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Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 2, mars 2003
Mise au point
L’intestin est l’interface entre le milieu
extérieur et le milieu intérieur, à savoir
l’organisme proprement dit. Une fron-
tière à l’intérieur du corps. Comme
toute frontière, l’intestin a deux mis-
sions opposées (1-3) :
Laisser passer : l’approvisionne-
ment. L’intestin est l’organe clé de l’ab-
sorption digestive des nutriments.
Chaque jour, au travers de la muqueuse
intestinale, passent d’innombrables
molécules :
– certaines proviennent de l’extérieur :
500 g de nutriments transitent chaque
jour par le tube digestif ;
certaines émanent des sécrétions
exocrines digestives que l’intestin
récupère. Le tube digestif “économise”
ainsi 95 % de ses propres sécrétions
(salivaire, gastrique, bilio-pancréatique
et intestinale). Ces sécrétions contien-
nent surtout des protéines, quelques
lipides (phospholipides et cholestérol
biliaires) et des sels minéraux (NaCl,
KCl, H+, Ca++, Mg++, etc.) ;
– d’autres, enfin, sont exsudées au tra-
vers de l’épithélium intestinal : pro-
téines plasmatiques et sels minéraux
notamment.
Repousser : la défense. L’intestin a
pour autre mission de reconnaître et de
rejeter hors de l’organisme, via les
matières fécales, les substances poten-
tiellement nocives : polluants comme
les métaux lourds, toxines bactériennes,
bactéries pathogènes, levures, champi-
gnons et virus…
L’intestin, au fil des millénaires, a bâti
un système fonctionnel complexe qui
s’appuie sur un chaînon clé : la flore
intestinale (2-4). La flore entretient
avec l’intestin des rapports de bon voi-
sinage, au bénéfice de chacun (sym-
biose). Elle participe à la régulation
naturelle des flux bactériens et à leur
éventuelle installation au contact de la
muqueuse intestinale. Elle permet la
digestion d’un certain nombre de sub-
stances nutritives. Elle participe enfin
au développement du système immu-
nitaire intestinal. Ce faisant, elle
module l’immunité et pourrait donc
avoir un rôle dans les phénomènes
allergiques digestifs et, surtout, extra-
digestifs (asthme, eczéma, etc.).
Cette flore est dérivée de notre ali-
mentation. La nourriture et la salive
que nous ingérons chaque jour ne sont
pas stériles (2, 3). Certains aliments
contiennent même, par la volonté de
l’homme, des micro-organismes
vivants (croûte de certains fromages,
yaourts et laits fermentés, levures de la
bière et du pain). Chaque jour, ce sont
des milliers de bactéries de familles
diverses qui pénètrent dans l’intestin.
Celui-ci doit donc se défendre et pro-
téger l’organisme de l’invasion. La
sécrétion acide gastrique détruit la plu-
part des bactéries et toxines ingérées.
La prolifération bactérienne est ensuite
freinée par les sels biliaires et les
enzymes protéolytiques pancréatiques.
Au cours de la descente vers le côlon,
différentes familles de bactéries et de
levures se multiplient. C’est dans le
côlon qu’elles vont prendre toute leur
ampleur.
Les structures en présence
La flore intestinale
La densité et la qualité de la flore intes-
tinale varient. La densité augmente
d’amont vers l’aval : peu nombreuses à
la sortie de l’estomac, les populations
de bactéries et de levures voient leur
nombre considérablement augmenter
au cours de la descente vers l’aval. Peu
nombreuses encore dans le jéjunum,
ces populations augmentent nettement
dans l’iléon et le côlon. La densité des
populations est maximale dans le côlon
transverse et gauche (109à 1011 bacté-
ries/ml de contenu colique) (1-4).
Le type de micro-organismes présents
au sein de la lumière intestinale et au
contact de la muqueuse varie en fonc-
tion de deux facteurs principaux :
Le site : plus on s’éloigne de la
bouche, plus l’oxygène manque. Les
micro-organismes fonctionnent alors
plutôt en anaérobiose. Ce sont donc les
bactéries anaérobies qui vont dominer.
L’intestin :
un prodige d’adaptation
D. Rigaud*
* CHU Le Bocage, Dijon.
