Pathologie neuromusculaire P athologie neuromusculaire Stratégie diagnostique des neuropathies périphériques ● ● G. Said* L’ exploration d’un patient présentant une neuropathie périphérique doit se faire par étapes successives. L’orientation diagnostique dépend des antécédents du patient, du type et de l’évolutivité de la neuropathie. La prise en charge d’un tel patient devra d’abord déterminer si les manifestations cliniques sont bien en rapport avec une atteinte du système nerveux périphérique, localiser aussi précisément que possible les lésions, présicer la nature des lésions anatomiques, le pronostic et la cause de la neuropathie, et enfin décider du traitement. Le degré d’urgence à entreprendre des examens ou des mesures thérapeutiques est fonction de l’allure évolutive des manifestations cliniques. Chaque étape de ce processus est de difficulté variable. Dans de nombreux cas, tout est solutionné très rapidement, sans investigations complémentaires, tandis que d’autres situations peuvent poser des problèmes qui resteront non résolus malgré la compétence des investigateurs et la multiplication des examens complémentaires. Dans ce bref aperçu, nous nous proposons de schématiser les étapes successives de la prise en charge d’un patient atteint de neuropathie périphérique. Le patient a-t-il une neuropathie périphérique ? 왘 Les manifestations cliniques font-elles suspecter l’existence d’une neuropathie périphérique ? 왘 Quelle est l’histoire des symptômes : paresthésies, douleurs, manque de sensibilité, atteinte motrice, etc. ? 왘 Quels sont les antécédents personnels et familiaux ? 왘 L’examen : troubles moteurs, sensitifs et réflexes. L’examen clinique déterminera la qualité, la topographie des déficits et l’évolutivité de la neuropathie. – Déficit moteur : en évaluer l’intensité et la topographie. – Les troubles sensitifs “objectifs” : examen des différentes sensibilités (sensibilité thermique, douleur, tact fin, sensibilité proprioceptive). – Topographie des déficits sensitivo-moteurs. ✒ Au terme de l’examen clinique, on doit avoir une idée du type de neuropathie en cause et avoir écarté un déficit non neurologique ou une atteinte centrale. Schématiquement : – atteinte prédominante des petites fibres myéliniques et des fibres amyéliniques : perte des sensibilités thermique et douloureuse, respect relatif du tact fin et des sensibilités proprioceptives, pas d’atteinte motrice, longue conservation des réflexes ; – atteinte prédominant sur les grosses fibres : troubles sensitifs superficiels et profonds, aréflexie précoce, ataxie, atteinte motrice fréquente ; Un examen électrique vient compléter l’examen clinique, dont il représente en fait un prolongement. Il permet de préciser la topographie éventuelle d’un déficit et le type d’atteinte des fibres nerveuses, et d’orienter si besoin la biopsie. 왘 De quel type de neuropathie s’agit-il ? • Formes topographiques La distribution des déficits en est l’élément déterminant. ■ Les polyneuropathies distales symétriques dites “longueur- dépendantes”. ■ Les neuropathies non longueur-dépendantes. » Atteintes focales et multifocales des racines et des troncs nerveux : atteintes radiculaires, atteintes plexiques et atteintes tronculaires (les mono- et multinévrites). » Les déficits non longueur-dépendants non systématisés : les polyradiculonévrites (atteinte mixte, distale et proximale), les ganglioneuronopathies (atteinte asymétrique des quatre membres mais pouvant avoir un début focal). » Formes selon la prédominance des fibres atteintes : prédominance motrice ou purement motrice (polyradiculonévrites, maladie dégénérative du motoneurone) ; prédominance sensitive ou purement sensitive, soit sur les petites fibres (deux causes principales : diabète et amylose), soit sur les grosses fibres : formes démyélinisantes ou mixtes (les polyradiculonévrites aiguës, subaiguës et chroniques ; les neuropathies dysglobulinémiques), formes axonales (les ganglioneuronopathies) ou polyneuropathie mixte, longueur-dépendante (toxiques, alcool, insuffisance rénale dialysée, etc.) ; évolutivité (formes aiguës et subaiguës ; chroniques progressives ou rémittentes ; stables). 왘 Les investigations complémentaires On peut préciser le type d’atteinte et l’existence de manifestations végétatives éventuellement associées. * Service de neurologie, CHU de Bicêtre. 104 Elles ne sont pas toujours nécessaires. Dans certains cas, le diagnostic est évident : tableau clinique et étiologie évidents et compatibles – diabète ancien négligé et tableau compatible, chimiothérapie récente avec un produit neurotoxique, alcoolisme patent, etc. La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007 Pathologie neuromusculaire ✒ Neuropathie familiale connue • Objectifs des examens complémentaires : confirmer l’existence de la neuropathie et la distribution de la dénervation ; préciser la physiopathologie et le pronostic des lésions nerveuses ; identifier la cause de la neuropathie ; conseiller au mieux le patient et, si possible, le traiter. • Moyens : les études électrophysiologiques : quasi systématiques. Les investigations à visée étiologique : elles sont nombreuses et, dans la mesure du possible, fonction du tableau clinique. • Bilan biologique standard incluant NFS, ionogramme sanguin, glycémie, créatinine, VS, CRP, électrophorèse et immunoélectrophorèse des protéines sanguines, transaminases. • Liquide céphalo-rachidien (LCR) : l’indication dépend du contexte : polyradiculonévrite aiguë ou chronique, méningoradiculonévrite, recherche de cellules malignes dans le LCR. Les anticorps et dosages spécialisés ne sont demandés qu’en fonction du contexte. • La biopsie nerveuse ou neuromusculaire est à réserver à des indications particulières, proportionnellement rares. La recherche d’une cause traitable en représente la principale indication. C’est le cas essentiellement des vascularites nécrosantes du type de la périartérite noueuse, qui représente l’indication majeure des biopsies neuromusculaires. Dans 75 % des cas, les vascularites nécrosantes sont responsables de déficits La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007 focaux ou multifocaux, axonaux, aigus ou subaigus, mais dans les autres cas l’atteinte est distale et symétrique. Les signes inflammatoires font défaut dans un tiers des cas. Plus rarement, on sera en présence d’une autre cause de multinévrite. En pratique, une neuropathie tronculaire multifocale – multinévrite – est une indication formelle à la biopsie neuromusculaire. Il convient de s’assurer que l’on n’est pas en présence d’une atteinte radiculaire multiple, ce qui est souvent le cas aux membres inférieurs. Il est nécessaire de pratiquer une biopsie sur un nerf d’un territoire cliniquement atteint. Cela augmente les chances de trouver des lésions causales et diminue le risque de séquelles désagréables. Attention : ne pas trouver la vascularite ou les dépôts anormaux que l’on suspectait à la biopsie n’écarte pas le diagnostic. • Les tests ADN sont à mener en cas de contexte familial suspect, essentiellement pour les Charcot-Marie-Tooth démyélinisants et les fragilités des nerfs à la pression. En l’absence de notion familiale, devant une polyneuropathie axonale longeur-dépendante s’aggravant progressivement, prédominant sur les petites fibres, avec atteinte végétative, il est nécessaire d’évoquer la possibilité d’amylose familiale s’il n’y a pas de gammapathie monoclonale, et de demander un séquençage du gène de la transthyrétine. CONCLUSION Les investigations pratiquées chez un patient atteint de neuropathie périphérique doivent être adaptées au contexte, au type de neuropathie, à l’évolutivité et au handicap. ■ 105