simpliciaux. Un support acyclique de K dans L est une fonction Φ qui envoie chaque simplexe σ ∈ K
sur un sous-complexe Φ(σ) de L tel que :
(1) Φ(σ) est non-vide et acyclique.
(2) Si τ est une face de σ , alors Φ(τ ) est un sous-complexe de Φ(σ).
53
Si f : Cp (K) → Cq (L) est un homomorphisme, on dit que f est porté
par Φ si pour tout p−simplexe orienté σ ∈ K , la chaîne f (σ) est portée par
le sous-complexe Φ(σ) de L.
On peut maintenant démontrer la version géométrique du théorème
des supports acycliques :
Théorème 3.77. Soit Φ un support acyclique de K dans L.
(1) Si φ et ψ sont deux applications de chaîne préservant l’augmentation
de C(K) dans C(L) portées par Φ, alors il existe une homotopie de
chaîne D entre φ et ψ, et cette homotopie est aussi portée par Φ.
(2) Il existe une application de chaîne entre C(K) et C(L) préservant
l’augmentation et portée par Φ.
Démonstration.
(1) La première partie du théorème se démontre de la
même manière que le théorème 3.60, en remplaçant L(σ) par Φ(σ).
(2) Pour la seconde partie, on construit par induction une application
possédant les propriétés désirées. On dénit alors, pour chaque sommet v de K , une 0−chaîne f (v) = c de Φ(v) telle que (c) = 1.
On peut le faire puisque Φ(v) est non-vide. Il sut en fait de choisir un sommet de ce sous-complexe. L'application f préserve alors
l'augmentation par construction et on a :
∂f (v) = 0 = f (∂(v)).
Soit σ = [v, w] un 1−simplexe orienté de K . La chaîne c = f (∂σ)
est bien dénie, car ∂σ est une 0−chaîne et f a été dénie sur les
0−chaînes. De plus, c est portée par Φ(σ) : f (∂σ) est portée par Φ(v)
et Φ(w), qui font tous deux parties de Φ(σ), par le point (2) de la
dénition. Comme f préserve l'augmentation, on a :
(c) = f (∂σ) = (∂σ) = 0.
Et donc c est un élément de H̃0 (Φ(σ)). Comme Φ(σ) est acyclique,
par (1) dans la dénition, on peut choisir une 1−chaîne portée par
Φ(σ) dont le bord est c. On note cette 1−chaîne par f (σ). Alors :
∂(f (σ)) = c = f (∂σ).
Supposons maintenant que p > 1 et supposons que si dim τ < p,
alors f (τ ) est déni et ∂f (τ ) = f ∂(τ ). Soit σ un simplexe orienté de
dimension p. La chaîne c = f (∂σ) est une p − 1−chaîne bien dénie,
par hypothèse d'induction. Elle est portée par Φ(σ) puisque Φ(∂σ)
est portée par la réunion des complexes de la forme Φ(τ ), où τ est une
p − 1−face de σ , et chacun de ces complexes est contenu par Φ(σ).
54
De plus, c est un cycle car, en appliquant l'hypothèse d'induction à
f on peut la permuter avec ∂ dans les dimensions inférieures à p et
on obtient :
∂c = ∂f (∂σ) = f (∂(∂σ)) = 0.
Comme Φ(σ) est acyclique, on peut choisir, pour f (σ), une p−chaîne
portée par Φ(σ) telle que ∂f (σ) = c. Alors ∂f (σ) = f (∂σ), comme
on le voulait.
Par induction, le théorème est démontré.
Définition 3.78. Soit C = {Cp , ∂p } un complexe de chaîne. Un souscomplexe de chaîne D de C est un complexe de chaîne dont le p−ème
groupe est un sous-groupe de Cp et dont les opérateurs bords sont des restrictions de ∂p .
Définition 3.79. Soit {C, } = {Cp , ∂p , } un complexe de chaîne augmenté.
Supposons que C est libre et soit {σpα } une base de Cp où α prend ses valeurs
dans un ensemble d'indices Jp . Soit {C0 , 0 } = {Cp0 , ∂p0 , 0 } un autre complexe
de chaîne augmenté, quelconque cette fois-ci. Un support acyclique de
C dans C0 pour les bases données est une fonction Φ qui associe à chaque
élément de la base σpα un sous-complexe de chaîne Φ(σpα ) de C0 , satisfaisant
les conditions suivantes :
(1) Le complexe de chaîne Φ(σpα ) est augmenté par 0 et est acyclique.
(2) Si σ( p − 1)β apparait dans l'expression de ∂p σpα obtenue à patrir de la
β
base choisie pour Cp−1 , alors Φ(σp−1
) est un sous-complexe de chaîne
α
de Φ(σp ).
Un homomorphisme f : Cp → Cq0 est dit porté par Φ si f (σpα ) appartient
au groupe de dimension q du sous-complexe de chaîne Φ(σpα ) de C0 , pour
tout α.
Et voilà la version algébrique du théorème des supports acycliques :
Théorème 3.80. Soient C et C0 des complexes de chaîne augmentés. Supposons C libre et soit Φ un support acyclique de C dans C0 , relativement à une
famille de bases de C. Alors il existe une application de chaîne préservant
l’augmentation φ : C → C0 supportée par Φ, et n’importe quelle paire d’applications satisfaisant ces propriétés est homotopique, par une homotopie de
chaîne supportée par Φ.
Démonstration. La démonstration de ce théorème est similaire à celle de la
version géométrique. La condition portant sur la restriction de 0 sur Φ(σpα )
est équivalente à la condition, dans le cas de l'homologie simpliciale, à demander à ce que Φ(σ) ne soit pas vide pour tout σ , puisque pour que la
restriction de 0 sur un sous-groupe de C0 (C0 soit une application d'augmentation, il faut que ce sous-groupe soit envoyé sur Z de manière surjective par
0 .
55
4.
L’homologie comme invariant homotopique
On va maintenant démontrer que l'homologie simpliciale est un invariant
topologique sur les polytopes. Pour pouvoir le montrer, il faut d'abord faire
le lien entre les applications continues entre des polytopes, et les applications
simpliciales entre des complexes.
4.1. Approximation simpliciale.
Dans cette partie, on dénit une manière d'approximer les applications
continues entre complexes par des applications simpliciales. Pour ce faire,
il est cependant nécessaire d'imposer une condition sur la fonction approximée : la condition étoile. On s'aranchira de cette condition ultérieurement.
Définition 4.1. Soit h : |K| → |L| une fonction continue. On dit que h
satisfait la condition étoile par rapport à K et L si pour tout sommet v
de K , il y a un sommet w de L tel que :
h(Stv) ⊂ Stw.
Lemme 4.2. Soit h : |K| → |L| une application satisfaisant la condition
étoile pour K et L. On choisit alors une fonction f : K (0) → L(0) telle que
pour chaque sommet v de K , on a :
h(Stv) ⊂ Stf (v).
(On peut choisir f (v) = w, où w est le sommet de L utilisé dans la
définition précédente.) Dans ce cas, on a les propriétés suivantes :
(1) Soient σ ∈ K et x ∈ σ ◦ . Soit encore τ ∈ L tel que h(x) ∈ τ ◦ . Alors
f envoie chaque sommet de σ vers un sommet de τ .
(2) La fonction f peut être étendue en une application simpliciale allant
de K dans L.
(3) Si g : K → L est une autre application simpliciales telle que h(Stv) ⊂
Stg(v) pour tout sommet v de K , alors f et g sont contiguës.
Démonstration.
(1) Posons σ = v0 ...vp . Dès lors, pour tout i, on a x ∈
Stvi , et donc :
h(x) ∈ h(Stvi ) ⊂ Stf (vi ).
Cela implique entre autre que les coordonnées barycentriques de
h(x) sont non-nulles pour chaque sommet f (vi ), i = 0, ..., p. Comme
h(x) ∈ τ ◦ , ces sommets doivent faire partie des sommets de τ .
(2) Ceci découle du fait que f envoie les sommets de σ sur les sommets
d'un simplexe de L (voir lemme 2.37.
56
(3) Soit σ ∈ K , x ∈ σ ◦ et τ tel que h(x) ∈ τ ◦ . On a, pour i = 0, ..., p :
h(x) ∈ h(Stvi ) ⊂ Stg(vi ).
Et donc les sommets g(vi ) doivent aussi être des sommets de τ .
Ainsi, f (v0 ), ..., f (vp ), g(v0 ), ..., g(vp ) engendrent une face de τ , et
donc, par dénition, g et f sont contiguës.
Définition 4.3. Soit h : |K| → |L| une application continue. Si f
est une application simpliciale telle que
:K→L
h(Stv) ⊂ Stf (v)
pour tout sommet v de K , alors f est appelée une approximation simpliciale de h.
Corollaire 4.4. Soit f : K → L une approximation simpliciale de h : |K| →
|L|. Soit x ∈ |K|. Alors il existe un simplexe τ ∈ L tel que tel que h(x) ∈ τ ◦
et f (x) ∈ τ .
Démonstration. Ceci est une conséquence du premier point du lemme 4.2.
Théorème 4.5. Soit h : |K| → |L| et k : |L| → |M | des applications avec
f : K → L et respectivement g : L → M comme approximations simpliciales.
Alors g ◦ f est une approximation simpliciale de k ◦ h.
Démonstration. On sait déjà que g ◦ f est une application simpliciale. Soit
v un sommet de K . Comme f est une approximation simpliciale de h, on a :
h(Stv) ⊂ Stf (v).
Et comme g est une approximation simpliciale de k, alors :
k(h(Stv) ⊂ k(Stf (v)) ⊂ Stg(f (v)).
Ce qui implique que g ◦ f est une approximation simpliciale de k ◦ h. Définition 4.6. Si h : |K| → |L| satisfait la condition étoile par rapport K
et L, alors, pour une approximation simpliciale f de h, on peut associer à h
une famille d'homomorphismes
h? : Hp (K) → Hp (L)
en posant h? = f? .
57
Démonstration. Pour voir que ces homomorphismes sont bien dénis, on
peut utiliser le troisième point du lemme 4.2 pour voir que si f et g sont deux
approximations simpliciales de h, elles sont contiguës, et les théorèmes 3.60
et 3.58 pour nous assurer qu'alors f? et g? sont égales.
Lemme 4.7. Soit h : |K| → |L| une application satisfaisant la condition
étoile relativement à K et L. Supposons que h envoie |K0 | sur |L0 |. Alors :
(1) Toute approximation simpliciale f : K → L de h envoie aussi K0
sur L0 . De plus, la restrictions de f à K0 est une approximation de
h restreinte |K0 |.
(2) Toutes paires d’approximations simpliciales f et g de h sont contiguës
en tant qu’application de paires.
Démonstration.
(1) Soit v un sommet de K0 . On a : St(v, K0 ) = St(v, K)∩
|K0 |. En conséquence, on a :
h(St(v, K0 )) ⊂ h(St(v, K)) ∩ h(|K0 |)
⊂ St(f (v), L) ∩ |L0 | = St(f (v), L0 ).
(2) Soient σ ∈ K0 , x ∈ σ ◦ et τ ∈ L le simplexe tel que h(x) ∈ τ ◦ . Comme
h envoie |K0 | sur |L0 |, τ doit être un simplexe de L0 . Comme f et
g envoient toutes les deux σ sur une face de τ , elles envoient K0 sur
L0 . Elles sont contiguës par le point (3) du lemme 4.2, et donc par
dénition, elles sont contiguës en tant qu'applications de paires.
