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La ventilation à percussion intrapulmonaire
Intrapulmonary percussive ventilation
● V. Gautier*, P. Godard**
Résumé : La ventilation à percussion intrapulmonaire (VPI) permet d’administrer une ventilation sous forme de petits volumes
de haute fréquence au moyen d’un circuit respiratoire ouvert (Phasitron®) couplé à un nébuliseur. Il en résulte une ouverture partielle des voies aériennes associée à une vibration mécanique interne. La VPI fait donc partie des techniques de désencombrement instrumental. Elle a été mise au point par le Dr F.M. Bird (Percussionaire® Corporation, Idaho, États-Unis) dans les années
1980. Les indications principales de la VPI sont le désencombrement des voies aériennes et la prévention des épisodes de surinfection. Ces indications découlent principalement d’études réalisées sur des enfants porteurs de mucoviscidose. Elles démontrent que la VPI est une technique bien tolérée et efficace. Son intérêt au long cours dans d’autres pathologies reste à confirmer et des études comparées sont nécessaires pour en préciser les indications.
Mots-clés : Clairance mucociliaire – Kinésithérapie respiratoire – Ventilation à percussion intrapulmonaire.
Summary: The Intrapulmonary Percussive Ventilation (IPV) belongs to the instrumental techniques of mucociliary clearance. To
receive this type of high frequency mechanical ventilation, the patient breathes through an IPV accessory device called a Phasitron®. This open circuit delivers rapid, high flow, mini-bursts (percussions) of air into the lungs while simultaneously delivering
therapeutic aerosols. The result is a partial opening of the airways associated to an internal mechanical vibration. This technique was created by Dr F.M. Bird (Percussionaire® Corporation, Sandpoint, Idaho, USA) in 1980. The main indications of IPV
are secretions clearance and prevention of repeated infections. Several studies demonstrate that IPV is a safe and effective
method on cystic fibrosis patients. Further studies are necessary to verify the reported usefulness in the long term care of
obstructive and restrictive patients.
Keywords: Mucus clearance – Chest physiotherapy – Intrapulmonary percussive ventilation.
e désencombrement des voies aériennes par kinésithérapie peut se faire de manière manuelle ou instrumentale. Les techniques manuelles sont essentiellement fondées sur la modulation des débits et volumes
pulmonaires (1-3). En effet, il est reconnu que l’augmentation
du débit expiratoire permet d’optimiser la clairance mucociliaire
des voies aériennes (1). Les techniques instrumentales ont pour
objectif d’augmenter le volume inspiré (aide inspiratoire), d’éviter la fermeture précoce des voies aériennes lors de l’expiration
et d’exercer une action mécanique sur la paroi et les sécrétions
(2-4). La ventilation à percussion intrapulmonaire (VPI) est l’une
de ces techniques instrumentales (3, 4). Elle a été mise au point
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* APARD, Parc Euromédecine, Montpellier.
** Service des maladies respiratoires, CHU Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier.
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au début des années 1980 par le chercheur américain F.M. Bird.
Elle est homologuée et distribuée en France depuis 1997 (Breas®,
Saint-Priest).
DÉFINITION
La VPI est une méthode de ventilation à haute fréquence (> 1 Hz)
appliquée aux voies aériennes. Elle consiste en l’administration de
percussions, c’est-à-dire d’un débit d’air pulsé dans les voies
aériennes du patient au moyen d’un circuit respiratoire ouvert (Phasitron®). Son fonctionnement repose sur le principe de Venturi (5)
(figure 1). Les percussions sont des petits volumes de gaz de haute
vélocité appelés volumes sous courants (1 à 300 ml), délivrés à fréquence et pression modulables en fonction de la pathologie du patient
(cf. infra). Le système est couplé à un jet nébuliseur (figure 2).
