Cours d’Algèbre I Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 28 novembre 2011 Corrigé 9 Les exercices 1, 3 et 4 sont les exercices de la série 8 qui n’ont pas été faits lors de la scéance précédente. Exercice 1 (Le théorème de structure des groupes abéliens finis). On rappelle que le théorème de structure des groupes abéliens finis affirme que r Y tout groupe abélien fini G est isomorphe à Z/di Z avec d1 , · · · , dr des entiers i=1 tels que di |di+1 . (1) Donner la liste des classes d’isomorphie des groupes abéliens d’ordre 432 (2) Montrer que tout groupe abélien d’ordre 30 est cyclique. s Y (3) Comment peut on calculer les entiers di quand G = Z/qi Z pour ceri=1 tains entiers q1 , · · · , qs strictement positifs ? (4) Calculer les entiers di quand G = Z/18Z × Z/20Z × Z/63Z. (5) A quelle condition sur les entiers di le groupe G est il cyclique ? Solution. (1) On décompose 432 en produit de facteurs premiers : 432 = 24 ×33 . D’après le théorème de structure des groupes abéliens finis, tout groupe abélien d’ordre 432 est isomorphe à l’un des groupes suivants : Z/432Z Z/2Z × Z/216Z Z/3Z × Z/144Z Z/4Z × Z/108Z, (Z/2Z)2 × Z/108Z Z/6Z × Z/72Z (Z/2Z)3 × Z/54Z (Z/3Z)2 × Z/48Z Z/12Z × Z/36Z, Z/2Z × Z/6Z × Z/36Z Z/3Z × Z/6Z × Z/24Z (Z/2Z)2 × Z/6Z × Z/18Z Z/3Z × Z/12Z × Z/12Z, (Z/6Z)2 × Z/12Z Z/2Z × (Z/6Z)3 2 et de plus, parmis ces groupes, on ne peut pas en trouver deux qui soient isomorphes. Avez vous remarqué que, bien que 4 ne divise pas 54, le groupe Z/2Z × Z/4Z × Z/54Z apparait bien dans la liste ? En effet on a Z/2Z × Z/4Z × Z/54Z ' (Z/2Z)2 × Z/108Z. Les redondances dans la liste sont évitées grâce aux conditions de divisibilité des entiers di . Notez aussi que les conditions de divisibilité permettent de ne pas avoir à calculer tout les factorisations de 432 en produit r Y d’entiers mais seulement les factorisations 432 = di avec di |di+1 . i=1 (2) Un groupe abélien d’ordre 30 est isomorphe à r Y Z/di Z avec d1 , · · · , dr i=1 des entiers tels que di |di+1 . Le produit d1 · · · , dr est à Card(G) = 30. Or, pour tout indice i, on a di |dr , donc dr est divisible par tous les facteurs premiers de 30. L’entier 30 est sans facteur carré, c’est à dire qu’aucun carré n’apparait dans sa décomposition en produit de nombres premiers : 30 = 2 × 3 × 5. Par suite 30 divise dr . On en déduit que dr = 30, i.e. que G ' Z/30Z. (3) Soit m et n deux entiers premiers entre eux. Le lemme chinois vu lors de la série 2 affirme l’existence d’un isomorphisme Z/mnZ ' Z/nZ × Z/mZ. Pour calculer les entiers di on commencer par chercher la factorisation des entiers qi en produit de nombres premiers : qi = ± t Y n pj i,j j=1 Avec ni,j ∈ N pouvant être nul (pour des raisons de simplicité d’écriture nous voulons que la famille de nombres premiers utilisée ne dépende pas de qi ). D’après le lemme chinois, on a s Y i=1 Z/qi Z ' s Y t Y n Z/pi i,j Z. i=1 j=1 Pour tout k ∈ {1, · · · s} et tout j ∈ {1, · · · , t}, on note mi,k la k-ième plus grande valeur apparaissant dans