4.2. Subdivisions barycentriques.
La première étape pour s'aranchir de la condition étoile pour approximer
une application h : |K| → |L| est développée dans cette partie ainsi que la
partie suivante. Il s'agit de construire un complexe K 0 plus n que K , tel
que |K 0 | = |K|, et de telle manière que h remplisse la condition étoile sur
K 0.
Définition 4.8. Soit K un complexe simplicial de E J . Un complexe K 0 est
une subdivision de K si :
(1) Chaque simplexe de K 0 est contenu par un simplexe de K .
(2) Chaque simplexe de K est égal à une union nie de simplexes de K 0 .
Remarque 4.9.
(1) Ces deux conditions impliques que l'union des simplexes de K 0 et l'union des simplexes de K sont égales. Il en résulte
que |K| = |K 0 | comme ensemble.
(2) La condition de nitude implique de plus que |K| = |K 0 | en tant
qu'espaces topologiques.
(3) Si K 00 est une subdivision de K 0 et K 0 est une subdivision de K ,
alors K 00 est aussi une subdivision pour K .
(4) Si K0 est un sous-complexe de K et K 0 est une subdivision de K ,
alors la famille des simplexes de K 0 faisant partie de |K0 | est une
subdivision de K0 . On appelle cette subdivision la subdivision induite.
58
Lemme 4.10. Soit K 0 une subdivision de K . Alors, pour chaque sommet w
de K 0 , il existe un sommet v de K tel que
St(w, K 0 ) ⊂ St(v, K).
Si σ est un simplexe de K tel que w ∈ σ◦ , alors cette dernière inclusion
est respectée précisément pour les sommets de σ.
Démonstration. Supposons d'abord que l'inclusion est vraie, et montrons la
seconde partie de l'énoncé : comme w ∈ St(w, K 0 ) ⊂ St(v, K), w doit être
contenu par un simplexe ouvert de K dont un des sommets est v .
Montrons maintenant que l'inclusion est vériée. On a vu que si c'était le
cas, alors v devait être le sommet d'un simplexe σ ∈ K tel que w ∈ σ ◦ . On
suppose donc que w ∈ σ ◦ pour un certain σ ∈ K , et on suppose que v est
un sommet de σ . L'inclusion à montrer est équivalente à celle-ci :
|K| − St(v, K) ⊂ |K| − St(w, K 0 ).
La partie gauche de cette inclusion est égale à l'union des simplexes de
K qui n'ont pas v comme sommet. Cette union peut aussi s'écrire comme
une union de simplexes τ de K 0 . Dans ce cas, aucun des ces simplexes τ ne
peut posséder w comme sommet, puisque w ∈ σ ◦ ⊂ St(v, K). Chacun de ces
simplexes τ fait alors partie de |K| − St(w, K 0 ).
Lemme 4.11.
(1) Soit K un complexe. L’intersection de n’importe quelle
famille de sous-complexes de K est à nouveau un sous-complexe de
K.
(2) Si {Kα } est une famille de complexes de E J , telle que toute intersection |Kα | ∩ |Kβ | est le polytope d’un complexe qui un sous-complexe
à la fois de Kα et de Kβ , alors l’union ∪Kα est un complexe.
Définition 4.12. Soit K un complexe et Lp une subdivision de K (p) . Soit σ
un p+1−simplexe de K . L'ensemble Bdσ est le polytope d'un sous-complexe
de K (p) et donc d'un sous-complexe de Lp . On appellera un tel sous-complexe
Lσ . Si wσ est un point intérieur de σ , alors le cone wσ ? Lσ est un complexe
dont l'espace sous-jacent est σ . On dénit Lp+1 comme l'union de Lp et des
complexes wσ ? Lσ , où σ parcourt l'ensemble des p + 1−simplexes de K .
On appelle Lp+1 la subdivision de K (p+1) obtenue en étoilant Lp aux
points wσ .
Lemme 4.13. L’union Lp+1 est un complexe.
Démonstration. On peut d'abord observer que
|wσ ? Lσ | ∩ |Lp | = Bdσ,
59
où Bdσ est le polytope à la fois d'un sous-complexe de Lp et de wσ ? Lσ .
De la même manière, si τ est un autre p + 1−simplexe de K , alors les espaces
|wτ ? Lτ | et |wσ ? Lσ | s'intersectent dans le simplexe σ ∩ τ de K , qui est le
polytope d'un sous-complexe de Lp , et donc à la fois de Lσ et de Lτ . Le
lemme 4.11 nous permet alors de conclure.
Remarque 4.14. La construction du complexe Lp+1 fait appel à des points
arbitraires wσ , desquels dépend la subdivision obtenue. La dénition suivante
permet de se passer de faire un choix plus canonique.
Définition 4.15. Soit σ = v0 ...vp . Le barycentre de σ est le point suivant :
σ̂ =
p
X
i=0
1
vi .
p+1
Il s'agit du point dont les coordonnées barycentriques relativement aux
sommets de σ sont toutes égales.
Définition 4.16. Soit K un complexe. La séquence des subdivisions des
squelettes de K est dénie comme suit. On commence par dénir L0 = K (0) ,
puis, récursivement, si Lp est une subdivision du p−squelette de K , on choisit
pour Lp+1 la subdivision du p + 1−squelette de K obtenue en étoilant Lp
partir des barycentres des p + 1−simplexes de K . Le lemme 4.11 nous assure
que la réunion des complexes Lp est une subdivision de L. On appelle cette
subdivision la première subdivision barycentrique de K , que l'on note
SdK .
Définition 4.17. Etant donné un complexe K , on peut construire le complexe SdK et prendre la première subdivision barycentrique de ce dernier,
que l'on notera Sd2 = Sd(SdK). On appelle ce nouveau complexe la seconde
division barycentrique de K , et de manière similaire, on pourra dénir
les n−ème division barycentrique de K : Sdn K .
Notation 4.18. Par la suite, on notera σ1 > σ2 lorsque σ2 est une face de
σ1 .
Lemme 4.19. Le complexe SdK est égal à la famille de tous les simplexes
de la forme σˆ1 σˆ2 ...σˆn , avec σ1 > σ2 > ... > σn .
Démonstration. La preuve se fait par induction. Les simplexes de SdK qui se
trouve dans K (0) sont des sommets. Ils sont de la forme v̂ avec v un sommet
de K . Supposons maintenant que tous les simplexes de SdK se trouvant
dans |K (p) | sont de cette forme. Soit τ ∈ SdK tel que τ est dans |K (p+1) |
mais pas dans |K (p) |. Alors τ est nécessairement un simplexe appartenant
à un complexe du type σ̂ ? Lσ , oû σ est un p + 1−simplexe de K et où Lσ
est la première subdivision barycentrique dedu complexe constitué des faces
propres de σ . L'hypothèse d'induction implique alors que chaque simplexe
de Lσ est de la forme σˆ1 σˆ2 ...σˆn , où σ1 > σ2 > ... > σn et où σ1 est une face
propre de σ . Dès lors, τ doit être de la forme σ̂ σˆ1 σˆ2 ...σˆn .
Rappel 4.20. Dans un espace métrique (X, d), le diamètre d'un ensemble
A ⊂ X est le nombre suivant : sup{d(x, y)|x, y ∈ A}.
60
Un complexe K et ses deux premières divisions barycentriques, SdK et Sd2 K :
Fig. 23.
Remarque 4.21. Si K est un complexe ni de E J , alors toutes les métriques
sont sur |K| sont équivalentes.
Théorème 4.22. Soient un complexe fini K , d une métrique sur |K| et
> 0. Alors il existe N tel que chaque simplexe de SdN K est de diamètre
inférieur à .
Démonstration. L'espace |K| est compact, puisque ni, et toutes les métriques sur |K| sont équivalentes. Dès lors, si d1 et d2 sont deux métriques
sur |K|, l'application identité entre (|K|, d1 ) et (|K|, d2 ) est uniformément
continue, puisque continue sur un compact. Ainsi, pour tout > 0, il existe
δ > 0 tel que tout ensemble de diamètre inférieur δ pour d1 a un diamètre
inférieur à pour d2 .
On utilisera la métrique induite par E J :
|x − y| = max |xα − yα |.
La preuve se fait ensuite en quatre étape.
Etape 1 :
On montre d'abord que pour un simplexe σ = v0 ...vp , le diamètre de σ
est égal à l = max |vi − vj |, autrement dit la distance maximale entre deux
sommets de σ . Puisque vi , vj ∈ σ , on sait déjà que le diamètre de σ est
inférieur ou égal à l. Pour l'inégalité inverse, on commence par montrer que
|x − vi | ≤ l pour tout x ∈ σ . On considère l'ensemble suivant :
61
C(vi , l) = {x : |x − vi | ≤ l}.
C'est un voisinage fermé de vi dans E J . Comme diamσ ≥ l, C(vi , l)
contient tous les sommets de σ . Il est de plus convexe, et donc contient
σ . Ainsi, |x − vi | ≤ l pour tout x ∈ σ .
On peut maintenant montrer que |x − y| ≤ l pour tout x, y ∈ σ : par
le précédent résultat, l'ensemble C(x, l) contient tous les sommets de σ , et
conséquemment tout σ .
Etape 2 :
On montre maintenant que si σ est de dimension p, alors pour tout z ∈ σ ,
on a :
|σ̂ − z| ≤
p
diamσ.
p+1
Pour ce faire, on fait le calcul suivant :
|v0 − σ̂| =
≤
≤
≤
p X
1
vi v0 −
p+1
i=0
p
X
1
p + 1 (v0 − v1 )
i=0 p
max |v0 − vi |
p+1 p
p+1 diamσ.
Un calcul similaire donne la même estimation pour |vj − σ̂|, ∀j . Dès lors,
le voisinage fermé de σ̂ de degré (p/(p + 1))diamσ contient tous les sommets
de σ . Comme ce voisinage est convexe, il contient σ , et on obtient le résultat
recherché.
Etape 3 :
On montre encore que si σ est un p−simplexe et si τ est un simplexe de
la première subdivision barycentrique de σ , alors on a :
diamτ ≤
p
diamσ.
p+1
Pour ce faire, on procède par induction. Pour p = 0, le résultat est triviail,
puisque les diamètres de τ et de σ sont nuls. On suppose alors que la propriété
est démontrée pour les simplexes de dimension inférieure p, et on montre
qu'elle l'est encore en dimension p. D'après le lemme 4.19 et l'étape 1 de
cette preuve, il sut de montrer que si σ1 et σ2 sont des faces de σ et que
σ1 < σ2 , alors on a :
62
|σˆ1 − σˆ2 | ≤
p
diamσ1 .
p+1
Si σ1 = σ , l'inégalité découle de l'étape 2. Si σ1 est une face propre de σ
de dimension q , alors, en appliquant l'hypothèse de récurrence, on obtient :
|σˆ1 − σˆ2 | ≤
q
diamσ.
q+1
x
De plus, comme f (x) = x+1
est une fonction croissant pour x > 0 et
comme diamσ1 ≤ diamσ , on a bien le résultat recherché, puisque :
q
p
diamσ1 ≤
diamσ.
q+1
p+1
Etape 4 :
Soient n = dim K et d le diamètre maximum d'un simplexe de K . Le
diamètre maximum
d'un simplexe de la N −ème subdivision barycentrique
N
n
n
< 1, pour un N susemment grand, ce
de K est n+1 d. Comme n+1
diamètre est plus petit que .
4.3. Le Théorème d’approximation simpliciale.
Maintenant que les subdivisions sont dénies, on peut démontrer l'existence
de subdivisions permettant d'approximer n'importe quelle fonction continue
entre deux polytopes.
