N Comment traiter une polyarthrite rhumatoïde en 2011 ? Congrès-Réunion

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CONGRÈS
RÉUNION
La polyarthrite rhumatoïde : aspects cutanés et prise en charge
Congrès-Réunion
Comment traiter une polyarthrite rhumatoïde
en 2011 ?
How to treat rheumatoid arthritis in 2011?
V. Goëb*, d’après une communication de X. Mariette**
(* Service de rhumatologie, CHU de Rouen ; ** Service de rhumatologie, hôpital Bicêtre, Paris)
N
ous disposons de nouveaux critères
diagnostiques pour la polyarthrite rhumatoïde
(PR) mis en place conjointement par l’EULAR
et l’ACR. Ceux-ci permettent d’envisager un traitement
plus rapide, dont l’intensité sera mieux adaptée
au tableau clinique présenté par le patient.
Plusieurs axes se dégagent quant aux objectifs à poursuivre
par le rhumatologue :
▶ contrôler l’inflammation ;
▶ prévenir la progression radiologique d’éventuels dommages
ostéo­articulaires ;
▶ empêcher la survenue d’un handicap irréversible ;
▶ prévenir l’apparition de complications générales associées
à un mauvais contrôle du rhumatisme (problèmes cardio­
vasculaires, ostéoporose, etc.).
De plus, il est fondamental d’envisager de placer le malade
en rémission (DAS28 < 2,6) pour les PR récentes, ou au moins
à un faible niveau d’activité de sa maladie (DAS28 < 3,2) pour
les PR plus anciennes, et de l’y maintenir durablement avec
le moins de traitements possibles. La prise en charge globale
du patient comprendra donc des traitements médicamenteux
symptomatiques ainsi que des traitements de fond agissant à
long terme, mais aussi des gestes locaux, tout en gardant une
place pour l’ergothérapie (confection d’orthèses, aménagement
de l’habitat) et la kinésithérapie.
Traitements symptomatiques
Ils vont de la prise en charge de la douleur (antalgiques de
palier 1 à 3) à une action anti­inflammatoire rapide, mais brève
(anti­inflammatoires non stéroïdiens). Même si elle possède
des vertus chondroprotectrices certaines et qu’elle freine la
progression radiologique du dommage structural, la cortico­
thérapie ne sera à envisager qu’en cas d’échec des AINS. Du
fait du risque d’effets indésirables (cardio­vasculaires et infec­
tieux notamment), elle sera prescrite sur une période qui sera
la plus courte (trois ou six mois) et à la posologie minimale
efficace, qui ne devra pas dépasser – idéalement –15 mg/j. La
chronobiologie est ici très importante et la répartition de la
dose en deux prises (matin et soir) est souhaitable. Certains
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Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 3 • mai-juin 2011
16 | La Lettre du Rhumatologue • No 373 - juin 2011
résultats préliminaires d’études encore en cours plaideraient
même pour une dose unique le soir, qui contribuerait à une
suppression prolongée du TNF.
Traitements de fond conventionnels
À ce jour, le méthotrexate (MTX) est considéré comme le
DMARD (Disease­Modifying AntiRheumatic Drug) de référence,
véritable pierre angulaire de la stratégie thérapeutique actuelle
de la PR, et potentielle molécule d’ancrage d’une éventuelle
biothérapie ultérieure. Ses alternatives en cas d’allergie ou
d’intolérance sont le léflunomide et la sulfasalazine (SZP).
L’étude PROMPT incluait des patients atteints de polyarthrite
indifférenciée qui ne satisfaisaient pas aux critères diagnos­
tiques de PR mais qui étaient considérés par les cliniciens
comme de “probables” cas de PR. Ces patients ont été répartis
en deux groupes, l’un recevant un placebo, l’autre du MTX. Il
a été montré que les patients avec anti­CCP sous MTX étaient
plus nombreux à obtenir une rémission, et aussi que ces
patients étaient significativement moins nombreux à évoluer
vers une PR certaine. De plus, la progression de l’atteinte struc­
turale était moindre dans le groupe de patients sous MTX. Au
cours du traitement de la PR, c’est plutôt une action de type
“super anti­inflammatoire” du MTX qui est utilisée, et non sa
fonction antimitotique comme lors des cancers. Le MTX agit
comme un agoniste des récepteurs A2 de l’adénosine, éléments
régulateurs situés au sommet de la cascade inflammatoire.
La posologie de départ du MTX doit être de 15 mg/semaine.
Régulièrement évaluée, elle sera augmentée, si nécessaire,
par paliers mensuels de 5 mg jusqu’à 25 mg/semaine. La dose
moyenne cible de 0,3 mg/kg est la plus communément admise.
En cas d’intolérance de la voie orale, un traitement paren­
téral par injections sous­cutanées (s.c.) est disponible et serait
associé à une meilleure réponse clinique (77 % per os versus
85 % s.c., p < 0,05). Une surveillance du bilan hépatique (risque
de cytolyse) et de la numération formule sanguine (cytopénie)
sous MTX est nécessaire, idéalement tous les mois au début,
puis de façon trimestrielle. Ses principaux effets indésirables
sont des nausées, et, rarement, une pneumonie immunoal­
lergique, associant fièvre, hypoxie et pneumonie bilatérale,
qui contraint à l’arrêt définitif du traitement. Cependant, le
MTX est, de tous les DMARD, celui qui possède la plus forte
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probabilité de maintien à long terme. Sous MTX, mener 40 à
45 % des patients traités à une faible activité de leur PR est
un objectif envisageable, bien que plus de 30 % d’entre eux ne
parviennent pas à une amélioration de niveau ACR 20. L’impact
du MTX n’est pas uniquement prouvé sur la PR elle­même ;
il est aussi reconnu sur la diminution de la mortalité et de la
morbidité cardio­vasculaire des patients traités, et même sur la
diminution de leur risque d’infarctus du myocarde. Enfin, corro­
borant l’exposé précédent de J. Sibilia, l’étude d’une cohorte
suédoise (EIRA) de 1 430 patients atteints de PR débutante a
montré que le tabagisme était associé à une moindre réponse
au MTX à trois mois.