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no 4 - juillet-août 2003
Chambre du Phasitron®
Cervo-diaphragme
Venturi mobile
Gaz pressurisés
pulsés
Porte expiratoire
Porte inspiratoire
(entraînement)
© F.M. Bird
Figure 1. Coupe sagittale du Phasitron® (5). Des petits volumes de haute pression (gaz pressurisés pulsés) entrent dans la chambre en passant dans des
conduits de plus en plus étroits, transformant la pression en vitesse (effet Venturi). Ces petits volumes accélérés génèrent un effet d’entraînement à la porte
inspiratoire. Une particule accélérée peut entraîner jusqu’à cinq particules à la porte inspiratoire (5). L’entraînement sera modulé par la compliance thoracique et par les résistances pulmonaires du patient.
MODES D’ACTION
Embout buccal
CmH2O
Moniteur de pression
Phasitron®
Air ambiant
entraîné
Venturi jet
Gaz
pressurisés
pulsés
MIST
Solution
L’objectif de la VPI est de traiter l’encombrement bronchopulmonaire en améliorant la clairance du mucus. La majoration de
la clairance mucociliaire pourrait être due :
– à un effet mécanique vibratoire sur la paroi et les sécrétions
(6, 7) ;
– à un effet de pression positive expiratoire (PEP) permettant
d’éviter le collapsus précoce des voies aériennes et d’augmenter
les débits dans les petites bronches (8) ;
– à une majoration de l’interaction gaz-liquide permettant
le décrochage et la migration des sécrétions vers la bouche
(6). L’intérêt d’associer une aérosolthérapie à la VPI reste à
démontrer.
INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS
Indications
La VPI peut être proposée dans le désencombrement bronchique
(4) en situation aiguë ou chronique.
Valve (débit continu)
Figure 2. Coupe du Phasitron® et nébuliseur (5). Les gaz pressurisés pulsés entrent dans le Phasitron® et y subissent une accélération (effet Venturi). Cette haute vitesse permet d’entraîner des particules d’air ambiant
et nébulisées (NaCl 0,9 %) au niveau de la porte inspiratoire.
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no 4 - juillet-août 2003
En aigu
La VPI a été étudiée chez des patients atteints de mucoviscidose
(7-10). Il a ainsi été montré qu’il s’agit d’une technique sûre (710) et au moins aussi efficace, en termes de poids de sécrétions
expectorées et d’amélioration des épreuves fonctionnelles respi157
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ratoires (EFR), que le flutter (6), la veste compressive de haute
fréquence (9) et la kinésithérapie conventionnelle (7-9).
Stucki et al. (10) ont rapporté, à propos d’un cas, l’efficacité de
la VPI associée à l’hélium dans la prise en charge d’un enfant
mucoviscidosique de 5 ans en situation de détresse respiratoire
aiguë. Deakins et al. (11) ont montré la supériorité de la VPI sur
la kinésithérapie conventionnelle dans le traitement de l’atélectasie chez les enfants intubés ventilés.
Birnkrant et al. (12) ont rapporté l’efficacité de la VPI sur des
patients neuromusculaires présentant des atélectasies aiguës
réfractaires aux thérapies médicale et à la kinésithérapie manuelle
et instrumentale.
Enfin, récemment, une équipe du CHU de Bordeaux (13) a réalisé une étude contrôlée non encore publiée sur 33 patients BPCO
présentant une exacerbation modérée (PH 7,35). Ces auteurs
démontrent qu’une utilisation précoce de la VPI chez ces patients
permet de diminuer significativement la durée d’hospitalisation
et, au long cours, le nombre d’aggravations.
Au long cours
Une seule étude a été réalisée sur l’utilisation de la VPI au long
cours. D.N. Homnick et al. (14) ont étudié de manière contrôlée,
sur 6 mois, 20 patients atteints de mucoviscidose. Les résultats
ne montrent pas de différence en termes d’EFR, de consommation de médicaments et de nombre d’hospitalisations entre le
groupe traité par VPI et le groupe traité par kinésithérapie conventionnelle. Mais les auteurs rapportent un résultat positif en termes
de satisfaction chez les patients traités par VPI.
