Grippe
La grippe est la virose respiratoire dont l’expression sai-
sonnière est la plus intense, avec des épidémies régu-
lières, quasi annuelles. Certaines pandémies ont pu
atteindre pratiquement toute la population mondiale,
comme la tristement célèbre épidémie de grippe espa-
gnole de 1918, qui fit plus de 20 millions de morts.
Les virus grippaux appartiennent àlafamille des
Orthomyxoviridae. Les trois types de virus grippaux
sont répartis en trois genres :Influenzavirus A, BetC.
Ce sont des virus enveloppés, de 80 à120 nm de dia-
mètre, dont l’enveloppe est porteuse de glycoprotéines,
hémagglutinine (HA) et neuraminidase (NA). L’enve-
loppe est tapissée sur sa face interne par la protéine de
matrice Metprotège le génome, ARN monocaténaire
de polarité négative, segmenté en huit fragments pour
les virus AetB,etsept fragments pour le virus C.
L’ARN viral est combiné àlaprotéine de capside pour
former des nucléocapsides de symétrie hélicoïdale, aux-
quelles est associée l’ARN polymérase viral NS1 et
NS2. Le génome viral code pour les protéines structu-
rales et également pour deux protéines non structurales.
Le virus s’attache par l’intermédiaire de la protéine HA
àson récepteur, l’acide sialique terminal des sialoglyco-
lipides et sialoglycoprotéines de la membrane plas-
mique. Il entre dans la cellule par endocytose et les
nucléocapsides sont libérées dans le cytoplasme cellu-
laire. Elles vont gagner le noyau àtravers les pores
nucléaires. La transcription des messagers viraux est
réalisée par l’ARN polymérase, ARN dépendante pré-
sente dans le virion. La synthèse des messagers viraux
est initiée par des fragments d’ARN messagers cellu-
laires coiffés. Parallèlement àlasynthèse des protéines
virales dans le cytoplasme, la réplication du génome
viral alieu, toujours dans le noyau, avec production de
nouvelles copies d’ARN de polarité négative, cette fois
sans intervention d’amorces ARN d’origine cellulaire.
HA et NA sont maturées dans le réticulum endoplas-
mique et dans le Golgi et migrent vers la membrane
plasmique, àtravers laquelle les nouveaux virions vont
bourgeonner.
L’épidémiologie de la grippe s’explique par les caracté-
ristiques de ces virus. Ils sont capables de glissements
antigéniques de faible amplitude, avec apparition de
mutations ponctuelles dans les gènes des protéines anti-
géniques, du fait d’une activité ARN polymérase peu
fidèle. Ces variations sont àl’origine des épidémies
annuelles. Le caractère segmenté du génome permet des
réarrangements importants, les cassures antigéniques,
avec le remplacement complet d’une molécule de sur-
Guide des analyses spécialisées
face par une autre, comme cela s’est passé en 1968 :la
recombinaison entre un virus humain et un virus aviaire
apermis le remplacement de la souche H2N2 qui circu-
lait depuis 1957 par une souche H3N2, et le début de
la dernière pandémie en date.
Par ailleurs, les virus grippaux infectent un grand
nombre d’espèces animales, en particulier les oiseaux,
dont un grand nombre d’espèces migratrices, les porcs
et les chevaux. Ces virus sont transmissibles entre
espèces et àl’homme, mais en aboutissant le plus sou-
vent àdes impasses, sans déclenchement d’épidémies
humaines. Ce sont les virus réassortants entre souches
animales et humaines qui sont àl’origine des pandémies
récentes.
La transmission est respiratoire, interhumaine directe,
d’autant plus facile que l’atmosphère est confinée
(transports en commun, collectivités, etc.). Après une
courte incubation de 1à2jours, la grippe débute par
un syndrome fébrile, parfois intense, associé àdes myal-
gies, des arthralgies, des céphalées, avec parfois malaise
et anorexie. L’atteinte respiratoire se manifeste secon-
dairement :pharyngite avec souvent conjonctivite, rhi-
nite, atteinte respiratoire basse avec toux liée àune
bronchite aiguë. La fièvre diminue vers le 4
e
jour pour
remonter vers le 5
e
–6
e
jour avant de disparaître. Cette
forme clinique simple peut se compliquer en grippe
maligne avec insuffisance respiratoire aiguë, ou en
pneumonie virale primaire ou bactérienne de surinfec-
tion, facilitée par l’existence de lésions sous-jacentes.
Des complications cardiovasculaires ou neurologiques
sont possibles. Le syndrome de Reye, associant encé-
phalopathie et stéatose hépatique, est plus fréquent chez
l’enfant entre 5et14ans, mais il existe aussi chez
l’adulte. Les individus sont contagieux jusqu’à 5jours
après le début des signes cliniques et jusqu’à 7jours
chez l’enfant.
Le traitement des formes simples de la grippe est essen-
tiellement symptomatique. Les antigrippaux spécifiques
agissant sur l’attachement du virus (amantadine et
rimantadine) ne sont efficaces que pour les virus de
type Aetseulement en phase très précoce (moins de
48 heures). Les inhibiteurs de la neuraminidase
(zanamivir et ozeltamivir) bloquent l’extension de
l’infection par les types AetBdans le tractus respira-
toire, et raccourcissent la durée des symptômes et de
l’excrétion virale. L’antibiothérapie n’a d’intérêt qu’en
cas de surinfection bactérienne avérée.