Ce sont plusieurs centaines de grammes
de bactéries et levures qui logent au sein
de notre intestin, principalement dans le
côlon. Cela représente des centaines de
milliers de milliards de bactéries et de
levures – l’intestin n’est pas stérile ! – qui
constituent un gros tiers des selles que
nous évacuons chaque jour. Nous profi-
tons de leur passage et de l’implantation
de certaines souches : elles nous aident
dans les fonctions de digestion et de lutte
contre l’infection. Il est donc nécessaire
de protéger, voire de favoriser le déve-
loppement de certaines de ces familles
de micro-organismes intestinaux.
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Mise au point
L’alimentation : plus l’alimentation
est riche en glucides complexes, qui
sont en fait peu ou pas digestibles par
les amylases salivaires et pancréatiques,
et plus la flore glucido-consommatrice
de glucides se développe. Une alimen-
tation riche en amidons de gros poids
moléculaires peu dégradés par la cuis-
son (riz ou pâtes cuits “al dente” par
exemple) et riche en fibres alimentaires
conduit à l’augmentation de la flore
intestinale. Un exemple : une alimen-
tation riche en fibres favorise la proli-
fération de certaines populations pro-
ductrices de gaz ; cet effet s’atténue au
fil des semaines. Ainsi, les personnes
qui augmentent leurs apports de fibres
ont-elles des ballonnements abdomi-
naux et des émissions de gaz, qui dimi-
nuent par la suite.
Pour d’autres raisons, des nouveau-nés
nourris au sein ou par une préparation
lactée maternisée n’ont pas la même
flore intestinale. La “manière” dont est
présenté le lactose en est en partie res-
ponsable. Ainsi, 85 % des enfants nou-
veau-nés allaités par leur mère ont une
flore dominée par Bifidobacterium, qui
est absent chez 40 % des nouveau-nés
nourris au lait maternisé, dont la flore
est plus diversifiée.
Flore “endogène” et flore de pas-
sage : la première est résidente, alors
que la seconde transite seulement par
le tube digestif.
– Flore endogène : elle comprend une
flore dominante et une flore sous-domi-
nante.
Flore endogène dominante (109à 1011
bactéries/ml) : le côlon contient de 300
à 400 espèces microbiennes différentes.
Dix à vingt espèces, appartenant à cinq
genres différents, cohabitent au sein de
la lumière colique chez l’adulte à des
concentrations élevées : 109à 1011 bac-
téries/ml (ou g) de fèces. C’est ce que
l’on appelle la flore dominante. Beau-
coup de ces bactéries coliques sont des
bacilles gram négatif non sporulés.
Parmi elles, le genre Bacteroïdes est le
plus représenté. La flore dominante
comporte également des bactéries gram
positif, les Eubacterium et des Clostri-
Site Concentration Flore Type dominant
(ufc/ml)
Bouche 104à 107Variée Polymorphes
Estomac 102à 103Rare, monomorphe Streptocoques
Duodénum 103à 104Rare, monomorphe Streptocoques
Jéjunum 104à 106Rare, monomorphe Streptocoques
Iléon 104à 107Plus variée Bacteroïdes, strepto.
Côlon droit 109à 1011 Très variée Voir : “Flore
dominante
et sous-dominante”
Côlon gauche 109à 1012 Très variée Idem
ufc : unité faisant colonie
Tableau I. Concentrations respectives des éléments de la flore le long du tube digestif.
Ainsi, la présence de Clostridium perfrin-
gens dans les selles n’a aucune valeur
pathologique.
dia non pathogènes. On trouve aussi
des Bifidobacterium. Des cocci gram
positif sont présents, comme le princi-
pal producteur de méthane, le Metha-
nobrevibacter smithii. Enfin, des
bacilles gram positif participent à cette
flore dominante, dont les fameux Clos-
tridium, y compris le Clostridium Per-
fringens.
Flore endogène sous-dominante :
moins abondante que la flore domi-
nante (106à 108bactéries/ml): elle est
constituée principalement de bactéries
aéro-anaérobies facultatives. Cette
flore comporte des entérobactéries,
des streptocoques et des lactobacilles.
