Quelle procédure adopter pour une
empreinte photique ? Comment
cerner les éléments anatomiques en
relation avec les bords prothétiques ?
Existe-t-il un moyen pour améliorer
l'empreinte primaire en prothèse
totale ? Quel protocole et quels tests
effectue-t-on pour stabiliser le PEI ?
Quels muscles se mobilisent lors de
la phonation ? Comment faire le choix
judicieux des phonèmes pour mode-
ler la périphérie de la prothèse ?
107
Stratégie prothétique avril 2004 • vol 4, n° 2
L ' étude de moulages endocrâniens des Homo
Habilis suggère la présence d'une aire de Broca
sur le lobe temporal gauche ; aire directement
impliquée dans la production du langage parlé.
Cela signifie-t-il pour autant que les premiers
hommes communiquent avec des rudiments de langage ?
L'origine des premières articulations phonatoires est à
rechercher du côté d'expansions cognitives. C'est dans l'ai-
re pariétale que se construisent les séquences d'actions qui
permettent, par exemple, de fabriquer un outil ou d'effec-
tuer une série de gestes orientés vers un but précis. Ces
séquences correspondent aux structures de phrases consti-
tuées d'un enchaînement de phonèmes. Les australopi-
thèques sont bipèdes, cette adaptation à la position debout
L’empreinte phonétique
en prothèse totale
Cabinet Laboratoire
E. TONDOWSKI, prothésiste dentaire
Empreinte phonétique - E. Tondowski
Stratégie prothétique avril 2004 vol 4, n° 2
108
a modifié l'anatomie du crâne. La face est haute et
puissante. L'avancée des arcades dentaires se ma-
nifeste par un prognathisme alvéolaire. Le palais est
long et peu profond. La mandibule est courte avec
une branche montante peu développée. Les dents
postérieures sont profondément implantées car
elles sont dédiées à une mastication puissante (1).
Cent mille années de langage articulé, évoluant en
même temps que la régression du groupe molaire,
permettent la lente mutation des muscles orbitant
autour des maxillaires. L'empreinte phonétique est
donc née des frictions modelantes de nos habitudes
sociales évolutives à travailler le meilleur outil de
communication qu'est le langage articulé.
L'EMPREINTE PHONÉTIQUE
La précision de l'empreinte secondaire en prothèse
totale est un vaste sujet où se mêlent maintes tech-
niques, parfois s'affrontent différentes théories
( 2 ) . Cet article tente de réunir les procédures
apprises classiquement aux impératifs phonétiques :
en effet, nous passons le tiers de notre vie à parler !
Pour le patient, il est indispensable de pouvoir s'ex-
primer, sans la hantise du décrochage prothétique
lors de la phonation. Il importe donc d’intégrer les
organes périphériques musculaires et tendineux en
analysant leurs effets sur le marginage des bords de
l'empreinte phonétique. Nous supposons connus
les placements articulatoires et la nomenclature des
voyelles et consonnes (3, 5). La technique et son
protocole exigent une connaissance précise des
données anatomiques (4) et de la nomenclature
orthophonique.
Fig. 1 Extension des volets postérieurs des porte-
empreintes maxillaires Accudent®.
Fig. 2 Porte-empreinte mandibulaire Accudent®.
12
ÉLÉMÉNTS ANATOMIQUES EN RELATION
AVEC LA PÉRIPHÉRIE PROTHÉTIQUE
La stabilité des prothèses complètes exige le main-
tien du joint périphérique. En conséquence, les
tissus en relation avec les bords sont passifs ou
dépressibles. Les fibres musculaires sous-jacentes
seront parallèles ou tangentes à ces bords. Le
modelage des limites prothétiques par une
empreinte phonétique permet de retrouver un profil
des fibres conjonctives élastiques qui relient la
muqueuse aux organes périphériques et qui la
rendent solidaire de tous leurs déplacements.
GÉNÉRALITÉS SUR L'EMPREINTE PRIMAIRE
EN PROTHÈSE AMOVIBLE TOTALE
Pour notre travail, l'empreinte primaire est réalisée
avec les porte-empreintes Accudent®. Les porte-
empreintes maxillaires présentent des réservoirs
larges, permettant un enregistrement du repli jugal
sous la seule action non compressive de l'Accu-gel®
(fig. 1). Les porte-empreintes mandibulaires sont
calibrés pour les différentes formes de la branche
montante de la mandibule ; de plus, un support
repose-langue permet de refouler le mylo-h y o ï d i e n
(fig. 2). Deux alginates parfaitement adaptés sont
utilisés : le Syringe-Accu-Gel®est d’abord injecté
dans le vestibule à l'aide d'une seringue, puis le
Tr a y - A c c u - G e l ®est appliqué dans le porte-empreinte,
puis introduit en bouche pour maintenir et complé-
ter le premier matériau. L'empreinte est donc parfai-
tement muco-statique. Le porte-empreinte indivi-
duel (PEI) est ensuite réalisé classiquement en
résine auto-polymérisable.
RÉGLAGE DU PEI INFÉRIEUR
Ce réglage fait appel à l’émission de lettres et
phonèmes, ou de mouvements, mobilisant les or-
ganes musculaires périphériques.
Si l’émission du L, la langue placée à la verticale
109
Stratégie prothétique avril 2004 vol 4, n° 2
Cabinet Laboratoire
Fig. 3 Langue placée vers le palais.