Deux autres travaux récents présentés dans des congrès internationaux suggèrent un effet potentiel de la VPI en termes de prévention des surinfections chez des patients obstructifs (15) et restrictifs (16). Ces résultats sont à confirmer.
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Contre-indications
Le pneumothorax non drainé est la contre-indication absolue.
L’hémoptysie sévère et les risques d’hémorragie pulmonaire sont
des contre-indications relatives (4).
UTILISATION PRATIQUE
Fréquence et pression
Afin de programmer correctement les paramètres de la VPI, deux
d’entre eux sont à considérer : d’une part, le type de pathologie
respiratoire (obstructive, restrictive) ; d’autre part, l’autonomie
ventilatoire.
Chez un patient présentant une autonomie ventilatoire mais ayant
un syndrome obstructif prédominant, les percussions intrapulmonaires sont superposées à la ventilation spontanée, telle une pression positive continue (PPC) dynamique (figure 3). Les poumons
sont en position inspiratoire partielle, tout en étant percutés. Le
travail respiratoire est réalisé de manière concomitante par la
machine et le patient, dont la collaboration, cependant, n’est pas
nécessaire, car sa ventilation spontanée n’est pas entravée. Dans
ce cas, le réglage des paramètres vise l’effet vibratoire plutôt que
ventilatoire. La fréquence est élevée, à plus de 250 percussions/minute (> 4 Hz), et la pression à la bouche est faible, généralement inférieure à 20 cm H2O (7).
A contrario, chez des patients restrictifs sévères qui bénéficient
d’une ventilation au long cours, et qui ont peu ou n’ont pas
d’autonomie ventilatoire, la VPI a deux objectifs : désencombrer et ventiler en même temps. Pour cette raison, la fréquence
de percussions est plus lente, entre 80 et 200 percussions/minute
(1,4 à 3,2 Hz), et la pression proximale se règle entre 20 et 40 cm
H2O, afin d’administrer le volume courant le plus élevé possible (17) (figure 4).
Pression
(cm H2O)
15
10
5
0
5
10
15
© 1994, F.M. Bird
Temps (s)
Figure 3. Courbe de pression proximale (bouche) en fonction du temps (5), générée par un patient possédant une autonomie ventilatoire. La fréquence
est de 300 percussions/mn. Les percussions se superposent à la ventilation spontanée du patient. La courbe se présente comme une pression positive
continue “dynamique” : l’inspiration du patient génère une diminution de pression.
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Pression
(cm H2O)
20
10
0
2
1
3
4
Temps (s)
Figure 4. Courbe de pression proximale (bouche ou trachéotomie) en fonction du temps (5), générée par un patient ne possédant pas d’autonomie
ventilatoire. Les percussions prennent en charge le travail respiratoire et la ventilation du patient. La fréquence est de 150 percussions/mn.
La VPI peut être utilisée de manière simultanée avec des techniques manuelles fondées sur la modulation des débits et
volumes pulmonaires comme l’augmentation du flux expiratoire (AFE). Notons que, chez les patients dont la toux est inefficace (débit de pointe < 180 l/mn), tout traitement de VPI doit
être suivi par des techniques d’évacuation des sécrétions (toux
assistée, aspiration) (12, 17).
Aérosol
Afin d’éviter un assèchement de la bouche et des muqueuses,
le fabricant recommande une nébulisation de NaCl 0,9 % simultanée aux percussions intrapulmonaires (5). L’intérêt d’associer une aérosolthérapie médicamenteuse à la VPI reste à
démontrer.
CONCLUSION
La VPI est une technique de désencombrement intéressante dont
les preuves les plus fortes sont retrouvées dans les études s’intéressant à l’enfant mucoviscidosique. Un de ses avantages est
qu’elle ne nécessite pas obligatoirement la collaboration du
patient. Cependant, il est vivement recommandé d’y associer
des techniques manuelles de kinésithérapie, spécialement chez
les patients présentant une toux inefficace.
Des études restent nécessaires afin de mieux cibler les indications et de vérifier son efficacité, rapportée lors d’une utilisation au long cours (15, 16, 18).
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