Elle est sujette à des changements qui
peuvent être brutaux, notamment en
cas de traitement antibiotique. Un
excès de concentration de l’une ou
l’autre famille de cette flore sous-
dominante peut induire une diarrhée
aiguë.
–Flore de passage : elle est loin d’être
négligeable (2, 3) ; plusieurs dizaines
de grammes de bactéries sont retrou-
vés chaque jour dans les selles. Par
définition, les bactéries qui la compo-
sent ne s’implantent pas en regard ou
au contact de la muqueuse. Cette flore
de passage est nettement moins abon-
dante que la flore dominante (104à 106
bactéries/ml). Elle peut comprendre
des germes potentiellement patho-
gènes, tels que Citrobacter, Klebsiella,
Proteus, Pseudomonas ou Staphylo-
coccus. Ces germes sont empêchés
d’exprimer cette toxicité du fait de la
présence de la flore dominante.
La répartition : la répartition de la
flore tout au long du tube digestif s’or-
ganise selon un gradient de densité. En
gros, les populations bactériennes
croissent de l’estomac vers le côlon.
De plus, un “bond de concentration”
est observé lorsque l’on passe au côlon
(tableau I).
Dans l’estomac comme dans le duodé-
num, la flore est quantitativement fonc-
tion des repas et du pH intragastrique
qui en dépend. La sécrétion acide
détruit la plupart des espèces micro-
biennes, à l’exception de Helicobacter
pylori.
Au niveau du duodénum et du jéju-
num, les populations bactériennes sont
celles de la flore de passage. Ce sont
les bactéries qui ont été dégluties et
ont résisté à l’acidité du milieu gas-
trique. Les populations augmentent
fortement après les repas, pour dimi-
nuer rapidement en deux à quatre
heures : elles passent de 102à 105(fac-
teur multiplicatif de 1 000).
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Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 2, mars 2003
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Surface Nombre de cellules
Côté séreux 0,4 m2100 à 200 000
Côté muqueux (surface “utile”) 250 m2300 millions
Tableau II.
Au niveau du côlon, il semble bien que
la flore du côlon droit et gauche ne soit
pas la même (1, 2) : les activités méta-
boliques prédominantes sont la fer-
mentation (liée à l’oxydation des glu-
cides) dans le cæcum et le côlon droit,
et la putréfaction (en rapport avec
l’oxydation des protides) dans le côlon
gauche. Cela semble lié à des types de
populations différentes. Ainsi, le côlon
gauche est riche d’une flore méthano-
productrice.
La muqueuse intestinale
Deux éléments essentiels la caractéri-
sent.
Un grand nombre de cellules
(tableauII) : l’intestin grêle est orga-
nisé anatomiquement de façon à multi-
plier considérablement la surface utile
côté muqueux : pour 4 m d’intestin
grêle, la surface, côté séreux, est de
0,4 m2. Elle est de 250 m2côté
muqueux ! De replis visibles (les val-
vules conniventes) en replis microsco-
piques (villosités muqueuses, microvil-
losités cellulaires), c’est près de 300
millions d’entérocytes qui “couvrent”
la muqueuse.
Un renouvellement rapide. Un
chiffre en témoigne : les 300 millions
d’entérocytes sont renouvelés en quatre
à cinq jours chez l’homme.
L’organisation spatiale est connue.
La muqueuse comporte une couche
d’entérocytes (ou de colocytes) et de
quelques cellules à mucus côté lumière.
Les entérocytes, cellules dédiées à l’ab-
sorption, sont polarisées : elles ont un
pôle apical muni de microvillosités, de
systèmes de transport de molécules et
d’enzymes “canne à pêche”. Ces enté-
rocytes sont organisés : ils recouvrent
la surface de villosités de grande taille
(500 µm). Selon leur place sur la villo-
sité, ils ont des fonctions différentes:
dédiés aux phénomènes d’absorption
active au sommet de la villosité (lors-
qu’ils sont matures donc), ils partici-
pent surtout aux passages “passifs” à la
base de la villosité. En dessous de la
couche d’entérocytes et de cellules à
mucus, on trouve un milieu interstitiel
hydrique parsemé de vaisseaux et de
cellules immunitaires (“infiltrat inflam-
matoire”). Cette couche interstitielle a
une hauteur variable : il y a des endroits
où les villosités sont très parsemées ; les
cellules immunitaires y sont donc beau-
coup plus “proches” des substances
exogènes.