la liste des exposants n1,j , · · · , ns,j . On obtient ainsi s entiers m1,j ≤ · · · ≤ ms,j tels que {m1,j , · · · , ms,j } = t Y c {n1,j , · · · , ns,j }. On pose d0k := pjk,j . Par construction, dk0 divise d0k+1 j=1 3 pour tout indice k. D’après le lemme chinois, on a s s Y Y Z/qi Z ' Z/d0k Z. i=1 k=1 Par unicité des entiers di apparaissant dans le théorème de structure des groupes abéliens libres, les entiers di sont (au signe près) les entiers d0k (plus exactement, ceux qui sont différents de 1 et −1). (4) Il suffit de remarquer que 18 divise 20 × 63 = 1260 et que 20 et 63 sont premiers entre eux. En effet, d’après le lemme chinois, on a Z/20Z × Z/63Z ' Z/1260Z. En particulier on a Z/18Z × Z/20Z × Z/63/Z ' Z/18Z × Z/1260Z. (5) Pour tout n un groupe cyclique a au plus un sous-groupe de cardinal n. Comme di divise dr , le groupe Z/dr Z a au moins un sous-groupe de cardinal di . Par suite le groupe G est cyclique si et seulement si dr = ±card(G) (et dans ce cas di = ±1 pour tout i < r). Exercice 2 (Fin de la démonstration du théorème de structure des groupes abéliens finis). On considère deux suites d’entiers d1 , · · · , dn ≥ 2 et δ1 , · · · , δm ≥ 2 avec di |di+1 n m Y Y et δi |δi+1 . On note G := Z/di Z et H := Z/δi Z. i=1 i=1 (1) Quel est le cardinal de G (respectivement H) ? (2) Montrer que tous les éléments dans G (respectivement H) ont un ordre divisant dn (respectivement δm ). (3) Montrer G a un élément d’ordre dn et que H a un élément d’ordre δm . (4) Montrer par récurrence sur le cardinal de G que si G ' H alors n = m et di = δi pour tout indice i. Solution. (1) Le cardinal de G est n Y i=1 di et le cardinal de H est m Y δi . i=1 (2) Soit x ∈ G. Un tel élément x de G s’écrit x = (x1 , · · · , xn ) avec xi ∈ Z/di Z. On a di xi = 0Z/di Z . Or di |dn , donc dn xi = 0Z/di Z . En particulier, on a bien dn x = 0G . Le raisonnement est identique quand on remplace G par H, et dn par δm . (3) L’élément (0Z/d1 Z , · · · , 0Z/dn−1 Z , 1Z/dn Z ) est d’ordre exactement dn . De même, (0Z/δ1 Z , · · · , 0Z/δm−1 Z , 1Z/δm Z ) est d’ordre exactement δm . (4) Lorsque G est de cardinal 1, ou de cardinal un nombre premier, le résultat est automatique. Soit N > 1 un entier. On suppose que, pour toutes suites d’entiers α1 , · · · αs ≥ 2 et β1 , · · · , βt ≥ 2 telles que αi |αi+1 et βi |βi+1 , et telles que 4 α1 · · · αs ≤ N , on ne puisse avoir s Y Z/αi Z ' i=1 t Y Z/βi Z que si s = t et i=1 αi = βi pour tout indice i. On suppose de plus que d1 · · · dn = N + 1. Soit p un facteur premier de d1 . On considère la multiplication par p sur G notée [p]G . Elle induit un isomorphisme entre G/ ker([p]G ) et n−1 Y Z/(p−1 di )Z. De même la multiplication par p sur H notée [p]H induit i=1 isomorphisme entre H/ ker([p]H ) et m−1 Y Z/δi0 Z avec δi0 = p−1 δi si p|δi et i=1 δi0 = δi si p est premier avec δi . La restriction à ker([p]G ) d’un isomorphisme entre G et H est un isomorphisme entre ker([p]G ) et ker([p]H ). Ainsi un isomorphisme entre G et H induit par