La prophylaxie de la grippe repose essentiellement sur
la vaccination. Il est possible de mettre en place une
chimioprophylaxie àbase d’amantadine ou de rimanta-
dine ou par inhibiteurs de la neuraminidase (ozeltami-
vir) chez les sujets non vaccinables ou non vaccinés,
avec une bonne efficacité. Cependant, la vaccination
reste le meilleur moyen d’éviter la maladie. Le vaccin
actuel est un vaccin cultivé sur œuf embryonné, tué par
le formaldéhyde ou la bétapropiolactone et purifié. Il
peut s’agir de vaccins «entiers »ou«sous-unitaires »,
ne contenant que HA et NA. Il est composé générale-
ment de deux souches de type Acirculant actuellement
(H1N1 et H3N2) et d’une souche de type B. Le choix
des souches est renouvelé annuellement et repose sur la
surveillance mondiale des souches virales en circulation.
Des vaccins vivants atténués ont été développés, mais
ne sont pour l’instant pas utilisés en France. La vaccina-
tion doit être annuelle, du fait de la variation régulière
des souches en circulation. Elle est fortement recom-
mandée chez les personnes de 65 ans et plus, les patients
atteints de tout type d’insuffisance respiratoire ou
d’insuffisance cardiaque, les patients souffrant de mala-
dies métaboliques ou d’insuffisance rénale, les drépano-
cytaires, les personnes atteintes d’un déficit immunitaire
grave. Elle doit être réalisée au mieux en octobre ou
novembre pour la population de l’hémisphère nord.
Elle peut être poursuivie jusqu’en décembre et au-delà
suivant le début et la durée de la saison grippale. La
vaccination est recommandée chez les professionnels de
santé en contact régulier et prolongé avec des sujets à
risque. Cependant, le taux de vaccination des profes-
sionnels de santé en France en 2002–2003 n’était que
de 15 %. Chez les sujets âgés, vivant notamment en
institution, la réponse immunitaire àlavaccination est
diminuée. Des épidémies de grippe ont été décrites dans
des collectivités de personnes âgées ayant un taux élevé
de couverture vaccinale. Ce phénomène peut s’expli-
quer par la diminution des réponses immunitaires, mais
aussi par une inadéquation entre la souche circulante et
la souche vaccinale. Les mesures de contrôle de l’épidé-
mie comportent, pour le patient, l’isolement géogra-
phique (chambre individuelle) et le port de masque
chirurgical. Pour le personnel, les mesures d’hygiène des
mains sont renforcées (gants, lavage des mains, solution
hydroalcoolique) et le port du masque chirurgical est
obligatoire en cas de contact avec des patients atteints.
Enfin, pour les patients non atteints, la vaccination
grippale est effectuée chez les sujets non vaccinés et une
chimioprophylaxie par ozeltamivir (1 comprimé par
jour) est proposée pour les patients ayant été au contact
d’un patient atteint.
Le diagnostic biologique de la grippe repose sur la
détection directe du virus ou sur la mise en évidence
d’anticorps sériques spécifiques.
Le virus est détectable dans les cellules du tractus respi-
ratoire dans les premiers jours de l’infection. Les tech-
niques directes sont donc àprivilégier pour un
diagnostic rapide en phase aiguë de la maladie :
on pourra prélever par aspiration nasopharyngée
pour pratiquer une recherche directe par immuno-
fluorescence ou également par écouvillonnage nasal
par technique EIA, avec un résultat en quelques
heures. La sensibilité de ces tests est de 80 à85%,
par comparaison àlaculture cellulaire avec une spéci-
ficité de 95 %;
l’isolement viral est possible àpartir des mêmes prélè-
vements par culture sur œuf de poule embryonné ou
sur lignée cellulaire adaptée, avec un résultat en
quelques jours. L’identification du virus isolé est réa-
lisée par inhibition de l’hémaglutination ou par bio-
logie moléculaire ;
la RT-PCR est utilisable pour détecter l’ARN viral,
mais reste limitée aux laboratoires de recherche et
aux enquêtes épidémiologiques.
Le diagnostic sérologique est de réalisation simple mais
d’interprétation délicate, avec une sensibilité moyenne.
Il est de plus rétrospectif pour une pathologie en général
très aiguë. La détection des IgM est possible, mais peu
sensible. Les techniques immunoenzymatiques de détec-
tion d’IgG peuvent être àl’inverse trop sensibles et
détecter trop facilement des anticorps liés àune infec-
tion ancienne sans lien avec le syndrome clinique actuel.
Pour ces raisons, les techniques, moins sensibles, de
fixation du complément (RFC) ou d’inhibition de
l’hémaglutination ont gardé tout leur intérêt, àcondi-
tion de tester deux sérums prélevés à15jours d’inter-
valle. Un titre égal ou supérieur à128 en RFC est déjà
fortement évocateur d’une infection aiguë par un virus
grippal, et l’ascension du titre des anticorps de plus de
deux dilutions permet d’affirmer l’infection aiguë.
(Andrieu AG, PauteJ,Glomot L, Jarlier V, Belmin J.
Épidémie de grippe nosocomialedansunservice de gériatrie. Efficacité
desmesures de prévention.
PresseMéd 2006 ;35/10 :1419-1426.
Spilf–Société de pathologie infectieuse de langue française.
Prise en charge de la grippe en dehorsd’une situation de pandémie
2005. Textecourt.
Méd MalInfect 2005 ;35:5237-5244.
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