La musculaire muqueuse, entre
muqueuse et sous-muqueuse, permet le
plissement de la muqueuse. Ses
contractions, limitées, permettent d’of-
frir aux nutriments un plus ou moins
grand espace d’absorption.
Le système de défense intestinal
Le système immunitaire. Appelé
GALT (pour Gut Associated Lymphoid
Tissue), il est organisé en citadelles (les
follicules lymphoïdes et plaques de
Peyer) et en milices de patrouille (les
lymphocytes). Quantitativement, l’in-
testin est l’un des organes les plus
riches en cellules lymphocytaires et en
anticorps. Ces cellules sécrètent même
un anticorps “spécifique”, l’IgA sécré-
toire (IgAs), qu’on ne trouve que dans
le tube digestif.
De façon caricaturale, l’intestin est
organisé comme une frontière. Des
citadelles parsèment, de place en place,
la muqueuse intestinale (1, 2) : ce sont
les follicules lymphoïdes et les plaques
de Peyer. Les lymphocytes T et B y sont
bien séparés. Là où siègent ces plaques,
la muqueuse est “appauvrie” : la couche
entérocytaire est mince et les villosités
sont très courtes ou absentes. Un type
particulier d’entérocytes, les cellules
M, couvrent cette zone. Ainsi, les lym-
phocytes des plaques de Peyer sont-ils
informés tôt et efficacement des entrées
de corps et substances exogènes. Tout
se passe comme si l’intestin “privilé-
giait l’entrée passive” de ces sub-
stances, pour pouvoir mieux les
connaître et en rendre compte. Partant
de ces plaques de Peyer, ou y arrivant,
des lymphocytes (surtout les T) par-
courent la muqueuse (lamina propria)
et la sous-muqueuse, se dirigent vers le
premier rempart, les ganglions lym-
phatiques mésentériques, puis vers la
circulation générale. Ils reviennent
ensuite au tube digestif. Ils sont deve-
nus matures : mémoire des antigènes
qui se sont fixés à leurs récepteurs,
capacités de prolifération, sécrétions de
cytokines et d’IgAs. Ces navettes ont
pour but d’informer le système immu-
nitaire général de ce qui transite habi-
tuellement par le tube digestif et de
mettre en phase les deux systèmes,
général et intestinal.
Le tissu lymphoïde associé à l’épithé-
lium digestif (le GALT) est la “masse
lymphoïde” la plus importante de l’or-
ganisme, tant en nombre de cellules
qu’en termes de travail effectué : 60 %
de la masse lymphoïde totale se situe
à ce niveau.
Là où les cellules immunitaires sont les
plus abondantes, le rempart muqueux
que forment les villosités est aminci
(c’est la zone T). Mieux, les entérocytes
qui recouvrent cette zone, peu nom-
breux, sont particuliers (cellules M).
Les plaques de Peyer représentent le
réservoir à cellules lymphoïdes imma-
tures.
IgA intestinales : les lymphocytes B
intestinaux fabriquent un IgA particu-
lier, l’IgA sécrétoire. C’est un IgA poly-
mérisé, où les monomères sont liés par
la chaîne J. Cet IgAs, en pénétrant dans
l’entérocyte, se lie avec un composant
sécrétoire, longue chaîne peptidique
qui permet son incorporation au sein de
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Mise au point
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 2, mars 2003
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Fonctions Site préférentiel, remarques
Modification du contenu
Alcalinisation du contenu luminal Grêle, côlon
Abaissement du potentiel d’oxydo-réduction Côlon
Modification des fonctions coliques
Augmentation de l’absorption hydro-sodée Côlon droit ; production d’H2O
Stimulation de la motricité intestinale Directe et indirecte (par acides gras volatils)
Digestion-absorption des nutriments
Hydrolyse des amidons complexes et des fibres alimentaires Côlon droit et transverse
Production d’acides gras volatils
Hydrolyse des protéines peu digestibles Côlon gauche
Hydrolyse des lipides Côlon gauche
Production
Acides gras volatils : acides acétique, butyrique, propionique Côlon droit ; origine : les glucides complexes ;
production : 300 mmol/24 h
Gaz : CO2, H2, méthane, ammoniac Côlon droit et gauche
Acide folique et vitamine K Grêle et colon droit
Amines actives et polyamines Côlon gauche
Transformations
Déconjugaison des sels biliaires Grêle et côlon droit
Déshydroxylation des sels biliaires Grêle et côlon droit
Mitogenèse colonocytaire Côlon
Actions sur les xénobiotiques
Glycosides cardiotoniques, imipramides, certains antibiotiques Côlon
Tableau III. Les différents rôles et effets de la flore intestinale.