Lemme 4.23. Soient X un espace compact et A un recouvrement ouvert de
X . On peut alors trouver un nombre λ, appelé nombre de Lebesgue, tel
que pour tout ensemble V ⊂ X de diamètre inférieur à λ, il existe un ouvert
U ∈ A tel que V ⊂ U .
Démonstration. Supposons, par absurde, qu'il n'existe pas de tel λ. On peut
choisir alors une séquence {Cn }n∈N d'ensembles tel que Cn possède un diamètre inférieur à n1 mais n'appartient à aucun ensemble de A. Choisissons,
pour tout n, xn ∈ Cn . Comme X est compact, la suite {xn } doit posséder
une sous-suite {xnk } convergente. Appelons x la limite d'une telle sous-suite.
Il doit exister un ensemble A ∈ A tel que x ∈ A. Comme A est ouvert, il
contient Cnk pour k susemment grand, ce qui est une contradiction avec
l'hypothèse de construction.
Théorème 4.24. Soient K et L deux complexes. Supposons K fini. Alors
pour toute fonction continue h : |K| → |L|, il existe N ∈ N tel qu’on puisse
trouver pour h une approximation simpliciale f : SdN K → L.
Démonstration. Considérons d'abord le recouvrement ouvert A de |K| constitué des ensembles h−1 (Stw) lorsque w parcours L(0) . Comme K est un espace
métrique compact (avec la même métrique que dans le théorème 4.22), on
peut appliquer le lemme précédent et trouver le nombre de Lebesgue λ du
63
recouvrement A. Par le théorème 4.22, on peut choisir N tel que chaque simplexe de SdN K a un diamètre inférieur à λ2 . Dès lors, pour chaque sommet
v de SdN K , l'ouvert Stv est de diamètre inférieur à λ, et il est donc contenu
par un ouvert de la forme h−1 (Stw). La fonction h : |K| → |L| satisfait donc
la condition étoile relativement à SdN K et L, et l'approximation simpliciale
cherchée existe.
Remarque 4.25. Démontrer le même résultat dans un cas plus général
demande bien plus d'eort. En eet, l'argument de compacité ne peut plus
être utilisé, et on ne peut plus trouver un nombre λ valable pour tous les
simplexes de K .
Définition 4.26. Soient K un complex et K0 un sous-complexe de K . On
dénit une séquence de subdivision des p−squelettes de K : on pose J0 =
K (0) et pour le cas général, on suppose que Jp est une subdivision de K (p)
tel que chaque simplexe de K0 de dimension p ou inférieur à p font partie
de Jp . On dénit alors Jp+1 comme l'union de tous les p + 1−simplexes de
Jp , des p + 1−simplexes de K0 et des cônes de la forme σ̂ ? Jσ , où σ est un
p + 1−simplexe de K qui ne fait pas partie de K0 .
L'union des complexes Jp est une subdivision de K appelée la première
subdivision barycentrique de K fixant K0 , notée Sd(K/K0 ).
Définition 4.27. De la même manière que pour les subdivisions barycentriques, on peut répéter l'opération sur la première subdivision xant K0
pour obtenir Sd(Sd(K/K0 )/K0 ). Ce complexe est alors appelé la seconde
division barycentrique de K fixant K0 , notée Sd2 (K/K0 ). On dénit
pareillement SdN (K/K0 ).
Définition 4.28. Soient K un complexe et N une fonction associant un entier non-négatif N (σ) à chaque simplexe σ de dimension strictement positive
de K . On construit par itération une subdivision de K en posant L0 = K (0) .
On suppose tout d'abord que Lp est une subdivision du p−squelette de K .
Pour chaque p + 1−simplexe σ de K , on dénit Lσ comme le sous-complexe
de Lp ayant Bdσ comme espace sous-jacent. On construit le cône σ̂ ? Lσ et
on subdivise ce cône N (σ) fois d'alée, en xant Lσ . On dénit alors Lp+1
comme l'union de Lp et des complexes obtenus par subdivisions
SdN (σ) ((σ̂ ? Lσ )/Lσ ),
pour tout p + 1−simplexe σ ∈ K . Ainsi, Lp+1 est une subdivision du
p + 1−squelette de K . La réunion des complexes Lp est une subdivision de
K qu'on appelle la subidivision barycentrique généralisée de K associée
à la fonction N .
Lemme 4.29. Soient K un complexe et K0 un sous-complexe de K .
(1) Si τ est un simplexe de Sd(K/K0 ), alors τ est de la forme suivante :
τ = σ̂1 ...σ̂q v0 ...vr ,
64
où s = v0 ...vp est un simplexe de K0 et où σ1 , ..., σq sont des
simplexes de K qui ne sont pas dans K0 , avec σ1 > ... > σq > s.
(2) Dans l’expression précédente, v0 ...vr ou σ̂1 ...σ̂q pourraient ne pas apparaitre. Le simplexe τ est disjoint de |K0 si et seulement si v0 ...vp
n’apparait pas. Dans ce cas, τ est un simplexe de SdK .
Démonstration.
(1) On démontre ceci par induction. Si τ est dans J0 , le
résultat est vérié. Si ce n'est pas le cas, considérons un simplexe τ
de Jp+1 qui n'est pas dans Jp . Dans ce cas, τ soit appartient à K0 ,
et dans ce cas il est de la forme v0 ...vr , soit il appartient à un des
cônes de la forme σ̂ ? Lσ . Comme chaque simplexe de Jσ est de la
forme σ̂1 ...σ̂q v0 ...vr , par hypothèse d'induction, τ est bien de la forme
σ̂σ̂1 ...σ̂q v0 ...vr .
(2) Soit τ = σ̂1 ...σ̂q v0 ...vr . Si v0 ...vr apparait bien dans cette expression,
alors τ et |K0 | s'intersectent au moins en v0 ...vr . Inversément,si l'intersection τ ∩ |K0 | n'est pas vide, alors elle contient une face de τ , et
donc un sommet de τ . Comme aucun des points σ̂1 , ..., σ̂q n'appartient à |K0 |, les termes v0 ...vr doivent apparaitre.
Définition 4.30. Soit A une famille d'ensembles. On dit qu'une famille B
ane A si pour chaque B ∈ B, il existe un ensemble A ∈ A tel que B ⊂ A.
Lemme 4.31. Soit X et Y deux espaces topologiques. Si Y est compact, et
si C est un recouvrement ouvert de {x} × Y , alors il existe un voisinage U
de x tel que C est un recouvrement ouvert de U × Y .
Remarque 4.32. Ce lemme est connu sous le nom de tube lemma, "lemme
du tube". On ne donnera pas de démonstration ici.
Lemme 4.33. Soit K = p ? B un cône construit sur un complexe fini B .
Soit A un recouvrement ouvert de |K|. On suppose qu’il existe une fonction
B (0) → A qui assigne à chaque sommet v de B un ouvert Av de A avec la
propriété suivante :
St(v, B) ⊂ Av .
Alors, il existe un nombre N tel que la collection constituée des étoiles
fermées des subdivisions SdN (K/B) affine A, et telle que pour chaque sommet
b de B , on a :
St(v, SdN (K/B)) ⊂ Av .
Démonstration. On suppose, sans pertes de généralité, que |B| est un sousensemble de Rm ×{0} pour un certain m ∈ N et que p = (0, ..., 0, 1) ∈ RN ×R.
On pose n = dim K .
La preuve se fait en quatre étape :
65
Etape 1 :
En général, lorsque N , le diamètre maximum des simplexes de SdN (K/B)
ne tend pas vers 0, puisque si σ a une face de dimension non-nulle dans B ,
celle-ci n'est jamais subdivisée, et son diamètre ne varie pas. Par contre, il
est vrai que lorsque N augmente, les simplexes qui intersectent Rm × 0 se
rapprochent de plus en plus de ce plan. On montre, de manière plus générale,
que si K 0 est une subdivision de K qui xe B et que si les simplexes de K 0
qui intersectent Rm × 0 sont dans Rm × [0, ], alors si τ est un simplexe de
n
Sd(K 0 /B) qui intersecte Rm × 0, τ se trouve dans Rm × [0, n+1
].
Un tel simplexe τ est, d'après le lemme 4.29, de la forme σ̂1 ...σ̂q v0 ...vp ,
avec v0 ...vp un simplexe de B et σ1 , ...σq des simplexes de K 0 qui ne sont pas
dans B . Comme on suppose que τ intersecte Rm × 0 sans y être inclu, les
deux parties de l'expression sont bien présentes.
On considère maintenant un sommet σ̂j de τ . Comme σj a le simplexe
v0 ...vp comme face (toujours par le même lemme), il intersecte Rm × 0 et,
par hypothèse, se trouve dans Rm × [0, ]. Soient w1 , ..., wk les sommets de
σj et soit π : Rm × R → R la projection sur la dernière coordonnée. Alors
π(wi ) ≤ pour i = 0, ..., k et π(wi ) = 0 pour au moins un de ces sommets,
puisque σj intersecte le plan RN × 0. On calcule alors :
π(σ̂j ) =
k X
k
1
π(wi ) ≤
.
k+1
k+1
i=0
n
Ainsi, chaque sommet de τ est dans l'ensemble Rm × [0, n+1
]. Comme cet
ensemble est convexe, il contient τ .
Etape 2 :
On notera dorénavant KN = SdN (K/B). Cette étape consiste à montrer
qu'il existe un N0 ∈ N tel que N ≥ N0 implique que pour chaque sommet v
de B , on a :
(1)
St(v, KN ) ⊂ Av .
Il s'agit là de la deuxième partie de l'énoncé.
Par hypothèse, on a St(v, B) ⊂ Av . On peut montrer qu'il existe δ > 0 tel
que
St(v, KN ) ∩ (Rm × [0, δ] ⊂ Av
pour tout v ∈ B . Pour ce faire, on considère l'application continue suivante :
ρ : |B| × I → |K|
(x, t) → (1 − t)x + tp.
66
Cette application envoie St(v, B) × I sur St(v, K), car K est un cône sur
B . De plus, ρ préserve la dernière coordonnée. En eet :
π(ρ(x, t)) = (1 − t)π(x) + tπ(p)
= (1 − t) · 0 + t · 1 = π(x, t).
L'ensemble St(v, B) est compact. Le lemme du tube précédemment cité
assure qu'il existe un δ > 0 tel que :
St(v, B) × [0, δ] ⊂ ρ−1 (Av ).
Par suite, l'ensemble
ρ(St(v, B) × [0, δ]) = St(v, K) ∩ (Rm × [0, δ])
est bien un sous-ensemble de Av .
En appliquant l'étape 1, on trouve un N0 tel que si N ≥ N0 , alors chaque
simplexe de KN qui intersecte Rm × 0 se trouve dans Rm × [0, δ]. Alors, si v
est un sommet de B , l'ensemble St(v, KN ) est dans RN × [0, δ]. Comme cet
ensemble est aussi dans St(v, K), il est dans Av , comme on le voulait.
Etape 3 :
Maintenant que N0 est xé, on considère KN0 +1 . Soit P l'union des simplexes de KN0 +1 dont l'intersection avec B est non-vide et soit Q l'union
des simplexes de KN +1 qui n'intersecte pas B . On va démontrer que si
N ≥ N0 + 1, alors pour tout sommet w de KN qui se trouve dans P mais
pas dans |B|, il existe un ensemble A ∈ A tel que :
(2)
St(w, KN ) ⊂ A.