F i g . 4En rouge, zone de rectification du PEI pour
l’émission du L.
Fig. 5 Pointe de la langue entre les lèvres.
F i g . 6En rouge, zone de rectification si l’émission du T
ou du D soulève la partie antérieure du PEI. En vert,
zone à rectifier si c’est la partie postérieure qui se
s o u l è v e .
3
4
5
6
du palais (fig. 3), soulève le PEI par l'action du génio-
glosse entraînant le mylo-hyoïdien, on le raccourcit
du côté lingual au niveau des deuxièmes prémo-
laires et des premières molaires (fig. 4).
Si l’émission du Tet D, avec la pointe de la langue
entre les lèvres (fig. 5), soulève la partie antérieure
du PEI par l'action du génio-glosse, on raccourcit le
PEI au niveau des premières prémolaires (fig. 6). Si
le PEI se soulève dans sa partie postérieure, sous
l'action du mylo-hyoïdien, on le raccourcit au niveau
des premières et deuxièmes molaires (fig. 6).
La pointe de la langue est appliquée aux commis-
Empreinte phonétique - E. Tondowski
Stratégie prothétique avril 2004 vol 4, n° 2
110
sures labiales pourgler le rouleau sublingual (fig. 7).
La langue est portée vers la gauche : si le PEI se
soulève dans sa partie antérieure droite (sous l'ac-
tion du génio-glosse), régler le PEI à gauche, au
niveau lingual de la canine (fig. 8). Si le PEI se soulè-
ve dans sa partie postérieure droite (sous l'action
du mylo-hyoïdien), régler le PEI, à gauche, en
lingual de la deuxième molaire (fig. 8). Puis inverser
le mouvement de la langue et faire les glages
c o r r e s p o n d a n t s .
• Tirer la langue le plus loin en avant, en mobilisant
l'orbiculaire et les muscles verticaux. Si le PEI se
soulève dans sa partie antérieure, on le raccourcit
au niveau des incisives centrales et on contrôle
l'échancrure du frein de la langue (fig. 9). Si le PEI
se soulève dans sa partie postérieure (sous l'action
du mylo-hyoïdien), il faut le régler au niveau des troi-
sièmes molaires (fig. 9).
On demande au patient d’avaler sa salive pour
activer le constricteur supérieur du pharynx ; si le
PEI se soulève dans sa partie postérieure, on le
raccourcit au niveau du volet lingual postérieur.
Fig. 7 Pointe de la langue vers une commissure labiale.
Fig. 8 En rouge, zone de rectification si la pointe de la langue
placée vers la commissure soulève la partie antérieure du PEI.
En vert, zone à rectifier si c’est la partie postérieure qui se
soulève.
Fig. 9 En rouge, zone de rectification à effectuer si étirer la
langue vers l’avant soulève la partie antérieure du PEI. En vert,
zone à rectifier si c’est la partie postérieure qui se soulève.
Fig. 10 En rouge, zone de rectification si la déglutition salivaire
soulève la partie postérieure du PEI.
Fig. 11 En rouge, zone de rectification si l’ouverture en grand
de la bouche soulève le PEI.
7
8
9
10
11
Sans cette correction, on risque d'installer une
pharyngite irritative par sur-extension prothétique
(fig. 10).
On demande ensuite au patient de creuser les joues
pour régler l'échancrure des freins qui sont orientés
d'avant vers l’arrière par l'action du buccinateur.
Par l’ouverture en grand de la bouche, on sollicite
les fibres antérieures du masséter, ce qui permet de
régler l'échancrure à réaliser à la face vestibulaire du
trigone (fig. 11).
RÉGLAGE DU PEI SUPÉRIEUR
Le patient entrouvre la bouche à moitié ; si le PEI
n'est pas stable, vérifier les surextensions qui
contrarient l'orbiculaire, et raccourcir le bord anté-
rieur (fig. 12).
111
Stratégie prothétique avril 2004 vol 4, n° 2
Cabinet Laboratoire
Fig. 12 Zone de
rectification du PEI
maxillaire, s’il n’est
pas stable dans la
région antérieure.
Fig. 13 Zone à
rectifier, si l’effort
pour creuser les
joues gêne l’action
des freins.
Fig. 14 Zone à
rectifier pour déter-
miner la ligne de
réflexion du voile.
Fig. 15 Zone à
rectifier si l’ouver-
ture de la bouche
en grand est
responsable de
perte de stabilité
du PEI.
12 13
14 15
La bouche étant ouverte, le patient effectue un
mouvement de latéralité gauche et droite ; si le PEI
se décroche dans sa partie postérieure, il faut rédui-
re l'épaisseur du bord para-tubérositaire qui interfère
avec le processus de l'apophyse coronoïde.
En faisant mimer un baiser, on contrôle l'action du
buccinateur et on rectifie, si nécessaire, la longueur
du bord vestibulaire.
Il faut encore faire creuser les joues pour régler
l'échancrure des freins qui seront orientés d'avant
vers l'arrière par l'action du buccinateur (fig. 13).
L'émission du A détermine la ligne de réflexion du
voile du palais ; le PEI recouvre cette zone de 2 mm
(fig. 14).
La bouche étant grande ouverte, le PEI doit lais-
ser libres les ligaments ptérygo-maxillaires (fig. 15).
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