L’IgA intestinal, sécrété par les lympho-
cytes B, est un IgA particulier : poly-
mérique et couplé à une pièce J, c’est
l’IgA secrétoire (IgAs).
Il a un rôle particulier : agent de police,
il contrôle les populations bactériennes,
leur adhésion et leur croissance.
vésicules intracellulaires qui vont, en
migrant vers le pôle apical, libérer
l’IgAs dans la lumière digestive sans
qu’il soit détruit par les enzymes pro-
téolytiques. Cet IgAs a un rôle clé dans
la lutte contre les bactéries et levures
invasives comme dans la “tolérance
immunitaire” vis-à-vis des souches
dominantes et des nutriments. Il s’op-
pose à la translocation bactérienne,
neutralise certaines toxines, inhibe la
multiplication virale dans les entéro-
cytes et bloque l’adhésion des bacté-
ries à la muqueuse.
Le système de défense non spéci-
fique intestinal. Outre le GALT, l’in-
testin possède une défense dite non
spécifique : flux intestinal (30 mn pour
parcourir les 4 m de grêle) ; mucus
recouvrant la surface de la muqueuse ;
couche aqueuse non agitée à la surface
des entérocytes ; desquamation enté-
rocytaire (60 millions par jour) ; poly-
nucléaires…
Entre flore, entérocytes
et système immunitaire :
les fonctions
La flore
Elle a d’innombrables fonctions (ta-
bleau III). Parmi elles, trois sont
majeures (1-3) :
La flore participe aux phénomènes
de digestion-absorption des macro- et
des micronutriments.
La flore collabore aux processus de
défense de l’organisme contre l’invasion
microbienne : c’est l’effet de barrière. Il
est exercé par certains micro-organismes
et pas d’autres. Les probiotiques ont ce
rôle. La flore dominante s’oppose à l’im-
plantation de bactéries en transit par
quatre types de moyen :
– en sécrétant des bactériocines (sub-
Né sous la couche entérocytaire, l’IgA
sécrétoire traverse les entérocytes et il
est “porté” vers le pôle apical pour être
mis en faction, accroché aux entéro-
cytes, dans la lumière intestinale.
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Mise au point
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 2, mars 2003
Mise au point
La flore a trois rôles clés : elle termine
la digestion, elle défend l’organisme,
elle produit des substances bénéfiques.
Quelques définitions
Probiotiques : Préparations ou pro-
duits qui contiennent un nombre
suffisamment important de micro-
organismes bien définis, viables et à
concentration stable, lesquels micro-
organismes modifient, à ces concentra-
tions, l’équilibre de la flore intestinale
ou d’autres cavités de manière à avoir
des effets positifs sur la santé de
l’homme.
Exemples : Lactobacillus, Bifidobacte-
rium, Enterococcus, Lactococcus,
Bacillus cereus, Saccharomyces…
Prébiotiques : Substances incluses
dans l’alimentation qui exercent un effet
bénéfique sur l’homme en modifiant
l’équilibre ou le nombre d’un ou de
quelques de micro-organismes de la
flore intestinale.
Exemples : fibres alimentaires, fructo-
oligosaccharides, inuline, oligosaccha-
rides transgalactosylés, oligosaccha-
rides du soja.
Symbiotiques : Préparations ou pro-
duits qui contiennent à la fois un pré-
biotique et un probiotique, et dans
lequel le prébiotique influence in vitro la
prolifération du probiotique.