On commence par démontrer ceci dans le cas où N = N0 + 1. Dans ce cas,
P est le polytope d'un sous-complexe de KN0 +1 , par dénition. Si w est un
sommet de KN0 +1 se trouvant dans P mais pas dans |B|, alors w = σ̂ pour
un simplexe σ ∈ KN0 qui intersecte B mais n'est pas contenu par celui-ci,
par le lemme 4.29. Soit v un sommet de σ se trouvant dans |B|. Comme w
est dans σ ◦ , par le lemme 4.10 on a :
St(w, KN0 +1 ) ⊂ St(v, KN0 ).
Alors, par la propriété 1 de l'étape 2 :
67
St(w, KN0 +1 ) ⊂ St(v, KN0 ) ⊂ Av .
Montrons maintenant la propriété 2 dans le cas où N > N0 + 1. Si
w0 est un sommet de KN contenu par P , alors w0 ∈ St(w, KN0 +1 ) pour
un certain sommet w ∈ KN0 +1 contenu par P . Alors, par le lemme 4.10,
St(w0 , KN ) ⊂ St(w, KN0 +1 ). Dès lors, la propriété 2 découle du résultat
prouvé dans le cas N = N0 + 1.
Etape 4 :
Soit λ un nombre de Lebsegue pour le recouvrement ouvert A de |K| et
considérons l'espace Q. C'est le polytope d'un sous-complexe J de KN0 +1 .
Par le lemme précédent, lorsqu'on construit KN0 +2 , chaque simplexe de J
est subdivisée de manière barycentrique. Ainsi, KN0 +2 a SdJ comme souscomplexe. En répétant cet argument, on voit que KN0 +1+M a SdM J comme
sous-complexe.
On peut choisir M susemment grand pour que chaque complexe de
SdM J ait un diamètre inférieur λ2 . Dès lors, si N ≥ N0 + 1 + M et si w
est un sommet de KN ne faisant pas partie de P , alors on peut montrer qu'il
existe A ∈ A tel que :
(3)
St(w, KN ) ⊂ A.
Eectivement : comme w n'est pas dans P , chaque simplexe de KN qui
possède w comme sommet doit faire partie de Q et donc être un simplexe de
SdM J . C'est pourquoi S(w, KN ) est de diamètre inférieur à λ et est contenu
par un élément de A.
Les propriétés 1, 2 et 3 démontrent le lemme.
Théorème 4.34. Soit K un complexe et A un recouvrement ouvert de |K|.
Alors il existe une subdivision barycentrique généralisée K 0 de K telle que la
collection des étoiles fermées {St(w, K 0 )}, où w est un sommet de K 0 , affine
A.
Démonstration. On construit K 0 par itération. On pose L0 = K (0) , et pour
chaque sommet v de K (0) , on choisit un élément Av de A tel que v ∈ Av .
Soit p > 0 et supposons qu'on ait une subdivision Lp de K (p) , ainsi qu'une
fonction fp qui assigne à chaque sommet v de Lp un élément Av de A tel
qu'on ait :
St(v, Lp ) ⊂ Av .
On étend alors Lp en une subdivision Lp+1 de K (p+1) et fp en une fonction
fp+1 ayant les mêmes propriétés : pour chaque p + 1−simplexes σ de K ,
l'espace Bdσ est le polytope d'un sous-complexe Lσ de Lp . On considère le
cône σ̂ ?Lσ . Par le lemme précédent, il existe un entier N (σ) tel qu'en posant
68
C(σ) = SdN (σ) ((σ̂ ? Lσ )/Lp ),
les conditions suivantes sont vériées : pour chaque sommet v de C(σ)
appartenant à Lσ , on a :
St(v, C(σ)) ⊂ Av ,
et pour chaque sommet w de C(σ) n'appartenant pas Lσ , il existe un
élément A de A tel que :
St(w, C(σ)) ⊂ A.
On dénit alors Lp+1 comme la réunion de Lp et des complexes C(σ)
lorsque σ parcourt les p + 1−simplexes de K .
Si v est un sommet de Lp , alors St(v, Lp+1 ) est la réunion des ensembles
St(v, Lp ) et St(v, C(σ)) lorsque σ parcourt les p + 1−simplexes de K contenant v . Chacun de ces ensembles est contenu par Av , par construction. Si
w est, par contre, un sommet de Lp+1 mais pas de Lp , alors w est à dans
l'intérieur d'un certain p + 1−simplexe σ ∈ K , et donc :
St(w, Lp+1 ) = St(w, C(σ)).
Ce dernier ensemble est contenant par un élément A de A, et on dénit
fp+1 (w) comme étant un tel élément. L'induction est maintenant terminée.
On dénit maintenant K 0 comme la réunion des complexes Lp et on dénit
Av = f (v) pour tout sommet v de K 0 . Cette fonction démontre le théorème.
Si v est un sommet de K 0 , et donc un sommet de Lp pour un certain p, alors :
St(v, Lp+k ) ⊂ fv+k (v) = f (v) = Av ,
pour tout k ≥ 0, d'où il découle que St(v, K 0 ) ⊂ Av .
Théorème 4.35. Soit K et L deux complexes et soit h : |K| → |L| une
application continue. Alors il existe une subdivision K 0 de K telle que h
possède une approximation simpliciale f : K 0 → L.
Démonstration. Soit A le recouvrement ouvert de |K| déni par les ensembles
h−1 (St(w, L)) lorsque w parcourt les sommets de L. Soit K 0 une subdivision
de K dont les étoiles fermées anent A. Alors h satisfait la condition étoile
par rapport K 0 et L.
69
4.4. Un peu d’algèbre des subdivisions.
Comme on pouvait s'y attendre, si K 0 est une subdivision de K , alors K 0
et K ont les mêmes groupes d'homotopie. Ce n'est cependant pas complètement trivial. On démontre aussi dans cette partie que les approximations
simpliciales de l'unité induisent toute un isomorphisme entre les groupes
d'homologie.
Lemme 4.36. Soit K 0 une subidivision de K et soit i : |K| → |K| l’identité.
Alors i a une approximation simpliciale g : K 0 → K . De plus, si les simplexes
τ ∈ K 0 et σ ∈ K sont tels que τ ⊂ σ , alors g(τ ) ⊂ σ .
Démonstration. Par le lemme 4.10, l'application i satisfait la condition étoile
et possède donc une approximation simpliciale g . Si τ ⊂ σ , soit w un sommet
de τ . Alors w est à l'intérieur de σ ou d'une face de σ .Alors, par le lemme 4.2,
g envoie w sur un sommet de σ .
Définition 4.37. Soit K 0 une subdivision du complexe K . Si σ est un simplexe de K , on note K(σ) le sous-complexe constitué de σ et de ses faces.
On note K 0 (σ) le sous-complexe dont l'espace sous-jacent est σ .
Théorème 4.38. Soit K 0 une subidivision de K . Il existe une application de
chaîne unique préservant l’augmentation λ : C(K) → C(K 0 ) tel que λ(σ) est
portée par K 0 (σ) pour tout σ. De plus, si g : K 0 → K est une approximation
simpliciale de l’identité, alors λ et g] sont des inverses homotopiques de
chaînes, et donc λ? et g? sont des isomorphismes inverses l’un de l’autre.
Remarque 4.39. On appelle λ l'opérateur de subdivision.
Démonstration. La preuve se fait en quatre étape :
Etape 1 : On commence par montrer que le théorème est vrai lorsque
K 0 (σ) est acyclique pour tout σ ∈ K . Pour ce faire, on utilisera le théo-
rème 3.77. On va dénir les supports acycliques suivant :
Ψ : K → K,
Φ : K 0 → K 0,
Λ : K → K 0,
Θ : K 0 → K.
Les supports Ψ et Λ sont dénis comme suit, pour tout σ ∈ K :
Ψ(σ) = K(σ),
Λ(σ) = K 0 (σ).
Le complexe K(σ) est acyclique puisqu'il consiste en un simplexe et ses
faces et K 0 (σ) est acyclique par hypothèse. La condition d'inclusion des
supports acycliques est immédiate : si τ < σ , alors K(τ ) ⊂ K(σ) et K 0 (τ ) ⊂
K(σ).
70
Pour dénir, Θ et Φ, on dénit d'abord, pour tout τ ∈ K 0 , στ comme le
simplexe de K de dimension minimale tel que τ ⊂ στ . Dans ce cas, si t est
un face de τ , alors σt ⊂ στ , puisque σt et στ contiennent tout deux t, leur
intersection contient à nouveau t et comme σt est de dimension minimale, il
doit être égal à cette intersection. On peut alors dénir :
Θ(τ ) = K(στ ),
Φ(τ ) = K 0 (στ ).
Ces deux complexes sont acycliques, pour les mêmes raisons qu'auparavant. La condition d'inclusion est une conséquence du fait que si t < τ , alors
σt ⊂ στ .
Le théorème 3.77 implique l'existence de deux applications λ : Cp (K) →
Cp (K 0 ) et θ : Cp (K 0 ) → Cp (K) préservant l'augmentation, et portée respectivement par Λ et T heta.
On peut observer que l'identité sur Cp (K) est supportée par Ψ. En montrant que θ ◦ λ est aussi supportée par Ψ, on pourra conclure, toujours par
le théorème 3.77, que θ ◦ λ est homotopique à l'identité. Soit donc σ un
simplexe de K . Alors λ(σ) est une chaîne de K 0 (σ). Tout simplexe τ dans
la subdivision K 0 (σ) de σ est contenu par σ , et donc στ est soit σ , soit une
face de σ . Dans les deux cas, si τ apparait dans la chaîne λ(σ), alors θ(σ)
est supportée par K(στ ) ⊂ K(σ). Ainsi, θ(λ(σ)) est une chaîne de K(σ), et
donc θ ◦ λ est supportée par Ψ.
L'identité sur Cp (K 0 ) est supportée par Φ : τ est contenu par στ par
dénition, et donc τ est un simplexe de K 0 (στ ). On peut montrer que λ ◦ θ
est aussi supportée par Φ et donc que λ ◦ θ est homotopique à l'identité :
soit τ ∈ K 0 . Alors θ(τ ) est supportée par le complexe K(στ ) donné par σ et
ses faces, et donc θ(τ ) est constiué d'une somme de faces orientées de στ . Si
s est une face de στ , alors λ(s) est supportée par K 0 (s) ⊂ K 0 (στ ). Par suite,
λθ(τ ) est supportée par K 0 (στ ) = Φ(τ ), et c'est ce qu'on voulait.
Cette précédente discussion est indépendante du choix des chaînes θ et λ.
Pour θ, on peut choisir l'application g] donnée par le lemme précédent. Ce
lemme permet de voir que g] est supportée par Θ. Ainsi, g] et λ sont des
inverses homotopiques, en tant qu'applications de chaîne.
On démontre l'unicité de λ par l'absurde. Supposons qu'il existe une application de chaîne λ0 diérente de λ, conservant l'augmentation et supportée
par Λ. Alors le théorème 3.77 assure qu'il existe une homotopie d'applications
de chaîne D, aussi supportée par Λ, entre λ et λ0 . Si σ est un p−simplexe,
alors Λ(σ) = K 0 (σ) est un complexe de dimension p. Comme D(σ) est une
p + 1−chaîne supportée par K 0 (σ), elle doit être nulle, puisqu'il n'y a pas de
p + 1−simplexe dans K 0 (σ). Dès lors, D est une famille d'applications nulles,
et l'équation ∂D + D∂ = λ − λ0 implique λ = λ0 .
Etape 2 :
Le théorème est vérié lorsque K 0 = SdK . En eet, pour un simplexe
σ ∈ K , le complexe K 0 (σ) est un cône : il est égal à σ̂ ? J , où J est la première subidivision barycentrique de Bdσ . De plus, le théorème 3.41 dit que
71
les cônes sont acycliques, et on peut appliquer l'étape précédente.