passage au quotient un isomorphisme entre G/ ker([p]G ) et H/ ker([p]H ). Par comparaison des cardinaux de G/ ker([p]G ) et H/ ker([p]H ), on en déduit que m ≥ n et que δi si i ≤ m − n 0 δi = −1 p δi si m − n + 1 ≤ i ≤ m. En appliquant hypothèse de récurrence à G/ ker([p]G ) et H/ ker([p]H ), on voit donc que • δi = 1 si i ≤ m − n • p−1 δi = p−1 di si m − n + 1 ≤ i ≤ m. En particulier m = n car δi > 1 pour tout entier i. Par récurrence on a ainsi montré que si G ' H alors n = m et di = δi pour tout indice i. Exercice 3. Soit G un groupe non commutatif d’ordre p2 . (1) Montrer que G est engendré par deux éléments h1 , h2 ∈ G d’ordre p. (2) Au cours de l’exercice 7 de la série 6, on a montré que le groupe Hi engendré par hi est normal dans G. En déduire que le groupe des commutateurs de G est inclu dans Hi . (3) En déduire qu’il n’existe pas de groupe non commutatif d’ordre p2 . (4) Quelles sont les classes d’isomorphie des groupes d’ordre p2 ? Solution. (1) Si G a un élément d’ordre p2 alors G est cyclique. l’ordre des éléments de G est donc soit 1 soit p. Soient h1 , h2 ∈ G d’ordre p avec h2 en dehors du sous-groupe engendré par p. Alors le sous-groupe H engendré par h1 et h2 est d’ordre divisant p2 et plus grand que p + 1. Par conséquent H est d’ordre p2 . Comme G est aussi d’ordre p2 , on a G = H. 5 (2) Comme Hi est normal, G/Hi peut être muni d’une structure de groupe pour laquelle la surjection canonique π : G −→ G/Hi est un homomorphisme de groupe. Le groupe G/Hi est d’ordre p. Le groupe G/Hi est donc cyclique. En particulier, G/Hi est abélien. L’image par π d’un commutateur dans G est un commutateur dans G/Hi . Cette image est donc égale à 1G/Hi . Par conséquent, le groupe des commutateurs de G est contenu dans Hi . (3) Comme H1 et H2 sont deux sous-groupes d’ordre p distincts, le théorème de Lagrange montre que le cardinal H1 ∩ H2 est de cardinal 1. Par suite, pour tout x, y ∈ G, on a xyx−1 y −1 = 1G i.e. xy = yx. Ceci contredit la non-commutativité de G. (4) D’après le théorème de structure des groupes abéliens finis, les classes d’isomorphie des groupes d’ordre p2 sont les classes d’isomorphies de (Z/pZ)2 et Z/p2 Z. Exercice 4. (1) Soient A, B, C trois groupes abéliens finis. Montrer que si A × B ' A × C, alors B ' C. Attention : on ne connait pas à priori l’isomorphisme entre A × B et A×C! (2) On note A = (Z/4Z)N (respectivement B = (Z/4Z × Z/2Z)N , respectivement C = (Z/2Z)N ) le groupe des suites à valeurs dans Z/4Z (respectivement Z/4Z × Z/2Z, respectivement Z/2Z). Montrer que A × B ' A × C mais que B et C ne sont pas isomorphes. Solution. (1) Le théorème de structure des groupes abéliens finis affirme l’existence d’entiers α1 , · · · , αr , β1 , · · · βs , γ1 , · · · , γt > 1 tels que A' r Y Z/αi Z, i=1 B' s Y Z/βi Z, i=1 C' t Y Z/γi Z. i=1 On décompose αi , βi et γi en produit de nombres premiers Y Y Y pai,p , βi = pbi,p , γi = pci,p . αi = p premier p premier p premier Pour chaque premier p, on considère • µk,p le k-ième plus grand entier dans la liste d’entiers a1,p , · · · , ar,p , b1,p , · · · , bs,p (pour certains indices k il est possible que l’on ait µk,p = µk+1,p ) ; • νk,p le k-ième plus grand entier dans la liste d’entiers a1,p , · · · , ar,p , c1,p , · · · , ct,p . 