Concepts de prophylaxie et de traitement des effets secondaires de la radiothérapie de la région cervico-faciale
Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 111: 8/2000 975
(NICHOLLS & ILANKOVAN 1998). Après application du produit de
remplacement artificiel de la salive sous forme de spray, on ob-
tient une humectation d’une durée de 30 minutes en moyenne.
Les patients chez lesquels il faut craindre la survenue d’un tris-
mus en tant que conséquence tardive de la radiothérapie, il fau-
drait instaurer des exercices quotidiens d’ouverture buccale
pendant toute la durée de la radiothérapie. Ce n’est que par ces
exercices que la mobilité des articulations temporo-mandibu-
laires et l’ouverture buccale maximale peuvent être maintenues.
Lorsque le médecin-dentiste se voit confronté à un patient se
plaignant de problèmes dentaires au cours de la radiothérapie
active ou qui n’aurait pas été assaini au plan dentaire avant cel-
le-ci, et que la dose d’irradiation est supérieure à 40 Gy, il n’a en
aucun cas (!) le droit d’extraire des dents dans le cadre ambula-
toire du cabinet. De même, en cas de problèmes parodontaux ou
endodontiques, il ne faut jamais intervenir avant de connaître très
précisément l’étendue du champ d’irradiation et la dose théra-
peutique mise en œuvre chez le patient concerné. Les dents qui
ne se trouvent pas dans le champ d’irradiation peuvent être trai-
tées pour ainsi dire sans risque. Par contre, à ce stade, les avul-
sions dentaires dans la région irradiée ne devraient être effec-
tuées, par principe, que dans le cadre d’une clinique spécialisée.
Une couverture antibiotique à hautes doses, en particulier dans
les cas d’extractions dans la mandibule, ainsi que le recouvrement
par plastie épipériostale sont dès lors les conditions préalables
minimales de la prévention du risque d’ostéoradionécrose.
Prise en charge du patient après
la radiothérapie
Après une radiothérapie de la région cervico-faciale, le traite-
ment de la xérostomie et des symptômes qui en résultent, de
même que la prévention des extractions dentaires par la pro-
phylaxie contre les caries postactiniques et des maladies paro-
dontales sont au premier plan. Afin de maintenir la santé des
muqueuses buccales, du parodonte et des dents, on ne saurait
jamais trop insister sur l’importance capitale des contrôles de
recall à intervalles réguliers. Durant la première année après la
radiothérapie, les intervalles entre les séances de contrôle doi-
vent être relativement rapprochés, à savoir en général toutes les
six à huit semaines. Par la suite, des visites tous les trois à six
mois suffisent. Dans le cadre de ces rendez-vous de prise en
charge continue, les patients doivent chaque fois être remotivés
pour qu’ils respectent les consignes en matière de soins d’hy-
giène personnels. L’hygiène bucco-dentaire et la bonne utilisa-
tion des fluorures prescrits doivent être contrôlées et, le cas
échéant, être adaptées (JANSMA et coll. 1992). Les séances de re-
call jouent également un rôle non négligeable pour le dépistage
le plus précoce possible d’éventuelles récidives de la tumeur.
En général, la xérostomie après la radiothérapie perdure pen-
dant plusieurs mois, voire des années; dans certains cas, elle
risque de persister à vie. Les deux facteurs déterminants pour
la durée de la xérostomie sont, d’une part, la proportion des
glandes salivaires exposée dans le champ d’irradiation et,
d’autre part, la dose totale d’irradiation utilisée lors de la radio-
thérapie. Plusieurs études ont démontré que l’on ne peut guère
s’attendre à une amélioration du flux salivaire dans les cas dans
lesquels l’une des grandes glandes salivaires a été exposée un
champ d’irradiation et que la dose totale appliquée a dépassé les
40 Gy (DREIZEN et coll. 1977, LIU et coll. 1990). Une fois que la
xérostomie s’est installée, le traitement se fonde essentiellement
sur l’utilisation de produits de remplacement artificiel de la sali-
ve ou de sialogogues mécaniques ou chimiques.