Etape 3 :
Le théorème est vérié lorsque K 0 = SdN K . Il sut de prouver que pour
tout simplexe σ ∈ K , le complexe SdN K(σ) est acyclique, l'étape 1 donnant
la conclusion cherchée. D'après l'étape précédente, on a, pour un complexe
L, :
H̃i (L) ∼
= H̃i (SdL) ∼
= ... ∼
= H̃i (SdN L) ∼
= ...
Et donc si L est acyclique, ses subdivisions barycentriques aussi.
Etape 4 :
Le théorème est vérié dans le cas général. Pour ce faire, il sut de montrer
que pour un simplexe σ ∈ K et une subdivision quelconque K 0 de K , alors
K 0 (σ) est acyclique. L'étape 1 implique alors le résultat cherché.
Posons L = K(σ) et L0 = K 0 (σ). Alors L est acyclique. Soit g : L0 → L
l'approximation simpliciale de l'identité. Soit N tel que l'identité sur |L| possède une approximation simpliciale f : SdN L → L0 (on trouve un tel N avec
le théorème d'approximation simpliciale nie 4.24.) De la même manière, soit
M tel que l'identité ait une approximation simpliciale k : SdM (L0 ) → SdN L.
Alors g ◦ f est une approximation simpliciale de l'identité, et par l'étape 3,
(g ◦ f )? = g? ◦ f? est un isomorphisme. Ceci implique que f? est injective.
Pour la même raison qu'avant, (f ◦ k)? = f? ◦ k? est aussi un isomorphisme et
ceci implique cette fois que f est surjective. Ainsi, f? est un isomorphisme.
Comme f? et g? ◦ f? sont des isomorphismes, alors g? aussi, et donc L0 est
acyclique.
Définition 4.40. Lorsque K 0 est la première subdivision barycentrique de
K , on note l'opérateur de subdivision λ par :
Sd : Cp (K) → Cp (SdK).
On l'appelle alors l'opérateur de subdivision barycentrique.
Remarque 4.41. L'opérateur barycentrique de subdivision peut se dénir
récursivement :
Sd(v) = v,
Sd(σ) = [σ̂, Sd(∂(σ))]
où les crochets représentent l'opération crochet précedemment dénie.
Théorème 4.42. Soit K0 un sous-complexe de K . Soit K 0 une subdivision
de K . On note K00 la subdivision induite sur K0 par K 0 . L’opérateur de
subdivision λ induit une application de chaîne :
72
λ : Cp (K, K0 ) → Cp (K 0 , K00 ).
Si g : (K 0 , K00 ) → (K, K0 ) est une approximation simpliciale de l’identité,
alors λ et g] sont inverses l’une de l’autre, en tant qu’homotopies de chaîne.
Démonstration. Il sut de vérier que les supports acycliques dénis dans
la première étape du théorème précédent préservent les sous-complexes K0
et K00 . Soit σ ∈ K0 . Alors Ψ(σ) = K(σ) et Λ(σ) = K 0 (σ) sont des souscomplexes de K0 et de K00 , respectivement. D'autre part, si τ est un simplexe
de K00 , alors il est contenu dans un simplexe σ de K0 , et par suite, le simplexe
de K de plus petite dimension contenant τ , στ , doit appartenir à K0 . Donc
Θ(τ ) = K(στ ) et Ψ(τ ) = K 0 (στ ) sont respectivement des sous-complexes de
K0 et de K00 .
Par suite, les applications de chaînes λ et θ, supportées par Λ et Θ, induisent des applications de chaîne respectant les sous-complexes K0 et K00 ,
et les homotopies de chaîne entre les applications identité et, respectivement, θ ◦ λ et λ ◦ θ, induisent des homotopies de chaîne respectant aussi les
sous-complexes concernés, et en choisissant g] pour λ, comme auparavant,
on peut déduire que g] et λ sont des inverses homotopiques respectant ces
mêmes sous-complexes.
4.5. Invariance topologique des groupes d’homologie.
Dans cette partie, on montre que des polytopes homéomorphes possèdent
les mêmes groupes d'homologie.
Définition 4.43. Soient K et L des complexes simpliciaux. Soit h : |K| →
|L| une application continue. Soit K 0 une subdivision de K telle que h possède une approximation simpliciale de K 0 dans L. Soit λ : C(K) → C(K 0 )
l'opérateur de subdivision. L'homomorphisme induit par h est déni
par :
h? : Hp (K) → Hp (L)
avec h? = f? ◦ λ? .
Remarque 4.44. Pour une subdivision donnée, h? est indépendant du choix
de l'approximation simpliciale choisie, puisque les approximations simpliciales d'une même application sont contiguës (lemme 4.2.)
Lemme 4.45. L’homomorphisme h? est indépendant de la subdivision choisie.
Démonstration. On observe tout d'abord que si g : K 0 → K est une approxi-
mation simpliciale de l'identité sur |K|, alors λ? et g? sont inverses l'un de
l'autre. On peut alors écrire :
h? = f? ◦ (g? )−1 .
73
Supposons que K 00 est une autre subdivision de K telle que h possède
une approximation entre K 00 et L. Il y a deux cas. Dans le premier cas,
l'application identité sur |K| possède une approximation k entre K 00 et K 0
(c'est le cas où K 00 est une subdivision de K 0 , ce qui n'est pas obligatoire.)
Dans ce cas, on a g ◦ k et f ◦ k comme approximation simpliciale de l'identité
pour le premier et de h pour le second. L'homomorphisme h? déni à partir
de K 00 s'écrit alors :
−1
(f ◦ k)? ◦ (g ◦ k)−1
= f? ◦ g?−1 .
? = (f? ◦ k? ) ◦ (g? ◦ k? )
La partie droite de ces égalités est l'expression pour h? que l'on trouve
lorsqu'on utilise la subdivision K 0 .
Dans le cas où l'on ne trouve pas d'approximation k, on utilisera une
subdivision K 000 commune de K 00 et de K 0 tel que l'application identité sur
|K| a les approximations suivantes :
k1 : K 000 → K 0 et k2 : K 000 → K 00 .
Ainsi, on se ramène au cas précédent, et on peut observer que l'homomorphisme h? trouvé est le même, qu'on utilise K 000 , K 00 ou K 0 comme subdivision
de K .
Théorème 4.46. L’application identité i : |K| → |K| induit l’homomorphisme identité i? : Hp (K) → Hp (K). Si h : |K| → |L| et k : |L| → |M | sont
des applications continues, alors (k ◦ h)? = k? ◦ h? . Ces résultats sont aussi
valables en homologie réduite.
Démonstration. La première partie est une conséquence immédiate de la
dénition de i? . Pour prouver la seconde partie, soit f0 : L0 → M et g0 :
L0 → L des approximations simpliciales respectivement de k et de i|L| . Soit
de plus f1 : K 0 → L0 et g1 : K 0 → K des approximations simpliciales
respectivement de h et de i|K| .
Fig. 24.
Résumé de la preuve du théorème 4.46
|K|
h
/ |L|
KO
LO
g0
g1
K0
>L
}}
}
}
}}
}} f1
0
k
/ |M |
M
}>
}
}}
}}
}} f0
Comme f0 ◦ f1 est une approximation simpliciale de k ◦ h, on a, par dénition :
(k ◦ h)? = (f0 ◦ f1 )? ◦ (g1 )−1
? .
De même, comme g0 ◦ f1 est une approximation simpliciale de h, on a :
74
−1
h? = (g0 ◦ f1 )? ◦ (g1 )−1
? et k? = (f0 )? ◦ (g0 )? .
En combinant les trois dernières égalités et en utilisant le théorème 3.53,
on obtient le résultat voulu :
−1
k? ◦ h? = (f0 )? ◦ (g0 )−1
? ◦ (g0 ◦ f1 )? ◦ (g1 )?
= (f0 ◦ f1 )? ◦ (g1 )−1
?
Corollaire 4.47. Si h : |K| → |L| est un homéomorphisme, alors h? :
Hp (K) → Hp (L) est un isomorphisme. Ce résultat reste valable en homologie
réduite.
Démonstration. Soit k : |L| → |K| l'inverse de h. Alors h? ◦ k? est égal à
(i| L|)? et k? ◦ h? = (i|K| )? . Ainsi, h? ◦ k? et k? ◦ h? sont des isomorphismes.
Par conséquent, h? soit être respectivement injectif et surjectif. C'est donc
un isomorphisme.
Théorème 4.48. Soit K, K0 , L, L0 et M, M0 des paires constituées d’un
complexe et d’un sous-complexe. Soit i : |K| → |K| l’identité. Si h : |K| →
|L| et k : |L| → |L0 | des applications continues envoyant, respectivement,
les sous-espaces |K0 sur |L0 | et |L0 | sur |M0 |. Alors (k ◦ h)? = k? ◦ h? en
homologie relative. Si h est un homéomorphisme entre |K| et |L| qui envoie
|K0 | sur |L0 |, alors h? est un isomorphisme en homologie relative.
Démonstration. On obtient le résultat à partir des théorèmes 3.63, 4.7 et
4.42.
4.6. Homomorphismes induits par des applications homotopiques.
On améliore maintenant le résultat de la partie précédente en démontrant
que si deux fonctions sont homotopiques, elles ont la même inuence sur
les groupes d'homologie, et que par conséquent, des espaces de même type
d'homotopie ont les mêmes groupes d'homologie.
Notation 4.49. On notera I l'intervalle [0, 1].
Propriété 4.50. La composition de deux applications quotient est encore
une application quotient.
Démonstration. Soit p : X → Y et q : Y → Z . Soit d'abord U un ouvert de
Z . Comme q est une application quotient, q −1 (U ) est ouvert. Comme p est
une application quotient, p−1 (q −1 (U )) est ouvert. Soit A un ensemble de Z tel
que p−1 (q −1 (A)) est ouvert. Comme p est une application quotient, q −1 (A)
est un ouvert. Comme q est une application quotient, A est un ouvert. Définition 4.51. Un sous-ensemble
C de X est dit saturé par rapport à
p : X → Y s'il est égal à la pré-image d'un sous-ensemble A de Y .
Propriété 4.52. Si p : X → Y est une application quotient et si A est un
sous-espace saturé ouvert de X , alors la restriction p|A : A → p(A) est une
application quotient.
75
Démonstration. Soit U un ouvert de p(A). Par dénition, U = V ∩ p(A)
pour un certain ouvert V de Y . Alors p−1 (U ) = p−1 (V ∩ p(A)) = p−1 (V ) ∩
p−1 (p(A)). Comme A est saturé, on a p−1 (U ) = p−1 (V ) ∩ A. Comme p est
une application quotient et V est ouvert, p−1 (U ) est ouvert.
Soit maintenant B ⊂ p(A) tel que p−1 (B) est ouvert dans A. Comme A
est saturé, p−1 (B) est un sous-ensemble de A. Par dénition, on a un ouvert
C de X tel que p−1 (B) = A ∩ C . L'ensemble B = p(A ∩ C) = p(A) ∩ p(C)
est un ouvert de p(A), car p est un application quotient.
Théorème 4.53. Soit p : X → Y une application quotient. Si C est un
espace de Hausdorff localement compact, alors l’application
p × iC : X × C → Y × C,
où iC est l’identité sur C , est une application quotient.
Démonstration. Soit π = p × iC . Soit A un sous-ensemble de Y × C tel que
π −1 est ouvert dans X × C . On montre que A est ouvert dans Y × C , en
exhibant un voisinage de (y0 , c0 ) contenu par A pour tout (y0 , c0 ) ∈ A.