Que faire en cas d’échec du méthotrexate ?
En cas d’échec du MTX, faut­il l’arrêter et le remplacer par
un autre DMARD ? Associer un ou plusieurs DMARD au MTX ?
Introduire une biothérapie en association au MTX ? Alors que
les recommandations actuelles seraient plutôt d’associer
précocement une biothérapie (les anti­TNF, le tocilizumab
et l’abatacept ont l’autorisation de mise sur le marché en
France en première ligne, en cas d’échec du MTX, tout comme
l’anakinra, mais qui est moins utilisé), l’étude TICORA (TIght
Control Of Rheumatoid Arthritis), qui évaluait l’intérêt d’un
suivi rapproché et d’une stratégie thérapeutique intensive afin
d’obtenir rapidement une rémission clinique, a montré que
65 % des patients atteints de PR débutante pouvaient obtenir
cette rémission sans avoir recours aux biothérapies. Cepen­
dant, l’utilisation des traitements locaux et de la corticothé­
rapie était plus importante dans ce groupe de patients. Dans
le même esprit, l’étude SWEFOT a comparé les résultats des
anti­TNF à ceux d’une trithérapie de DMARD conventionnels
(MTX, SZP et hydroxychloroquine [HCQ]). Il s’est avéré ici que
la maintenance thérapeutique et la prévention de l’atteinte
structurale étaient meilleures sous biothérapie. Cependant, les
résultats de l’étude de Moreland et al., présentés au congrès
de l’ACR 2009, ne montraient pas de différence à 1 an entre des
patients traités par MTX + étanercept et d’autres recevant une
trithérapie associant MTX, SZP et HCQ, instaurée d’emblée ou
de façon progressive (step­up). À ce jour, les recommandations
de la Haute Autorité de santé font même état d’un possible
recours aux anti­TNF d’emblée, en association avec le MTX,
en cas de PR active sévère avec facteurs de mauvais pronostic.
De plus, il a été plusieurs fois observé que la prévention de
la progression de l’atteinte structurale était meilleure en cas
d’association MTX/anti­TNF que sous MTX seul.
Enfin, l’étude hollandaise BeSt a comparé les réponses à
quatre stratégies de traitement différentes (monothérapie
séquentielle, thérapies additives, combinaison de DMARD avec
corticothérapie ou anti­TNF d’emblée). Elle a montré à 2 ans
qu’il n’existait pas de différence significative entre les patients
recevant du MTX seul et ceux mis sous anti­TNF précocement.
Commencer par le MTX en cas de PR débutante n’est donc pas
une perte de chance pour le patient.
Conclusion
Les objectifs de traitement de la PR en 2011 sont d’obtenir une
rémission ou au moins une faible activité de la maladie, notam­
ment en cas de PR ancienne. Les traitements sont à réévaluer
au moins tous les trois mois, mais les rotations thérapeutiques
ne doivent pas être effectuées trop rapidement, les traitements
locaux permettant parfois de passer un cap. Les prescriptions
de corticoïdes doivent être les moins fréquentes et aux plus
faibles posologies possibles. Compte tenu du poids de l’expé­
rience acquise avec les anti­TNF, ceux­ci demeurent le traite­
ment biologique de première intention, mais des études sont en
cours pour évaluer la meilleure biothérapie de deuxième ligne,
et notamment le programme hospitalier de recherche clinique
(PHRC) national ROC, mené par l’équipe de Strasbourg.
II
Pour en savoir plus…
•Kirwan JR, Bijlsma JW, Boers M, Shea BJ. Effects of glucocorticoids on
radiological progression in rheumatoid arthritis. Cochrane Database Syst Rev
2007;CD006356.
•Haraoui B, Pope J. Treatment of early rheumatoid arthritis: concepts in
management. Semin Arthritis Rheum 2011;40:371­88.
•Van Vollenhoven RF, Ernestam S, Geborek P et al. Addition of infliximab
compared with addition of sulfasalazine and hydroxychloroquine to metho­
trexate in patients with early rheumatoid arthritis (Swefot trial): 1­year results
of a randomised trial. Lancet 2009;374:459­66.
•Klarenbeek NB, Güler­Yüksel M, Van der Kooij SM et al. The impact of four
dynamic, goal­steered treatment strategies on the 5­year outcomes of rheu­
matoid arthritis patients in the BeSt study. Ann Rheum Dis 2011;70:1039­46.
•Van Dongen H, Van Aken J, Lard LR et al. Efficacy of methotrexate treatment
in patients with probable rheumatoid arthritis: a double­blind, randomized,
placebo­controlled trial. Arthritis Rheum 2007;56:1424­32.
•Saevarsdottir S, Wedrén S, Seddighzadeh M et al. Patients with early
rheumatoid arthritis who smoke are less likely to respond to treatment with
methotrexate and tumor necrosis factor inhibitors: observations from the
Epidemiological Investigation of Rheumatoid Arthritis and the Swedish Rheu­
matology Register cohorts. Arthritis Rheum 2011;63:26­36.
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