Parmi les conséquences de l’hyposalivation, il faut également
relever la survenue d’un pH acide dans la cavité buccale et la
modification de la flore microbienne favorisant la prolifération
des bactéries cariogènes, telles que Streptococcus mutans ou Lac-
tobacillus (BROWN et coll. 1975). Afin d’éviter que la carie post-
actinique ne se développe dans la période après la radiothéra-
pie, les patients doivent s’efforcer de maintenir un degré le plus
élevé possible d’hygiène bucco-dentaire. En outre, il faut tou-
jours et encore informer les patients à propos de l’alimentation
convenant le mieux à leur situation; en effet, la réduction de la
fréquence de l’absorption d’hydrates de carbone à faible poids
moléculaire peut contribuer dans une large mesure à éviter
l’activité cariogène. Dans le cadre des contrôles de suivi, il faut
également surveiller le bon usage du gel fluoré appliqué au
moyen de la gouttière. Dans bien des cas, les patients doivent
continuer ces applications à vie. En cas de découverte d’une ca-
rie active lors d’une visite de recall, la fréquence et la durée de
la fluoration peuvent être accrues temporairement. La gouttiè-
re de fluoration sera dès lors mise en place deux à trois fois par
jour pour un laps de temps de 10 à 15 minutes (ENGELMEIER &
KING 1983).
Toute carie fraîchement diagnostiquée devrait dans la mesure
du possible être traitée au stade initial, afin de prévenir une lé-
sion pulpaire. En dépit de toutes les mesures de prévention, il
n’est pas exclu que des extractions dentaires s’avèrent inévi-
tables chez certains patients, que ce soit pour des raisons cario-
logiques, endodontiques ou parodontales. Lors des extractions
de dents situées dans l’ancien champ d’irradiation, il faut veiller
– à l’instar de ce qui a été évoqué précédemment pour les in-
terventions chirurgicales bucco-dentaires avant la radiothéra-
pie – à soigneusement lisser les berges osseuses vives et à viser
une guérison primaire de la plaie. Afin de réduire encore da-
vantage le risque d’ostéoradionécrose, il faudrait instaurer,
avant l’intervention, une antibiothérapie à titre prophylactique,
tout en prolongeant la couverture antibiotique pour une durée
jusqu’à deux semaines (ROTHWELL 1987). Une pénicilline à lar-
ge spectre d’action ou, en cas de suspicion d’allergie à la péni-
cilline, une céphalosporine, conviennent bien pour ce type
d’antibiothérapie. Après des radiothérapies ayant utilisé des
doses d’irradiation supérieures à 40 Gy, toutes les avulsions
dentaires devraient être réalisées dans une clinique spécialisée,
même lorsque la radiothérapie avait eu lieu plusieurs années
auparavant. En effet, la lésion de l’os alvéolaire, en particulier
dans le maxillaire inférieur, persiste dans bien des cas à vie.
Les patients chez lesquels la musculature masticatrice et/ou
une, voire les deux articulations temporo-mandibulaires avaient
été exposées dans le champ d’irradiation, sont susceptibles de
développer un trismus – même après un laps de temps relative-
ment long après la fin de la radiothérapie (JANSMA et coll. 1992).
Par conséquent, il est important de mesurer l’ouverture buccale
maximale lors de chaque visite de recall et de comparer la valeur
actuelle avec celle enregistrée avant le début de la radiothérapie.
Ce faisant, les patients doivent être instruits à s’astreindre à des
exercices d’ouverture buccale, exercices qui seront à continuer
pendant une période allant jusqu’à une année après la fin de la
radiothérapie, le cas échéant avec le soutien d’une physiothéra-
pie adjuvante.
Prévention et traitement de l’ostéoradionécrose
La survenue d’une ostéoradionécrose est favorisée par deux
groupes de facteurs de risque et de facteurs favorisants, à savoir,
d’une part, les paramètres de la radiothérapie et, d’autre part,les