Ce voisinage se construit par induction.
Soit x0 tel que p(x0 ) = y0 . Alors π(x0 , c0 ) = (y0 , c0 ). Comme π −1 (A) est
ouvert, on peut choisir des ouverts U1 de x0 et W de c0 tel que U1 × W ⊂
π −1 (A). Comme C est un Hausdor localement compact, on peut choisir
un ouvert V de c0 tel que V est compact et V ⊂ W . Alors U1 × V est un
voisinage de (x0 , c0 ) tel que V est compact et tel que :
U1 × V ⊂ π −1 (A).
Supposons maintenant que Ui est un voisinage de x0 tel que Ui × V ⊂
π −1 (A). L'ensemble p−1 (p(Ui )) n'est pas nécessaire ouvert dans X , mais il
contient Ui . On construit alors un ouvert Ui+1 de X tel que
p−1 (p(Ui )) × V ⊂ Ui+1 × V ⊂ π −1 (A) :
Poru chaque point x de p−1 (p(Ui )), l'espace {x} × V est contenu par
Par compacite de V , on peut choisir un voisinage ouvert Wx de x
tel que Wx × V ⊂ π −1 (A). On dénit Ui+1 comme l'union des ouverts Wx .
Alors Ui+1 est l'ouvert de X que l'on cherchait.
Pour nir, on dénit U comme l'union des ouverts U1 ⊂ U2 ⊂ .... Alors
U × V est un voisinage de (x0 , c0 ) et U × V ⊂ π −1 (A). De plus, U est saturé
par rapport à p, puisque :
π −1 (A).
U ⊂ p−1 (p(U )) =
∞
[
i=1
p−1 (p(Ui )) ⊂
∞
[
i=1
Ui+1 = U.
76
Ainsi, p(U ) est ouvert dans Y et donc l'ensemble
p(U ) × V = π(U × V ) ⊂ A
est un voisinage dans A de (y0 , c0 )
Corollaire 4.54. Si p : A → B et q : C → D sont des applications quotientes et si A et D sont des espaces de Hausdorff localement compact, alors
l’application
p×q :A×C →B×D
est une application quotient.
Démonstration. On peut écrire p × q comme la composition d'applications
suivante :
i ×q
p×i
A × C A→ A × D →D D × D.
Comme chacune de ces applications est une application quotient, leur
composition aussi.
Définition 4.55. On dit que
E est la somme topologique de la famille
de sous-espaces Eα ⊂ E lorsque les sous-espaces Eα sont disjoints,
ouverts
P
et fermés, et que leur union est égale à E . On note ceci E = Eα .
Remarque 4.56. Dans cette situation, un ensemble U est ouvert dans E si
et seulement si les ensembles U ∩ Eα sont dans ouverts dans Eα pour tout
α.
De manière plus général, soit {Xα }α∈J une famille d'espaces topologiques
non-nécessairement disjoints. Soit E l'ensemble obtenu par la réunion des
ensembles de la forme :
Eα = Xα × {α}.
On dénit une topologie sur E comme suit : U ⊂ E est ouvert si et
seulement si U ∩ Eα est ouvert dans Eα pour tout α ∈ J . Alors E est la
somme topologiqueS des espaces disjoints Eα . On a de plus une application
naturelle p : E → Xα qui projette Xα × α sur Xα pour tout α.
Dans ce cas, le lemme suivant est immédiat.
Lemme 4.57. Soit X un espace topologique. On suppose que X est l’union
d’une famille de ses sous-espaces {Xα }. Soit E la somme topologique des
espaces Xα . Soit p : E → X l’application de projection. Alors la topologie
de X est cohérente avec ses sous-espaces Xα si et seulement si p est une
application quotient.
77
Définition 4.58. Dans cette situation, on dit que X est l'union cohérente
des espaces Xα .
Théorème 4.59. Si la topologie de X est cohérente avec les sous-espaces
Xα , et si Y est un espace de Hausdorff localement compact, alors la topologie
de X × Y est cohérente avec les sous-espaces Xα × Y .
P
Démonstration. Soit E = (Xα × {α}). Soit p : E → X l'application de
projection. Comme Y est de Hausdor et localement compact, l'application
suivante est une application quotient :
p × iY : E × Y → X × Y
.
Comme E est la somme topologique des espaces Eα = Xα × {α}, E × Y
est l'union disjointes de ses sous-espaces Eα × Y , qui sont tous ouverts dans
E × Y . Ainsi, E × Y est la somme topologique des espaces Eα × Y = Xα ×
{α} × Y . Comme p × iY est une application quotient, la topologie de X × Y
est cohérente avec les sous-espaces Xα × Y .
Corollaire 4.60. La topologie de |K| × I est cohérente avec les sous-espaces
σ × I, σ ∈ K.
Démonstration. Par dénition, la topologie de |K| est cohérente avec les
sous-espaces σ ∈ K . Comme I est un espace de Hausdor localement compact, le théorème précédent s'applique.
Définition 4.61. Soient X et Y deux espaces topologiques et h, k : X → Y
deux applications continues. On dit que h et k sont homotopiques s'il existe
une application continue
F :X ×I →Y
telle que :
F (x, 0) = h(x), ∀x ∈ X,
F (x, 1) = k(x), ∀x ∈ X.
Si h et k sont homotopiques, alors on note h ' k. L'application F est
alors appelée une homotopie entre h et k.
Lemme 4.62. Si K est un complexe, alors |K| × I est le polytope d’un
complexe M tel que pour tout σ ∈ K , σ ×I est le polytope d’un sous-complexe
de M , et les ensembles σ × 0 et σ × 1 sont des simplexes de M .
Démonstration. Pour un certain J , |K| ⊂ E J . Alors |K| × I ⊂ E J × R.
On va diviser |K| × I en simplexes selon une méthode proche de la subdivision baryentrique pour construit un complexe présentant les propriétés
recherchées.
Soit p ≥ 0. On pose :
78
Xp = (|k| × 0) ∪ (|K| × 1) ∪ (|K (p) | × I).
On va subdiviser Xp en simplexes par itération. On commence par p = 0.
L'espace (|K| × 0) ∪ (|K| × 1) est le polytope d'un complexe constitué des
simplexes de la forme σ × 0 et σ × 1, avec σ ∈ K . L'espace |K (0) | × I est
le polytope du complexe consistant en l'union des 1−simplexes de la forme
v ×I , pour v ∈ K (0) , ainsi que leurs sommets. L'union de ces deux complexes
constitue le complexe M0 . Le polytope de M0 et X0 .
Posons maintenant p > 0 et supposons que Mp−1 est un complexe dont le
polytope est Xp−1 , et tel que chaque ensemble τ × I , où τ est un simplexe de
K de dimension inférieure à p, est le polytope d'un sous-complexe de Mp−1 .
Soit σ un simplexe de dimension p et considérons l'ensemble σ × I . On a :
Bd(σ × I) = (σ × I) − (σ ◦ × I ◦ )
= (σ ◦ × I) ∪ (σ × 0) ∪ (σ × 1).
Comme Bdσ est l'union de simplexes τ de dimension p − 1, Bd(σ × I)
est le polytope d'un sous-complexe Mσ de Mp−1 . Ce sous-complexe est ni
puisque Bd(σ × I) est compact. Soit wσ le point (σ̂, 12) ∈ σ × I . Alors le
cône wσ ? Mσ est un complexe dont le polytope est σ × I . L'intersection de
|wσ ? Mσ | et |Mp−1 | est le polytope d'un sous-complexe de chacun des deux.
On dénit alors Mp comme l'union de Mp−1 et des cônes wσ ? Mσ , lorsque
σ parcourt les p−simplexes de K . Finalement, on dénit M comme l'union
des complexes Mp , pour tout p ≥ 0.
Alors M est un complexe dont l'espace sous-jacent est précisément l'ensemble des points de |K| × I . Il n'est par contre par évident que leurs topologies respectives sont équivalentes, lorsque |K| × I est muni de la topologie
produit.
Le corollaire 4.60 permet de vérifer que ces topologies sont eectivement
équivalentes. En eet, d'une part, la topologie produit de |K|×I est cohérente
avec les sous-espaces σ × I , pour σ ∈ K , et d'autre part, la topologie de |M |
est cohérente, par dénition, avec les sous-espaces τ ∈ M . Alors si C est
un ensemble fermé dans |K| × I , C ∩ (σ × I) est fermé dans σ × I , pour
tout σ ∈ K . Si τ est un simplexe de M contenu par σ × I , alors τ est un
sous-espace de σ × I , puisque tous deux sont des sous-espaces de E J × R.
Ainsi, C ∩ τ est fermé dans τ . Par suite, C est fermé dans |M |.
Inversément, si C est un ensemble fermé dans |M |, alors C ∩ τ est fermé
dans τ pour tout τ ∈ M . Comme σ × I est une union nie de simplexes
τ ∈ M , l'ensemble C ∩ (σ × I) est fermé dans σ × I . Dès lors, σ est fermé
dans |K| × I .
Théorème 4.63. Soit h, k : |K| → |L| des applications homotopiques. Alors
h? , k? : Hp (K) → Hp (L) sont égales. Il en va de même en homologie réduite.
Démonstration. Soit M un complexe dont l'espace sous-jacent est |K| × I ,
et tel que pour tout σ ∈ K , σ × 0 et σ × 1 sont des simplexes de M , et tel
que σ × I est le polytope d'un sous-complexe de M .
79
Soit F : |K|×I → |L| une homotopie entre h et k. Soit i, j : |K| → |K|×I
les fonctions qui envoient x ∈ |K| respectivement sur (x, 0) et (x, 1) ∈ |K|×I .
Alors i et j sont des applications simpliciales de K dans M . De plus :
F ◦ i = h et F ◦ j = k.
On va montrer que i] et j] sont homotopiques en tant qu'applications de
chaîne. On considère pour cela l'application Φ qui envoie chaque simplexe
σ ∈ K sur le sous-complexe de M dont le polytope est σ × I . Observons que
l'espace σ × I est acyclique, puisqu'homéomorphe à une boule fermée, tout
comme l'est un complexe constitué d'un simplexe et de ses faces. Si τ < σ ,
alors τ × I ⊂ σ × I , et donc Φ(τ ) est un sous-complexe de Φ(σ). Ainsi, Φ est
un support acyclique de K dans M . De plus, il supporte i] et j] : i(σ) = σ ×0
et j(σ) = σ × 1 appartiennent tous deux à Φ(σ). Le théorème 3.77 assure
alors que i] et j] sont homotopiques en tant qu'applications de chaîne. On
en déduit que i? = j? . Alors :
h? = F? ◦ i? = F? ◦ j? = k? .
Définition 4.64. Soit K et L deux complexes et deux sous-complexes K0
et L0 respectivement de K et L. On dit que deux applications continues
h, k : |K| → |L| envoyant toutes deux |K0 | sur |L0 | sont homotopiques
en tant qu’application de paires d’espaces s'il existe une homotopie
F : |K| × I → |L| de h dans k telle que F envoie |K0 | × I sur |L0 |.
Théorème 4.65. Si h et k sont homotopiques en tant qu’applications de
paires d’espaces, alors h? = k? en tant qu’applications de groupes d’homologie
relative.
Démonstration. La preuve du théorème précédent peut être reprise ici sans
diculté, puisque i et j envoient |K0 | sur |K0 | × I , et nalement i? = j? en
tant qu'applications entre groupes d'homologie relative.
Théorème 4.66. Soit f : K → L une approximation simpliciale de l’application continue h : |K| → |L|. Alors f et h sont homotopiques.
