Dossier thématique
Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 1 - mars 2002
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former “en général” ; l’essentiel du temps
consacré par le praticien à l’information
l’étant à définir ce qui relève du cas parti-
culier du patient ; les concepts généraux
ont pu ainsi être acquis en dehors du
temps de consultation (ce dont le praticien
devra, en théorie, s’assurer). À ce titre, le
document remis avec ce numéro, élaboré
par la SNFCP, concernant l’hémorroïdec-
tomie ouverte, est révélateur. Il a été relu,
y compris par un journaliste grand public
(Michel Cymes-Radio France). Ce travail,
initié en 2000, n’était pas une évidence
pour près de un tiers des sociétés contac-
tées par l’ANAES à l’époque.
Certains praticiens ont déjà réfléchi au
problème que constitue l’élaboration d’un
document écrit. La tentation est forte de
produire un document à caractère local
(que ce soit à l’échelon d’un praticien,
d’un cabinet de groupe ou d’un établisse-
ment de soins).
Trois dangers menacent directement une
telle rédaction :
1. donner une information non validée et
faussement considérée comme établie; sur
le site Internet d’unité de soins, on trouve,
à propos des hémorroïdes, les informa-
tions préventives suivantes qui se passent
de tout commentaire : “Portez des vête-
ments amples non serrés, … lavez-vous à
l’eau claire, … évitez les efforts violents
(sic !)” ;
2. surévaluer les risques pour se protéger.
La surestimation du risque pose d’ailleurs
le problème de la distinction entre vérité
et information. Une vérité sur un risque
sera de type épidémiologique ; mais la réa-
lisation d’un risque est supportée au final
en totalité par le patient ;
3. avoir une rédaction de type défensif.
Le travers le plus souvent noté par
l’ANAES, en dehors des confusions por-
tant sur les termes juridiques, est d’asso-
cier, dans le même document, information
et consentement. Le but de tels documents
est avant tout de protéger le praticien des
conséquences des réclamations d’un
patient. Même si ce dernier déclare par
écrit avoir été informé et avoir pu poser
ses questions, la validité d’une telle décla-
ration est souvent sujette à caution : parce
que le texte n’est pas exhaustif, parce que
la nature des questions posées n’est pas
connue, ou encore parce que l’intelligibi-
lité du document est trop médiocre pour
que la déclaration puisse être considérée
comme “éclairée”.
S
IGNATURE OU NON
-
SIGNATURE
?
Les recommandations de l’ANAES ne
font pas référence à une nécessité de
signature d’un document. Par ailleurs, le
législateur n’accorde pas de valeur à un
document unique ; aussi, à ce jour, n’y a-
t-il pas de consensus sur la modalité indis-
cutable de la preuve et donc sur la néces-
sité de recourir à un document signé.
On peut faire néanmoins les constatations
contradictoires suivantes :
1. un document signé, en étant unique, ne
peut suffire à lui seul à faire la preuve de
l’information. Il peut, au contraire, étayer
l’opinion que le praticien s’est limité à la
délivrance de l’information écrite et à la
faire signer, ou que la relation ne se dérou-
lait pas dans un climat de confiance;
2. le législateur retient en général un fais-
ceau de preuves. À ce titre, la preuve
d’une organisation de la consultation pour
permettre une délivrance de l’information
est souhaitable. À notre connaissance,
l’affirmation écrite dans le dossier que
l’information a bien été délivrée n’a pas
encore été remise en cause par un tribu-
nal. Le courrier entre médecins est égale-
ment un élément de preuve. On peut
concevoir que l’utilisation d’une fiche
d’une société savante, dont on est par
ailleurs membre, pourrait constituer un
élément de preuve ;
3. il faut distinguer la signature d’un
document d’information, qui est imparfait,
et la signature d’un document attestant de
la délivrance d’une information; mais, en
l’absence d’une évaluation de la compré-
hension de l’information et de sa nature,
un tel document apparaît avoir un poids
juridique médiocre ; surtout s’il est isolé.
Actuellement, en l’absence de disposition
à l’échelon national (ordinal, juridique ou
législatif), il n’est pas possible de préco-
niser ou non la signature d’un document
écrit.
P
OURQUOI L
’
INFORMATION
AUXPATIENTS EST
-
ELLE UN OUTIL
DE QUALITÉ
?
La nécessité d’informer s’accompagne
d’une amélioration de la qualité des soins.
En répondant à la demande des patients,
demande dont l’existence a été validée et
dont le corps médical n’a pas à juger le
bien-fondé, on ne peut qu’améliorer la
participation du patient à ses soins. Mieux
compris, ils seront mieux suivis et/ou
mieux supportés.
L’information suppose aussi une bonne
connaissance des référentiels ; le problème
peut provenir, en revanche, de ce qu’ils
n’ont pas été établis. Elle unit dans la
chaîne des soins le prescripteur et le réali-
sateur des actes. Et que ce soit du fait de
la difficulté à annoncer les risques ou du
fait du refus du patient à les prendre, l’in-
formation au patient pousse à se limiter
aux actes essentiels. Devant exposer les
bénéfices attendus et les alternatives, le
médecin acquiert une fonction de conseil
qui lui impose une progression constante
dans son niveau de formation.
Si le but de cette information est bien de
donner les moyens au patient de faire des
choix pertinents et non de donner aux
médecins le moyen de se protéger d’une
mise en cause, le recours à une informa-
tion aux patients s’intègre dans le proces-
sus d’accréditation et permet d’évaluer sa
pratique afin de l’améliorer. Cette organi-
sation positive de l’information est proba-
blement un élément de quiétude pour les
cas où un risque se réalise.
En conclusion, cette approche positive de
l’information à donner au patient est
nécessaire. Faute de quoi, chaque praticien
ne verra ses patients qu’en tant que plai-
deurs en puissance. L’information doit
s’intégrer dans la pratique quotidienne en
sachant que c’est là la pratique habituelle
au quotidien ; que celle-ci ne peut être arti-
culée sur des règles ne visant qu’à éviter
qu’une des deux parties ne soit déclarée
responsable.
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