Exemple : oligofructose associé à
Bifidobacterium.
stances “antibiotiques” bloquant la
croissance des bactéries ou les détrui-
sant) ;
– en produisant des acides gras vola-
tils (qui inhibent la croissance cellu-
laire) ;
– et/ou en occupant les récepteurs
d’accroche qui permettent à une bac-
térie d’adhérer à la muqueuse ;
– en inhibant enfin la production ou les
effets de toxines bactériennes.
La flore élabore des produits déri-
vés qui ont un rôle métabolique
bénéfique (acides gras volatils et
métabolisme du cholestérol ; acide
folique).
La muqueuse intestinale
Elle offre de remarquables capacités de
digestion-absorption, mais aussi
d’adaptation. C’est à son renouvelle-
ment ultrarapide qu’elle le doit. Sa
fonction d’absorption est organisée
dans l’espace : schématiquement, au
sommet des villosités se fait toute l’ab-
sorption “active” (transports actifs
énergie ([ATP]-dépendants) ; à la base,
l’absorption “passive”, notamment
celle des grosses molécules (anticorps,
grosses protéines “antigéniques”).
C’est pourquoi c’est dans les zones
d’appauvrissements villositaires que
sont installées les plaques de Peyer.
Deux systèmes sont prévus pour lais-
ser passer de grosses molécules et ren-
seigner ainsi le système immunitaire :
le transfert protégé de molécules via
les entérocytes et le transfert des molé-
cules entre deux entérocytes.
Le système immunitaire
Sa fonction est complexe : il doit lais-
ser passer les substances nutritives, et
s’opposer aux corps et substances
toxiques. Son fonctionnement optimal
se situe donc entre infections et aller-
gies ! Insuffisant, il ne s’oppose pas
assez efficacement à la pénétration des
micro-organismes et de leurs toxines ;
excessif, il induit des réactions d’hy-
persensibilité : soit réactions aller-
giques (allergies digestives), soit into-
lérances digestives (maladie cœliaque),
soit emballement du système immuni-
taire (maladie de Crohn ? entérocolites
auto-immunes, colites collagènes et
colites microscopiques, entérite à éosi-
nophiles).
C’est la flore qui, chez le nouveau-né,
donne le signal du développement et
de la maturation du système immuni-
taire. Un animal sans flore (axénique)
ne développe qu’une flore très pauvre
et très peu fonctionnelle.
Certains germes, comme Bacteroïdes
ou Escherichia coli, sont plus “immu-
nogéniques” que d’autres.
Un équilibre
qu’il faut préserver
et optimiser
La flore est essentielle au développe-
ment harmonieux et fonctionnel du
système immunitaire intestinal. Elle est
aussi capitale, au-delà de cette acqui-
sition, pour assurer le meilleur fonc-
tionnement du GALT. Les exemples ne
manquent pas (1-4). Il nous faut certes
encore mieux comprendre l’exact
fonctionnement de cet ensemble fonc-
tionnel que représente “flore-
muqueuse-système immunitaire”. Ce
que nous savons :
– chez la souris, les Bifidobacterium
bifidum contribuent à la production
d’immunoglobulines ;
– certains éléments de la flore (Bifido-
bacterium bifidum, Escherichia coli,
Veillonella) sont un des déterminants
de la “tolérance immunitaire” du
GALT à l’égard de nombreuses sub-
stances alimentaires ;
– la flore contrôle et limite la translo-
cation bactérienne de germes tels que
Lactobacillus, Bacteroïdes, Fusobac-
terium ou Clostridium ;
– mais nous savons aussi que l’équi-
libre, dans certaines circonstances,
est fragile. Et nous avons appris
aussi que nous pouvons moduler la
flore pour optimiser le système de
défense.
Cette idée qu’il était possible de modi-
fier la flore et, par là-même, d’amélio-
rer ou de restaurer certaines fonctions,
est à l’origine de la notion de probio-
tiques et de prébiotiques.
Prébiotiques et probiotiques
On entend encore dire parmi les scien-
tifiques et gastroentérologues : les pro-
biotiques, c’est un truc publicitaire. Ils
ne servent à rien. Preuve que quand une
campagne a été lancée “faute de
preuve”, “avec des extrapolations dou-
teuses ou abusives”, le résultat est
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