Démonstration. Pour tout x ∈ |K|, le corollaire 4.4 assure qu'il existe un
simplexe de L contenant à la fois f (x) et h(x). Ainsi, l'homotopie dénie par
F (x, t) = (1 − t)f (x) + t · h(x),
envoie |K| × I sur |L|, puisque tout segment de la forme [h(x), f (x)] est
contenu dans un simplexe de L. Si L est ni, alors F est automatiquement
continue, puisqu'elle est continue en tant que fonction dans l'espace euclidien
dont |L| est un sous-espace. Lorsque L n'est pas ni, on va montrer que la
restriction de F à σ × I est continue, et utiliser le fait que la topologie de
|K| × I est cohérente avec les sous-espaces σ × I , pour tout σ ∈ K .
80
Pour tout x ∈ τ , soit τx le simplexe de L dont l'intérieur contient h(x).
Comme σ est compact et h est continue, h(σ) est compact. La famille des
simplexes τx pour x ∈ σ est donc nie. Soit Lσ le sous-complexe de L constitué par les simplexes de cette famille, ainsi que leurs faces. Par le lemme 4.2,
le point f (x) fait partie de τx . Comme f (x) et h(x) appartiennent à τx ,
l'ensemble x × I est envoyé dans τx par F . Ainsi, σ × I est envoyé sur |Lσ |
par F . Comme Lσ est un complexe ni, F : σ × I → Lσ est continue, par
la première partie de cette preuve. Comme l'inclusion de |Lσ | dans |L| est
continue, l'application F : σ × I → L sont continues, pour tout σ ∈ K . Définition 4.67. On dit que deux espaces topologiques
même type d’homotopie si il existe des applications
X et Y sont
de
f : X → Y et g : Y → X
telles que g ◦ f ' iX et f ◦ g ' iY . Les applications f et g sont appelées des équivalences homotopiques, et on dit que g est une inverse
homotopique de f .
Propriété 4.68. Le type d’homotopie est une relation d’équivalence.
Démonstration.
(1) La réexivité est triviale, il sut d'utiliser l'applica-
tion identité comme équivalence homotopique.
(2) La symmétrie est immédiate, puisque si X est homotopiquement
équivalent à Y , les fonctions f et g de la dénition montre aussi
que Y est du même type que X .
(3) Supposons que X et Y sont équivalents homotopiquement, et que Y
et Z le sont aussi. Soient f1 : X → Y et f2 : Y → X telles que
f1 ◦ f2 ' iY et f2 ◦ f1 ' iX . Soient encore g1 : Y → Z et g2 : Z → Y
telles que g1 ◦ g2 ' iZ et g2 ◦ g1 ' iY . Alors, on a :
(g1 ◦ f1 ) ◦ (f2 ◦ g2 ) ' g1 ◦ iY ◦ g2 ' g1 ◦ g2 ' iZ
(f2 ◦ g2 ) ◦ (g1 ◦ f1 ) ' f2 ◦ iY ◦ f1 ' f2 ◦ f1 ' iX
Les applications g1 ◦f1 et f2 ◦g2 sont les équivalences homotopiques
recherchées.
Définition 4.69. Si X est du même type d'homotopie qu'un ensemble contenant un seul point, on dit que X est contractible. Puisque les applications
de X dans {x0 } et de {x0 } dans X sont automatiquement constante, X est
contractible si et seulement si l'identité sur X est homotope à l'application
constante.
Théorème 4.70. Si f : |K| → |L| est une équivalence homotopique, alors
f? est un isomorphisme. Conséquemment, |K| est contractible, alors K est
acyclique.
81
Démonstration. Soit g une inverse homotopique de f . Alors g? est l'inverse
de f? , qui est donc un isomorphisme. Sii |K| est contractible, alors |K| a le
même type d'homotopie que le point, par dénition, et donc K est acyclique,
puisque ces groupes d'homologie doivent être isomorphes à ceux du point. Définition 4.71. Soit A ⊂ X . On appelle retraction de l'espace X sur le
sous-espace A une application continue r : X → A tel que r(a) = a pour tout
a ∈ A. S'il existe une retraction de X sur A, on dit que A est un rétracte de
X . Une déformation-rétraction de X sur A est une application continue
F : X × I → X telle que :
F (x, 0) = x pour x ∈ X,
F (x, 1) ∈ A pour x ∈ X,
F (a, t) = a pour a ∈ A.
Si une telle application existe, A est appelé une déformation rétracte
de X .
Propriété 4.72. Si A est une déformation retracte de X , alors X et A ont
le même type d’homotopie.
Démonstration. Si F est une déformation-rétraction de X sur A, alors l'application r(x) = F (x, 1) est une rétraction de X sur A. Ainsi, l'application
composée suivante :
j
r
A→X→A
où j est l'inclusion de A dans X , est égale à l'identité sur A. De plus, F
est une homotopie entre l'application suivante :
et l'identité sur X . Les applications r et j sont des inverses homotopiques
l'une de l'autre, et A et X sont du même types d'homotopie.
Théorème 4.73. La sphère unité S n−1 est une déformation rétracte de l’espace euclidien diminué d’un point Rn \ {0}.
Démonstration. Soit X = Rn \ {0}. On dénit l'application F : X × IX par :
F (x, t) = (1 − t)x + t
t·x
.
kxk
Cette application est une déformation-rétraction de X sur la sphère unité.
Corollaire 4.74. Les espaces euclidiens
morphes lorsque m 6= n.
Rn
et Rm ne sont pas homéo-
82
Démonstration. La preuve se fait par absurde. Supposons que h soit un
homéomorphisme entre Rn et Rm . Alors h est un homéomorphisme entre
Rn \ {0} et Rm \ {h(0)}. Ce dernier espace est homéomorphe à Rm \ {0}.
Par le théorème précédent, on devrait conclure que S n−1 et S m−1 sont homéomorphes, ce qui est en contradiction avec le fait que Hn−1 (S n−1 ) ∼
= Z et
Hn−1 (S m−1 ) = 0.
5.
Le Théorème du point fixe de Lefschetz
5.1. Le Théorème.
Définition 5.1. Soit A = (aij ) une matrice carrée de dimension n. La trace
de A, notée trA, est dénie comme suit :
trA =
n
X
ai i.
i=1
Propriété 5.2. Soient A et B deux matrices carrées de dimension n. Alors :
trAB =
n X
n
X
aik bki = trBA.
i=1 k=1
Définition 5.3. Si G est un groupe abélien libre avec une base e1 , ..., en et
si φ : G → G est un homomorphisme, on dénit la trace de φ comme le
nombre trA où A est la matrice de φ dans la base donnée.
Remarque 5.4. • La trace de φ est bien dénie. En eet, lorsqu'on exprime la matrice de φ dans une autre base, on obtient B −1 AB où
B est la matrice de changement de base. On a donc tr(B −1 (AB)) =
tr((AB)B −1 ) = tr(A).
• Le même raisonnement montre que la trace est conservée par les isomorphismes : si i : G → G0 est un isomorphisme, alors tr(i ◦ φ ◦ i−1 ) = tr(φ).
Propriété 5.5. On a déjà vu dans des exemples que le groupe Hp (K) n’était
pas forcément un groupe abélien libre. Par contre, si Tp (K) est son sousgroupe de torsion, alors le groupe Hp (K)/Tp (K) est un groupe abélien libre.
Démonstration. Le groupe Hp (K) est niment généré, puisqu'il est un quotient du groupe libre Cp (K). Par suite, Hp (K)/Tp (K) est lui aussi niment généré. Pour voir que ce groupe est libre, il sut de voir que ces
éléments sont tous d'ordre inni. En eet, soit [g] ∈ Hp (K)/Tp (K). Alors
n[g] = 0 ⇔ n(g + t) = 0, avec t ∈ Tp (K). Et n(g + t) = 0 ⇔ ng + nt = 0 ⇔
[ng] = 0 ⇔ ng ∈ T ⇔ g ∈ T .
Définition 5.6. Si K est un complexe ni, Cp (K) est un groupe abélien libre
de rang ni. La trace d'une application de chaîne φ : Cp (K) → Cp (K) est
donc dénie. On la note tr(φ, Cp (K)). L'homomorphisme φ? sur Hp (K) induit un homomorphisme entre Hp (K)/Tp (K) et lui-même, qui est un groupe
abélien ni. On note la trace de ce nouvel homomorphisme comme suit :
tr(φ? , Hp (K)/Tp (K)).
83
Théorème 5.7. (Théorème de la trace de Hopf) Soit K un complexe
fini et soit φ : Cp (K) → Cp (K) un homomorphisme. Alors :
X
(−1)p tr(φ, Cp (K)) =
X
p
(−1)p tr(φ? , Hp (K)/Tp (K)).
p
Démonstration. La preuve se fait en six étapes.
Etape 1 :
Soit G un groupe abélien libre de rang ni et soit H un sous-groupe de G.
H est alors nécessairement abélien libre de rang ni. On suppose que G/H
est abélien et libre. Soit Φ : G → G un homomorphisme qui envoie H sur
lui-même. On montre alors que :
tr(φ, G) = tr(φ0 , G/H) + tr(φ00 , H),
où φ0 et φ00 sont les homomorphismes induits pr φ.
Soit {α1 + H, ..., αn + H} une base de G/H et soit β1 , ..., βp une base de
H . Si A = (aij ) et B = (bij ) sont les matrices de φ0 et φ00 relativement à ces
bases, on a :
X
φ0 (αj + H) =
aij (αi + H)
i
et
φ00 (βj ) =
X
bij βi .
i
Il est par ailleurs facile de voir que {α1 , ..., αn , β1 , ..., βp } est une base de
G. De plus, on peut déduire des deux équations précédents que :
X
φ(αj ) =
aij αi + h, où h est un certain élément de H,
i
φ(βj ) =
X
bij βi .
i
Ainsi, la matrice de φ relativement à la base {α1 , ..., αn , β1 , ..., βp } de G
est de la forme :
C=
A 0
∗ B
.
84
On a alors : trC = trA + trB . Le résultat cherché en découle.
Etape 2 :
Soit Cp = Cp (K), Zp = Zp (K), Bp = Bp (K) et soit encore Wp l'ensemble
des p−chaînes dont un multiple appartient à Bp . On appelle les éléments de
Bp les bords faibles. On a :
B p ⊂ W p ⊂ Z p ⊂ Cp .
Comme φ est une application de chaîne, elle conserve chacun de ces
groupes. On va montrer dans les étapes suivantes que les groupes quotients
Cp /Zp et Zp /Wp sont libres. Ainsi, on obtiendra, en conséquence de l'étape
1:
(4)
tr(φ, Cp ) = tr(φ, Cp /Zp ) + tr(φ, Zp /Wp ) + tr(φ, Wp ),
où l'on a omis de diérencier φ et les homomorphismes qu'elles induits sur
les groupes quotients et les sous-groupes concernés.
Etape 3 :
On considère d'abord le groupe Cp /Zp . L'homomorphisme ∂p : Cp →
Bp−1 , obtenu par restriction du domaine d'arrivée de ∂p , est surjectif. Son
noyau est Zp . Il induit ainsi un isomorphisme de Cp /Zp dans Bp−1 . Comme
Bp−1 est un sous-groupe d'un groupe libre, Cp /Zp est libre. De plus, comme
φ commute avec ∂ , elle commute avec l'isomorphisme induit, et donc :
(5)
tr(φ, Cp /Zp ) = tr(φ, Bp−1 ).
Etape 4 :
On considère maintenant le groupe Zp /Wp . Considérons les projections
suivantes :
Zp → Zp /Bp = Hp et Hp → Hp /Tp .