6 Comme la liste µ1,p , · · · , µr+s,p (respectivement ν1,p , · · · , νr+t,p ) est obtenue en réordonnant la liste a1,p , · · · , ar,p , b1,p , · · · , bs,p (respectivement la liste a1,p , · · · , ar,p , c1,p , · · · , ct,p ), en utilisant le lemme chinois, on aura montré que B ' C si l’on montre que s = t et µk,p = νk,p pour tout indice k et tout nombre premier Y Yp. pνk,p . Par construction, on a On pose dk := pµk,p et δk := p premier p premier dk |dk+1 et δk |δk+1 pour tout indice k. D’après le lemme chinois, on a aussi A×B ' r+s Y Z/dk Z A×C ' et k=1 r+t Y Z/δk Z k=1 Comme A × B ' A × C, on a donc r+s Y k=1 Z/dk Z ' r+t Y Z/δk Z. k=1 D’après l’assertion d’unicité dans le théorème de structure des groupes abéliens finis, on a donc r + s = r + t et dk = δk pour tout indice k. En particulier, par unicité de la décomposition en produit de nombres premiers, on a bien µk,p = νk,p pour tout indice k et tout premier p. (2) Un isomorphisme de groupe entre A × B et A × C est donné par l’application : A × C −→ A × B (un )n∈N , (vn )n∈N 7−→ (u2n )n∈N , ((u2n+1 , vn ))n∈N Les groupes B et C ne sont pas isomorphes : B a un élément d’ordre 4, mais tous les éléments de C sont d’ordre divisant 2. Exercice 5. (1) Montrer qu’un groupe abélien fini est cyclique si et seulement si il n’a aucun sous-groupe isomorphe à Z/pZ × Z/pZ pour un certain nombre premier p. (2) Montrer que tout groupe abélien dont l’ordre est sans facteur carré est cyclique. Solution. (1) Soit G un groupe cyclique. Alors tous les sous-groupes de G sont cycliques. Le groupe Z/pZ × Z/pZ n’est pas cyclique puisqu’il n’a aucun élément d’ordre p2 . En particulier, aucun sous-groupe de G ne peut être isomorphe à Z/pZ × Z/pZ. Soit H un groupe abélien fini n’ayant aucun sous-groupe isomorphe à Z/pZ × Z/pZ. D’après le théorème de structure des groupes abéliens finis, 7 H ' n Y Z/di Z pour certains entiers d1 , · · · , dn ≥ 1 tels que di |di+1 pour i=1 tout indice i. On suppose dn−1 ≥ 2. Soit p un facteur premier de dn−1 . On écrit dn = pr δn avec r ∈ N et δn ∈ Z premier à p. D’après le lemme chinois, on a Z/dn Z ' Z/pr Z × Z/δn Z. En particulier Z/dn Z a un sous-groupe isomorphe à Z/pZ. Par suite, H a un sous-groupe isomorphe à Z/pZ × Z/pZ. Par hypothèse ce n’est pas possible. On a donc forcément dn−1 = 1. Par suite on a di = 1 pour tout i < n, i.e. H ' Z/dn Z. Le groupe H est donc cyclique. (2) Soit G un groupe abélien dont l’ordre est sans facteur carré. D’après le n Y théorème de structure des groupes abéliens finis, G ' Z/di Z pour i=1 certains entiers d1 , · · · , dn ≥ 1 tels que di |di+1 pour tout indice i. n Y Le cardinal de G est di . Comme di |dn pour tout indice i, Le cardinal i=1 de G ne peut être sans facteur carré que si di = 1 pour tout i < n.