L Fractures et chutes : 2 marqueurs GRIO

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Coordonné par T. Thomas
(Saint-Étienne)
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Fractures et chutes : 2 marqueurs
de la fragilité chez la personne âgée
J.B. Gauvain
(Gérontologie, hôpital Porte Madeleine, CHR d’Orléans)
L
e terme de “fragilité” en gériatrie n’est ni
synonyme de maladie ou de handicap, ni
adéquat pour caractériser des sujets très
âgés. Il s’apparente à un processus continu
physiopathologique par lequel l’interconnexion
progressive de plusieurs facteurs (maladies,
traitements, dénutrition, manque d’activité,
environnement inadapté) devient délétère sur
le plan clinique. L’ostéoporose et la sarcopénie
en sont des conséquences bien connues, et la
diminution des capacités de réserve va freiner
les efforts physiques de la personne âgée. Le
cercle vicieux qui s’installe ainsi de façon insidieuse aggrave la sarcopénie, de même que
le risque de chutes et d’événements fracturaires. Une définition de la fragilité comme
syndrome clinique (1) a permis de cibler ce
profil de patient. La personne âgée n’est pas
toujours consciente de cet état de fragilité, de
son instabilité, et le banalise : or, c’est justement l’inverse, le caractère encore réversible
doit inciter à s’y intéresser. L’existence d’une
chute au cours de l’année passée constitue
chez la personne âgée un mode d’entrée dans
la fragilité qui témoigne d’une désadaptation
de l’individu à son environnement.
La fréquence des fractures et des chutes est
en augmentation du fait de plusieurs phénomènes qui se conjuguent : arrivée à l’âge de
la retraite de la génération des baby-boomers
depuis 2005, profil des patients qui change
(plus de comorbidités), avec un niveau de
“fragilité” qui s’accroît (2). L’incapacité liée
à la fracture de l’extrémité du col du fémur
est d’autant plus importante que l’âge ou le
nombre de comorbidités est élevé et que les
troubles de la marche sont importants. Par
exemple, le suivi prospectif sur 5 ans, avec une
approche holistique, de plusieurs indicateurs
chez 193 personnes âgées montre la forte prévalence de la sarcopénie (71 %) et de la dénutrition (58 %) [3]. Les caractéristiques du patient
au moment de la fracture influencent les capacités de récupération, mais aussi le processus de
soins (le délai d’intervention), la précocité de la
mobilisation, l’impact d’une intervention gériatrique, l’adhésion à la réhabilitation, voire le
recours aux compléments nutritionnels, même
si ce dernier point reste discuté.
Mais toute la question est de repérer des facteurs de risque, facilement mesurables, et modifiables, soit pour permettre une récupération
postopératoire plus rapide, soit pour mieux
prévenir les chutes et anticiper les événements
fracturaires. Une démarche préventive telle que
recommandée par la Haute Autorité de Santé
fait consensus (4). Le risque de chutes répétées
résulte davantage de l’accumulation de facteurs que d’un facteur unique : c’est donc une
démarche holistique qui permet d’élaborer des
recommandations efficaces. Il est ainsi recommandé de s’intéresser au mécanisme de la chute,
à la recherche de facteurs intrinsèques dépendant de l’état de santé de l’individu (pathologies neurologiques et rhumatologiques, vision,
traitements médicamenteux, etc.), mais aussi
d’éléments extrinsèques (chaussures, éclairage,
obstacles au sol) et comportementaux (capacité
aux transferts, aides techniques à la marche).
L’appui monopodal inférieur à 5 secondes, le
get up and go test supérieur à 20 secondes,
la vitesse de marche inférieure à 0,8 m/s et la
variabilité du pas sont prédictifs de chutes (5).
Les résultats des études d’intervention diffèrent
selon leurs objectifs (diminution du nombre de
chutes, de leur gravité ; maintien de l’autonomie, de la qualité de vie), mais l’effet d’une
intervention est d’autant plus important que
la population ciblée est à risque de chute. Or,
le principal facteur de risque de chute est le
fait d’en avoir déjà fait une. Le développement
de consultations gériatriques pluridisciplinaires
spécifiques de la chute répond à une démarche
consensuelle relevant d’une approche plurifactorielle qui s’attache à corriger les principaux facteurs de risque de chute repérés et
à remettre en route la pratique d’une activité
physique. Le manque d’intérêt des personnes
âgées pour ces activités est le témoin de leurs
difficultés d’adhésion aux différentes recommandations. Plus la personne âgée avance
en âge, plus le suivi de ces recommandations
nécessite donc un travail interdisciplinaire
organisé en réseau : chutes et fractures sont
bien l’affaire de tous.
■
Références bibliographiques
1. Fried LP, Tangen CM, Walston J et al. ; Cardiovascular
Health Study Collaborative Research Group. Frailty in
older adults: evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol
Sci Med Sci 2001;56(3):M146-56.
2. Faber MJ, Bosscher RJ, Chin AP et al. Effects of exercise
programs on falls and mobility in frail and prefrail older
adults: a multicenter randomized controlled trial. Arch
Phys Med Rehabil 2006;87:885-96.
3. Fiatarone Singh MA, Singh NA, Hansen RD et al. Methodology and baseline characteristics for the Sarcopenia and
Hip Fracture Study: a 5-year prospective study. J Gerontol
A Biol Sci Med Sci 2009;64A(5):568-74.
4. HAS 2009 : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/
application/pdf/2009-06/chutes_repetees_personnes_
agees_-_argumentaire.pdf.
5. Abellan Van Kan G, Rolland Y, Andrieu S et al. Gait
speed at usual pace as a predictor of adverse outcomes
in community-dwelling older people. An International
Academy on Nutrition and Aging (IANA) Task Force.
J Nutr Health Aging 2009;13(10):881-9.
66 | La Lettre du Gynécologue • nos 372-373 mai-juin 2012 LG 2012-05/06ok.indd 66
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