La composition de ces deux applications est surjective et son noyau est
Wp . Cette composition induit donc un isomorphisme :
Zp /Wp → Hp /Tp .
Ainsi, Zp /Wp est libre, puisque Hp /Tp l'est. Comme les projections commutent avec φ, l'isomorphisme le fait aussi, et donc :
85
(6)
tr(φ, Zp /Wp ) = tr(φ? , Hp /Tp ).
Etape 5 :
On considère nalement le groupe Wp . On va montrer que :
(7)
tr(φ, Wp ) = tr(φ, Bp ).
Comme Bp est un sous-groupe de Wp , on peut appliquer le théorème 3.4
et choisir une base α1 , ..., αn de Wp et trouver des entiers m1 , ..., mk ≥ 1 tels
que m1 α1 , ..., mk αk forment une base de Bp . Le groupe Wp /Bp n'a que des
éléments d'ordre ni, puisque par dénition, pour tout élément de Wp a un
multiple qui appartient à Bp . Ainsi, k = n. On calcule maintenant la trace
de φ sur Wp et Bp . Soit :
φ(αj ) =
n
X
aij αi
i=1
et
φ(mj αj ) =
n
X
bij (mi αi ).
i=1
Alors tr(φ, Wp ) = ai i et tr(φ, Bp ) = bi i, par dénition. En multipliant la première équation ci-dessus par mj , on conclut que mj ai j = bi jmi ,
pour tout i et pour tout j . En particulier, mi ai i = mi bi i pour tout i. On
obtient donc que tr(φ, Wp ) = tr(φ, Bp ).
P
P
Etape 6 :
Pour terminer la preuve, on substitue dans l'équation (4) les équations (5),
(3) et (7). On obtient :
tr(φ, Cp ) = tr(φ, Bp−1 ) + tr(φ? , Hp /Tp ) + tr(φ, Bp ).
En multipliant des deux côtés par (−1)p et en eectuant une sommation
sur p, les termes en (φ, Bp ) s'annulent, et on obtient le résultat cherché. Définition 5.8. Le nombre d’Euler d'un complexe ni K est déni comme
suit :
ξ(K) =
X
p
(−1)p rang(Cp (K)).
86
Il s'agit donc de la somme alternée du nombre de simplexes de chaque
dimension de K .
Théorème 5.9. Soit K un complexe fini et soit βp = rang(Hp (K)/Tp (K)).
Alors :
ξ(K) =
X
(−1)p βp .
p
Autrement dit, le nombre d’Euler de K ne dépend que de ses groupes
d’homologie. Il s’agit donc d’un invariant homotopique.
Démonstration. Si φ : Cp (K) → Cp (K) est l'identité, alors la matrice de φ
relativement à n'importe quelle base de Cp (K) est la matrice identité. En
conséquence, tr(φ, Cp ) = rang(Cp (K)). De la même manière, si φ? est l'identité, alors tr(φ? , Hp (K)/Tp (K)) = rang(Hp (K)/Tp (K)) = βp . Le théorème
est alors une conséquence du théorème de la trace de Hopf.
Définition 5.10. Soit K un complexe ni. Soit h : |K| → |K| une application continue. Le nombre de Lefschetz est déni comme suit :
Λ(h) =
X
(−1)p tr(h? , Hp (K)/Tp (K)).
p
Remarque 5.11. Par le théorème 4.63, le nombre de Lefschetz ne dépend
que de la classe d'homotopie de h. Il ne dépend pas non plus du complexe K ,
mais seulement de l'espace |K|, puisque si L est un autre complexe tel que
|L| = |K|, alors l'homomorphisme j? : Hp (L) → Hp (K), induit par l'identité
j entre |L| et |K|, est un isomorphisme. Comme (hL )? = j?−1 ◦ (hK )? ◦ j? , les
homomorphismes (hK )? et (hL )? ont la même trace.
Théorème 5.12. (Théorème du point fixe de Lefschetz) Soit K un
complexe fini et soit h : |K| → |K| une application continue. Si Λ(h) 6= 0,
alors h a un point fixe.
Démonstration. La preuve se fait en trois étapes. On suppose que h n'a pas
de point xe, et on montre que Λ(h) = 0.
Etape 1 :
On commence par démontrer qu'on peut supposer sans pertes de généralité
que K satisfait la condition suivante :
h(St(v, K)) ∩ St(v, K) = ∅ , ∀v.
On peut observer que |K| est compact, puisque K est ni. Comme h est
continue sur |K|, elle est uniformément continue. Soit = min |x − h(x)|.
Par continuité uniforme, on peut choisir δ tel que |x − y| < δ implique
87
|h(x)−h(y| < /3. Soit λ = min{δ, /2}. Alors pour n'importe quel ensemble
A de diamètre inférieur à λ, A et h(A) ont tous deux un diamètre inférieur
à /2. Ces deux ensembles sont alors nécessairement disjoint, puisque leurs
diamètres respectifs sont plus petits que la distance minimale en un point x
et son image h(x).
En choisissant une subdivision K 0 de K dont les simplexes sont tous de
diamètre inférieur à λ, on obtient la propriété cherchée. Comme on l'a déjà
remarqué auparavant, Λ(h) ne dépend que de |K|, dès lors, on peut utiliser
K 0 plutôt que K , sans pertes de généralité.
Etape 2 :
On suppose que K satisfait la condition discutée à l'étape 1. On choisit
une subdivision K 0 de K tel que h possède une approximation simpliciale
f : K 0 → K . On montre que si τ et σ sont des simplexes de K 0 et K
respectivement, telles que τ ⊂ σ , alors f (τ ) 6= σ .
Par absurde, supposons que f (τ ) = σ . Soit w un sommet de τ et soit
v = f (w), un sommet de σ . Comme τ ⊂ σ , on a w ∈ St(v, K), et donc :
(8)
h(w) ∈ h(St(v, K)).
Par ailleurs, par dénition de l'approximation simpliciale, on a :
h(St(v, K 0 )) ⊂ St(f (w), K).
Ce qui implique en particulier :
(9)
h(w) ∈ St(v, K).
La combinaison de (8) et (9) contredit la propriété discutée à l'étape 1.
Etape 3 :
On calcule maintenant Λ(h) en appliquant le théorème de la trace de Hopf.
Soit f : K 0 → K une approximation simpliciale de h. Soit λ : C(K) → C(K 0 )
l'opérateur de subdivision. Alors h? est induit par l'application de chaîne
φ = f] ◦ λ, par dénition.
On calcule la trace de φ. Soit A la matrice de φ relativement à la base
habituelle de Cp (K), constituée des p−simplexes orientés de K . Soit σ un
élément de cette base. La chaîne λ(σ) est une combinaison linéaire de simplexes orientés τ de K 0 , avec τ ⊂ σ . Pour un de ces simplexes τ , l'étape 2
implique que f (τ ) 6= σ . On en conclut que la chaîne φ(σ) = f] (λ(σ)) est
une combinaison linéaire des p−simplexes orientés de K , diérente de σ . La
composante de A correspondant σ vaut donc 0. Par suite, on déduit que les
éléments de la diagonale de A sont tous nuls, et donc que trA = trφ = 0.
Le théorème de Hopf arme alors que :
88
Λ(h) =
X
(−1)p tr(φ, Cp (K)).
Comme tous les termes de cette somme sont 0, on a Λ(h) = 0.
5.2. Ses applications.
Lemme 5.13. Soit K un complexe fini. Soit h : |K| → |K| une application
continue. Si |K| est connexe, alors h? : H0 (K) → H0 (K) est l’identité.
Démonstration. Soit f : K 0 → K une approximation simpliciale de h. Si v
est un sommet de K , l'opérateur de subdivision λ envoie v sur la 0−chaîne
supportée par la subdivision de v , qui est simplement v . Ainsi, λ(v) est un
multiple de v . Comme λ préserve l'augmentation, λ(v) = v .
Ainsi, f] λ(v) = f] (v), qui est un sommet de K . Comme |K| est connexe,
f] (v) est homologue à v . Ainsi, h? = f? ◦λ? est égal à l'identité sur H0 (K). Théorème 5.14. Soit K un complexe fini. Soit h : |K| → |K| une application continue. Si |K| est acyclique, alors h a un point fixe.
Démonstration. Le groupe H0 (K) est inni et cyclique, et h? est l'identité
sur H0 (K). Ainsi, tr(h? , H0 (K)) = 1. Comme les groupes d'homologie de
dimension supérieure sont triviaux, Λ(h) = 1. Ainsi, h a un point xe. Définition 5.15. Soit
n ≥ 1. Soit f : S n → S n une application continue.
Soit α un des deux générateurs du groupe inni cyclique Hn (S n ). Alors
f? (α) = dα pour un certain entier d. Cet entier d est indépendant du choix
du générateur, puisque f? (−α) = d(−α). Ce nombre d est appelé le degré
de f .
Définition 5.16. L'application antipodale a : S n
a(x) = −x pour tout x ∈
Sn.
→ S n est dénie par
Théorème 5.17. L’application antipodale de S n est de degré (−1)n+1 .
Démonstration. Soit h : S n → S n une application de degré d. On calcule
Λ(h) : h? est l'identité en homologie de dimension 0. En dimension n, sa
matrice est de taille 1 × 1 dont la seule entrée est d = degréf . Ainsi :
Λ(h) = 1 + (−1)n d.
Comme l'application antipodale n'a pas de point xe, on doit avoir Λ(a) =
0. Par suite, le degré de a est (−1)n+1 .
Théorème 5.18. Toute application continue f : P 2 → P 2 possède un point
fixe.
Démonstration. Le nombre de Lefschetz est donné par une somme eec-
tuée sur la trace des homomorphismes induits par f sur les groupes d'homologie. Pour rappel, les groupes d'homologie de P 2 sont tous triviaux à
part H1 (P 2 ) qui est isomorphe à Z/2Z (théorème 3.29) et H0 qui est isomorphe à Z, puisque P 2 est connexe (théorème 3.30.) Ainsi, pour tout
89
p > 1, tr(f? , Hp (P 2 )/Tp (P 2 )) = 0. De plus, T1 (P 2 ) = H1 (P 2 ) et donc
H1 (P 2 )/T1 (P 2 ) = 0. Il ne reste donc que l'homologie de degré 0 pour contribuer à Λf . Le lemme 5.13 nous dit que f? est l'identité sur H0 (P 2 ). Comme
H0 (P 2 )/T0 (P 2 ) = Z, on a Λ(f ) = 1. Donc f a un point xe.
Théorème 5.19. Soit K un complexe fini et h : |K| → |K| une application
homotopique à l’application constante. Alors h a un point fixe.
Démonstration. Comme h et l'application constante i sont homotopiques,
elles induisent le même homomorphisme i? : Hp (K)/Tp (K) → Hp (K)/Tp (K).
On a donc Λ(h) = Λ(i). Calculons Λ(i). Une approximation simpliciale de
i : |K| → |K| est donnée par l'application i0 qui envoie tout point x ∈ K
sur un sommet v de K tel que Imi ∈ St(v). Alors i0] : Cp (K) → Cp (K) est
l'application nulle pour tout p > 0. Pour p = 0, la trace i0] vaut 1, puisque
i0] envoie tous les sommets de K sur v , et a donc 0 comme composantes
diagonales, sauf pour la composante concernant v . Ainsi, Λ(i) = Λ(i0] ) = 1
et donc h a un point xe.
Références
[1]
J.B. Munkres,
pany, 1984
Elements of Algebraic Topology
, Addison-Wesley Publishing Com-
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